Chapitre 29 : Le rouge du désespoir — Reisuke , Jour + 8 Après l'arrivée de Zetsubô
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Les jours se terminant dans le monde du désespoir n’apportaient avec eux ni coucher de soleil, ni paysage de carte postale. Tout ce qu’ils apportaient, c’était tout autant de désolation qu’il n’y en avait d’habitude. Je sentais cependant une chose différente, cette chose étant l’aura du monde extérieur. Ainsi, fixant le paysage paisible du monde de ténèbres que nous avions protégé moi, Juuni et ma sœur, je me dis à ce moment que le monde réel m’appelait malgré tout. Je n’étais malgré tout pas un être de désespoir comme le pensait Zetsubô…Et au fond de moi, cela me comblait de bonheur.
Je n’étais pourtant pas du calibre de mon frère lorsqu’il s’agissait d’espoir, et je n’étais pas du calibre de ma sœur lorsqu’il s’agissait de désespoir…Au fond, même dans ma propre famille, je n’avais pas vraiment d’identité. Mais je n’avais pas à me plaindre, j’étais heureux malgré tout. La place que mes aînés s’étaient faits leur avait coûté beaucoup de sacrifices, beaucoup d’années, et j’avais reçu énormément de leur part. J’étais le plus chanceux de nous trois lorsqu’on y réfléchissait, et pour ce fait, j’étais à la fois en colère et reconnaissant envers le destin. J’avais rencontré des tas de personnes que je voulais protéger désormais, donc je n’avais plus à avoir peur de quoi que ce soit.
Je me relevai, laissant l’air gorgé de ténèbres effleurer mon visage et faire flotter ma chevelure peu volumineuse, avant de froidement tourner le dos à ce triste paysage pour retourner dans le monde réel, là où m’attendait Jessica. Nous ne nous étions pas vus depuis une semaine déjà et à vrai dire, elle me manquait énormément. Elle était tout ce que ce monde n’était pas : imprévisible, amusante, pétillante, toutes ces émotions qu’elle provoquait chez moi valaient tout ce qu’il y avait en ce monde. Je ne pensais qu’à une chose, retrouver sa présence, son être même…Mais ici, on avait besoin de moi. Je devais protéger les lieux avec ma sœur et les autres. Je ne pouvais pas rentrer pour l’instant…
– Tiens, étais-tu encore en train de fixer cet océan Rei-kun ? M’interrompit ma sœur alors que je réfléchissais. Tu auras beau chercher de la profondeur dans ces vagues, tout ce que tu y trouveras ne sera que de la tristesse.
– Dis, Laila. L’interrogeai-je. Qu’est réellement ce monde ? Savons-nous pourquoi cet endroit existe ?
– C’est une question à laquelle seul Zetsubô peut répondre j’imagine ~ Ce monde est apparu en même temps que lui, peut-être est-il issu de sa volonté, ou peut-être est-il né en même temps que lui par hasard. C’est une question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse. Tout ce que je sais, c’est que contrôler les énergies venant de cet endroit représente notre héritage familial.
– Je vois….Penses-tu que percer le secret de ce monde pourrait aider à vaincre Katsuo ?
– Je l’ignore ~ Après tout, tout prévoir serait décourageant d’avance. Laisser une marge d’imprévu contrôlée au gré du destin est une manière plus intéressante de concevoir la vie et de continuer sur la route qu’elle te propose. Ces mots sont ceux qui ont convaincu notre père à faire ce bout de chemin avec Yuki, alors ils sont également devenus l’une de mes philosophies ~
Je ne pus que sourire avec quiétude face à la citation de ma défunte mère. Laila avait pris des choses venant d’elle, malgré qu’elle n’était pas sa fille. Cet amour pur et profond provenant de l’intérieur, si profond que l’on devait creuser encore et encore pour le trouver, c’était le même type d’amour que portait notre mère à notre égard. Prenant la main de ma sœur, j’avais l’impression d’être en contact physique avec ma mère elle-même.
– Prends quelques jours hors de ce monde, Rei-Kun. Du monde t’attend à l’extérieur ~
– HUH !? Avec Zetsubô qui peut revenir s’approprier ce monde à tout moment !? As-tu perdu l’esprit !?
– Pour qui me prends-tu ? Crois-tu vraiment que je laisserai ce monde tomber entre les mains de Zetsubô ? Je peux bien tenir l’espace de quelques jours ~ Va donc te ressourcer à l’extérieur. Je préfère t’avoir à mes côtés en sachant que tu es au maximum de tes capacités plutôt que de t’entraîner dans un combat qui draine tes émotions.
– …Es-tu sûre, Laila ?
– Si grande sœur te le dit, grande sœur le pense. Grimaça-t-elle joyeusement. Baaaaka de Rei-kun ~
Je m’arrêtai quelques instants, pensant à ce qu’il se passait ici. Si Laila me disait qu’elle était capable de protéger cet endroit, je n’avais pas à m’en faire. Après tout, elle possédait beaucoup plus de force et d’expérience que moi, donc je pouvais prendre quelques jours et prendre le relais pour qu’elle se repose à son tour lorsque je serai revenu.
– Evite de retourner à ton travail quand même ~ Sourit Laila. Je pense que tu es viré depuis le temps que tu désertes. ~
– Heureusement que je peux ramener un peu d’argent à la maison grâce à nos missions, sinon Jessica aurait fini squelettique. Ris-je à mon tour. Je vais prendre un peu de repos, à mon retour, tu pourras en prendre à ton tour. Merci…Grande sœur.
La femme me laissa quitter les lieux. Je lui étais très reconnaissante de m’autoriser à pouvoir de nouveau ressentir le monde réel. Lorsque je pénétrai ce monde, je fus revigoré par l’air frais que je n’avais pas respiré depuis sept jours alors. La première pensée qui me vint à l’esprit fut Jessica. Il était tard, mais pas encore l’heure de son retour du lycée, je devais être à la maison pour l’accueillir.
Je passai au traiteur du coin pour acheter de quoi bien manger du soir, pensant à préparer une belle table avec des bonnes choses pour passer une soirée tranquille. Je voulais écouter la journée de Jessica, rebondir sur ce qu’il s’y était passé avant de me prendre un « J’ai pas besoin que tu t’mêles de ma vie sale gland. » qui allait me faire sourire. J’avais besoin de ces répliques et de ces piques qui faisaient mon quotidien.
Cependant, alors que je rentrais chez moi, je fus surpris par le fait que Jessica était déjà présente sur les lieux. Elle était en pyjama, ne semblant pas avoir bougé de la journée alors que nous étions en pleine semaine. Je fus alerté par cette scène inattendue, mais sans me laisser le temps de me poser, la blonde attaqua.
– Z’êtes qui m’sieur ? Ricana-t-elle. J’vous connais pas moi. ~
– Fais pas genre Jessica. Pourquoi t’es en pyjama ? Je te manque tellement que tu déprimes à coup de crème glacée devant ta télévision ?
– N’abuse pas monsieur l’ex pompier ~ Mon lycée est fermé pour cause travaux. Pendant une dizaine de jours.
– Ah bon ? Que s’est-il passé pour une fermeture soudaine ?
– Zetsubô nous a attaqué dans l’école. Répondit Jessica en haussant les épaules. Il voulait ma peau je crois, j’sais pas vraiment pourquoi par contre.
– Donc toi aussi tu as été attaquée….J’imagine que les forces de Zetsubô ont dû prendre cher avec toi dans les parages….
– J’étais pas toute seule, y’avait Pedro aussi qui les a géré. Il a assuré donc ça roule ma poule.
– Qui est Pedro ? Demandai-je un poil irrité. Tu ne m’as jamais parlé de ce mec.
– Ma nouvelle conquête ~ Me nargua Jessica.Il baise comme personne ~
– Arrête de dire ta merde. Ris-je en tentant de déceler quelque chose d’anormal chez Jessica. Tu ne pourrais jamais me remplacer au lit ~
– Ca reste à prouver ça. Me défia-t-elle, amusée. Viens me montrer que t’es un homme ~
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La blonde eut l’idée de me « sortir le grand jeu » et décida de se dévêtir en dansant sur de la musique sensuelle. Appréciant l’audace de la jeune femme, je la laissai prendre le contrôle de par ses mouvements gracieux et aguicheurs. Elle se lâchait de plus en plus, mais lorsqu’elle fut totalement dans sa chorégraphie, elle glissa sur un des vêtements qu’elle avait jeté au sol, se retrouvant au sol, face contre terre en grognant des injures.
Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire face au piètre spectacle qu’avait offert Jessica alors qu’elle avait fait tant d’efforts pour paraître séduisante à mes yeux. Essuyant mes larmes, je lui tendis la main pour la relever, mais elle refusa.
– C’était mignon. Ris-je.
– Je te déteste, sale petit gland de merde. Rétorqua-t-elle, frustrée.
Je ris quelques minutes de l’infortunée effrontée. Lui souriant, je l’étreignis en tentant de dissiper son malaise, puis nous nous laissâmes finalement aller, Jessica et moi, à une étreinte dans la tenue la plus simple qu’il soit, la tenue naturelle. Cela me faisait du bien, ce contact avec Jessica que je n’avais pas eu depuis longtemps. Nous n’avions pas été aussi proches elle et moi depuis un sacré moment, sentir ses baisers brulants sur mon corps tandis que je les rendais sur le sien me redonnait de la force morale. Penser à l’instant présent était un luxe quand on y réfléchissait bien. Lorsque l’on vivait une vie sans se soucier du lendemain, cela pouvait paraître insignifiant…Mais face à un quotidien qui pouvait basculer à chaque seconde, penser uniquement à l’instant présent était un luxe bien trop sous-estimé. Et je le réalisais au fur et à mesure que ma blonde et moi nous nous abandonnions à nos désirs charnels.
…
– T’as encore du chemin à faire avant de devenir aussi bon que ton frère ~ Ricana Jessica en profitant du vide laissé après l’acte.
– Avec l’épisode de la colline, ca me fait une seconde anecdote à ajouter aux « Fails sexuels de Jessica ». La taquinai-je en retour.
– Je vais te fermer ta grande gueule à coups de pelle toi. Me répondit-elle glaciale. Tu finiras dans les faits divers.
– En tout cas…Ca me fait du bien, de te retrouver. Tu ne peux pas savoir comme tu m’as manqué ces derniers temps. Te voir une fois en coup de vent c’est pas assez.
– J’sais que t’as des obligations ma poule ~ Reprit ma blonde en se reposant sur mon torse. J’tais un peu énervée contre toi quand t’as rejoint Laila, mais depuis que j’sais la vérité, je me dis juste que c’est nécessaire pour qu’on vive heureux. Mais au fond, tu m’as manqué aussi, sale gland.
– Eh ben dis donc, t’en as mis du temps pour me le dire ~ On devrait se faire un trip tous les deux demain. Une balade, ça te branche ?
– Pourquoi pas gros tas ~ T’as un endroit où m’emmener où tu veux juste trouver un hôtel pour qu’on s’envoie en l’air ?
– Je voudrais te montrer quelque chose de cool. Je pense que tu aimerais. J’te conduis avec ton runner si tu veux ~
– Ohoh, monsieur veut jouer les fous sur ma bécane. Okay ça roule, tâche de ne pas me décevoir ma poule.
La blonde s’endormit sur moi en murmurant un « J’suis contente que t’es là, Reisuke » qui se perdit dans le silence de notre espace intime. Je lui caressais les cheveux sans me lasser tandis que je pensais à ce qu’on allait faire du lendemain elle et moi. J’espérais aussi que tout allait bien du côté de Laila, Juuni, Erika et les autres, que mon absence ne soit pas trop difficile à gérer pour la guilde déjà bien amochée…Mais je leur faisais confiance.
Alors que je me laissais aller à la fatigue, m’endormant presque, je fus dérangé par un bruit assez perturbant. La blonde qui s’était affalée sur moi ronflait, produisant un bruit aussi assommant qu’un moteur d’un gros camion. Je tentai d’abord de la secouer légèrement pour faire cesser ce bruit, mais en vain. Irrité, je la secouai plus violemment, ce qui eut pour effet de la réveiller.
– Mais t’es complètement taré sale fils de —
– J’arrive pas à dormir avec ton avion à réaction dans l’estomac ! Me plaignis-je. T’as un égout à l’intérieur c’est ça !? Et puis….EURK c’est quoi toute cette bave sur moi !? T’es une môme de deux ans ou quoi !?
– Tu sais très bien que je bave quand je dors. Me répondit la blonde, gênée, en essayant de dissimuler son regard. Et puis tu peux parler, tu grinces des dents toi.
– Je ne grince pas des dents sale mytho ! Tu parles d’un instant romantique ensemble sérieux ! Allez, viens te reposer, et si tu ronfles je t’en colle une.
La blonde vint de nouveau se poser sur moi, et cette fois, nous nous endormîmes tous les deux. Une journée sympathique nous attendait le lendemain, une journée faite de décontraction et de sentiments spontanés et légers.
Lorsque nous nous réveillâmes le lendemain, nous prîmes notre petit-déjeuner puis nous nous mîmes en route vers l’endroit que j’avais prévu. Nous devions marcher pendant une heure environ, et nous allions aller jusqu’au planétarium de la ville voisine. Jessica qui était proche des étoiles avec son esprit du duel allait sûrement apprécier notre visite dans cet endroit pensais-je.
Nous sortîmes donc de la maison que je verrouillai à double tour, avant de nous mettre en route pour la ville voisine. Nous parlions de tout et de rien, la blonde et moi, appréciant simplement, pour une fois sans se disputer ou se donner des coups, la présence de l’autre. Cependant, alors que j’imaginais que notre journée allait être tranquille et sans encombre, un imprévu plutôt conséquent se dressa sur ma route. Nous quittions à peine la ville par les quartiers au nord qu’il sortit de nulle part.
Il était un garçon qui devait avoir le même âge que Jessica. Un roux mal rasé aux yeux marrons qui ne semblait pas vraiment menaçant à première vue, mais en qui je sentais quelque chose qui me donnait un arrière-goût discutable. Il était habillé d’une simple veste en jean et d’un blue jeans assortie, portant à son épaule une sacoche qui semblait être un étui de guitare. Il me disait quelque chose…
Il s’avança vers nous en souriant, et vint s’arrêter juste en face de Jessica à qui il s’adressa joyeusement. Je sentais cependant qu’il y avait quelque chose de clairement louche, comme si cette rencontre n’était pas le fruit du hasard.
– Hey Jessi Jess ~ J’savais pas que tu venais dans mon coin aujourd’hui ~ Comment ça va ma poule ?
– Yo Pedro. Répondit-elle sans intonation particulière. T’habites vraiment ici ?
– Yep ~ C’est ici que ma mère et moi nous habitons. Samezuka est à deux rues d’ici, ça te dirait que je vienne te faire visiter mon ancien lycée ?
– Pas question ~ J’sais qu’il n’est pas voyant mais comme tu peux le voir j’suis accompagnée ~ Ca s’ra pour une prochaine.
Le jeune homme qui semblait ne pas m’avoir remarqué me vit enfin et s’arrêta quelques secondes face à moi, l’air contrarié. Encore plus contrarié que lui, clairement dérangé dans mon moment avec ma blonde, je fis néanmoins un effort, forçant un sourire sur mon visage en tendant la main vers le jeune homme pour lui serrer la main.
– Enchanté. Je suis Reisuke, Yamada Reisuke. Dis-je fermement en m’affirmant. Je suis le compagnon de Jessi —
– Je sais qui tu es. Me lança-t-il tout aussi sèchement. T’es l’un des quatre piliers du désespoir que nous devons éliminer.
– Huh ? Qu’est-ce que tu racon –
– Il s’est rallié à la fondation du futur. Me coupa naturellement Jessica en haussant les épaules. Il pense qu’en te tuant il résoudra les problèmes du monde.
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– Je ne résoudrai pas tous les problèmes du monde. Reprit sèchement le rouquin. Par contre, lorsque vous serez tous morts, vous les Yamadas, je pourrai enfin reprendre ma vie sereinement en sachant que justice a été faite.
– Et qu’est-ce que j’ai à voir avec ta vie ? L’interrogeai-je en restant sur mes gardes.
– Tout est de ta faute. De ta faute et de celle de ta famille ! Hurla-t-il. Si tu n’avais pas été là….Si vous n’aviez pas été là…..Je…
La rage du jeune homme sembla monter d’un seul coup. Par réflexe, je me reculai, entrainant Jessica avec moi. Notre journée paisible s’arrêta pile à ce moment, lorsque de son étui de guitare il sortit en fait une épée semblant assez tranchante. Bousculant Jessica, j’évitai de justesse le coup qu’il tenta de m’asséner, ce qui fit grimacer le jeune homme.
– Dans la fondation du futur, entama-t-il en restant à l’arrêt, nous avons tous une cible désignée. Devine quoi, Yamada Reisuke ? Tu es la mienne. Je vis dans le seul but de te détruire.
– Et qu’ai-je fait pour mériter ça !? Lançai-je tandis que Jessica, elle, regardait le conflit avec attention.
– Je sais tout du conflit de Zetsubô. A cause de lui, le gardien de la porte des étoiles, Akulia a du se lier avec une femme qui portait en elle le désir de vaincre le plus puissant. Cette femme, c’est la mère de la famille Leocaser, et donc celle de Jessi Jess.
– Et en quoi cela a rapport avec toi !?
– Le pouvoir du dragon a été transmis de générations en générations, jusqu’à atterrir dans les mains de Jessica. Expliqua-t-il. Cependant, à cause de ce pouvoir, des personnes mal intentionnées en ont eu après la famille Leocaser, et plus précisément, après Jessi Jess.
– Ne me dis pas que tu….. !? Bégaya Jessica.
– Précisément. Confirma-t-il. Si Zetsubô n’avait pas créé ce carnage, Akulia ne se serait jamais lié à la famille Leocaser, Jessica n’aurait pas eu ce pouvoir, le mouvement Arcadia ne l’aurait pas convoité, il n’aurait pas contrôlé Jeffrey Leocaser, et mon frère ne serait pas mort dans cette fusillade. Jessi Jess tu m’as dit que Reisuke, Laila et Hiroki n’avaient rien à voir là-dedans, et je suis d’accord avec toi. Cependant, mon frère non plus n’avait rien à voir là-dedans et il a payé ce conflit ! Il n’y a que la vie d’un innocent qui pourra compenser celle de mon frère !
Je m’arrêtai quelques secondes face à cette révélation critique. Aussi poussée et tordue soit-elle…Pedro avait raison. Le conflit de Zetsubô que m’avait raconté ma sœur avait poussé Akulia à venir du monde des esprits pour se lier à la famille Leocaser…Et c’était cette source de pouvoir qui avait poussé Sayer à traquer Jessica…J’étais…J’étais vraiment responsable de tout ce qui était arrivé à Jessica ces dernières années… ?
Cette pensée me figea, me laissant m’écrouler sur les genoux, net. Je ne pouvais pas imaginer que mon existence même avait condamné Jessica à la souffrance…Et pourtant, c’était vrai. Et il n’y avait pas que Jessica qui avait subi un tel sort. Tant de vies avaient été perdues dans l’assaut dont m’avait parlé la blonde. Tous ses camarades avaient donné la vie pour un conflit qu’ils étaient à mille lieux d’imaginer…Et tout ça…A cause de Zetsubô…
– Tu comprends maintenant pourquoi ton existence n’est pas permise ? Cracha le roux. Ta famille a brisé tant de vies, tu ne peux pas prétendre à chercher le bonheur alors que ton existence même est bâtie sur le sang de tous ces innocents.
– C’est de la connerie pure et dure ! Hurla Jessica, me faisant relever la tête. Il n’a rien demandé pour être là dans ces circonstances ! Ok on a tous souffert à cause de ce conflit de merde, mais Reisuke n’est en aucun cas responsable de tout ça ! Si tu veux t’en prendre à quelqu’un, prends-t-en à Zetsubô, Pedro !
– En attendant, c’est la fin. Reprit le roux en dégainant son épée. Ton mec a compris qu’il n’avait pas le droit de vivre, il a renoncé, regarde-le.
Les mots de Pedro n’atteignirent pas mon oreille. Ils passèrent et repartirent. Il avait raison. Je n’avais jamais réalisé à quel point ma seule filiation avec Zetsubô avait été la cause de tant de malheurs. Ainsi, le voir s’avancer vers moi tout en sachant ce qu’il comptait faire, ne me faisait ni chaud ni froid. Parce que si Hiroki avait été emporté de la sorte, j’aurais eu le même comportement.
Ce que je ressentais en ce moment…Il n’y avait qu’un mot pour l’exprimer.
C’était du désespoir. Du désespoir comme j’en avais ressenti lorsque de mes mains j’avais pris la vie de Hiroki. Comme j’en avais ressenti lorsque je croyais être responsable de la mort de mes parents…Oui…La culpabilité était le vecteur qui pouvait me pousser au désespoir.
– Je ne te laisserai pas faire ! Hurla Jessica alors que Pedro s’approchait de moi. Akulia ! Je fais appel à toi ! Viens moi en aide pour vaincre l’ennemi !
Son cri retentit vers le ciel, mais personne ne répondit à son appel. Pour toute réponse, une espèce d’affiche en carton tomba du ciel pour se poser directement sur la tête de Jessica qui levait les yeux. Lorsque la blonde prit l’affiche, elle la lut à voix haute, d’un ton dubitatif.
– Je suis en grève, démerde toi toute seule. Signé, Akulia. Il y a même la trace de sa patte….C EST QUOI CE DELIRE SERIEUX !!? Faut tout faire soi-même putain !
La blonde voulut se jeter sur le roux, folle de rage, mais lorsqu’elle s’ approcha de lui, elle fut bloquée dans son élan par une force invisible qui l’empêchait de pénétrer l’étroit périmètre dans lequel nous nous trouvions.
– C’est inutile Jessi Jess. Soupira Pedro. J’ai déjà pris les dispositions pour en finir. Regarde plutôt, c’est pour toi aussi que je fais justice.
…
– Je…Zetsubô est responsable de tout ça et je suis le descendant de Zetsubô, c’est vrai. Murmurai-je en me relevant. Aussi, tu as peut-être raison, je n’ai pas le droit d’aspirer au bonheur. Je l’ai compris en contemplant ce monde du désespoir…
– Je ne pensais vraiment pas que tu allais comprendre. Soupira de nouveau le jeune homme.
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– Cependant, si je laisse Zetsubô œuvrer, d’avantage d’innocents seront amenés à souffrir, et à mourir. Et j’ai promis à Jessica, à Erika, à Hiroki, à Laila, que je me mettrai en travers de la route du désespoir.
– Huh ?
Je disparus de devant le jeune homme pour réapparaître derrière lui en un clin d’œil, sous l’expression soulagée de Jessica. Je tentai une attaque grâce au pouvoir d’Ananta, mais je fus repoussé par les réflexes de l’agent de la fondation du futur. Je continuai malgré tout de parler, étant désormais plus zen et déterminé que je ne l’étais auparavant.
– Si pour acquérir la liberté de vaincre Zetsubô je dois t’éliminer, je le ferai. Repris-je, surpris par le fait que ma voix était plus grave que tout à l’heure.
Je compris alors ce que voulait dire Laila concernant le désespoir. Le désespoir est aussi une force que tu peux utiliser, comme j’étais en train de le faire actuellement. Le fait de ressentir le désespoir de Jessica et de mon rôle dans son histoire me donnait la force que je déployais maintenant. Et cette force était considérable puisque je parvenais à me déplacer si vite que l’on aurait pu croire que je disparaissais. Attaquant de tous les angles, j’étais repoussé par l’aura mystérieuse de Pedro qui me canalisait avec, mais qui s’épuisait bien plus vite que moi.
Grimaçant, l’homme brandit son épée face à moi et tenta de passer à l’attaque, mais il était bien inférieur à ce pouvoir que j’apprenais à maîtriser. Je n’avais même pas encore recours à Ananta que je sentais qu’il allait craquer. J’étais plus rapide, et donc capable d’esquiver ses attaques, mais j’étais aussi plus réactif, ainsi je pouvais après avoir esquivé son attaque contrattaquer rapidement d’un coup de pied ou de genoux qui avait pour effet de projeter le roux contre sa propre barrière. Il ne se laissa cependant pas faire et reprit rapidement son équilibre. Il lâcha un hurlement de rage, ce qui sembla déclencher un mécanisme en lui. Une aura assez sombre également l’entoura ainsi que sa propre épée, lui donnant davantage de force et de rapidité. Il parvint ainsi à me frôler de justesse, tranchant le tee-shirt que je portais mais ne me touchant pas. Je compris alors la véritable nature du pouvoir de Pédro, tout comme moi, consciemment ou non, il se battait avec l’énergie du désespoir.
Je reculai de quelques pas, essayant de garder la cadence que j’infligeais à l’homme dans le combat, puis, je tentai d’utiliser cette énergie nouvelle afin de générer quelque chose de physique. Me concentrant, je me remémorai la cause de mon désespoir, tentant de matérialiser une arme…Et cela réussit à moitié. En effet, ce n’était pas une épée faite de fer ou d’acier, mais un katana dont la lame était faite de cette énergie elle-même. Satisfait de ce que j’avais généré, je me jetai sur Pedro qui tenta de repousser mes multiples assauts avec sa propre épée, mais qui perdit rapidement son souffle face à moi. Je donnais un coup, puis me reculai, prenant appui sur le champ d’énergie dans lequel nous étions enfermés avant d’attaquer d’un autre angle, tout en conservant ma vitesse.
– Tu devrais renoncer tant que tu le peux. Suggérai-je au jeune homme d’un ton monotone. Tu ne peux pas me vaincre dans ton état actuel.
– Et pourquoi ça !? Hurla-t-il, frustré. Je me suis tant entraîné pour le jour où je te tuerais, tu ne balaieras pas tout cet entraînement comme ça !
Un moment d’inattention de la part de Pedro fut suffisant pour que je lui agrippe la figure et que d’un violent geste du bras vers le sol, je propulse le jeune homme face contre terre en moins de temps qu’il ne lui fallut pour le réaliser. Il s’écrasa violemment au sol avec toute la force que j’y avais mis, tandis que même moi je fus surpris par la poigne que j’avais. Cela avait tout de même creusé un cratère dans le macadam.
– Ce qu’il te manque, c’est la résolution de tuer. Répondis-je. Tu n’es pas comme moi ou Jessica, tu n’as jamais franchi ce monde où la mort est face à toi. Même si ton frère est mort, tu ne connais son histoire que par des mots, pas par le vécu. Ne passe pas la frontière de ce monde dans lequel nous sommes Jessica et moi, c’est un monde dans lequel chaque nuit est plus terrifiante que la précédente.
Je me retournai, laissant le jeune homme derrière-moi. Mais alors que j’allais simplement partir, je l’entendis ricaner dans mon dos. Je me retournai, me mettant en alerte face à lui, mais il n’était plus en état de se battre. Peinant à se tenir debout, il me défia du regard en affichant un sourire vainqueur, comme s’il avait réussi quelque chose d’important.
– Tu…Tu as peut être remporté cette bataille. Bégaya-t-il en tentant de rassembler ses forces. Mais je reviendrai. Peu importe combien de fois je dois tenter de te tuer, je reviendrai. Et puis de toute façon, la mission du jour est remplie.
– Comment ça la mission du jour est remplie ? Rétorquai-je, menaçant.
– Notre but était de te distraire….Le temps qu’on s’occupe de ta sale manipulatrice de sœur….Héhéhé…La chef doit l’avoir vaincue à l’heure qu’il est…Après tout…Qui peut veiller sur Laila Yamada maintenant que Nishijima n’est plus dans le coin ?
Les mots que lâcha Pedro eurent l’effet d’une bombe dans mon esprit. La fondation du futur avait-elle vraiment tout prévu concernant le fait que j’étais parti ? Et comment s’en sortaient-ils de l’autre côté ? Je devais m’en assurer tout de suite.
– Jessica, je vais aller voir de l’autre côté ce qu’il se passe. On se retrouve à la maison, Ok ?
– T’inquiètes ma couille ~ T’façon je vais devoir aider ce sale gland par terre. J’voudrais pas voir Mario crever une deuxième fois, donc t’as le temps.
Je fis un signe de tête à Jessica qui me souriait d’un air narquois. Puis, j’utilisai le pouvoir fraichement acquis pour me rendre sur les lieux des terres du désespoir.
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Lorsque j’arrivai sur les lieux, je fus surpris, non, choqué par ce qu’il se passait ici. Un incendie fait de flammes teintées de gris ravageait le monde dans lequel Laila et les autres se trouvaient. Le château du désespoir était enseveli par les flammes. Comment la Fondation du futur était arrivée ici ? Qu’était-il arrivé à ma sœur ? Je devais m’assurer de son état.
Ainsi, je me rendis dans le château du désespoir, en essayant au mieux de passer au milieu les décombres enflammés afin de remonter jusqu’à la salle principale. Au milieu de cette salle je trouvai Laila, étendue au sol, inerte. Je ne savais que trop bien les effets de la fumée d’incendie, c’est pourquoi malgré que je voulais crier, je me retins, essayant d’économiser au maximum l’air frais que j’avais respiré. Je me saisis de ma sœur et la portai jusqu’à sortir du bâtiment. Je vérifiai sans respiration immédiatement, afin de voir si elle était encore en vie, et par chance, elle l’était.
Je lui ouvris la bouche afin de lui insuffler de l’air, et au bout de quelques minutes, elle reprit ses esprits, non pas après avoir fait la démonstration d’une toux intense. Elle se releva péniblement, et en regardant l’endroit enflammé, fut affolée et voulut pénétrer de nouveau à l’intérieur du bâtiment, mais je la retins fermement.
– Rei-kun ! Cria-t-elle. Laisse-moi y aller ! Je dois protéger cet endroit coûte que coûte !!
– Laila !! Tu n’es pas en état !!! Je ne peux pas te laisser plonger la tête la première là-dedans !
– Si je ne « le » récupère pas, je perdrai le contrôle de ce monde ! Tu dois me laisser partir !!
– Je m’en fous de perdre le contrôle de ce monde ! On se battra pour le récupérer si tu veux mais je ne te laisserai pas disparaître sous mes yeux !!! Ne me fais pas revivre ce que papa et maman m’ont fait vivre, grande sœur !!!! Je ne veux pas te perdre, je t’aime trop pour ça !!!
Les mots que je hurlai à ma sœur eurent pour effet de l’arrêter. Elle se soumit à la force de mes bras qui la retenaient de se diriger vers ce royaume de flammes qui s’étendait encore et encore. Au final, nous regardâmes tous les deux la danse de flammes grises emporter avec elle tout ce qu’était l’empire de Laila. Assis blottis l’un contre l’autre, nous essayions de nous réconforter face à ce triste spectacle.
– Je suis désolée Rei-kun. Soupira ma sœur. Je n’ai pas été capable de protéger cet endroit. Je voulais que vous vous reposiez toi et les autres, mais je ne pensais pas que Zetsubô et la fondation du futur attaqueraient en même temps. Pendant que je neutralisais les sbires de Zetsubô, Toshiyuki Ren de la fondation du futur est venue ici, et faute de m’avoir par la force, elle a tenté de me piéger dans ce torrent de flammes. Sans toi, j’étais bonne pour terminer cette pièce dramatique pièce de théâtre qu’est notre vie par la pire de sorties imaginables.
– Je vois…Donc Pedro avait raison. Heureusement qu’il s’est vanté trop vite, sinon je n’aurais pas soupçonné que la fondation du futur vienne. Mais pourquoi voulais-tu revenir dans le château à tout prix ?
– Le château de ce monde était imprégné d’un sort que j’avais conçu pour avoir le contrôle de l’énergie ici, avec ce sort rompu, nous sommes désormais sur les terres de Zetsubô. C’est pour cela qu’il fallait protéger ces murs, car ce sont ces murs eux-mêmes qui m’octroient le droit de régner sur ce monde. Nous devons d’ailleurs partir d’ici avant que tout ne se consume, autrement nous finirons contrôlés par le désir de désespoir de Zetsubô.
J’acquiesçai, faisant confiance à ma grande sœur. Nous sortîmes tous les deux de ce monde que nous laissions donc complètement entre les mains de Katsuo Yamada, Alias Zetsubô. J’aurais voulu m’arrêter pour prier, mais je devais d’abord emmener ma grande sœur voir un médecin afin de m’assurer qu’elle n’allait garder aucune séquelle de cette fumée inhalée. Je ne savais que trop bien les dégâts potentiels dans ce genre de situation.
Tout allait prendre une drôle de tournure….
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