Laura : Solitude
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=ygur5AaVzgA
Mon réveil sonna aux aurores et me réveilla en douceur en ce dimanche matin. Après être restée encore quelques minutes dans mon lit, l’esprit totalement embrumé, je m’étirai et baillai un bon coup pour me donner de l’énergie et je passai mon regard par la fenêtre. Le ciel était bleu azur et il n’y avait pas un seul nuage à l’horizon. Le temps idéal pour se promener sur les rives de la tamise.
Prenant quelques affaires, je partis me préparer dans la salle de bain. Ce jour-là, j’avais décidé de faire les choses au mieux. Après tout, cela faisait tellement longtemps que je n’étais pas sortie le week end, il fallait que je marque le coup.
Ainsi, après avoir pris une bonne douche et m’être coiffé, j’enfilai un élégant tee-shirt blanc à dentelles ainsi qu’une jupe courte assortie. Ce n’était pas dans mon habitude mais je m’attachai également les cheveux avec une barrette, sachant déjà que ma coiffure n’allait pas tenir toute la journée sans cela.
Finalement, après une bonne heure de préparation, je sortis enfin de la salle de bain et je rassemblai quelques affaires dans un petit sac à dos, dont le poème de Darksky que j’emmenai où que j’aille, ainsi que divers autres accessoires qui aurait pu me servir avant de descendre au rez-de-chaussée.
Il n’était encore que neuf-heures du matin, ce qui me laissait un gros délai avant de devoir rejoindre Théodore devant l’école.
Ainsi, je pris mon petit déjeuner sans me presser, l’esprit ailleurs, à tel point que je ne remarquai même pas Arnold pour une fois. Je tentai de planifier un peu ce que nous allions faire mais, comme je n’étais pas une grande habituée des fêtes foraines, je ne réussis qu’à tourner en rond et abandonner, pensant improviser sur place. https://www.youtube.com/watch?v=Wp0xitgAc4A Lorsque dix-heures sonnèrent, je sortis de la maison et enfourchai mon vélo pour prendre la direction de l’école.
La ville était toujours assez calme mais le dimanche, personne ne semblait réveillé avant midi si bien que toutes les rues étaient désertes, à l’exception de quelques promeneurs matinaux. Ainsi, n’ayant pas à me soucier des autres voitures, je pus prendre tout mon temps pour arriver, profitant de la température idéale et de la brise légère qui soufflait en cette belle journée de printemps.
J’arrivai en ville une demi-heure plus tard et je profitai une fois de plus de mon avance pour faire un petit détour et me promener tant qu’il n’y avait aucune voiture. Je passai ainsi devant de nombreux parcs et bâtiments historiques comme Buckingham palace ou Big Ben, lieux que je n’avais pas l’occasion de voir en semaine.
Vers one heure et demi, j’arrivai enfin devant l’école après m’être perdue à force de déambuler et, sans surprise, Théodore était arrivé lui aussi et était adossé à la grille de l’école avec son éternel air peu avenant. Cela me faisait bizarre de le voir sans son uniforme et avec des vêtements tout à fait classiques, à savoir un sweat rouge et un simple jean.
Je m’arrêtai juste devant lui et, lorsqu’il leva la tête vers moi, il rougit aussitôt et détourna le regard. https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU -Et bien, on dirait qu’aucun d’entre nous n’est capable de respecter l’heure dite ! Lançai-je en guise de salutation.
-A…Apparemment, oui ; bégaya-t-il.
-Et sinon, quel est le programme de la journée ?
-Tu voulais aller à la fête foraine non ? Allons déjeuner là-bas et on avisera ensuite ; me répondit-il en commençant à s’éloigner.
-Comme tu voudras, je te suis ! M’exclamai-je avec entrain.
Sans ajouter un mot, nous prîmes le même chemin que quelques mois plus tôt. Comme je m’y attendais, Théodore ne parla que peu et ce fut à moi de faire la conversation, une fois de plus. Cependant, je vis que quelque chose avait changé dans son attitude ce jour-là. En effet, pour la première fois depuis que je le connaissais, il semblait m’écouter et être intéressé par ce que je racontais. Pire encore, il me posa quelques questions pour réagir à mes propos.
Lorsque nous arrivâmes à l’entrée de la fête foraine sur les rives de la tamise, je lâchai un cri d’étonnement et mes yeux se remplirent d’étoiles. Devant nous et sous le London Eye, des dizaines d’attractions avaient été montées allant du simple carrousel au grand huit de plus de dix mètres de haut en passant par les stands comme les trains fantômes ou encore les trampolines.
A partir de là, mon sang ne fit qu’un tour et, pressée d’essayer toutes ces manèges je pris la tête, fonçant acheter des tickets en tirant Théodore par la manche.
-Alors, par quoi tu veux commencer ? Lui demandai-je en regardant avec excitation de tous les côtés une fois que nous fûmes à l’intérieur.
-Je t’ai dit que je ne monterai pas dans…
-Que dis-tu de celle-là pour commencer ? Le coupai en lui montrant un bras géant qui tournait sur lui-même à plus de cinquante kilomètres heure.
Théodore écarquilla les yeux et serra les dents, se retenant visiblement de grimacer et je pouffai devant sa réaction.
-Allons, ne me dis pas que tu as peur ? Le taquinai-je.
-Je…Je n’ai pas peur ! Rétorqua-t-il en maitrisant les tremblements de ses mains. Juste qu’on n’a même pas encore déjeuner et que je commence à avoir faim !
Au moment où dit cela, mon ventre gargouilla et je me rendis compte que moi aussi, je commençai à avoir un petit creux. Reportant donc à plus tard le bras géant, nous cherchâmes un endroit où déjeuner et nous trouvâmes assez rapidement un snack un peu à l’écart, juste à côté des trampolines et de la pêche à la ligne.
Nous nous installâmes à une table et, après avoir pris nos commandes, je tentai de relancer la conversation qui était en train de mourir.
-Tu m’as l’air bien familier avec les lieux, Théo, tu es déjà venu ici ? Lui demandai-je avec un regard malicieux.
-Non, jamais. Et ne m’appelle pas comme ça, j’ai horreur de ce diminutif.
-Jamais ? Tu es déjà allé à la fête foraine, rassure-moi !
-Non plus.
-Tu es vraiment un cas désespéré ; soupirai-je. Tu as l’occasion d’y aller quand tu veux et tu n’y vas pas…
-Y aller tout seul n’a aucun intérêt ; me répondit-il en buvant une gorgée d’eau.
-Comment ça « tout seul » ? Répétai-je, sceptique. Tu ne vas quand même pas me dire que tu n’as jamais eu aucun ami ! https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0 -Si…mais plus maintenant que j’ai déménagé…Murmura-t-il en regardant son verre d’eau d’un air nostalgique.
-Tu as déménagé ? Je l’ignorai…
-C’était il y a deux ans. Je vivais en Amérique mais mes parents ont dû se rendre en Angleterre pour leur travail mais ce n’est pas une histoire intéressante.
-Au contraire, je suis étonnée que tu te comportes ainsi en classe si tu as eu des amis par le passé. Tu n’as donc pas envie de t’en faire de nouveau ?
-Tu peux parler toi. Tu traines avec l’asocial de la classe je te rappelle ; rétorqua Théodore en haussant les épaules.
-Oui, mais moi je me suis mise John à dos dès mon arrivée. J’imagine que ça a scellé ma réputation ; ris-je légèrement.
-Et bien tu as ta réponse pour mon cas aussi ; dit mon ami en baissant les yeux.
-Tu…T’es battu avec John ? M’étranglai-je. Toi, monsieur deux de tension ?!
-Je n’ai pas deux de tension, je n’aime pas l’agitation, c’est tout ; grogna Théodore. Et non, je ne me suis pas battu, je me suis fait écraser, c’est différent.
Je ne sus pas quoi répondre à cela. Je ne voulais pas avoir l’air de le prendre en pitié alors que j’avais battu cet idiot de John les mains dans les poches mais je ne pouvais pas non plus rire de sa situation ou même faire comme si ce n’était pas grave…
Je sentis alors un malaise grandir entre nous tandis que nous ne dîmes rien pendant plusieurs secondes et ce fut finalement Théodore qui reprit la parole.
-Enfin, c’est du passé maintenant. Ce qui est arrivé est arrivé, on n’y peut rien, c’est comme ça. J’ai juste changé mes habitudes à la suite de cet incident.
-Et bien il est temps de les changer à nouveau, tu ne penses pas ? Finis-je par lui répondre avec un large sourire.
-Tu veux que j’aille défier à nouveau John pour me faire battre lamentable une seconde fois ? Railla-t-il.
-C’est une possibilité oui…mais non. Laisse-moi m’occuper de ça !
-Ne te préoccupe pas de moi. Ce n’est pas la peine d’aller défier John pour cette histoire…
-Mais je n’ai pas dit que j’allais faire ça ; rétorquai-je. Mais, depuis qu’on se connait, tu n’as plus peur de parler aux autres malgré John, n’est-ce pas ? Du moins, tu me parles à moi !
Un léger sourire se dessina sur le visage de Théodore et il haussa à nouveau les épaules.
-J’imagine que j’ai plus peur de toi que de lui dans ce cas.
Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire en entendant cela. Je ne savais pas s’il était ironique ou sérieux mais dans les deux cas, sa remarque était ridicule. Je mis deux bonnes minutes avant de retrouver mon souffle et j’eus mal au ventre à force de rire.
-Dans ce cas, si tu as si peur de moi, je t’ordonne de venir dans le bras qui tourne après le déjeuner ! Lançai-je en pointant du doigt le manège.
-Après le déjeuner…Tu n’as pas pire comme horaire ?
-Si mais pas dans l’immédiat !
Théodore soupira et nos assiettes arrivèrent peu après. Cependant, nous ne restâmes pas bien longtemps après à table car, après avoir appris cette histoire avec John, je n’avais plus qu’une seule idée en tête : rendre à Théodore ce qu’il avait perdu à cause de cette brute épaisse ! https://www.youtube.com/watch?v=oZ5OgIZ1GNs Immédiatement après, je fonçai en direction du bras géant mais quelque chose d’autre attira mon attention sur le chemin : les auto-tamponneuses. Sans réfléchir une seconde de plus, je nous pris deux billets et un instant plus tard, je me retrouvai à poursuivre mon ami qui tentait tant bien que mal d’échapper aux collisions, sans succès.
Nous enchainâmes ensuite les attractions : Stand de Tir, chamboule tout, grand huit, stand de barba papa et même le train fantôme dans lequel Théodore cria beaucoup, particulièrement quand un homme déguisé en squelette se mit à nous poursuivre et je le taquinai tout le reste de la journée avec ça.
Finalement, nous ne montâmes dans le grand bras que vers dix-sept heure et, une fois en haut, je regrettai soudain d’avoir eu une idée pareille…
Je me trouvai à plus de vingt mètres au-dessus du sol, attachée uniquement par une petite ceinture de sécurité et une barre de fer tandis que sous mes pieds s’étendait le vide…
Je me tournai vers Théodore mais il s’était transformé en statue et ne bougeait plus d’un pouce, regardant droit devant lui.
Je m’apprêtai à lui lancer une pique mais le manège redémarra subitement et je fus propulsée à toute vitesse vers le sol avant de repartir vers l’arrière en criant et riant en même temps.
Je m’amusai vraiment dans ces attractions et j’étais persuadée que Darksky se serait vraiment plu lui aussi. Il allait vraiment falloir que je l’emmène dans un manège de la sorte à mon retour. Je souriais bêtement rien qu’en pensant à la tête qu’il ferait…
Lorsque nous descendîmes enfin du manège infernal, mes jambes tremblaient un peu mais ce n’était rien comparé à Théodore qui ne savait visiblement plus mettre un peu devant l’autre et était entièrement vert. https://www.youtube.com/watch?v=ib699nL9-mI Ainsi, nous allâmes simplement nous asseoir sur un banc dans le parc, un peu à l’écart de la fête foraine pour avoir de la tranquillité et nous restâmes là le temps de récupérer de nos émotions.
Le parc en lui-même était assez beau. Nous nous trouvions dans une large allée poussiéreuse et bordée d’arbres bourgeonnants. Derrière nous, les bruits atténués de la fête nous parvenaient et, de l’autre côté, à quelques dizaines de mètres à peine coulait la tamise, surmontée par cette immense grande roue qu’était le London Eye.
Le soleil commençait à décliner à l’horizon et projetai ses rayons rougeoyants sur l’eau calme et limpide du fleuve traversant la grande ville.
Cette ambiance m’apaisa rapidement et me rappela vaguement les journées que je passais avec Darksky dans le parc, après nos duels. Nous restions souvent assis de la sorte sur un banc, parlant de tout et de rien, regardant simplement le paysage et les autres duels se déroulant sous nos yeux.
Je me tournai alors vers Théodore qui semblait peu à peu reprendre ses esprits et je décidai de briser le silence.
-Dis, Théo, tu as encore de l’énergie pour une dernière attraction ? Lui demandai-je calmement.
-Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça ; grogna-t-il. Et non, ne compte pas sur moi pour remonter dans un truc pareil…
-Je pensais à quelque chose de plus calme…comme la grande rouge…
Mon ami tourna son regard embrumé vers le London Eye et il sembla tout à coup retrouver ses esprits puis acquiesça.
Ainsi nous nous dirigeâmes vers l’attraction phare de la fête ainsi qu’un des emblèmes de la ville. Une fois au pied de la grande roue, je fus une nouvelle fois impressionnée par sa taille titanesque. Je voyais les petites cabines s’élever lentement et devenir de minuscules points dans le ciel.
Nous prîmes nos places et, lorsque nous montâmes à notre tour dans notre cabine et que la porte se referma, un silence de mort s’installa alors et nous commençâmes notre lente ascension vers le sommet de la roue.
Nous nous trouvions l’un en face de l’autre mais Théodore était accoudé à la vitre et regardait par la fenêtre sans dire un mot.
Nous n’étions même pas à mi-hauteur que je pouvais déjà voire presque toute la ville et je fus une fois de plus émerveillée par sa beauté. Je me serais vraiment crue dans un de ces films reproduisant les villes du XIVème siècle. Il fallait ajouter à ce décor déjà unique les couleurs du couchant, oscillant entre l’orangé et le rouge qui donnaient à ce tableau un côté mystérieux et majestueux, comme si toute la ville et même le fleuve étaient en feu.
Je plongeai mon regard un peu plus loin et je réussis à distinguer Viridian, petit coin de verdure perdu au beau milieu de la campagne qui me semblait vraiment minuscule en comparaison avec Londres.
La cabine s’arrêta alors au sommet de la grande roue et mon ami prit la parole à ce moment précis.
-Laura…Dit soudain Théodore sans me regarder, focalisant son regard vers l’extérieur.
-Un problème ?
-Non…Je me disais juste que…Je n’aurais pas imaginé venir ici un jour avec toi quand on s’est rencontrés…
-Et moi donc ; lui répondis-je en riant légèrement. Surtout que tu disais toi-même que tu n’en voyais pas l’intérêt…
-Justement…Je dois t’avouer que je ne t’ai pas vraiment appréciée au début…J’avais plus l’impression d’être de corvée, moi qui ne désirais qu’être seul…
-ça, je l’ai remarqué oui…Marmonnai-je.
-En fait, je voulais te remercier en t’invitant aujourd’hui…Continua-t-il tandis que son visage s’empourprait à nouveau.
-Me…remercier ? répétai-je sans comprendre où il voulait en venir.
-Oui. Quand tu as défié John, j’ai d’abord cru que tu étais folle, comme moi…Mais quand j’ai vu que tu l’avais mis au tapis, tu m’as redonné espoir…
-Et bien, j’en suis ravie ; lançai-je avec entrain. Je suis contente de voir que même ici, je peux être utile à quelqu’un !
-Tu es la première personne depuis mon arrivée en Angleterre que je peux appeler « une amie » et tu seras surement la seule, vu comme les choses sont arrangées.
-J’imagine que c’est la même chose pour moi, j’imagine qu’il est trop tard pour tenter de redorer mon blason auprès des autres maintenant. Nous sommes dans la même galère on dirait ! M’amusai-je.
-Mais c’est aussi pourquoi, je dois te dire quelque chose Laura.
Théodore se tourna enfin vers moi et je pus remarquer que son visage, d’habitude si inexpressif, venait de prendre un sérieux que je ne lui connaissais pas tandis que la lumière orangée s’infiltrant par la fenêtre de la cabine dessinait des ombres mystérieuses derrière lui.
-Je crois…Non, j’en suis sûr. Je t’aime, Laura Garden. Bien plus qu’une simple amie, alors, s’il te plait, réponds-moi, est-ce que toi aussi, tu…
J’interrompis le garçon dans sa phrase d’un signe de la main et son visage se crispa. Même si ses mots me touchaient autant qu’ils me surprenaient, je n’hésitai pas une seule seconde en lui donnant ma réponse.
Prudemment, je secouai la tête en fermant les yeux puis je tentai de lui sourire gentiment tout en prenant la voix la plus douce que je pus.
-Désolée…Théodore…Je t’apprécie énormément et je te suis infiniment reconnaissante pour aujourd’hui et pour tout ce que tu as fait depuis mon arrivée…mais ce n’est pas ce que je désire…
-Je…Je vois…Bégaya-t-il, le regard tout à coup remplie d’une infinie tristesse. J’imagine que j’ai été idiot une fois de plus…
Un coup de vent souffla et fit tanguer la nacelle quelques instants tandis que la roue se remit en mouvement.
Je me sentais vraiment mal à ce moment-là. Je voulais vraiment lui dire quelque chose pour le conforter, le rassurer ou même le consoler mais les mots ne vinrent pas. Je n’osais même plus le regarder en face…Je ne savais tout simplement pas comment réagir face à cette situation et je ne pus rien faire d’autre que de laisser un profond malaise s’installer jusqu’à ce que notre cabine soit de retour sur le sol.
Lorsque nous descendîmes, je me mis à me dandiner d’une jambe sur l’autre, cherchant quelque chose à dire pour briser la glace entre nous mais Théodore avait désormais la tête baissée et le regard vide, exactement comme le jour où nous nous étions rencontrés.
Désespérée, je tentai le tout pour le tout et je cherchai dans mon sac à dos si par hasard je n’aurais pas eu quelque chose à lui donner mais, alors que toutes mes affaires étaient sorties, le poème de Darksky s’envola et atterrit juste aux pieds de Théodore qui le ramassa sans conviction.
Mon cœur s’arrêta lorsque je vis cela et je devins blanche comme un linge au moment où il déplia le papier.
-Je…Je…
-Je vois…Déclara-t-il d’une voix monocorde. C’était donc ça…Je n’ai jamais eu aucune chance…
En fermant les yeux, il me redonna simplement le poème et mit les mains dans ses poches avant de me tourner le dos et de shooter dans un caillou pour l’envoyer dans le fleuve.
-Je suis désolée, Théodore…J’aurais du te le dire plus tôt…Mais…
-Non, c’est moi qui suis stupide ; me coupa-t-il. Et j’imagine que même sans cette personne, tu m’aurais dit non de toute façon…
-Honnêtement…Je ne sais pas…Lui répondis-je en serrant le poing et détournant le regard à mon tour.
-Je vois ; se contenta-t-il de répondre.
Sur ces mots, Théodore commença à s’éloigner de moi sans rien ajouter et, dans un ultime espoir de le retenir, je m’écriai :
-On…On se voit demain, hein !
Le garçon ne me répondit rien et disparut dans l’obscurité, me laissant seule au pied de cette grande roue, serrant le poème contre mon cœur et sentant quelques larmes couler le long de mes joues en réalisant que je venais de perdre quelque chose de bien plus précieux que je ne le pensais… https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8 Une fine pluie se mit à tomber et l’obscurité se fit de plus en plus présente en même temps que les lampadaires de la ville s’allumaient et diffusaient une faible lumière jaunâtre à moitié étouffée par les gouttelettes d’eau rebondissant sur le métal. La température avait chuté brutalement et mon souffle formait à présent une légère fumée qui se dissipait rapidement.
Je restai là, debout au milieu d’une foule d’inconnue, immobile, trempée jusqu’aux os, frigorifiée et pleurant pendant plusieurs minutes, à la fois détruite et tiraillée entre le désir de retrouver Théodore et celui de tenir ma promesse à Darksky. Pour la première fois, une pensée affreuse me traversa la tête et ma main trembla contre mon cœur tandis que je me mis à regretter d’avoir participé à ce tournoi, des années plus tôt.
-Et si…Et si je n’avais jamais Darksky…Si je n’avais jamais commencé le duel de monstre…Si j’avais su apprécier ma vie comme elle était…Aurais-je été heureuse ? Murmurai-je en levant les yeux au ciel.
Aucune étoile ne brillait au-dessus de ma tête. Seuls d’énormes nuages noirs d’orages déversaient une pluie torrentielle et froide tandis que le tonnerre grondait au loin et que quelques éclairs déchiraient ce ciel sombre pendant que la foule se dissipait peu à peu jusqu’à ce que je fusse totalement seule au milieu de cette place qui, quelques instants plus tôt, grouillait encore de vie et de joie.
Soudain, je ne sentis plus les gouttes de pluie tomber sur ma peau et le bruit caractéristique de l’eau tombant sur un tissu tendu juste au-dessus de moi monta descendis jusqu’à mes oreilles.
Je me retournai lentement et je distinguai dans la pénombre du soir le visage souriant de mon frère tenant un parapluie pour le protéger.
Je n’étais même pas étonnée de le voir ici et je ne lui demandai même pas. Je n’étais plus d’humeur à plaisanter avec lui ou me prendre la tête. Je voulais simplement me réveiller de ce mauvais rêve que j’étais en train de vivre…
-Il est temps de rentrer, tu ne crois pas, Laura ? Me dit-il d’une voix douce en me prenant par l’épaule.
Je ne répondis rien et continuai à fixer droit devant moi le chemin que Théodore avait pris pour rentrer, l’esprit vide de toute pensée.
Nous restâmes encore là sous la pluie, tous les deux, sans bouger, pendant plusieurs minutes, ne me rendant même pas compte que mon frère n’était pas protégé de la pluie battante, lui. Puis, après un long silence, Arthur reprit la parole.
-Il reviendra ; déclara-t-il d’un air confiant.
-Je ne sais pas quoi penser…Avouai-je en secouant la tête.
-Lui non plus j’imagine ; me répondit mon frère en haussant les épaules. Laisse-lui simplement un peu de temps. Il n’y a rien d’autre que tu puisses faire désormais.
Je serrai à nouveau le poing et me mordis la lèvre, maudissant ma propre bêtise. Encore une fois, j’avais parlé sans réfléchir et par ma faute, parce que je lui avais donné un espoir vide de sens, tout comme j’avais détruit Darksky en refusant de lui dire la vérité plus tôt, je venais de blesser mon seul et unique ami dans cette ville…
Sans dire un mot de plus, nous rentrâmes à la maison, mon frère et moi, sous cette pluie battante et froide, laissant derrière nous l’animation et les rires de la ville pour nous enfoncer dans la campagne silencieuse qu’était notre petite ville à l’écart du monde. https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw Les jours qui suivirent, Théodore ne vint pas en cours et je me retrouvai totalement seule dans la classe, avec pour uniques voisins une chaise et un bureau vides. Je tentai bien de le contacter par l’intermédiaire des professeurs mais aucun n’eut de réponse, comme s’il s’était volatilisé dans la nature. Même au centre de duel, personne n’avait de ses nouvelles.
Ainsi commença une longue période d’errance pendant laquelle je ne vivais plus que pour tenir ma promesse à Darksky. Ces mots que nous avions prononcés sur la falaise ce jour-là étaient la dernière chose qui me poussai à avancer malgré tout, mon dernier espoir, la dernière chose que je ne pouvais pas abandonner, peu importe les obstacles à présent qu’à cause d’elle, j’avais tout perdu…
Après une semaine passée ainsi, je pouvais le dire sans hésitation : je détestais cette ville. Elle était pleine de souvenirs que j’aurais préféré oublier. Ma vie se résumait à me lever le matin, aller à l’école, manger seule dans mon coin, écouter les cours et rentrer chez moi avec comme unique but celui d’un jour retourner à cet endroit que j’aimais tant. Ce cycle se répétant encore et encore…N’y avait-il aucun moyen pour m’en échapper ?…
La maison était peut-être le seul endroit où je me trouvai à ma place, entourée de ma famille. Là, je n’avais pas besoin de penser à toutes ces choses désagréables qui me hantait et je pouvais tout simplement vivre, oubliant mes soucis et mes tracas qui revenaient aussitôt la maison quittée.
Théodore revint finalement en classe après une semaine d’absence mais continua à se tenir loin de moi, m’ignorant totalement malgré mes tentatives désespérées pour renouer contact avec lui. Même les remarques de Doom ne lui faisaient plus rien. C’était comme s’il m’avait effacé de sa vie, comme si pour lui, je n’existais plus. Ainsi, ma motivation finit par s’essouffler elle aussi et, après un mois, nous étions redevenus deux inconnus l’un pour l’autre.
Les jours passèrent, puis les mois, et même un an sans que je m’en aperçoive, perdue dans le monde que je m’étais créé, rejetant la vraie vie. J’étais comme un fantôme dans cette école, et, paradoxalement, John était le seul de la classe qui me rappelait que j’étais bien présente et visible aux yeux de tous lorsqu’il me jouait de mauvais tours comme me prendre mon gouter ou déchirer mes devoirs. Cependant, je l’ignorai la plupart du temps, et donnai une bonne raclée à ses acolytes lorsque j’étais de mauvaise humeur.
Pendant les vacances d’été, mon père nous ramena dans cette ville où j’avais grandi et pour la première fois depuis longtemps, mon cœur se remit à battre la chamade. J’étais persuadée que j’allais retrouver Darksky après tout ce temps et que tout allait s’arranger…Cependant, j’eus beau faire le tour de la ville, je ne le trouvai ni au parc, ni à la falaise et encore moins chez lui…
Durant notre dernier jour de vacances, je crus distinguer quelqu’un lui ressemblant de dos de l’autre côté de la rue alors que je m’apprêtai à rentrer à l’hôtel mais, au moment où je voulus le rejoindre, le feu passa au vert et un défilé de voiture m’empêcha de traverser, laissant le temps à ce garçon de disparaitre à l’angle de la rue, détruisant ainsi mes derniers espoirs de revoir Darksky…
La routine reprit, de même que l’ennui et la solitude. Plus l’année avançait et plus mes espoirs d’être en mesure de tenir ma promesse s’amenuisaient. Je n’avais qu’une envie : mettre fin à tout ça. Je rêvai de partir à l’aventure, découvrir de nouvelles choses, voir de nouveaux horizons, fuir cette routine qui m’accablait et me détruisait lentement…
J’envisageai vraiment cette possibilité à un moment. J’avais même préparé une lettre d’au revoir à ma famille mais je me résignai au dernier moment. C’était au-dessus de mes forces et stupide…Je n’aurais pas été capable de survivre plus de deux jours dans la nature sans mes parents…
Ainsi, la routine se poursuivit, encore et toujours, jusqu’au jour où John débarqua un soir dans la classe, accompagné de ses quatre abrutis d’acolytes. J’avais l’habitude de rester seule après les cours, le regard perdu à travers la fenêtre et ces idiots avaient dû le remarquer. Cependant, je n’eus aucune réaction lorsqu’ils s’approchèrent de moi, l’air menaçants. Même lorsque le leader frappa ma table de son poing, je restai impassible, ne détachant pas mon attention de lu paysage à l’extérieur. https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4 -Et bien, et bien, Laura, où sont passées tes fanfaronnades du premier jour ? Railla-t-il en me dévisageant d’un air sévère. Ce n’est pas trop dure d’être tout le temps seule maintenant que ton « ami » t’a abandonnée ? Tu sais, si tu nous avais rejoints, tu n’aurais pas eu à subir tout cela…
-Peut-être…Mais j’aurais perdu mon intelligence en échange donc j’imagine que je n’ai pas fait le mauvais choix ; lui répondis-je sans conviction.
-Tu as la langue bien pendue, cela ne m’étonne pas que tu n’aies aucun ami…Grimaça la brute.
-Je préfère être seule qu’entourée de gens comme toi ; rétorquai-je sèchement.
Cette phrase fut visiblement celle de trop et John s’empara alors de mon sac. Je me levai pour le lui reprendre de force mais ses gorilles me retinrent par les manches. Je n’eus aucune difficulté à me débarrasser d’eux mais cet instant pendant lequel je les envoyai valser me fut fatal. John avait trouvé le poème de Darksky dans mon sac et le tenait dans ses mains.
Je m’arrêtai net et mon poing se serra tandis que je sentais la colère monter en moi.
-R…Rends-moi ça. Lui ordonnai-je en me contenant.
-C’est un bien joli poème que tu as là ma chère ; railla-t-il.
-Je te préviens…Si tu touches à ça, tu vas le regretter amèrement ; le menaçai-je d’une voix glaciale.
-Et qui va m’en empêcher ? Toi ? Si tu fais ne serait-ce qu’un pas de plus, tu peux dire adieu à ce ridicule bout de papier.
Je crus que j’allais exploser mais un bruit de pas dans le couloir détourna notre attention et nous nous retournâmes tous les deux pour voir Théodore rentrer dans la classe. J’eus à ce moment un infime espoir qu’il vint à mon secours mais ce dernier se contenta de rentrer, passer devant nous sans même faire attention à John ou à moi puis repartit sans dire un mot après avoir pris une feuille dans son casier.
La brute de la classe éclata de rire en voyant cela.
-Sérieusement, je ne sais pas ce que tu lui as fait mais tu dois être encore pire que moi pour qu’il t’ignore de la sorte ! S’exclama John entre deux éclats de rire.
-Je ne t’ai pas demandé ton avis ; grimaçai-je. Alors maintenant, rends-moi ce poème !
Je me précipitai sur lui pour lui arracher la feuille des mains mais le garçon poussa une table entre nous pour me stopper dans ma course puis, m’adressant un large sourire carnassier, il déchira en deux le dernier présent que Darksky m’avait fait…
Alors que je voyais les deux bouts de papier s’éloigner l’un de l’autre, je sentis mes souvenirs avec Darksky se briser en même temps pour disparaitre peu à peu. Mais aucune larme ne me vint cette fois-ci. Je ne ressentais de la haine à l’état pur envers lui et Théodore qui avait refusé de m’aider. Une haine telle que je ne pouvais plus la contenir plus longtemps et je la laissai exploser.
-Très bien, tu l’auras voulu John, je vais te le donner ton combat si c’est ce que tu veux ! Hurlai-je tandis que tout mon corps était envahi d’une énergie nouvelle.
-Voilà ce que je voulais entendre ! Que dirais-tu de demain ? Comme ça, toute l’école va pouvoir assister à ton humiliation !
-Pourquoi attendre demain ? Réglons ça tout de suite !
Je me mis en position de combat, prête à en découdre mais John celui mit les mains dans les poches et sortit de la salle en riant, accompagné de ses acolytes.
-Rejoins-moi devant big Ben si tu veux te battre. Nous aurons plus de place.
Hors de moi et rouge de colère, je ramassai en vitesse les deux bouts de papier trainant sur le sol et les remis soigneusement dans mon carnet avant de me lancer à la poursuite de John.
Comme promis, je le retrouvai devant la grande tour de l’horloge, sur une grande place dégagée, à quelques mètres de la tamise et, comme je l’avais imaginé, il n’était pas seul mais entouré de plusieurs hommes ressemblant à des mafieux. Mais ma rage était telle que je passai outre ce détail et je m’avançai sans trembler vers John qui me regardait avec amusement.
Je m’arrêtai à quelques mètres de lui et nous nous dévisageâmes en mode western. Le regard que je lui lançai à ce moment-là fut suffisant pour dérouter ses amis mais les brutes qui se tenaient à côté de lui sourirent tout en jetant leurs cigares par terre.
-Et bien, tu es vraiment stupide ma pauvre Laura. Tu vois que tu n’as aucune chance et pourtant, tu te jettes tête la première dans mon piège ? J’ai attendu ce jour depuis si longtemps…Je vais te faire payer pour l’humiliation du premier jour !
-Tu parles trop, et en plus tu me l’as déjà dit !
-Tu vas voir, bientôt tu vas me supplier d’arrêter tes souffrances ! https://www.youtube.com/watch?v=SaeXN-MByjU Pour toute réponse, je mis mes mains dans les poches et je lançai un regard assassin aux hommes de main de John. J’ignorai comment il avait réussi à engager ces types mais ils ne me faisaient pas peur. Je n’avais qu’une seule idée en tête : me venger de John, même si pour cela je devais affronter une mafia entière du haut de mes douze ans.
Les hommes firent craquer leurs doigts, sans doute pour tenter de m’impressionner mais cela ne me fit aucun effet.
Je sentis alors un afflux d’énergie au plus profond de moi, comme si ma colère nourrissait tous mes muscles et accroissait mes capacités. Mes cheveux se mirent à crépiter et je crus même qu’un vent se formait autour de moi.
En poussant un cri de guerre, l’un des hommes de main de John se jeta sur moi, le poing en avant mais, comme si mon corps bougeait de lui-même, j’esquivai aisément l’attaque en faisant un simple pas sur le côté. John écarquilla les yeux devant ma réactivité hors norme mais mon adversaire ne se laissa pas démonter et repassa à l’assaut.
Une fois de plus, j’esquivai aisément sans même sortir les mains des poches avant de me décider à contre attaquer. Alors que l’homme me tournait le dos, je sautai au-dessus de lui et, rassemblant toutes mes forces, je lui assénai un violent coup de pied dans le torse.
Cependant, je n’avais pas prévu une chose : mon attaque fut bien plus puissante que je ne le pensais et l’homme vola quatre mètres plus loin avant d’être stoppé par un muret.
Je vis John s’étrangler de là où il était et les autres mafieux grimacèrent.
-Eh gamin, tu ne nous avais pas dit que nous allions devoir affronter une super Saiyen ; déclara l’un d’eux.
-Ce…Ce n’est qu’un coup de chance ! Rétorqua-t-il, furieux. Vous n’allez quand même pas vous faire battre par une fillette de douze ans !
-Comme si cela pouvait arriver.
Sur ces mots, tous les hommes de main de John m’attaquèrent en même temps, sortant battes, matraques et même couteaux. Mais une fois de plus, je ne fus nullement impressionnée et je me contentai d’esquiver, comme lisant parfaitement leurs mouvements.
Ainsi, je déviai un coup de matraque simplement avec ma main, faisant glisser l’arme le long de mon bras avant d’asséner un violent coup de coude à mon adversaire qui s’écroula au sol, inconscient.
Un autre tenta alors de me donner un coup de couteau dans le dos mais, le sentant arriver j’attrapai son bras sans même me retourner et le forçai à lâcher son arme.
Au même moment, un troisième fonça sur moi avec sa batte de baseball mais, rapide comme l’éclair, je ramassai la matraque qui trainait au sol et la lui envoyai en plein figure et il s’étala par terre de tout son long.
Le visage du chef du gang se décomposa et ce dernier sortit de sa poche un pistolet luisant tout en tentant de sourire malgré la peur que je lui inspirai désormais.
Dans mon inconscience, ma seule réaction fut de me tourner vers lui, lâchant l’homme que je tenais et de faire face au chef avec un calme tel qu’il me terrifia moi-même tandis qu’il pointa son arme vers moi.
-A…Attendez, je ne vous ai pas dit de la tuer espèces d’abrutis ! Hurla John, effrayé.
-Je ne sais pas qui tu es gamine…Mais personne ne tient tête à mon gang et encore moins une enfant ; grogna le chef d’une voix peu assurée.
-Ecartez-vous ; lançai-je alors d’une voix bien plus grave qu’a l’ordinaire, comme si ce n’étais pas moi qui parlait.
-Tu vas regretter de t’être opposée à nous, adieu !
L’homme appuya sur la détente de son arme mais je ne tressaillis pas. Je me contentai de me pencher légèrement sur le côté et je sentis la balle me frôler avant d’aller se planter dans un arbre derrière moi.
Un passant hurla de peur et ce fut rapidement la panique générale autour de nous mais ni moi, ni l’homme ne nous laissâmes déstabiliser et je continuai à lui faire face, impassiblement.
Lentement, je me mis alors à me rapprocher de lui, évitant tous ses tirs de la même façon. C’était comme si le temps était ralenti et que je pouvais clairement deviner la trajectoire des balles pour mieux les éviter.
C’était étrange…Tout mon corps était en ébullition et je vis qu’une sorte d’aura bleutée s’était formée tout autour de moi. L’air s’était également subitement refroidi et je vis quelques cristaux de glace sous mes pieds avant de réaliser que j’en étais l’origine.
Alors que je n’étais plus qu’à quelques mètres de l’homme, un sourire mauvais passa et sa figure et il se jeta sur moi, l’arme en avant.
-C’est terminé !
Je vis le pistolet à quelques centimètres de mon front puis j’entendis le bruit d’un coup de feu et à ce moment-là, une épaisse brume grisâtre recouvrit entièrement la place.
Lorsqu’elle se dissipa, le visage de l’homme s’était décomposé. Non seulement, j’étais indemne alors qu’il avait tiré à bout portant mais en plus le canon de son arme avait gelé et les pieds de l’hommes était également collés au sol par une épaisse couche de glace autour de ses chaussures.
Sans aucune émotion, je passai à côté de lui et je me plaçai à moins d’un mètre de John dont le visage était désormais livide. Le garçon tremblait de tous ses membres et de grosses gouttes de sueur perlaient de son front.
Lorsque je fronçai les sourcils, celui-ci tomba à la renverse avec un cri de terreur et rampa jusqu’à être acculé, dos à la grande tour.
-Je…Je rigolai, Laura ! S’il te plait, ne me fais pas de mal ! Couina-t-il en se protégeant la tête avec les bras.
Sans même l’écouter, et laissant toute ma rage s’extérioriser, je lui assénai un coup de poing dans le entre si violent que John en perdit connaissance et s’effondra sur le sol.
Au même moment, toute l’énergie qui affluait en moi se dissipa et je retrouvai mes esprits, me rendant soudain compte de la situation dans laquelle j’étais et ma colère se transforma en peur.
Je reculai prudemment, tremblante en regardant la scène déplorable qui se tenait à mes pieds, les yeux exorbités.
Je me mis à avoir peur de moi-même, comme si, au fond de moi, se cachait une part bien plus sombre de ma personnalité dont j’ignorais tout, une part aimant se battre et trouvant de la satisfaction dans la victoire et l’écrasement de mes adversaires…
Je voulus partir le plus loin possible de cet endroit en réalisant cela, traverser la mer et rejoindre Darksky, lui seul m’aurait comprise, mais je savais bien que ce n’était pas possible. J’étais seule pour affronter ce que je vivais en ce moment…
Les sirènes de police ne tardèrent pas à se faire entendre mais, alors que j’allais m’enfuir, je vis une haute colonne de fumée au loin et je compris qu’il ne s’agissait pas de la police mais des pompiers…
Je restai un instant pour analyser l’origine du feu et mon sang se glaça dans mes veines.
-Non…C’est impossible…Murmurai-je, terrifiée.
L’origine de ce feu…Il correspondait exactement à l’emplacement de notre maison…
Sans perdre une seconde plus, je laissai John et les mafieux sur place et je fonçai vers Viridian, espérant me tromper en sachant pertinemment que j’avais raison…
-Papa…Maman…Arthur…Pitié…Soyez sains et saufs…
Laura : Exil
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=w3UR7nsTLlQ
J’enfourchai mon vélo et pédalai aussi vite que mes forces me le permettaient. Cependant, j’étais redevenue cette petite fillette de douze ans incapable de soulever seule un meuble et je me trainai péniblement derrière les voitures.
Focalisée uniquement sur la fumée noirâtre qui s’élevait haut dans le ciel, j’ignorai tous les feux rouges et toutes les priorités, manquant plusieurs fois de créer un accident mais je ne m’arrêtai même pas pour faire face aux insultes des conducteurs et des passants.
Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, mes mains tremblaient et la sueur perlait sur mon visage tandis que j’imaginais déjà le pire mais ce que je découvris fut bien plus affreux que tout ce que j’aurais pu imaginer.
Lorsque j’arrivai devant le portail, celui-ci avait été forcé et tous les barreaux de fer étaient tordus et à moitié carbonisés. Mais je ne m’arrêtai pas devant ce détail et, jetant mon vélo sur le côté, je franchis la grille en courant avant de m’arrêter net au milieu du jardin, le souffle coupé et les yeux exorbités en voyant ce qui se tenait devant moi.
Le manoir était en proie aux flammes et s’effondrait rapidement sur lui-même et, devant la porte d’entrée, entouré d’une dizaine d’homme portant des capes rouges cachant leur visage, se tenait une personne que je reconnus aussitôt et je reculai d’un pas, tétanisée.
-V…Vous…Murmurai-je, la voix étouffée par la peur.
L’homme se tourna vers moi et je pus voir dans son œil un amusement malsain alors qu’il regardait ma maison brûler et que sa main était entourée d’une inquiétante aura rougeâtre.
-Laura…Garden, nous nous retrouvons, cela faisait longtemps ; déclara-t-il d’une voix lente et terrifiante.
-Mais…Vous…Vous étiez sur le bateau…Bégayai-je en continuant à reculer lentement.
-Effectivement, mais je ne me suis pas présenté correctement à l’époque : mon nom est Sayer, je suis le leader du mouvement Arcadia.
-Qu…Qu’avez-vous fait à mes parents ? Lui demandai-je d’une petite voix.
-Je n’ai fait que régler une petite affaire mais les négociations ne sont pas passées comme prévu alors j’ai forcé les choses ; me répondit Sayer en haussant les épaules.
J’ouvris la bouche mais aucun son n’en sortit. Je ne savais plus quoi faire et, alors que je reculai, je trébuchai sur un caillou et tombai à la renverse, me retrouvant à la merci de l’homme et ses sbires.
-Cependant, j’ai une mission : je dois ramener l’émissaire de Gariatron à mon maitre. N’y vois en aucun cas une vengeance personnelle.
Le dénommé Sayer s’approcha de moi et je voulus fuir mais mes membres ne me répondaient plus. J’étais paralysée par la peur, incapable de faire le moindre mouvement.
Dans un geste désespéré, je lançai sur l’homme ma paire de clés tout en visant ses yeux mais je tremblai tellement que mon geste n’eut pas plus d’effet que si je lui avais lancé une simple feuille de papier et je sentis les larmes me monter aux yeux.
Non, tout cela ne pouvait pas être vrai…Ce n’était qu’un mauvais rêve et j’allais me réveiller…D’abord le poème de Darksky…et maintenant ça…Ce n’était pas possible, tout n’était qu’illusion et tromperie ! Je refusai d’y croire !
Fermant les yeux et me recroquevillant sur moi-même pour échapper à la réalité, je ressentis alors le même afflux d’énergie que précédemment et, à nouveau, la température chuta brutalement.
L’homme s’arrêta net, surpris tandis que, tout autour de moi, l’herbe se mit à geler, comme si mon corps était si froid qu’il absorbait toute la chaleur de la terre. Rapidement, le froid s’intensifia et une véritable couche de glace se répandit sur la pelouse, faisant reculer mes agresseurs.
-Dégagez…Dégagez…Dégagez ! Hurlai-je.
Un vent violent et glacial se leva alors, m’entourant totalement comme un bouclier, et un tourbillon de neige se forma entre moi et ces hommes, les obligeant à reculer toujours davantage. Je vis Sayer grimacer mais il ne se laissa pas déstabiliser et, d’un geste de la main, projeta deux boules de feu dans ma direction qui firent fondre instantanément ma protection, me laissant sans défense et totalement apeurée.
-Et bien, il semblerait que tu aies déjà développé tes pouvoirs mais cela ne changera rien, tu ne peux rien contre moi et…
Mon ennemi ne put terminer sa phrase car, sortis de nulle part, deux couteaux fusèrent dans sa direction et il eut tout juste le temps de faire un bond en arrière pour les éviter.
Abasourdie, je tournai la tête dans la direction d’où provenait l’attaque et je vis Arnold, blessé, les habits déchirés et l’air à bout de forces mais bien vivant.
-A…Arnold ! M’écriai-je, heureuse pour la première fois de le voir.
-Fuyez Mademoiselle Laura ! M’ordonna-t-il en lançant une nouvelle attaque sur Sayer qui l’esquiva aisément.
-Mais…Je…
-Ne discutez pas ! Partez d’ici, tout de suite ! Je m’occupe du reste !
Une aura sombre entoura soudain Sayer et je vis son œil virer au rouge tandis que les flammes consumant le manoir s’intensifièrent. Comme porté par une force invisible, l’homme s’éleva quelques mètres au-dessus du sol et un arbre se déracina tout seul à côté de mon majordome avant de s’abattre sur lui.
Ce dernier sauta sur l’une des branches et à partir de là, d’autres arbres se mirent à léviter et furent projetés sur lui.
Tremblante, je me remis debout, constatant au passage les dégâts causés par la glace et je tentai d’attaquer à nouveau Sayer en lui lançant un caillou mais mon projectile se figea dans les airs à quelques centimètres de la tête de mon ennemi qui me lança un regard noir.
-Petite Peste, je vais m’occuper de toi, tu vas voir.
Il fit un geste ample avec son bras et fit surgir du sol un énorme rocher avec un sourire malsain sur son visage.
-Va rejoindre ta famille, fille de glace ! Psycho…
Sayer fut à nouveau interrompu par Arnold qui s’était jeté sur lui pendant qu’il avait le dos tourné et qui le coula au sol.
-Vivez ! M’ordonna-t-il d’une voix désespérée.
Serrant le poing et, n’écoutant plus que mon instinct de survie, je m’enfuis dans la forêt, laissant derrière moi Arnold, ma famille et ma maison aux griffes de cet homme assoiffé de sang…
Un flash de lumière illumina le ciel sombre du soir et un cri de douleur retentit mais je ne me retournai pas et continuai à courir en ligne droite, la vision à moitié obscurcit par les larmes, ne sachant même pas pourquoi je fuyais et où je me dirigeais…
Je courus ainsi, toujours plus loin, toujours plus vite, fonçant à travers la forêt obscure jusqu’à trébucher sur une racine et m’étaler sur le sol dur et sec et je restai là, face contre terre, continuant à pleurer autant de peur que de désespoir. https://www.youtube.com/watch?v=PcvtqN8BbeM De l’aide…Je voulais simplement de l’aide…Je voulais que quelqu’un vienne à mon secours, que quelqu’un retourne éteindre cet incendie…Que quelqu’un sauve ma famille…
Comme prise de folie, je me mis à appeler au secours toutes les personnes que je connaissais : Darksky, Théodore, Le capitaine, Dan et même John avant de me rendre à l’évidence : j’étais seule et livrée à moi-même…
Papa…Maman…Arthur…Arnold…Je ne savais même pas s’ils étaient encore en vie et je n’osai pas faire demi-tour, de peur de rencontrer cet homme au regard et aux pouvoirs terrifiants…
Que me voulait-il ? Pourquoi nous avait-il attaqués ? Qui était-il ? Qu’allais-je faire à présent ? Tant de questions se bousculaient dans ma tête mais je n’étais obnubilée que par un seul but : celui de rester en vie.
Peu importe les sacrifices, les maux et les obstacles, je devais vivre à tout prix. J’avais promis…J’avais promis à Darksky de revenir le voir. J’avais déjà perdu mon bonheur, mon meilleur ami et ma réputation dans l’unique but de réaliser son vœu et de nous retrouver sur cette falaise qu’était la nôtre un jour, je ne pouvais pas abandonner maintenant…Et puis, mes parents ne m’auraient jamais pardonnée si j’étais allée au suicide en revenant en arrière pour faire face à cet homme… https://www.youtube.com/watch?v=dj4VoPO-2pE Un picotement me parcouru l’échine et je sentis mon cœur ralentir. Rassemblant mes forces, j’agrippai la terre sous mes ongles et je me remis debout tant bien que mal.
Un rictus déforma ma figure lorsque je m’appuyai sur ma cheville tordue mais je ne fléchis pas et gardai la tête haute tout en essuyant les larmes qui coulaient de mes yeux d’un revers de la manche puis je me mis à regarder droit derrière moi en direction de mon manoir.
Ma famille allait bien…Je devais le croire…Je devais faire confiance à Arnold…Je devais aller de l’avant…Car je ne pouvais plus faire marche arrière désormais. Je devais uniquement fuir cet homme sinistre, comme me l’avait ordonné notre majordome, allez toujours plus loin et ne jamais me retourner, pas avant d’avoir réalisé mon objectif…
Une dernière larme coula le long de mes joues avant de cristalliser en une magnifique perle de glace se brisant en mille éclats en touchant le sol. Je marchai jusqu’à la tombée de la nuit avant de m’arrêter, à bout de forces, dans une petite clairière et je décidai de faire le point. Je sortis donc mon sac et regardai ce qu’il y avait à l’intérieur.
Evidemment, je transportai tous mes livres de cours et le poème recollé, mais j’avais également sur moi un peu d’argent, environ cinquante livres, de quoi tenir presque un mois si je me débrouillai bien et sans compter les frais d’hébergement que j’allais certainement avoir.
Je fouillai encore un peu et je trouvai au fond, sous un tas d’emballages de bonbons et de gâteau, mon deck et j’écarquillai les yeux. J’avais complètement oublié que je le prenais avec moi depuis que Théodore ne me parlait plus et, même si en temps normal je trouvai pénible de le regarder, j’étais bien heureuse de l’avoir sur moi-même si, sans disque de duel, il risquait d’être plutôt inutile…
Je continuai mes recherches et je retournai entièrement mon sac mais tout ce qui tombait à présent étaient des miettes des bouts de papiers inutiles.
Je soupirai. Tout cela était ridicule. Comment moi, Laura, une fille d’à peine douze ans, comptait survivre plus de trois jours de la sorte ? Je n’avais même pas de pansement ou de médicaments et encore moins de laine chaude pour passer les nuits froides. A ce rythme, je me donnais deux nuits avant d’attraper une bonne bronchite…
Je secouai la tête pour me sortir ces idées néfastes. Tant pis, j’allais devoir faire avec, je n’avais pas le choix de toute façon.
Désormais, il ne me restait plus qu’une chose à faire : trouver un endroit précis à atteindre. Parce que je ne pouvais pas simplement marcher au hasard et où le vent m’aurait emmené. Cela aurait été stupide et m’aurait mené inévitablement à ma mort. Il était aussi hors de question que je tente de repasser à Londres pour demander de l’aide.
J’aurais bien pu tenter de rentrer en France et de me réfugier chez Darksky mais cela aurait impliqué de prendre le bateau et de m’exposer à devenir passagère clandestine et par extension, m’exposer à être débarquée et renvoyée chez moi, dans les griffes de cet homme…
Une idée me traversa la tête alors que je pensai au bateau. Le capitaine…il nous avait invités à passer chez lui quelques semaines plus tôt et nous avait même donné son adresse ! J’étais persuadée qu’il m’accueillerait les bras ouverts.
Oui, je devais faire ça : me rendre chez le capitaine même si la ville dans laquelle il habitait était à plus de cinquante kilomètres de Londres, il était mon seul espoir et aurait même pu me ramener en France.
Tout en créant un lit de fortune avec des brindilles et des feuilles entre deux rochers, je me mis à repenser pour la première fois de la journée à mon combat contre la mafia de John. Je n’avais toujours pas compris ce qu’il s’était passé à ce moment-là. C’était comme si quelqu’un d’autre se battait à ma place…Et cette glace qui s’échappait de mon corps sans que ne la maitrise…d’où venait-elle ? J’avais l’impression que les pouvoirs de mes monstres déteignaient en quelque sorte sur moi…
Je souris légèrement malgré l’inquiétude qui me rongeait. La solitude me faisait penser des choses décidément bien irréalistes…
Néanmoins, ce pouvoir que je possédais, lui, était bien réel. Ainsi, je tentai de reproduire mon exploit en me concentrant mais rien ne se produisit, à mon grand désarroi.
Je m’endormis assez rapidement sur mon lit de fortune, le ventre vide, les membres endoloris et le cœur meurtri par cette journée…
Le lendemain, je fus réveillée par les premiers rayons du jour qui caressaient doucement ma peau, traversant le mince feuillage des arbres.
Je m’étirai longuement. Tous mes membres étaient engourdis au possible et je me sentais toujours aussi épuisée que la veille.
Lorsque j’ouvris les yeux, je vis que le bois n’avait pas du tout le même aspect vu de nuit et à l’aube. Il était assez clair contrairement à ce que je pensais. Les chemins entre les arbres étaient dégagés et il n’y avait pas une seule branche ou brindille par terre, à croire que je me trouvais sur un sentier aménagé.
Derrière moi, la fumée de mon manoir s’était dissipée et tout était calme à présent. Seul le chant des oiseaux brisait le silence oppressant et me rassurait un peu. Cela montrait que Sayer et ses hommes ne m’avaient pas encore retrouvée mais je ne pouvais pas prendre le risque de revenir en arrière malgré la possibilité qu’il fût parti.
La rosée du matin donnait à la forêt une senteur unique que j’humai longuement et le soleil levant réchauffait mes muscles endormis, ce qui me permit de me remettre rapidement en route.
Je repliai le peu d’affaires que je possédai puis je me mis en marche, cherchant premièrement à sortir de cet endroit, tentant de rejoindre la route.
Je finis par déboucher sur un champ qui s’étendait à perte de vue, de quoi décourager ceux qui voudraient le traverser. Mais je ne pouvais pas faire demi-tour et je m’enfonçai à travers les épis de blé, ignorant le danger que représentaient les tiques et autres insectes qui pouvaient se cacher là.
J’atteignis enfin l’autre côté au bout de deux ou trois heures, et à cause de mon entorse de la veille, mes jambes me faisaient souffrir.
Je repris mon souffle en m’appuyant sur un petit muret en ruine qui se trouvait là puis je levai les yeux vers le ciel. Heureusement, le soleil était encore bas à l’horizon, je pouvais donc continuer à avancer normalement sans être accablée par la chaleur quelques heures encore.
Je me remis debout malgré la douleur et je regardai encore les environs. Maintenant que j’étais de l’autre côté, le paysage avait un peu changé. J’avais retrouvé la route et j’attendis là plusieurs minutes en stop, dans l’espoir que quelqu’un me prenne mais elle reste inexorablement vide de tout véhicule…. Je décidais de longer la forêt qui bordait la petite route, ne comptant pas rester là toute la journée et je finis par tomber sur un panneau annonçant : « Mington : 7 kilomètres »
-Enfin une ville ; me réjouis-je, il était temps.
J’avais subitement retrouvé mon énergie. Je devais pouvoir atteindre cette ville avant la nuit si je me dépêchais, ce que je fis.
La ville était légèrement plus animée que Viridian, avec un bar, quelques magasins encore ouverts, un restaurant, un hôtel et des habitations. J’en profitai pour refaire mes provisions en prenant beaucoup de bouteilles d’eau et asséchant presque la fontaine de la ville, n’ayant rien bu depuis la veille, et j’achetai surtout des paquets de biscuits pour pouvoir tenir la route, le pain n’était pas du tout suffisant, ainsi que plusieurs bandages et pansements.
Je regardai l’hôtel et je sortis mes maigres économies. Je n’allais pas tenir longtemps avec simplement cinquante livres, mais il ne semblait pas très luxueux, je pouvais peut-être me permettre d’y passer une nuit, au moins pour me débarbouiller.
Je fis un pas avant de changer d’avis. Qu’allaient dire les responsables de la réception en voyant débarquer une gamine de douze ans, seule avec un sac d’école, des habits déchirés et un air patibulaire ?
Je renonçais finalement à l’idée de dormir dans un lit chaud pour repartir sur les routes. Cette nuit-là, je la passais dans un champ, au milieu de grandes fleurs qui me cachait des lumières de la ville et surtout du vent. Cependant je ne réussis pas à trouver le sommeil.
Au-dessus de moi, les étoiles scintillaient d’une faible lueur et un faible croissant de lune brillait dans un ciel noir et effrayant.
Je me demandais comment allait ma famille. Je ne doutais pas qu’elle s’en soit sortie, je faisais confiance à Arnold et il n’y avait aucune raison pour qu’ils aient été au manoir à une heure pareille puisque j’étais toujours la première à rentrer. Sayer avait simplement dû mettre le feu à la maison car personne ne lui répondait…oui…Il ne pouvait pas y avoir d’autre explication. Ils allaient tous bien et se cachaient comme je le faisais en ce moment…
Mais dans tous les cas, je ne pouvais pas les rejoindre. Ce Sayer avait l’air de me poursuivre moi en particulier et je refusais de mêler davantage le reste de ma famille à cette histoire. Ma seule alternative était l’exil et la fuite.
Et Darksky…Comment allait-il ? Etait-il heureux de son côté ? Avait-il réussi à tourner la page pour ne pas finir comme moi, seule au milieu d’un champ ? Et qu’aurait-il dit en me voyant ainsi, moi qui lui répétais toujours de voir les choses du bon côté, même quand tout allait au plus mal ?
Je soupirai tout en me tournant sur le côté, me roulant en boule dans mon lit de paille pour échapper au froid de la nuit qui s’infiltrait à travers les trous dans mes vêtements avant de m’endormir d’un sommeil lourd et sans rêve. https://www.youtube.com/watch?v=scUyXaWMyAk Les jours et les semaines qui suivirent furent assez similaires. Je marchai sans m’arrêter et sans me retourner, à travers les champs, les bois, les villes et les villages. De temps en temps, des âmes charitables acceptaient de m’héberger mais je ne m’éternisai jamais plus de quelques jours, de peur que Sayer ne me retrouve…
Je survivais sinon en cueillant des fruits sauvages et des baies comme je n’avais plus d’argent pour m’acheter de la nourriture, je vivais au rythme de la nature en quelque sorte.
Le paysage ne cessait de changer autour de moi. Je passais de champs de fleurs à hauts plateaux arides et de plateaux à montagnes imposantes. Mais je sentais bien au fond de moi que je ne pourrais pas continuer ainsi très longtemps. Je devais avoir d’énormes cernes à force de me lever à l’aurore, mes pieds étaient pleins d’ampoules qui me faisaient souffrir à chaque pas, l’une de mes blessures s’était infectée et j’avais l’impression que mon sac pesait de plus en plus lourd alors qu’il se vidait progressivement au fur et à mesure que j’abandonnai mes cahiers sur la route. Mais je ne pouvais pas m’arrêter, il fallait que j’atteigne mon but.
Evidemment, les rares fois ou je m’aventurai près de la route, aucune voiture ne daigna me prendre et je me rendis compte d’un aspect de ce monde que j’avais ignoré jusqu’à présent : l’égoïsme. Mais malgré cela, je ne perdais pas espoir et continuai inlassablement à attendre l’âme charitable qui m’amènerait directement à destination…en vain. https://www.youtube.com/watch?v=uo_0wwnS9ww Enfin, au bout d’un mois de marche continue, en sortant d’une forêt dans laquelle j’avais passé plus de trois jours à tourner, j’arrivai dans un endroit qui me paraissait assez à l’écart du monde pour pouvoir m’installer quelques temps et me reposer.
Je n’avais plus aucune notion de distance. Etais-je encore loin de mon but ? Etais-je toute proche ? Je l’ignorais. Tout ce que je savais, c’était que j’étais sur la bonne route et que je devais avancer toujours plus loin.
C’était une grande prairie couverte d’herbe verte et de fleurs multicolores de toutes sortes. Le vent léger qui soufflait inclinait légèrement leur tige et les berçait doucement, faisant parvenir vers moi une multitude de parfums que je ne connaissais pas. La prairie était délimitée par les arbres de la forêt, elle semblait vraiment coupée du reste du monde.
Un peu plus loin, il y avait un enclos dans lequel se trouvait un magnifique cheval blanc avec un museau noir. Sa robe était impeccable, pas une seule trace de poussière, d’un blanc immaculé et sa crinière volait au vent quand il courait. Il était si rapide que l’on pouvait penser que ses sabots ne touchaient même pas le sol.
Au fond se dressait une maison solitaire d’où sortait un peu de fumée. Des gens devaient habiter ici. Juste après avoir pensé cela, je vis quelqu’un arriver vers la magnifique bête. C’était une femme qui n’était plus toute jeune, mais qui avait réussi à conserver sa beauté. Ses cheveux blonds étaient tirés vers l’arrière avec une longue queue de cheval, son visage, du moins ce que j’en distinguais, avait des traits doux et son regard exprimait de la bonté envers l’animal. Elle me rappelait un peu ma mère, cette attention toute particulière qu’elle avait pour les autres et cette pensée me fendit le cœur.
Je m’apprêtai à aller vers cette femme pour lui demander l’hospitalité pour la nuit mais au moment de faire un pas, je vis le monde basculer autour de moi. Je dus m’appuyer à un arbre pour pouvoir rester debout.
Ma vision se brouillait, le paradis se transformait en tache floues de couleurs, mes jambes ne supportaient plus le poids de mon corps et j’eus le tournis. J’avais surestimé mes capacités de résistance, j’étais bien plus fatiguée que je ne le pensais…
Soudain, toutes mes forces me quittèrent d’un seul coup et je m’écroulai sur le sol. Juste avant de perdre connaissance, je crus voir un homme corpulent courir vers moi, mais tout était si confus dans mon esprit que je n’en étais pas sûre.
-Laura, mon enfant ! Cria-t-il d’un ton apeuré.
Etait-ce mon imagination qui me jouait des tours ou bien avait-il vraiment prononcé mon nom ? Cependant, je n’eus pas de réponse car je sombrai peu après dans les ténèbres de l’inconscience… Les jours qui suivirent cet accident furent comme un nuage de brume, épais et impénétrable. J’étais entre le rêve et la réalité, tantôt consciente, tantôt inconsciente, mes rêves étant hantés d’une forme noire et inquiétante planant au-dessus de moi, mes heures de lucidité de brouillard.
Je ne voyais que des formes floues et des taches sombres lorsque j’ouvrais les yeux. Parfois, je distinguais une ombre bouger et s’approcher de moi, mais j’étais incapable de dire de qui il s’agissait et encore moins de la décrire. Je dus passer au moins une ou deux semaines ainsi au lit avant de retrouver mes forces et la vue.
Je fus réveillée un matin par une douce brise soufflant sur ma joue. Je tournai la tête pour voir d’où cela provenait. Une fenêtre était entrouverte et les rideaux blancs brodés de fleurs ondulaient lentement au gré du vent qui passait à travers l’ouverture. Les rayons du soleil caressaient doucement mon visage et me réchauffaient à travers la couverture couvrant mon corps affaibli, une sensation que je n’avais pas ressentie depuis bien longtemps à présent…
Je me trouvais sur un lit confortable et spacieux dans une maison assez modeste, quelques chaises, une table en bois, une vielle lampe. Ce qui me frappa fut la façon dont elle était décorée : des peintures et des tableaux de marins et de bateaux étaient accrochés sur chaque mur.
Je me crus un instant chez moi avec une chambre remise à neuf, mais le paysage sauvage que je voyais par la fenêtre me rappela où je me trouvais et tout ce qui s’était passé avant de me retrouver là.
Mes yeux étaient encore à moitiés clos lorsqu’une femme arriva vers moi, un plateau à la main. Il s’agissait de la personne que j’avais vu nourrir le cheval dans la prairie. Elle avait dû me voir étalée par terre dans son parc sans connaissance et me prendre en pitié.
Elle avait autour de cinquante ans, mais j’aurais pu croire de loin qu’elle n’en avait que trente tellement elle prenait soin d’elle. Lorsqu’elle me vit éveillée, son regard s’illumina d’une grande joie.
-Tu es enfin réveillé Laura, quel soulagement, cela fait deux semaines entières que tu dors ainsi !
J’avais passé deux semaines inconsciente ?! Même si le temps n’avait aucune importance désormais, rester aussi longtemps dans le coma prouvait que ce voyage ne me faisait pas un grand bien…Mais une minute…comment cette femme connaissait-elle mon nom ? Je n’avais pourtant aucun papier d’identité sur moi et je ne l’avais jamais vue auparavant.
En voyant mon air intrigué, elle reprit la parole avec un sourire rayonnant.
-Nous t’avons trouvée inconsciente dans le jardin, tu n’étais vraiment pas en forme lorsque mon mari t’a recueillie, mais je vois que tu t’es complètement remise ; dit-elle un grand sourire aux lèvres.
Pourquoi cette femme était-elle si gentille avec moi ? Elle ne me connaissait même pas, à moins qu’elle ne s’inquiète pour moi comme le ferait n’importe quelle personne ayant un minimum de bonté.
-Je m’appelle Silène…
Silène ? Ce nom m’évoquait quelque chose…Je me souvins alors que j’avais déjà entendu ce nom de la bouche du capitaine. Je ne savais pas pourquoi, mais je me mis à l’observer attentivement tout en me remémorant ses paroles : « Je me souviens encore de son visage, doux comme un ange, toujours joyeuse et son regard…bleu comme la mer la plus calme… » Je ne l’aurais pas mieux décrite. Sa description correspondait parfaitement aux traits de la Silène qui se trouvait en face de moi. Mais il était fort peu probable qu’il s’agisse de la même personne, surtout qu’il l’avait quitté plus de trente ans plus tôt, elle avait dû changer depuis le temps.
Mais alors que je me trouvais stupide d’assimiler de simple nom, un vieil homme barbu portant une casquette de marin et une pipe à la main entra dans la pièce et écarquilla les yeux en me voyant presque debout.
-Laura ! Tu es vivante mon enfant, dieu soit loué ! S’exclama-t-il en se précipitant vers moi.
-Capitaine ? m’étranglai-je, que faites-vous là ?
-C’est plutôt à moi de te poser la question ma chère ; dit-il en riant de bon cœur. Comment as-tu bien pu te retrouver dans cette partie reculée de l’Angleterre, toi qui vis à Londres ?
-C’est assez compliqué ; marmonnais-je peu sûre de vouloir lui dire la vérité.
Je ne pouvais quand même pas lui dire pour le manoir et mes parents, il se serait sûrement inquiété et aurait fait tout un plat de cette histoire en voulant me ramener alors qu’au contraire, je voulais m’éloigner de ma famille le plus possible pour les protéger.
Cela n’eut pas l’air de déranger le capitaine que je ne lui dise rien, il devait savoir ce que c’était d’avoir quelque chose d’impossible à révéler sur cœur. Il eut juste un moment d’hésitation, mais il reprit son air joyeux quelques secondes plus tard en regardant Silène.
-On a tous nos petits secrets ; dit-il d’un air malicieux. Au fait Laura, je ne t’ai pas encore présenté Silène, tu sais, je t’avais parlé d’elle la dernière fois que nous nous sommes vus.
-Enchantée.
-Et si ce n’est pas indiscret Laura…Si tu réponds à mon invitation, pourquoi tes parents ne sont pas avec toi ? Me demanda ensuite le capitaine.
-En…En fait, c’est compliqué…Mais j’aurais une faveur à vous demander, capitaine : je suis venue jusqu’ici parce que j’aurais besoin de votre hospitalité…
Celui-ci pencha légèrement la tête sur le côté, surpris mais, en bon vivant qu’il était, ne posa aucune question et m’accepta, moi, la fille qu’il connaissait à peine et qui avait visiblement fugué de chez elle…
Je me sentis immédiatement bien dans cette maison avec le capitaine et la menace de Sayer me parut soudain un lointain souvenir s’évaporant dans la brume.
Jamais il n’allait me retrouver ici, cet endroit était bien trop reculé du reste du monde…du moins, je l’espérais… https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw Les semaines passèrent, et chaque jour je reprenais peu à peu mes forces. Au début, je ne pouvais pas tenir debout plus de quelques secondes sans avoir besoin de m’appuyer sur un mur pour ne pas tomber, mais au fur et à mesure je finis par retrouver un équilibre parfait.
Silène était très attentionnée envers moi, c’est elle qui m’aidait à faire toutes les choses du quotidien sans trop de difficulté. Elle était exactement telle que je me l’imaginais avant : la douceur incarnée. J’aspirais vraiment à lui ressembler le plus possible. Son calme naturel finit par déteindre sur moi, si bien je me sentis pour la première fois depuis longtemps complètement apaisée.
Quand je fus parfaitement remise, je décidai d’aider le capitaine- je l’appelai toujours comme ça tout simplement parce que je n’arrivais pas à fixer son nom et en plus cela avait l’air de lui faire plaisir que je lui donne son titre – aux champs pour récolter et semer des graines, nourrir les animaux, et de temps en temps je l’accompagnais en ville pour vendre ses produits. J’avais fini par m’habituer à son humour et il me faisait presque rire maintenant, bien que je le trouvais toujours aussi mauvais…
Depuis que j’habitai chez eux, c’est-à-dire depuis près de trois mois, tous mes problèmes s’étaient comme envolés, je ne pensais plus à rien d’autre que la vie à la ferme. J’avais commencé une nouvelle vie ici, avec le capitaine et Silène comme ma nouvelle famille, loin de tous mes soucis et mes tracas.
La seule chose qui me rattachait encore à mon passé était le souvenir de Darksky, un souvenir bien trop douloureux pour être balayé par le temps, planté comme une épine dans ma chair…Mais contrairement à mes autres maux, je ne voulais- je ne devais- pas l’oublier. C’était ce même souvenir qui m’avait permis d’avancer durant mon périple, c’était lui qui m’avait donné le courage de surmonter le départ de mon frère, et c’était aussi lui qui m’avait donné la force de rester en vie. L’oublier aurait été faire une croix sur tout ce que j’avais vécu jusqu’ici, faire une croix sur les raisons qui me poussaient encore à lutter contre Sayer. Sans lui j’aurais sombré dans la folie depuis longtemps déjà.
Trois années s’écoulèrent ainsi comme un rêve. Mais un jour, alors que je récoltais la salade pour le diner du soir avec le capitaine et Silène comme je le faisais souvent, je ne sais pas ce qui me passa par la tête, mais je me décidai enfin à tout leur dire. https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0 -Capitaine, Silène, j’aurai quelque chose à vous révéler ; leur dis-je solennellement.
Ils levèrent la tête tous les deux, surpris par tant de sérieux dans ma voix.
-Il y a quelque chose qui ne va pas mon enfant ? Me demanda le capitaine inquiet.
-Non, tout va bien capitaine, c’est juste que…
Je n’arrivai pas à terminer ma phrase. Je n’étais plus si sûre d’avoir le courage de révéler une telle vérité. Je craignais leur réaction…Et s’ils ne voulaient plus de moi chez eux après avoir entendu ce que j’avais à leur dire ? S’ils prenaient peur et me jetaient dehors ?
-Allons Laura, tu peux tout nous dire tu sais, je vois bien que tu n’as pas l’air d’aller fort ; repris Silène compatissante.
-Non, en effet, vous avez raison, ça ne va pas fort…
Devant leur air inquiet, je me repris tout de suite.
-Non, non, ce n’est pas de votre faute ; les rassurai-je. Ça remonte à bien avant mon arrivée ici, depuis mon départ de France…
Les mots me vinrent ensuite tous seuls, je leur racontai comment j’avais connu Darksky, comment nous avions été obligés de nous séparer. En me remémorant notre scène d’adieu, je ne pus retenir mes larmes. Tout semblait si proche et si lointain en même temps. Je leur montrai son cadeau d’adieu, le poème que je gardais constamment avec moi.
La suite, le capitaine semblait revivre son dernier voyage en mer avec moi, quand je lui évoquais la phrase qu’il avait dite lorsque nous nous étions rencontrés, un large sourire illumina sa figure, comme s’il s’amusait encore de la « farce » que je lui avais faite en me cachant dans sa cabine. Vint ensuite le duel sur le bateau qui s’était achevé par ma victoire écrasante. Plus j’avançais dans mon récit, et plus l’heure de la révélation approchait. Enfin, j’arrivai au moment que je redoutais le plus : l’évocation des motivations de mon périple…
-Lorsque je suis revenue…Tout était en proie au feu et des hommes ont tenté de me tuer…
Je dus m’arrêter quelques instants pour essuyer quelques larmes qui me coulaient le long du visage.
-Puis je me suis enfuie…Laissant derrière moi toute ma famille et mon ancienne vie, ne pensant qu’à sauver ma peau…
Mon cœur s’accéléra quand je prononçai ces mots. Je m’attendais à voir l’horreur sur leur visage mais ils semblaient plus compatissants que fâchés. Je terminai donc mon récit avec mon long périple et enfin mon arrivée chez eux…
Après avoir fini, un long silence résonna à travers le parc. J’attendais leur réaction face à mon histoire. Je craignais qu’ils ne décident de me rejeter pour ce que j’avais fait et j’acceptai déjà l’idée de faire mes valises, mais au lieu de ça ils me prirent tous les deux dans leurs bras à ma grande surprise.
-Que d’aventures Laura…soupira le capitaine en relâchant son étreinte. Je ne prétends pas savoir ce que tu as vécu, mais sache une chose ; dit-il en me regardant dans les yeux, il faut en avoir du courage pour surmonter autant d’épreuves sans flancher.
-Vous pensez vraiment ce que vous dîtes capitaine ? Pourtant, je ne me trouve pas si courageuse que ça, je n’ai fait que m’apitoyer sur mon sort depuis tout ce temps…
-Bien sûr qu’il le pense et il a raison tu sais ; me dit Silène de sa voix d’ange, seul le courage et une volonté de fer ont pu te conduire jusqu’ici. Tu peux me croire, si j’avais eu la force d’esprit que tu as, jamais je ne l’aurai quitté pour si peu…
Elle regarda son mari d’un regard si triste que j’eu de la peine pour elle. Elle avait été séparée de lui pendant plus de trente ans, alors que moi, cela faisait à peine trois ans que j’avais quitté Darksky et ma famille. Quoi qu’elle dise, elle avait vraiment du courage.
Mais si Silène disait vrai ? Si je m’apitoyai beaucoup trop sur mon sort ? Je ne m’étais jamais considérée comme très combattante, excepté durant mes duels, mais le reste du temps, j’avais l’impression d’être dépassée par les événements de la vie.
-Tu vois Laura ; dit le capitaine en me tirant de mes pensées, bien que la vie ne soit pas toujours facile, si tu as le courage de surmonter les épreuves qui t’attendent, rien ne pourra t’arrêter, et c’est ce que tu as fait en entreprenant ce voyage. Tes parents seraient fiers de toi à l’heure qu’il est s’ils savaient ce que tu as fait.
-Fiers ? Je ne suis pas convaincue que ce soit le mot qui convienne le mieux vu comment j’ai fui comme une lâche…
-Ce que je voulais dire, c’est que tu ne dois pas renier ce que tu as fait, tu as tenté de protéger ta famille et je peux t’assurer qu’il n’y a rien de plus noble comme geste ; déclara le Capitaine en me donnant une grande tape dans le dos qui expulsa tout l’air de mes poumons d’un seul coup.
-Vous…Vous avez raison, une fois de plus, merci beaucoup…Toussotai-je tout en lui souriant.
Au loin, le soleil couchant lançait de magnifiques rayons orangés à l’horizon et l’air se rafraichit à la tombée de la nuit qui approchait. Nous récoltâmes en vitesse les dernières pousses pour préparer le diner. Pour la première fois depuis une éternité, je me sentais entièrement libéré d’un fardeau qui pesait sur moi depuis bien trop longtemps.
Néanmoins, quelques jours plus tard, les choses changèrent à nouveau lorsque, au marché avec le capitaine, je distinguai dans la foule la cape de l’un des hommes de Sayer et mon sang se glaça. Ce que je redoutai le plus au monde venait d’arriver : ils m’avaient retrouvée…
En un instant, tout mon monde s’écroula en pensant au périple qui allait reprendre…Mais je n’avais pas le choix. Je refusais d’impliquer davantage le capitaine et Silène dans ces histoires…
Ainsi, à contrecœur, je dus mentir au couple en leur disant que je retournais à Londres pour ne pas qu’ils s’inquiètent, et surtout pour qu’ils acceptent de me laisser partir sans se faire de soucis. Et, comme je m’y attendais, ils ne s’opposèrent pas à ma demande, même si une lueur de tristesse passa dans leurs yeux. https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No Quelques jours plus tard, je rassemblai mes affaires dans mon sac à dos. Silène me donna de nouveaux habits de rechange, ainsi que de la nourriture pour tenir, des médicaments et plein d’autres choses pour mon voyage.
J’étais prête sur le pas de la porte avec elle. Il faisait beau, le ciel était dégagé et le vent annonçait la saison des feuilles nouvelles.
-Tu es sûre de vouloir repartir Laura ? Me demanda Silène tristement. Tu peux rester avec nous aussi longtemps que tu le souhaites tu sais…
-Je ne voudrais surtout pas être un poids pour vous, vous en avez déjà tellement fait pour moi.
-Alors promets-moi d’être prudente sur les routes, souviens toi de l’état dans lequel nous t’avons retrouvé…
-Cela n’arrivera plus, je ne suis plus la petite fille que j’étais grâce à vous. J’ai quinze ans à présent !
Je la regardai dans les yeux, je voyais bien qu’elle était triste de mon départ, mais je ne pouvais pas rester ici…
Elle m’embrassa comme l’aurait fait ma mère, avec toute la tendresse qu’une mère pourrait avoir pour son enfant et mon cœur se serra dans ma poitrine. Je ne voulais pas les quitter, eux qui avaient été si bons pour moi…Mais je n’avais pas le choix…
-Bien, il est temps de nous dire au revoir je pense. Passez le bonjour au capitaine de ma part…
Alors que je parlais de lui, celui-ci arriva tout essoufflé comme s’il avait couru un marathon. Il avait dans la main un portefeuille qui m’avait l’air flambant neuf.
-Attends Laura ! Il marqua une pause pour reprendre son souffle. Avant que tu ne partes, je désirerai t’offrir ceci ; dit-il en me présentant l’objet qu’il avait en main. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un cadeau de Silène et moi-même pour être restée avec nous pendant ces trois dernières années.
-Vous n’auriez pas du…Je ne le mérite pas…
-Bien sûr que si, tu auras été pour nous l’enfant que nous n’avons jamais eu ; me dit Silène, c’est une raison suffisante.
Face à un tel argument, je ne pus qu’accepter leur offre, surtout que je les considérais moi aussi comme mes parents…
-Merci beaucoup…Dis-je trop émue pour développer. Je reviendrai vous voir bientôt, et cette fois-ci, avec toute ma famille !
Le capitaine me serra à son tour dans ses bras et en profita pour me glisser quelques mots à l’oreille :
-Laura, je t’avais dit il y a trois ans de croire en tes rêves et je te le redis aujourd’hui, n’abandonne pas ta quête pour retrouver ton ami et crois en l’espoir. Tu accompliras de grandes choses.
-Je vous fais confiance, capitaine ; lui répondis-je en tentant de lui donner une tape dans le dos comme il en avait l’habitude.
Je mis mon sac sur mon dos, rangeai son cadeau dans ma poche et, me retournant une dernière fois pour leur adresser un signe d’adieu, je repartis sur les route, confiante et bien décidée à mettre un terme une bonne fois pour toute à cette histoire.
Je n’étais plus une fillette de douze ans. J’avais l’âge d’une lycéenne à présent et j’étais capable de me défendre. Si j’avais pu battre une mafia au collège, il n’y avait aucune raison pour que ce Sayer me résiste à présent.
Tout en voyant la maison du capitaine et Silène disparaitre derrière l’horizon, je me fis une promesse : celle de faire payer à Sayer tout ce qu’il m’avait fait, d’une façon où d’une autre.
Laura : La fin d’un périple…
Spoiler :
Le vent sifflait entre les branches des arbres et faisait tourbillonner les feuilles mortes au sol. Il s’était levé si brusquement que je dus chercher un abri de fortune au plus vite.
Je me réfugiai sous un rocher creux en attendant que l’orage passe. Le tonnerre grondait au loin et suffisait à faire trembler les troncs des arbres. La pluie tombait violement et inondait la forêt, la transformant en véritable marécage en quelques secondes. Des torrents de boue s’écoulaient devant moi, emportant tout sur son passage.
Je regrattai soudain de ne pas être restée chez le capitaine et Silène encore quelques temps. L’automne approchait, et cela se faisait ressentir dans le temps pluvieux de ces derniers jours. Je n’avais vraiment pas choisi le bon moment pour partir…
Cela faisait maintenant deux mois que j’avais repris mon voyage. Grace au cadeau du capitaine, j’avais pu les tenir sans difficulté. Mais mes ressources s’amenuisaient petit à petit. Bientôt, je n’aurais plus rien et je me retrouverais dans la même situation qu’avant.
Cependant, je ne pouvais pas rentrer, pas encore. Je savais que ces hommes étaient toujours à ma poursuite même si je ne les avais pas recroisés. Il fallait que je parte le plus loin possible, soit pour leur faire perdre ma trace, soit pour les affronter loin de toute civilisation.
N’ayant rien à faire, je sortis de mon sac un carnet que j’avais acheté au début de mon périple. Jusque-là, il était vierge, excepté la page de présentation, je n’avais jamais trouvé le courage de le remplir depuis.
Je me dis que c’était le moment idéal pour passer le temps. Je résumai donc brièvement les premiers jours de marche, les moments difficiles que j’avais rencontrés et je m’attardais longuement sur mon séjour chez mes sauveurs, expliquant comment ils m’avaient soignée et comment j’avais grandi à leur contact.
Un éclair illumina le ciel et fut suivi très vite d’un nouveau coup de tonnerre fracassant. Je n’aurais su dire pourquoi, mais cela me fit repenser à ma rencontre avec Darksky…Cela me rappelait vaguement quelque chose, mais quoi ? https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs Je me rappelai tout d’un coup d’où venait ce souvenir, il remontait à bien avant mon périple, avant même ma rencontre avec celui que j’aimais…
Les images de ce jour me revinrent toutes en mémoire comme une lance me transperçant le cœur. J’avais tenté de l’enfouir au plus profond de mon être, et de l’oublier à tout jamais…Mais même les trésors les mieux cachés finissent par remonter à la surface…
Je n’avais alors que sept ans, j’étais encore inconsciente de tous les dangers de ce monde, j’étais simplement heureuse de vivre.
Je rentrais de l’école comme chaque jour. Le temps était menaçant, d’énormes nuages noirs recouvraient toute la ville, la plongeant dans une semi-obscurité.
J’avais décidé de faire un détour par le nouveau terrain de duel qui venait d’ouvrir avant de rentrer et, après y être passé, je me rendis soudain compte que je ne savais pas du tout comment retourner chez moi.
Le vent s’était levé, la pluie tombait fort, et le tonnerre grondait au loin. Il n’y avait plus personne dans le parc, tous les autres enfants étaient rentrés chez eux pour éviter l’averse. Je me retrouvai donc seule, au milieu du parc, trempée, frigorifiée et terrorisée.
C’est alors qu’un nouvel éclair déchira le ciel, et le tonnerre lui répondit avec la même violence. J’appelai à l’aide, en vain. Les rues étaient désertes, et la ville semblait s’être transformée en ville fantôme.
C’était à ce moment-là qu’il est apparu. Il semblait tout droit sorti des ténèbres qui planait autour de moi. Ses yeux rouge sang luisaient comme des braises dans l’obscurité, ses dents étaient longues et acérées comme des couteaux. Son corps était long, couvert d’écailles noires comme la nuit, des signes étranges de la même couleur que ses yeux se dessinaient dessus et il se terminait par une longue queue à la manière des serpents. Deux ailes immenses m’entouraient, me protégeant de la pluie et du froid.
Je pouvais sentir le souffle chaud de la créature sur ma tête mais j’étais trop effrayée pour bouger. Ce monstre devait au moins mesurer cinq mètres, il aurait pu m’écraser d’un seul coup de griffe, mais au lieu de cela, il me regardait et semblait m’étudier.
Enfin, au bout de quelques secondes, il se décida à faire un mouvement. Je me figeai en le voyant ouvrir ses ailes et pousser un cri. Je pensais vraiment que ma dernière heure était arrivée.
Cependant, alors que je m’attendais à être brulée vive, j’entendis une voix dans ma tête, grave, impressionnante et puissante : « Laura Garden, descendante du chevalier Frédéric Garden, gardienne du secret des démons originels… »
J’avais retenu mon souffle en entendant cela…cette chose avait l’air de connaitre plus d’éléments sur moi que je n’en connaissais sur ma propre famille.
« Serais-tu prête à porter sur tes épaule la charge que nous t’avons confiée à toi et à tes ancêtres ? » J’étais bien trop sous le choc pour refuser, et j’avais accepté naïvement, sans même savoir ce à quoi j’avais dit oui. Lorsqu’il me vit accepter sans broncher, j’avais cru lire de l’étonnement dans son regard de braise.
« Tu es très courageuse, bien plus que ton père ne l’a été avant toi. Mais prends garde à la lance du destin plantée dans ta chair… »
La créature avait poussé un autre cri dans la nuit, puis s’était envolée, emportant avec lui toute l’obscurité qui s’abattait sur la ville, faisant briller le soleil à nouveau.
Lorsque j’avais raconté cela à mes parents et à Arthur, ils m’avaient répondu que j’avais dû faire un mauvais rêve, mais j’avais eu l’impression que mon père s’était crispé en entendant ce que la créature avait dit. Depuis, j’avais toujours considéré cet épisode comme un rêve…
Je repensai alors à mes pouvoirs. Ils ne s’étaient pas manifestés depuis que j’étais chez le capitaine et je n’en avais pas eu l’utilité. Mais, à présent que j’étais à nouveau livrée à moi-même, je me dis qu’il était peut-être temps de retenter l’expérience…Toujours sans succès…
Avais-je rêvé à ces moments-là ? Non, c’était impossible. J’avais défait la mafia de John et échappé aux griffes de Sayer grâce à cette glace qui s’était formée autour de moi…Mais il m’était impossible de reproduire cet exploit à volonté apparemment…
Je soupirai et, rangeant mon carnet en voyant que la pluie s’était arrêtée, je repris la route, me promettant de continuer à écrire et à essayer de faire revenir ces pouvoirs sommeillant au fond de moi. https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU Quelques jours après, j’arrivai enfin à une nouvelle ville. Elle semblait assez animée, avec de quoi refaire mes provisions et dormir au chaud. Je repérai donc un hôtel bon marché et je me dirigeai vers le bar du coin, histoire de faire une pause.
Là, je pris une table un peu à l’écart et commandai à boire et un repas chaud, le premier depuis bien longtemps.
Je restai ainsi une longue heure assise à savourer mon assiette qui, même si elle n’avait rien d’exceptionnel, restait un délice pour moi qui ne me nourrissais que de sandwich depuis des jours. https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8 Au moment où j’allais me lever pour partir, je vis deux hommes entrer dans le bar, accompagné d’un troisième que je ne connaissais que trop bien et mon visage se crispa lorsque je reconnus la mèche ridicule de Sayer…
Je voulus m’enfuir, refusant de devoir leur faire face dans un endroit laissant aussi peu de possibilités pour bouger mais il n’y avait qu’une seule sortie, et malheureusement, les trois hommes la bouchaient…
Je n’avais pas le choix, j’allais devoir créer une diversion, comme créer un mouvement de foule qui me permettrait de prendre la fuite dans l’agitation…
Sans réfléchir une seconde de plus, je me dirigeai vers les toilettes et tirai l’alarme incendie. Aussitôt, j’entendis des cris provenant de la salle de restauration et rapidement, des dizaines de chaises tombèrent au sol, suivies de pas de course.
Je passai le nez par la porte des toilettes et je pus voir que Sayer et ses hommes furent repoussés à l’extérieur par la foule effrayée et, ne perdant pas une seconde, je me mêlai à la masse de personne, réussissant ainsi à sortir de la même façon.
Une fois dehors, je ne me fis pas prier et je pris mes jambes à mon cou. Je slalomai à travers la ville entre les passants interloqués ou mécontents, me retournant de temps en temps pour voir où en était mon agresseur, mais il semblait ne pas m’avoir suivi, mais dans le doute, je continuai d’avancer.
La sortie de la ville fut rapidement en vue. Je pensais avoir réussi à éviter l’affrontement, lorsqu’il apparut devant moi, comme sorti de nulle part.
Je m’arrêtai net, soulevant un épais nuage de poussière entre nous qui m’aveugla un instant. https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY -Pouvons-nous reprendre là où nous en étions arrêtés la dernière fois ? Je n’aime pas quand les souris s’échappent de leur trou ; commença Sayer avec un sourire carnassier.
Je serrai les dents. L’affrontement semblait inévitable…Les images d’Arnold affrontant cet homme me revinrent en mémoire et une goutte de sueur perla de mon front mais je me ressaisi aussitôt. Je n’étais plus cette fille apeurée désormais. Je ne pouvais pas fuir éternellement.
Rassemblant mon courage et laissant ma raison dans les tréfonds de mon esprit, je sortis un couteau suisse de ma poche que j’avais acheté spécialement pour l’occasion et je me mis en position de combat, exactement comme lors de mon affrontement avec John.
Nous nous trouvions sur un terrain vague. Il n’y avait pas une seule cachette à l’horizon ni aucun rocher. Sayer se trouvait juste devant moi, sans arme et sa garde était grande ouverte. Il me suffisait donc de l’attaquer de front…Une attaque rapide et simple aurait dû suffire, oui…
-Je vais vous faire regretter de vous en être pris à ma famille…Lui lançai-je, le regard assassin.
-Tiens donc, tu te décides enfin à m’affronter ? S’étonna Sayer, une pointe d’ironie dans la voix.
En guise de réponse, je me jetai sur lui en poussant un cri de guerre, le couteau brandi vers l’avant. Sayer ne bougea pas d’un pouce et me regarda simplement m’approcher de lui, en souriant. Je sentais bien qu’il y avait un piège quelque part mais, si je n’agissais pas en première, c’en était fini de moi…
Alors que je n’étais plus qu’à deux mètres de lui et que je pensais l’atteindre, son œil s’illumina d’une lueur rouge et tout son corps fut alors entouré d’une inquiétante aura violette. Mais je ne me laissai pas déstabiliser et je continuai ma course.
Je n’étais plus qu’à quelques centimètres de lui lorsqu’une force mystérieuse m’obligea à m’arrêter et je me retrouvai figée, incapable de faire le moindre mouvement.
-Qu…
Je n’eus même pas le temps de prononcer un mot que je me sentis comme tirée dans les airs et, un instant plus tard, je me retrouvai à flotter cinq mètres au-dessus du sol, interdite tandis que Sayer éclatait de rire devant mon air apeuré.
-Ma pauvre enfant, tu ne sais vraiment pas à qui tu as à faire ; ricana-t-il.
Mon ennemi fit un geste ample avec son bras et je me fis projeter violemment contre le sol et je poussai un cri de douleur tout en lâchant ma seule arme. Puis il fit un autre geste, vers la droite cette fois-ci et ce fut comme si j’avais reçu un coup de poing dans les côtes.
Je roulai dans la poussière sur plusieurs mètres avant de me faire arrêter dans ma course par une barrière. Mais les attaques de Sayer ne s’arrêtèrent pas là et il continua à me malmener, me projetant contre tout ce qu’il trouvait, comme un vulgaire ballon de foot…
Finalement, il me repoussa de toutes ses forces psychiques contre une cabane en bois et l’impact fut si violent que je traversai le mur, sentant des milliers d’échardes me rentrer dans le corps.
J’atterris contre une voiture rouillée et je crachai du sang. Même si je sentais que la pression que Sayer exerçait sur moi s’était relâchée, je n’avais plus la force de me mettre debout et je restai là, affalée sur le sol, baignant dans mon propre sang.
Une boule de feu se forma dans sa main et il se rapprocha lentement de moi, toujours en arborant ce sourire malsain et effrayant.
C’était la fin…Quelle idée avais-je eu en voulant affronter un homme possédant des pouvoirs, moi qui n’arrivai même pas à comprendre d’où provenaient les miens…J’aurais dû me contenter de fuir, encore et toujours au lieu de me jeter dans la gueule du loup…Mais je voulais simplement en finir avec tout ça…
J’étais vraiment stupide et maintenant, j’en payais les conséquences. Tout mon corps était en sang, mes vêtements en lambeaux et j’allais très certainement mourir lamentablement sans même savoir pourquoi…
« Mourir ? Résonna une voix dans ma tête. Est-ce vraiment ce que tu veux ?
-Ai-je vraiment le choix…Pensai-je.
-Veux-tu mourir ? Veux-tu avoir fui pour rien ? Veux-tu laisser Darksky attendre ton retour en vain ? Continua la voix dans ma tête.
-N…Non…Evidemment que non !
-Dans ce cas, tu as le choix de vivre. » https://www.youtube.com/watch?v=SaeXN-MByjU Tandis que Sayer se rapprochait toujours plus de moi et que je pouvais sentir la chaleur de ses flammes me bruler le visage, mon cœur ralentit et je sentis mon sang se refroidir subitement dans mes veines. Un afflux d’énergie m’envahit et mes bras se mirent à bouger d’eux-mêmes, agrippant fermement le sol.
-Ce…Ce n’est pas…fini…Murmurai-je.
-Allons, tu te fais du mal, Laura ; me dit Sayer d’un ton faussement compatissant. Je pense que je vais devoir abréger tes souffrances. Péris dans les flammes d’Hinotama !
Mon ennemi projeta ses boules de feu droit sur ma figure mais je ne ressentis rien car, au lieu de me brûler le visage, son attaque se heurta à un solide mur de glace sorti de nulle part et une épaisse brume envahit la cabane.
-C…Comment ! Rugit Sayer en reculant vivement.
Lentement, je me remis debout, ignorant la douleur et à présent entourée d’une aura bleutée. Je me sentais totalement revigorée. Mieux, tout mon corps débordait d’énergie, exactement comme lors de mon combat contre John et je vis Sayer grimacer.
Comme ce jour-là, toutes mes émotions semblaient s’être envolée pour ne laisser place qu’à la colère et mon instinct de combat.
A mes pieds, le bois se mit à geler et un puissant blizzard se créa autour de moi, recouvrant de glace toute la cabane et changeant le sol en patinoire.
-Impossible…C’est impossible ! Hurla Sayer.
Celui-ci forma deux nouvelles boules de feu, bien plus imposantes et les projeta sur moi. Pour toute réponse, je levai le bras et formai deux énormes cristaux de glace que je lançai de la même façon. Lorsque les deux attaques se touchèrent, une nouvelle vague de vapeur envahit l’endroit mais la glace fondue fut suffisante pour éteindre les flammes et mes deux cristaux se transformèrent en deux pics tranchants que Sayer esquiva de justesse.
-Tu veux donc me tenir tête ? Très bien ! Admire la puissance du plus puissant des duellistes télékinésistes !
Deux sphères d’énergies apparurent dans les mains de Sayer et ce dernier commença à s’élever dans les airs tandis que sa mèche crépitait et que des éclairs s’échappant de son corps frappaient le sol avec violence.
Cependant, je ne me laissai pas déstabiliser et j’intensifiai le blizzard me protégeant jusqu’à créer une véritable tempête de neige qui nous isola totalement du reste du monde. Il n’y avait plus que Sayer et moi.
Les yeux de mon ennemi virèrent au doré et je me sentis à nouveau soulevée par une force invisible mais cette fois-ci, je ne me laissai pas faire. Ripostant immédiatement, je fis surgir du sol un énorme cristal de glace entre nous et aussitôt le contact visuel perdu, l’attaque de Sayer se dissipa, me laissant libre de mes mouvements.
Je ne perdis pas une seconde de plus et, à partir de la vapeur d’eau, je fis apparaitre des dizaines d’aiguilles de glaces que je projetai toutes d’un seul coup vers Sayer.
L’homme riposta d’un simple geste de la main qui arrêta mes aiguilles avant de les retourner contre moi.
Je fermai alors les yeux et, sachant exactement où elles se trouvaient, j’esquivai chacune, simplement guidée par mon instinct.
-Tu te débrouilles bien, je dois l’avouer ; railla Sayer. Mais, même si tu peux me tenir tête, tu ne peux rien faire face à un monstre ! Apparais, Archdémon du monde mental !
Un tremblement de terre secoua le sol qui se commença à se fissurer. Des flammes bleutées brisèrent alors la couche de glace que j’avais créée et, de cet enfer surgit un monstre de duel, une sorte de démon ailé projetant des éclairs tout autour de lui, exactement comme Sayer…
La bête rugit et, d’un simple battement d’ailes, dissipa le blizzard que j’avais mis en place. Je ne me laissai néanmoins pas déstabiliser devant les trois mètres du monstre et, je fermai à nouveau les yeux, ralentissant davantage les battements de mon cœur et refroidissant toujours plus mon sang.
J’entendis Sayer éclater de rire en voyant cela, pensant certainement que je me rendais, mais c’était tout le contraire.
Je me retirai au plus profond de moi-même, cherchant la source de mon pouvoir et je finis par la trouver. Au fond de moi, je discernai une ombre, une sorte de cristal sombre et un nom me vint en mémoire tandis que l’aura autour de moi s’intensifia.
-C’est terminé, Laura ! Archdémon du monde mental, Ultimate Psychique Shockwave !
Le démon poussa un cri de rage et, au même moment, alors que l’attaque électrique se dirigeait dangereusement vers moi, je levai le bras et je l’arrêtai d’une seule main, la renvoyant sur le monstre qui vola aussitôt en éclat sous le regard interdit de son propriétaire. https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU Mais ce qui le choquait le plus n’était pas ma réaction mais peut-être la carte que je tenais dans ma main et, à sa vue, Sayer grimaça.
-Cette carte…
-Non…Ce n’est pas Trishula…Murmurai-je. Trishula n’est plus…Tout comme cette fille stupide que j’étais…Il n’y a plus…Qu’Ouroboros !
En prononçant ces mots, le blizzard repartit de plus belle et, dans la pénombre, trois yeux apparurent, appartenant à trois têtes différentes, toutes surmontées d’un masque. Le dragon de glace obscure poussa un hurlement si puissant que la concentration de Sayer fut brisée et il retomba au sol, sans défense.
-Je vais…vivre ! M’écriai-je, intensifiant encore plus la tempête qui se mit à emporter avec elle des tuiles et de gros rochers. Pour Darksky, Pour ma famille, pour le capitaine, je refuse de mourir maintenant, et surtout pas de la main de quelqu’un comme vous ! Ouroboros, Subzero Ice Beam !
Les trois têtes du dragon soufflèrent en même temps des rayons glacés et sombres qui percutèrent Sayer avec une telle force que je vis le sol se creuser sous l’impact.
Mais je n’attendis pas de savoir si mon ennemi avait été vaincu et j’ordonnai à Ouroboros de repasser aussitôt à l’attaque, bien décidée à en finir une bonne fois pour toute avec Sayer. Mais, au moment de l’impact, les rayons furent déviés et allèrent détruire la route un peu plus loin heureusement déserte.
-Qui… !
Lorsque la fumée de l’impact se dissipa, je discernai que Sayer n’était plus seul. Un homme se tenait juste devant lui, le bras levé. Il était habillé assez bizarrement, une cape rouge, une armure dorée, une couronne pleine de pierre précieuses, je me serais cru dans l’antiquité…
Il me regarda avec un regard froid et en même temps il y avait dedans une flamme de volonté de se battre si intense que je croyais qu’il allait me brûler sur place.
Il prit Sayer par le bras, puis disparut aussi vite qu’il était apparu sans dire un mot, me laissant seule au milieu du champ de ruines que j’avais moi-même causé.
Encore une fois, et comme toujours lorsque j’activai mes pouvoirs, tout disparut d’un seul coup, me laissant à genoux, essoufflée et blessée de toutes parts, au milieu d’un champ de glace…
Mais, malgré tout, j’avais le sourire car, en plus d’avoir été capable de me défendre, je pensais avoir compris l’origine de mes pouvoirs, des pouvoirs reposant sur ma colère et mon désir de vivre…
J’en étais persuadée : je n’avais plus à craindre Sayer et ses hommes maintenant et je comptais bien les exterminer tous jusqu’au dernier pour m’avoir volé ma vie et ma famille. https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI Le vent soufflait sur la falaise et les vagues se fracassaient avec violence en contrebas. Je fis un pas en arrière et j’entendis quelques pierres dégringoler avant de finir leur course dans la mer en furie. Je n’avais nulle part où aller…Ces idiots avaient bien calculé leur coup en me prenant par surprise et j’étais maintenant dos au mur.
Depuis que j’avais vaincu leur patron, ils me poursuivaient sans relâche. Je n’avais pas un seul moment de repos, ils me traquaient comme une bête sauvage le jour et la nuit. Au début, je leur avais tenu tête facilement mais plus les jours avançaient et plus je sentais la fatigue me rattraper, si bien que j’avais décidé de recommencer à fuir, sentant que je n’allais pas pouvoir tenir éternellement.
Alors que les hommes de Sayer s’avançaient vers moi, accompagnés de plusieurs monstres de duel, je fis le vide dans mon esprit et ralentis les battements de mon cœur le plus possible. J’avais désormais compris plus ou moins comment fonctionnaient mes pouvoirs désormais et je ne me privais pas pour les utiliser.
-Bien messieurs, je suis désolée, mais ce petit jeu n’a que trop duré, et il est temps d’y mettre un terme ; lançai-je en fermant les yeux.
Pour toute réponse, ils m’envoyèrent leurs monstres. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’ils me répondent de toute façon…
Sans dire un mot de plus, j’invoquai Ouroboros qui, en plus de détruire toutes les créatures psychiques, créa un pont de glace derrière moi sur lequel je m’empressai de filer sans demander mon reste.
Je courus sans m’arrêter pendant une bonne heure, après quoi la fatigue me rattrapa à nouveau. Je m’appuyai sur une pierre qui se trouvait là pour reprendre mon souffle.
Tout allait de travers en ce moment. Je pensais qu’après avoir vaincu Sayer, tout rentrerait dans l’ordre, mais tout était allé de mal en pis. Je n’avais plus d’argent, j’étais condamnée à me nourrir avec les rares fruits et baies que je trouvais et qui me semblaient comestibles.
Ces journées à jouer au chat et à la souris m’avaient complètement vidée de mes forces, et pire que tout, l’image de l’homme étant venu sauver Sayer me hantait. Son regard avait vraiment quelque chose d’inhumain et il semblait dégager une aura particulière, ressemblant à celle de Sayer mais en plus sombre et plus menaçante aussi… https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U Un bruit de pas me parvint aux oreilles. Ils s’étaient donc remis à ma poursuite. Poussant un long soupire, je repris ma route, m’enfonçant toujours plus dans la forêt qui se dressait devant moi dans l’espoir que la végétation dense leur ferait perdre ma trace.
Cependant, après cinq minutes à l’intérieur, je fus complètement désorientée. Les arbres et les plantes était bien plus épais que ce que je pensais. Pas un seul brin de lumière ne passait à travers l’épais taillis des arbres. Tout se ressemblait, j’avais l’impression de toujours retourner à mon point de départ, et à chaque fois que je pensais avoir trouvé une sortie, cela ne me ramenait qu’à une autre série d’arbres tous identiques.
Mais le pire dans tout cela, c’était que j’avais beau continuer d’avancer et de me perdre, j’entendais toujours les pas de mes poursuivants derrière moi, à croire qu’ils avaient mis un mouchard pour me repérer…
J’accélérai le pas progressivement et je retrouvai à courir. Je sentais mon cœur battre à l’intérieur de moi, j’avais l’impression qu’il allait exploser, mais je ne pouvais pas me reposer maintenant, sans quoi je risquais de passer un sale quart d’heure.
Mais…pourquoi fuyais-je ? J’avais déjà vaincu ces hommes, et je voulais simplement en finir. Fuir en attendant de me reposer un peu n’était visiblement pas la bonne solution et ne faisait que m’épuiser encore plus…Non, je ne pouvais pas continuer ainsi. Je devais me battre avant de finir vaincue par la fatigue.
Je m’arrêtai net. Même si je n’étais pas au meilleur de ma forme, il fallait qu’ils paient pour ce qu’ils avaient fait à ma famille !
Je les vis arriver, ils étaient encore plus nombreux, à croire qu’en vaincre un en amenait deux…Ils m’encerclèrent, je n’avais nulle part où fuir, mais ce n’était pas mon intention. Je n’avais que trop fui durant ce périple. Darksky n’aurait sûrement pas apprécié ce que j’allais dire, mais malheureusement c’est ce que je pensais désormais…
-Jamais vous ne pourrez me battre, vous aurez beau vous y mettre à cent, à mille, mais quel que soit votre nombre, je vous anéantirai un par un comme vous avez anéanti ma vie !
Ils n’eurent aucune réaction face à ma provocation, cette fois-ci, j’aurais quand même espéré les énerver un peu, mais ils semblaient ne posséder aucun sentiment.
Tant pis, après tout, vaincre des ennemis sans aucune émotion, qu’il s’agisse de peur ou de haine, est toujours plus simple.
-Gèle tout, Ouroboros !
Le dragon à trois têtes surgit dans un éclair de lumière noire qui illumina la forêt toute entière. Il dominait largement mes adversaires, et dépassait même la cime des arbres.
Ils reculèrent tous d’un pas pour ne pas se faire écraser comme des insectes mais c’était inutile. Mon monstre prit une grande inspiration et relâcha son attaque dans toutes les directions. Son souffle glacé puissant déracina les arbres dans un rayon de deux cents mètres et balaya les feuilles au sol dans un tourbillon glace, ne laissant une fois de plus qu’un immense cratère autour de moi.
Ils avaient tous disparus, mais je savais qu’ils reviendraient bientôt, toujours plus nombreux.
Une fois mon dragon rappelé, les ténèbres recouvrirent à nouveau la forêt. Cependant je vis devant moi un faible rayon de lumière filtrant à travers les arbres encore fumant. L’explosion avait réussi à percer un passage à travers la broussaille qui devait me permettre de sortir. Sans réfléchir et ne voyant qu’une échappatoire, Je me précipitai alors vers la source de lumière.
J’étais enfin sortie de cette sombre forêt, et je dois dire que ce que je trouvais à l’extérieur n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais… https://www.youtube.com/watch?v=hajo5RORXRE Une prairie infinie s’étendait là, à mes pied, si grande que je n’en voyais pas la fin. L’herbe, verte comme l’émeraude le plus pur, ressemblait à un immense tapis recouvrant le sol. Le ciel s’était subitement dégagé, les rayons du soleil brillaient fort, mais pas assez pour être désagréable, la température était idéale. Dans cet océan de vert, un unique arbre se dressait fièrement, juste à côté d’un petit cours d’eau traversant la plaine.
Emerveillée par ce spectacle féérique, je me mis à dévaler lentement la pente qui me séparait du ruisseau. Un vent léger me caressait le visage et faisait voler mes cheveux. Tout semblait si paisible, comme si l’homme n’avait jamais posé le pied sur cette terre magique.
J’entendais des chants d’oiseau, magnifique, ressemblant à des sons de clochettes. Toute la colère qui s’était accumulée en moi durant ces derniers jours se dissipa d’un seul coup tandis que seul une quiétude infinie m’envahit.
Lorsque je trempai ma main dans l’eau transparente, je sentis mes forces revenir d’un seul coup. Elle était si pure, si sauvage, telle que devrait l’être toute les rivières sur cette terre sans l’intervention de l’homme. Je pouvais même voir à travers quelques poissons étranges intrigués par ma présence.
Je me rendis alors compte que la forêt s’étendait à perte de vue autour de la prairie, pas étonnant que personne ne soit jamais parvenu à trouver cet endroit, n’importe qui serait devenu fou à force de tourner en rond.
Je m’approchai de l’arbre. Son feuillage, aussi vert que l’herbe, se confondait avec celle-ci. Seul son tronc se démarquait du paysage et ses feuilles se balançaient légèrement au rythme de la brise. J’aurais bien été incapable de dire de quelle espèce il s’agissait mais j’étais certaine de n’en avoir jamais vu, pas même dans les livres.
-Bel endroit, n’est-ce pas Laura ? Dit soudain une voix dans mon dos.
Je me retournais brusquement, le cœur battant à tout rompre, m’attendant à voir Sayer surgir. Cependant, lorsque je vis son visage, je fus frappé de reconnaitre ses traits.
-P…Papa ? M’étranglai-je, interdite de le voir en vie.
Sans réfléchir et sans même me poser de question, je me jeter dans mes bras et il me rendit mon étreinte.
-Laura ; dit-il en me prenant dans ses bras, je suis si heureux de te revoir enfin après toutes ces années.
Il portait un long manteau noir, ses cheveux étaient en batailles et long, son apparence était très différente de la dernière fois que je l’avais vu, mais son visage lui était le même.
Je me mis à pleurer toutes les larmes de mon corps sans pouvoir me retenir, mais pour la première fois depuis longtemps, ce n’était pas de tristesse, mais d’immense joie et de soulagement intense.
Notre étreinte se prolongea plusieurs minutes, refusant de m’éloigner de lui. J’avais peur de le voir disparaitre à nouveau si je le relâchais ne serait-ce qu’une seconde. Je me sentais retombée en enfance, lorsqu’il me serrait ainsi pour me consoler. Je ne m’étais pas rendue compte à quel point être séparée ainsi de ma famille m’avait marqué…
Lorsqu’il me regarda dans les yeux, je pus voir un bonheur infini dedans, l’amour d’un père pour son enfant perdu enfin retrouvé.
-J’ai toujours su que tu t’en sortirai, ma fille…murmura-t-il.
-Je…Je n’ai fait que suivre ce qu’Arnold m’a ordonné de faire…Bégayai-je, déconcertée. Mais…où sommes-nous ? Et comment cela se fait-il que tu sois ici ?
-Nous nous trouvons dans le monde des esprits, un monde parallèle au notre dans lequel les monstres de duel évoluent librement, un monde libre.
-Le…monde des esprits ? Répétai-je sans comprendre.
Au même moment, au-dessus de moi, un immense dragon noir descendit du ciel et vint se placer aux côtés de mon père, nous entourant de ses ailes dans un geste protecteur.
Je compris aussitôt. J’avais lu beaucoup de contes sur ce monde dans mon enfance mais je ne pensais pas qu’il était réel…
-Je suis désolé de ne pas t’avoir convoquée ici plus tôt, Laura, mais il s’est passé beaucoup de choses en ton absence…
-Beaucoup de choses ? Et Où sont Maman et Arthur ? Sont-ils là eux aussi ? Demandai-je pleine d’espoir. https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0 Son regard se voila lorsque je lui demandai cela et je fus saisie de panique. Mon cœur se serra dans ma poitrine et je me mis à trembler, connaissant déjà la réponse mais refusant de l’accepter tant que je ne l’avais pas entendue.
-Ta mère…n’est plus de ce monde, tout comme ton frère…
Ces mots eurent l’effet d’un coup de poignard en plein cœur. Je ne pouvais accepter ce que je venais d’entendre. Ma mère et Arthur, mort alors que je venais de retrouver mon père ? Comment cela avait-il pu arriver ? C’était impossible…J’avais toujours espéré qu’ils allaient bien…Je m’étais battue pour les revoir…Etait-ce une cause vaine ?
-Lorsque Sayer a attaqué, je n’étais pas présent…Commença-t-il d’une voix chargée de regrets. Seuls ta mère et ton frère étaient à la maison et, lorsque je suis rentré…Il était déjà bien trop tard.
Mon père serra le poing et son visage se crispa tandis que je voyais qu’il retenait ses larmes pendant que mon visage se décomposait au fur et à mesure que j’apprenais la sombre vérité et que mes yeux se remplissaient de perles de glace.
-J’ai été incapable de protéger ceux qui comptaient pour moi…Je savais que nous étions en danger et pourtant…Pourtant, j’ai refusé de fuir en pensant que vous souffririez plus dans l’exil et j’ai continué à vivre comme si de rien n’était, vous exposant tous à cette menace !
-Une…Une menace ? Murmurai-je, tremblante. Tu…Tu le savais ?
-Oui…Je le savais…Et je l’ai ignorée…Je ne voulais pas vous mêler à ça…Vous laisser dans l’ignorance pour mieux vous protéger…Tu as vu où ça m’a mené…
-Pourquoi…Pourquoi est-ce que tout cela nous est tombé dessus…Sanglotai-je.
-A cause de Gariatron.
-Ga…Riatron ? Repris-je.
-Oui. Une entité issue du fond des âges sommeillant à l’intérieur de l’âme du maitre de Sayer : Hélios.
-Et quel est le rapport…avec nous ? Demandai-je d’une petite voix.
-Nous possédons une partie de son pouvoir…Nous sommes la clé nécessaire à son réveil…et Sayer voulait empêcher cela en nous décimant pour rester le bras droit d’Hélios.
-La clé…
En pensant à cela, j’activai involontairement mes pouvoirs et un cristal de glace se forma dans ma main, sous les yeux ébahis de mon père.
-Laura…Ces pouvoirs…
Mais je n’écoutais plus ce que me disait mon père. Au fond de moi, une haine ardente brûlait et me consumait. Sayer…Et même Hélios…Ils allaient payer pour ce qu’il nous avait fait…Je ne me battais plus simplement pour moi désormais. J’avais une vengeance à accomplir.
-Ainsi, ta colère prend enfin le dessus, Laura ; dit une voix dans ma tête.
Soudain, ma vision se brouilla et le décor féérique disparut pour faire place à une grotte lugubre et ce que j’y vis chassa toute la chaleur de mon corps pour n’y laisser qu’un vide glacial et une haine destructrice.
Devant moi…Se trouvait Darksky…Et une fille blonde…Portant les capes de ces hommes m’ayant attaquée et ayant détruit ma vie… https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4 Lorsque la vision se dissipa, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire tandis que la rage grandissait en moi et qu’un puissant blizzard se levait, gelant instantanément le lac et brisant le tronc de l’arbre en deux. Bientôt, il ne resta de ce paysage féérique qu’un blanc manteau de neige avec, au milieu, mon père dont les mains brûlaient d’une flamme sombre et dont les yeux luisaient dans l’obscurité.
C’était terminé. Ma dernière attaque à mon passé venait de sauter et, avec elle, la petite fille joyeuse et stupide que j’étais mourut pour ne laisser place qu’à un froid intense et dénué de vie et d’émotion hormis la haine et le désir de vengeance.
Mon cœur s’arrêta de battre, mon sang se figea dans mes veines et
-Laura ; déclara-t-il d’une voix dans laquelle tout sentiment semblait s’être envolé, si je t’ai amené ici aujourd’hui, c’est pour te demander une chose : veux-tu te venger avec moi de ce monde qui nous a tout pris pour en reconstruire un nouveau ?
-Fais comme tu voudras ; lui répondis-je d’une voix glaciale. Tant que tu m’aides à accomplir ma vengeance.
Un léger sourire illumina sa figure et la flamme noire dans sa main redoubla d’intensité, jusqu’à devenir un brasier ardent et sombre, aspirant les derniers restes de vie ayant résisté à ma glace meurtrière.
-Tu as fait le bon choix Laura. Que tous les peuples se préparent car le règne de Shadow…va bientôt commencer…
Laura : Epilogue
Spoiler :
https://www.youtube.com/watch?v=J6O3MnMPGIk J’observai les flammes des esprits de la terre immortels se dissiper lentement sous la résistance de Darksky et de ses amis du haut d’une colline non loin de là. Ces idiots se débrouillaient mieux que je ne l’avais pensé mais, peu importe à quel point ils résistaient, ils allaient inévitablement finir engloutis par le froid ou les ténèbres de mon père.
Darksky…Il n’avait décidément pas changé depuis toutes ces années et était toujours aussi naïf et stupide que je ne l’étais à onze ans. Il n’avait même pas compris que ma jalousie n’était là que pour camoufler ma véritable haine qu’il ait accepté de s’allier avec cet Hélios, lui, la seule personne en qui j’avais fait confiance jusqu’à la fin.
Mais c’était fini. Je m’étais réveillé de ce rêve illusoire et rempli d’espoirs vains. Le temps n’était plus à l’amusement. Je devais venger ma famille pour accomplir le dernier vœu de mon père et pour pouvoir tout recommencer à zéro.
Fermant les yeux et détournant le regard de ce combat ridicule, je fis appel à Ouroboros et m’envolai jusqu’à la citadelle de Gariatron.
Là, je retrouvai mon père, ainsi que le démon mais je passai devant eux sans même les regarder et pénétrai à l’intérieur de la forteresse, laissant un long sillage de glace derrière moi jusqu’à atteindre une pièce particulière, séparé en son milieu par un abime sans fond et dans laquelle se trouvait un trône de glace.
Je m’assis dedans et je m’accoudai, attendant avec impatience que Darksky triomphe des esprits de la terre pour pouvoir l’écraser de mes propres mains.
-Dépêche-toi, mon vieil ami. Je suis impatiente de pouvoir t’affronter à nouveau après toutes ces années, et Ouroboros rêve de te connaitre lui aussi…
Tandis que je prononçai ces mots, je ressentis le souffle glacial du dragon à trois têtes dans mon dos. Nous étions prêts. Il était hors de question de perdre maintenant. Je ne pouvais que gagner et, une fois Darksky vaincu, plus rien ne serait en mesure de m’arrêter.
Ce monde dont nous rêvions, mon père et moi, était sur le point de voir le jour.
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