Je me sentais lourde…Des voix résonnaient dans ma tête…des cris de souffrance, des appels de détresse, des ombres informes…Etais-je morte ? Etait-ce mon châtiment pour avoir embarqué Maya et Ambre dans des histoires qui ne les concernaient pas ? Je l’aurais bien mérité en tout ça…Une héroïne, moi ? Quelle blague. Les héros sauvent les autres sans faire de blesser et ne sauvent pas leur peau tout en faisant périr ceux qui leur sont proches…
Je nageai dans ce brouillard pendant un temps qui me parut interminable, revivant en boucle la disparition de mes amies alors que j’étais à terre, incapable de me lever, je voyais leur dernier sourire s’effacer dans la lumière du sceau tout en sachant pertinemment qu’elles étaient terrifiées…Mais je ne cherchais pas à fuir ces images, pensant certainement que les revoir encore et encore finirait par changer quelque chose…
Lorsque je revins à moi longtemps après, toutes mes forces étaient revenues. J’étais toujours allongée sur le sol, devant le portail d’entrée de l’école tandis que June appliquait une compresse humide contre mon front brûlant.
De notre combat, il ne restait plus qu’un cratère fumant à l’endroit où avait explosé le sceau et Hélios avait disparu…
Lorsque mon amie me vit ouvrir les yeux, elle arrêta toute activité et me serra dans ses bras, des larmes de joie et de soulagement coulant de ses yeux mais je n’eus aucune réaction face à démonstration d’amitié. Je ne la méritais pas…
-Angéla, tu es vraiment vivante…Je suis si heureuse…Je…
-June…L’interrompis-je d’une voix rauque. Dis-moi, où est Hélios ?
-Il est parti sans demander son reste après que tu t’es évanoui…Apparemment, il a obtenu ce qu’il cherchait ; me répondit-elle en fronçant les sourcils.
-Je vois…Dans ce cas, il ne reste plus qu’à le retrouver.
Je tentai de me mettre debout mais, prise de vertiges, je titubai et June me rattrapa juste avant que je ne m’étale une nouvelle fois par terre.
-Doucement Angéla, tu as été sacrément amochée tout à l’heure, ne force pas trop…
-Je m’en fiche…Il faut que je rattrape Hélios…
-On s’en occupera mais une fois que tu seras en état de marcher déjà ! Rétorqua-t-elle d’un ton plus sévère qui me fit me résigner aussitôt.
Je n’avais vraiment pas la force ni la motivation pour me disputer avec la seule amie qui me restait à ce moment-là…
Nous restâmes devant le portail de l’école encore plusieurs minutes en silence. Je n’avais pas envie de parler et je n’avais qu’une seule idée en tête à présent : m’occuper du cas d’Hélios une bonne fois pour toute, lui faire payer ce qu’il avait fait à Ambre et Maya. Il pouvait bien me tuer, ça n’avait pas d’importance, mais je refusais de laisser ce crime impuni.
Beauchardassaut arriva un peu plus tard, accompagné de toute sa troupe et, après lui avoir confirmé que la route était libre, ces derniers s’échappèrent sans demander leur reste. Cependant, notre professeur resta jusqu’à la fin pour s’assurer que tout le monde était bien sorti puis s’adressa à nous avec un grand sourire.
-Bien, tout le monde est là, merci à vous de nous avoir libérés, nous vous seront éternellement reconnaissants.
-Il n’y a pas de quoi ; répondis-je évasivement.
-Mais je ne vois pas Ambre et Maya, où sont-elles ?
-Elles…elles sont parties…
-Oh, je vois, j’aurais bien aimé les remercier. Passez-leur mes remerciements de ma part quand vous les verrez.
Je me contentai de répondre par un hochement de tête et il partit à son tour, ne laissant plus que June et moi dans cette école, désormais associée aux pires heures de ma vie. Même si voir que nous avions pu sauver les élèves, ce n’était qu’une maigre compensation face à la perte de mes deux amies de toujours…
« Angéla…nous croyons en toi et en June. Nous te confions nos espoirs. Ne nous déçois pas » m’avait dit Ambre…Comment pouvait-elle prétendre me faire encore confiance alors que c’était moi qui les avais entrainées dans toutes ces histoires ?
Je frappai le sol de mon poing pour évacuer ma frustration mais tout ce que j’obtins fut une nouvelle blessure à la main…
-Et maintenant ? Murmurai-je.
Je savais qu’Hélios n’en avait pas fini avec moi. Il me croyait sûrement morte mais une fois qu’il aurait réalisé son erreur, j’étais persuadée qu’il enverrait d’autres hommes finir le travail et je ne pouvais pas faire courir un nouveau risque à June même si elle avait promis de me protéger…
Alors que j’étais perdue dans mes pensées, des bruits de pas se firent entendre et June se remit sur ses gardes, pensant qu’il s’agissait du retour d’Hélios mais elle poussa un soupir de soulagement en entendant deux personnes se chamailler comme des enfants.
-Je te dis qu’il n’y a aucun souci à se faire, elles sont assez grandes pour se débrouiller toutes seules.
-Et moi je te dis qu’il se passe quelque chose d’anormal !
-Mai, combien de fois t’ai-je dit de te débarrasser de cette pierre, elle ne sert à rien et en plus, elle n’est même pas spécialement belle.
Les parents de June apparurent alors devant nous et eurent l’air consterné en se rendant compte de l’état dans lequel était l’entrée. Les murs étaient fissurés de partout, les vitres brisées, les bancs encore fumant et pour couronner le tout, un énorme cratère créé par l’explosion du sceau se trouvait en plein milieu.
-Tu vois Joey, j’avais raison, mais toi bien sûr, tu n’en as fait qu’à ta tête, comme d’habitude !
-Comment ça je n’en fait qu’à ma tête ?!
-Oui parfaitement et en plus…
-Mai, professeur Wheeler, mais…que faites-vous là ? Demandai-je timidement.
-Mais surtout, pourquoi n’arrivez-vous que maintenant ?! râla June mécontente. Vous êtes toujours là après la tempête !
-Dis ça à ton père June, sans lui, je serais déjà là depuis longtemps.
-Aussi, comment veux-tu que je te crois quand tu me dis : « l’orichalque s’est réveillé, je peux le sentir » ?
-Je ne sais pas, en me faisant confiance pour une fois !
-Et si au lieu de vous disputez, vous preniez Angéla en charge ? Vous voyez bien qu’elle est blessée ; soupira mon amie.
Les parents de June finirent enfin par remarquer dans quel état je me trouvais et focalisèrent aussitôt leur attention sur moi, oubliant aussitôt leur dispute.
Ainsi, je réalisai enfin ce à quoi j’aspirai depuis que j’avais remis les pieds ici : sortir…Même si je n’avais pas imaginé une seule seconde en ressortir encore plus meurtrie qu’en y entrant. Cependant, avant de quitter définitivement cet endroit pour certainement ne plus jamais y remettre les pieds, je me retournai et lançai un dernier regard vers le cratère fumant.
-Je vous sauverai, j’en fait le serment…murmurai-je. Alors, attendez-moi, Ambre, Maya.
Les Wheeler me ramenèrent donc chez eux et soignèrent mes multiples blessures tout en me préparant un repas chaud. Mai me proposa également d’appeler mes parents pour les prévenir mais je lui dis que c’était inutile. Je n’avais pas envie d’avoir une leçon de morale après une journée pareille, surtout pour entendre quelque chose du genre : « voilà ce qui arrive quand on cherche les ennuis » ou je ne sais quelle idiotie.
Ni June ni moi ne parlâmes de l’incident avec Ambre et Maya mais ses parents ne semblaient pas dupes et nous parlèrent de leurs propres aventures avec l’orichalque dans leur jeunesse.
Je ne savais pas pourquoi mais je me sentais vraiment à l’aise avec eux et je réussis à oublier le temps de leurs histoires ma tristesse et mon désir de vengeance contre Hélios. Même si je ne les connaissais pas depuis très longtemps, je pouvais dire sans aucun tabou qu’ils étaient exactement les parents que j’aurais souhaité avoir, de même que June qui était comme une grande sœur pour moi depuis que nous nous connaissions…
Cette discussion se poursuivit jusqu’à tard dans la soirée mais, malgré la fatigue et mes membres endoloris, je ne réussis pas à trouver le sommeil. Toutes mes pensées étaient en ébullition et, après m’être retournée une centaine de fois dans le lit d’ami, je décidai de sortir prendre l’air, espérant que la nuit m’aide à me détendre.
Je n’avais cependant pas réalisé l’heure et le soleil commençait déjà à pointer ses premiers rayons au-dessus d’une ville encore endormie.
Je me dirigeai vers le premier endroit où j’étais venue en arrivant ici, quelques semaines plus tôt : la bute Montmartre. Une fois de plus, je fus émerveillée par la vue, toutes ces lumières dans la ville…Paris méritait vraiment son nom de « ville lumière ». Au loin les tours de la défense scintillaient sous le soleil levant tandis que la Seine coulait lentement, rougeoyante en ce matin d’été si calme.
-Je ne me lasserai jamais de cette vue ; dit soudain un voix venue de derrière moi.
Je me retournai en sursaut, un peu surprise que quelqu’un d’autre soit réveillé à cinq heures du matin et je vis apparaitre le professeur Wheeler.
-Je n’arrivai pas à trouver le sommeil, donc j’ai décidé…Commençai-je avant de me faire interrompre.
-Je te comprends Angéla, moi aussi quand je n’arrive pas à dormir, je viens ici, ça me détend de voir la ville ainsi. J’ai l’impression de me sentir plus fort que je ne le suis…
Le professeur marqua une pause et vint se placer juste à côté de moi, s’appuyant sur le rebord et plongeant son regard vers un point au loin.
-Tu sais, même si je donne l’impression d’avoir tout le temps confiance en moi, en vérité, la plupart du temps, je ne sais pas quoi faire. J’aimerais faire de mon mieux pour les rendre heureuses toutes les deux, elles sont ce que j’ai de plus cher au monde…surtout depuis que mon travail m’a amené ici.
-On ne peut pas protéger tous ceux qui nous sont chers malheureusement…Murmurai-je en baissant les yeux, honteuse.
-Oui, c’est un fait, on ne peut pas sauver tout le monde, nous ne vivons pas dans un manga après tout ; me répondit le professeur en haussant les épaules.
Je serrai les dents, me sentant encore plus coupable et je m’apprêtai à rentrer, mal à l’aise, mais le père de June reprit.
-Cependant, je pense que si on veut sauver une personne en particulier, rien n’est impossible.
-Que…voulez-vous dire ? Lui demandai-je, sceptique.
-Rien de plus que ce que j’ai moi-même vécu avec Mai. J’étais faible et incapable de faire quoique ce soit, mais aujourd’hui, elle est bien vivante. Je suis certain que toi aussi, tu es capable de sauver ceux que tu aimes, Angéla.
Le professeur me lança un regard rempli d’espoir et, même si je n’étais pas convaincu par ses paroles dans ma situation, je fus néanmoins heureuse qu’il s’inquiète pour moi.
Sur ces paroles, nous retournâmes à la maison à présent que le soleil était totalement levé. La nouvelle journée se passa sans accroc et je me contentai de récupérer des blessures de la veille, parlant simplement avec June tandis que ses parents se renseignaient sur Hélios.
Cependant, mon désir de vengeance ne s’était toujours pas estompé et je cherchais désespérément un moyen de lui faire payer tout en ramenant Ambre et Maya parmi nous. Heureusement pour moi, la bibliothèque du professeur était plutôt bien fournie et possédait toutes les informations dont j’avais besoin. Comme je le pensais, j’allais devoir devenir plus forte, beaucoup plus forte si je voulais les sauver de ce fou dangereux.
-Dis June, toi qui es championne à tes heures perdues…Tu n’aurais pas un secret à me révéler pour que je devienne plus forte ?
-Pas vraiment non. Mais je ne pense pas que tu doives te focaliser uniquement sur la puissance. La réflexion et le calme sont tout aussi importants pour gagner une bataille. Et puis, n’oublie pas que Maya et Ambre t’ont ordonné de vivre, ce n’est quand même pas pour que tu te jettes tête la première dans la gueule du loup !
-Justement, c’est pour cela que je dois devenir plus forte, pour leur prouver que je ne referai plus les mêmes erreurs, que j’ai grandi.
-Pourquoi vouloir leur prouver cela ? Ce n’est pas ce qu’elles t’ont demandé il me semble ; rétorqua June très calmement.
-Peut-être mais je suis fautive dans cette histoire, il faut que je me rachète !
-J’imagine que je ne pourrai pas te convaincre du contraire dans l’état actuel des choses ; soupira mon amie.
Cette dernière se leva et me lança une veste accrochée au porte manteau avant d’enfiler la sienne et de prendre les clés.
-Allez, dépêche-toi, les magasins vont bientôt fermer.
Sans poser de question, je me levai et la suivis. June m’emmena alors à l’autre bout de la ville, dans des quartiers que je connaissais peu, près de la bastille, et plus précisément dans une boutique spécialisée dans le duel de monstre.
L’échoppe n’était pas très grande en elle-même mais possédait une arrière-boutique plutôt spacieuse où des dizaines de joueurs s’affrontaient. Mais la première de la classe ne s’attarda pas sur cette partie et commença à chercher des cartes en particulier dans la base de données.
Pendant ce temps, ne sachant pas trop quoi faire, je décidai d’aller observer les joueurs. Pour moi, aucun n’était excellent ni même bon mais je ravalai ma fierté cette fois-ci et je ne fis aucun commentaire, me rappelant de ma défaite lamentable contre ce sbire jouant dragon armé…
Peut-être était-ce cela dont j’avais besoin, une nouvelle vision sur le jeu. J’avais toujours pris de haut tout le monde, me considérant comme la meilleure et pensant avoir un talent inné alors que je n’avais jamais affronté de joueurs sérieux…Et, même si je savais depuis longtemps que je devais arrêter de me vanter, je n’avais jamais réussi jusqu’à maintenant. Ce n’avait toujours été que des paroles en l’air, des considérations et même lorsque j’avais vraiment essayé, ma fierté l’avait à nouveau emporté lors de mon duel contre Hélios et cela m’avait coûté très cher…
-Eh, toi là, tu es nouvelle, je me trompe ? Me demanda quelqu’un derrière moi.
Je me retournai et je vis un garçon assez corpulent, aux cheveux coupés courts et mâchant du chewing-gum. Il portait un simple t-shirt blanc et un pantalon de sport ainsi qu’un sweat à capuche bleu ciel et des baskets…l’archétype du garçon moyen et sans intérêt.
-Euh…Oui…enfin non, je ne compte pas rester…
-Une nouvelle joueuse qui débute et qui ne sait pas encore ce qui l’attend…tu as de la chance d’être tombée sur moi, je suis le spécialiste pour aider les nouveaux joueurs !
-Mais non, je ne suis pas…
-Je m’appelle Rouguignou ; me coupa-t-elle sans même m’écouter. Je suis un peu une légende vivante ici. Les gens refusent de voir la vérité mais je suis ici envers et contre tout pour la rétablir !
-Très bien mais…
-Si tu veux que je te confie un secret, j’ai été banni au moins cinquante fois mais je reviens toujours, le gérant de la boutique est un abruti fini ; me chuchota-t-il.
-Et…ce n’est pas un peu dangereux de dire ça à voix haute ? M’étonnai-je devant l’amateurisme de ce personnage.
-Pas du tout ! Et en ce qui concerne ton deck de départ, je te conseille scorpion noir : très fort, très rapide, très résistant contre le méta, il a tout ce qu’il faut pour gagner et…
Le garçon n’eut pas le temp de terminer sa phrase qu’une main l’empoigna et le jeta dehors sans autre forme de procès. Je n’avais pas vraiment compris ce qu’il venait de se passer mais je ne pus néanmoins pas m’empêcher de sourire. Dans d’autres circonstances, je lui aurais bien appris comment être discret mais je n’avais pas vraiment la tête à aller le rattraper pour ça.
Je repartis donc voir June qui, pendant ma courte absence, avait eu le temps d’acheter bien des choses…
-Tu tombes bien Angéla, je viens de terminer ; s’exclama-t-elle en me voyant.
-Et…Qu’as-tu acheté exactement ?
-ça, on verra à la maison, pour le moment, aide-moi à transporter tous ces sacs !
Je faillis trébucher en prenant la moitié de ses courses tant ce qu’il y avait à l’intérieur était lourd.
-Eh, mais sérieusement, qu’est-ce que tu as pris ? Des boulets de canon ? M’étranglai-je.
June ne me répondit rien et prit simplement le chemin du retour et je la suivis en soupirant. Le trajet me sembla bien plus long qu’à l’allée avec tous nos sacs, surtout lorsque nous dûmes monter à pied les escaliers menant à Montmartre. Plusieurs fois, je crus que j’allais abandonner et me contenter de rentrer chez moi mais le regard foudroyant de June m’obligea à continuer jusqu’à la fin.
Finalement, après une heure de trajet, nous arrivâmes enfin devant la porte de la maison de June et je m’effondrai par terre en ayant à peine posé un pied à l’intérieur.
June, quant à elle, semblait se porter très bien et je commençai à me demander si elle ne m’avait pas volontairement refilé les sacs les plus lourds mais je restai sans voix lorsque je réalisai les siens étaient peut-être même plus lourds que les miens…
-Première étape pour s’améliorer : avoir une bonne forme physique ! Me lança-t-elle depuis le salon.
-Et en quoi est-ce que ça me sera utile en duel ?
-Ça te servira à ne pas t’effondrer comme hier déjà ; me répondit-elle avec un clin d’œil.
Je gonflai les joues, vexée par cette pique gratuite.
-Bon, et à part ça, il y a quoi là-dedans ? Du sable ?
-Non, juste quelques cartes pour améliorer ton jeu.
En entendant cela, je me précipitai pour ouvrir les sacs et effectivement, June avait bien acheté des tonnes de cartes ainsi que divers autres produits dont j’ignorais l’utilité. Assaut Solennel, tourbillons jumeaux, raigeki, autant de cartes qui me manquaient et qui m’auraient permis de remporter la victoire contre cet idiot aux dragons armés ! Mais…
-June…Ces cartes coûtent une fortune ! M’exclamai-je, les yeux ronds.
-Tu sais, mon père est très proche d’illusion industrie, j’ai droit à beaucoup de réductions, donc fais-toi plaisir.
Je voulus la serrer dans mes bras mais je me retins, focalisée sur les cartes que j’avais en main. Je ne perdis pas une seconde et j’enlevai toutes les cartes de remplissages de mon deck telles que cylindre magique ou annulation d’attaque pour y mettre celles de June. Avec ça, plus rien ne pouvait m’arrêter ! Hélios n’avait qu’à bien se tenir parce que j’arrivais pour lui régler son compte !
Je ravalai ces pensées aussitôt et tentai de me calmer. Non, il ne fallait pas que je fasse la maligne même avec ces cartes. Si je jouais n’importe comment, j’allais perdre à coup sûr, il fallait que je reste concentrée sur mon objectif…
Je vis June sourire du coin de la bouche, remarquant mon self-control. Apparemment, c’était le but qu’elle recherchait en prétendant me rendre plus forte et je n’étais pas mécontente d’y être arrivé.
Nous passâmes le reste de la soirée à perfectionner nos jeux et nous donner des conseils car, même si June était championne, je remarquai qu’elle ne connaissait pas quelques trucs et astuces que j’utilisai souvent et cela me rassura un peu de voir que même moi, je pouvais être utile à quelqu’un.
-Au fait, Angéla, mon père a recontacté Beauchardassaut hier pour le remercier et, je ne sais pas si je devrais te le dire mais il manquait un autre élève à l’appel.
-Sûrement encore cet imbécile d’Aymeric…Marmonnai-je.
-Qui ça ?
-Non, rien, personne, je pensais à voix haute c’est tout !
Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter pour lui, déjà parce qu’il n’en valait pas la peine, mais il avait simplement dû s’enfuir comme un lâche en laissant tout le monde derrière lui.
Un peu plus tard dans la soirée, le père de June vint nous rejoindre avec sa femme, toujours en se disputant, ce qui agaça rapidement leur fille qui tapa sur la table pour les faire taire. Je me demandais vraiment qui étaient les parents dans cette famille parfois…
-Bon, vous avez quelque chose d’intéressant à dire ou vous êtes juste venus nous casser les pieds ? S’énerva mon amie.
-Ah non, c’est vrai que je voulais vous parler de quelque chose les filles ! S’exclama le professeur tandis que sa Mai soupira.
Ces derniers s’installèrent en face de nous et prirent des visages sérieux qui ne leur allaient pas très bien mais je ne fis aucune remarque là-dessus, comprenant que l’heure n’était plus à la rigolade.
-Nous avons décidé que retourner à Néo Domino City ; déclara Joey d’une voix grave.
-Sérieusement ? Et pour faire quoi ? Te faire licencier de ton travail encore plus vite ? Rétorqua June, les yeux ronds.
-Nous sommes sérieux, June ; reprit sa mère d’une voix plus calme. Aujourd’hui, il y a eu un incident au laboratoire de recherche EnerD et il y a de fortes chances que cela soit lié à Hélios.
-Et puis tant pis pour le travail, ça ne sera pas la première fois que je m’absente, ils comprendront quand je leur expliquerai que j’ai sauvé le monde ! Ajouta le professeur avec un large sourire.
-N’y compte pas trop mais soit ; admit mon amie en haussant les épaules. Et comment comptes-tu y aller ? Tu ne peux pas obtenir des billets d’avion du jour au lendemain comme ça je te signale.
-Justement, c’est là qu’intervient mon travail, je n’aurai qu’à dire qu’on a besoin de moi d’urgence à domino city et ils me donneront un avion tout de suite. De toute façon, ils n’ont pas le choix, je suis leur patron.
-J’imagine qu’ils sont assez stupides pour gober ça s’ils acceptent d’être dirigés par toi…
-Je ne te permets pas ma fille, tu dois respecter ton père un minimum…sinon de quoi je vais avoir l’air devant Angéla moi…
-Ouai, ouai, faites vite en tout cas. Angéla, tu es de la partie j’imagine ?
-Evidemment ! M’exclamai-je en me levant d’un bond. Si Hélios se trouve quelque chose, j’y serai aussi !
Après cela, nous nous séparâmes dans la maison pour faire les bagages en vitesse. De mon côté, je n’avais pas grand-chose à prendre puisque j’empruntai les vêtements de June et que je ne comptai pas repasser chez moi avant un bon moment. Je me contentai donc d’aider comme je pouvais, avec néanmoins une boule au ventre à l’idée de partir ainsi alors que je n’avais même pas prévenu mes parents que j’allais bien…
Une fois les préparatifs terminés, ce qui prit moins de temps que je ne le pensais, nous sortîmes faire un tour sur la place pour profiter de nos derniers instants en ville. Les rues étaient bondées à cette heure de la journée, les artistes exhibaient leurs œuvres aux passants émerveillés qui s’arrêtaient pour les contempler longuement. Il y avait également quelques gamins s’amusant à se chamailler comme nous le faisions si souvent avec Ambre et Maya par le passé…
Je chassai ces souvenirs de ma tête. Il n’y avait aucune raison d’être triste. J’allais vaincre Hélios et les ramener saines et sauves à la maison, c’était mon seul objectif à présent.
Cette nuit-là, encore une fois, le sommeil mit du temps à venir. Dire que ça ne faisait que deux jours que tout s’était passé mais dans mon esprit, Maya et Ambre avaient disparu depuis bien plus longtemps. Peut-être parce que je n’étais pas habituée à passer autant de temps sans les voir ni leur parler.
En y repensant, grâce à elles, je n’avais jamais connu la solitude. Mais elles, que pensaient-elles réellement de moi ? Je pensais que nous partagions de manière égale les joies et les peines mais à présent qu’elles n’étaient plus là, j’avais l’impression que je me reposais sur elles en réalité. Je pensais les soutenir mais je n’en avais jamais eu l’occasion car je me reposais toujours sur elles sans même remarquer que je n’étais peut-être pas la seule à traverser des moments difficiles.
Décidemment, je me trouvais bien égoïste tout à coup. Même ma vengeance contre Hélios, je ne savais pas si c’était plus pour me donner bonne conscience, me dire que je leur ai été utiles que pour réellement me venger… Je me demandais bien comment elles pouvaient me supporter malgré ça.
-Dis-moi, June ; chuchotai-je.
-Oui ? Me répondit-elle à moitié endormie.
-Pourquoi est-ce que tu fais tout ça pour moi ?
Mon amie ne me répondit pas tout de suite et je crus qu’elle s’était rendormie mais après quelques secondes, j’entendis à nouveau sa voix.
-Parce que nous sommes amies…j’imagine.
-Mais, est-ce que « être amies » justifie vraiment de risquer sa vie ?
-Pas vraiment…D’un point de vue purement rationnel du moins.
-Et tu n’as pas envie d’oublier toutes ces histoires et de reprendre une vie normale avant que tout ne dégénère pour toi aussi ?
-Pas vraiment…non.
Je ne comprenais pas…Pourquoi June, Ambre et Maya se donnaient-elles autant pour moi qui n’avais jamais rien fait d’autre qu’amuser la galerie ? Etre simplement amie ne justifiait en rien d’aller jusqu’à se sacrifier pour me sauver.
-Mais toi, Angéla, est-ce que tu ferais la même chose pour l’une d’entre nous ? Reprit June d’une voix toujours ensommeillée.
-Evidemment, la question ne se pose même pas…
-Dans ce cas, tu as ta réponse.
June se retourna dans son lit et sa respiration ralentit, signe qu’elle s’était endormie pour de bon cette fois. Je soupirai avant de remonter la couette sur ma tête, décidant d’arrêter de penser à cela pour ce soir. Tout était encore bien trop frais dans mon esprit pour avoir un avis sensé. Seul le temps pouvait me permettre de comprendre…
Le lendemain, nous nous rendîmes à l’aéroport tôt dans l’après-midi ; le matin ayant été entièrement consacré à la recherche des billets perdus par le professeur. June ne manqua pas de faire remarquer que sans Jet privé, nous aurions été coincés par la faute de son père.
Mais heureusement, tout s’était arrangé et nous nous trouvions à présent devant l’avion qui devait nous amener à Néo Domino City, là où Hélios se terrait apparemment et là ou je comptais bien en finir une bonne fois pour toute.
Alors que les bagages étaient en train d’être embarqués, je repensai subitement à mes parents…qu’allaient-ils dire s’ils ne me voyaient pas pendant trop longtemps ? Pour l’instant je ne m’étais pas inquiété de leur réaction, j’ai l’habitude de m’absenter quelques jours sans prévenir après tout, mais cette fois-ci, je ne savais même pas si j’allais rentrer un jour et, même si nous nous battions souvent, je me sentais mal de leur faire ça…
Certes, je voulais venger mes amies et détruire Hélios mais je ne pouvais pas ne même pas prévenir mes parents de ce qu’il se passait. Et puis, June était tellement plus compétente que moi que j’allais sûrement être une gêne plus qu’autre chose dans leurs investigations.
-Angela ? Tu viens ? Me lança mon amie qui s’apprêtait à monter dans l’appareil.
-Désolée June…mais je ne peux pas venir…Lui répondis-je en baissant les yeux.
-Mais pourquoi ça ?
-J’ai…encore des choses à régler ici avant de partir. Mais ne vous inquiétez pas, je vous rejoindrai dès que j’aurai fini !
June fronça les sourcils, sceptique et je crus qu’elle allait m’emmener de force mais à la place elle se contenta de me tendre la main avec un sourire.
-Je te comprends. J’imagine donc que c’est un au revoir pour le moment.
-Pas pour longtemps je te dis, ça ne sera pas long mais je ne veux pas vous retarder.
-Essaie juste de ne pas te faire tuer pendant ce cours laps de temps alors ; me lança-t-elle en me serrant dans ses bras.
-J’essaierai oui, mais je ne promets rien. Après tout, je suis un aimant à problème, c’est bien connu.
Nous rîmes de bon cœur toutes les deux. Je n’avais vraiment pas envie de lui dire au revoir mais je ne pouvais pas non plus faire un coup pareil à mes parents…
Après avoir salué les Wheeler, je restai sur le bord de la piste en faisant des signes jusqu’à ce que l’avion décolle et devienne un minuscule point à l’horizon.
Enfin…J’étais vraiment seule à présent…Cela me faisait tout drôle que ma dernière amie soit partie également mais je ne m’inquiétais pas vraiment. Si je n’étais pas dans les parages, elle ne risquait sûrement rien.
Désormais, il ne me restait plus qu’à m’améliorer pour pouvoir me représenter devant June, Ambre et Maya avec la force nécessaire pour leur être utile, pour ne plus avoir besoin de me reposer sur elles, pour vaincre Hélios.
Je m’apprêtai à retourner à l’entrée et prendre un taxi pour rentrer chez moi et expliquer la situation à mes parents, espérant au passage ne pas me faire démembrer, lorsque j’entendis soudain le bruit d’une explosion tout près de moi et un immense monstre noir apparut dans le ciel, créant à lui seul un amoncellement de nuages noirs qui ne me disaient rien de bon.
Sans réfléchir et voyant déjà le désastre de l’école se reproduire, je me précipitai vers l’origine de l’explosion, tout en gardant mes distances, préférant éviter de foncer une nouvelle fois dans le tas sans avoir un plan avant.
Ce que je vis me sidéra mais me mit également hors de moi : Hélios était là, toujours habillé comme un guignol échappé d’un bal costumé, entouré d’une rangée d’hommes portant des capes pourpres et faisant face à un garçon à l’air terrifié. Il n’était ni très grand, ni très petit, aux cheveux blonds assez long avec deux mèches rebelles redressées comme des antennes. Son visage était fin et ses yeux bleus respiraient la peur, ce que je pouvais comprendre.
Alors comme ça, je n’étais pas la seule cible de ce fou…J’étais à la fois rassurée et effrayée, comprenant de moins en moins les motivations de celui qui se prétendait roi.
Une chose était sûre, Hélios était là, devant moi et ne semblait pas m’avoir remarquée. C’était l’occasion idéale de lui faire payer !
Je voulus ainsi me jeter entre lui et le garçon mais mes jambes refusèrent de m’obéir. Tout mon corps tremblait…Je ne pouvais pas me l’avouer, mais j’avais peur moi aussi…Peur de l’homme qui m’avait tout pris et qui pouvait me réduire en cendre d’un seul regard…
Bon sang ! A quoi servaient tous ces discours de vengeance si, lorsque j’en avais l’occasion, j’étais incapable de faire quoique ce soit ! Je me trouvai vraiment pathétique à ce moment-là…
–Ainsi voilà la personne qui a perturbé mes plans à new domino city. Je t’imaginais plus âgé mais comme on dit, l’âge n’a aucune importance. Il suffit de me regarder, j’ai plus de 5000 ans ; Déclara Hélios au garçon.
-Que me voulez-vous ? Demanda-t-il, pétrifié.
-A vrai dire je n’ai absolument rien contre toi mon garçon. C’est plutôt à tes ancêtres que j’en veux.
-Que voulez-vous dire ?
-Alors comme ça tes parents ne t’ont rien dit ? C’est amusant ; mais j’ai des scrupules à tuer un ennemi qui ne sait même pas pourquoi il va mourir. Très bien, je vais te donner une chance : si tu arrives à me battre en duel je dirai ce que tu veux entendre : la vérité au sujet de tes ancêtres. Alors qu’en dis-tu, acceptes-tu de relever mon défi ?
Je ne comprenais rien à ce qu’il se passait, une fois de plus. Et qui était ce garçon pour qu’Hélios vienne s’occuper de lui personnellement alors qu’il m’avait laissé un pauvre sous-fifre jouant Horus ? Je n’étais pas vraiment jalouse mais plutôt vexée au plus profond de moi. Etais-je vraiment si nulle que je n’en valais même pas la peine ? Dans ce cas, pourquoi m’affronter moi si je n’étais même pas une menace ?
Malgré ma frustration, je décidai de regarder attentivement ce duel, espérant ainsi obtenir quelques informations utiles. C’était sûrement ce que June aurait fait à ma place après tout au lieu de foncer tête baissée sur l’ennemi sans avoir de plan.
Le duel se déroula vraiment dans un seul sens. Hélios invoquait ses monstres sans même se soucier de son adversaire qui contenait comme il pouvait les attaques et, même si parfois il réussissait à infliger quelques dégâts, le roi ne sembla même pas s’en préoccuper.
Garçon : 800 – Hélios : 2700
-Maintenant que mon Heart-eartH est au cimetière, sa dernière faculté s’active : je peux désormais invoquer le monstre qui causera ta perte, depuis mon extra deck, voici l’empereur des ténèbres, le destructeur des mondes : le numéro 92 : dragon Heart-eartH !
Je ne le sentais vraiment pas celui-là…Et j’avais raison, son dragon sortit du sol comme s’il était venu des enfers. Il faisait vraiment peur à voir, avec ses yeux rouges comme le sang, son corps long et fin qui cachait le soleil et ses grandes ailes translucides nimbant l’aéroport d’une lumière sinistre et inquiétante.
Je fus tout à coup presque soulagée d’avoir été terrifiée et de ne pas avoir sauté. Je n’aurais vraiment pas aimé être à la place de ce garçon…Cependant, je ne pouvais pas le laisser dans une telle situation sans rien faire, il fallait que j’agisse, je refusais que l’épisode avec Ambre et Maya se reproduise sous mes yeux !
-Ceci est le signe de ton destin Drago, tu ne peux y échapper. A l’attaque Dragon Heart-eartH, réduit les à néant!
Je décidai de passer à l’action à ce moment précis. Rassemblant mon courage, je me levai et j’activai mon disque de duel, tentant le tout pour le tout.
-Annule attaque !
-Quel misérable avorton ose interrompre mon duel… ; s’écria Hélios fou de rage.
Le roi leva la tête dans ma direction et écarquilla les yeux en me voyant tandis que je lui lançai un regard empli de fureur et de mépris. Je n’en avais pas fini avec lui mais, plutôt que de jouer les héroïnes et de me jeter dans la gueule du loup, j’optai pour une stratégie moins suicidaire qu’était la fuite.
-Et maintenant, éclat lumineux !
Je profitai de la confusion pour rejoindre le garçon et son majordome que je dépassai sans m’arrêter.
-Vite, fuyons temps qu’il est aveuglé !
Il hésita quelques instants puis se décida à venir. Nous montâmes dans la voiture puis nous nous enfuîmes sans demander notre reste tandis qu’Hélios lançait des attaques dans toutes les directions espérant nous toucher, en vain.
En y repensant, j’avais toujours eu de la chance dans mes rencontres fortuites. Qu’il s’agisse de Maya ou Ambre, de June, de Drago ou de Darksky, je n’avais jamais cherché l’amitié de personne et pourtant je m’étais fait des amis précieux, prêts à risquer leur vie pour moi alors moi aussi, j’allais le faire. Ambre, Maya, peu importe combien de temps cela allait prendre mais je me jurai de les sauver, coute que coute, et ce, même si je devais mettre ma propre vie en péril.