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[Fic]L\'achèvement du Destin
heart earth
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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:06

Et oui, déjà la saison 3, ça va vite tout ca, dire que y'a 3 ans, je commençais à peine à écrire la saison 1 et que je me prenais toute la haine du monde…Bref, donc la saison 2 est finie maintenant, ca aura été long mais la saison 3 prend la place!

Pour rappel, la saison 2 c'est ici ➡ L'ascension des Démons

Au programme, changement de prota, avec maintenant Drago et Laura. D'un côté, Drago devra essayer de concilier le retour de l'une de ses anciennes amies avec sa nouvelle vie, tandis que laura…surprise, j'ai pas envie de gacher ca :3

Egalement, retour d'un bon nombre d'ancien persos oubliés et evidemment, une grosse baston en vue :3

Mais sans plus attendre, voila le prologue de cette saison 3!


Prologue



Spoiler :


Il faisait froid…beaucoup trop froid dans cette citadelle de glace. La créature qui se tenait seule sur le trône avait beau avoir reconstruit ses quartiers, elle n’avait pas les pouvoirs adéquats pour modifier son environnement. Le sombre dragon ne pouvait que modifier le passé et l’avenir mais s’était juré de ne jamais agir pour lui-même. Son rôle se limitait à faire respecter l’ordre dans cet univers, éliminant tous les rebelles contre leur destin, et rien d’autre…

Cependant, le dragon noir commençait sérieusement à en avoir assez de prendre des coups sans pouvoir riposter à cause de ce serment fait à lui-même, d’autant plus que des temps sombres étaient à venir à présent que les démons étaient réunis et alliés aux humains. Pour couronner le tout, ses propres espions, envoyés sur terre, s’étaient retournés contre lui.

Quelle ironie. Lui, Armageddon, la créature la plus puissante de cet univers, avait scellé sa propre perte et, même en refusant cela, ses chaines l’empêchaient d’agir, le rendant aussi impuissant que n’importe quelle autre créature vivante.

Non…Cela ne pouvait pas continuer. Il savait pertinemment ce qui allait se passer s’il laissait les choses telles qu’elles étaient. Il devait agir avant les ennemis du destin, même si pour cela, il devait briser tous ses principes.

Si les démons cherchaient à entrer en guerre contre lui, alors soit, Armageddon les attendait de pied ferme. Il était hors de question que les événements s’étant passés plus de dix mille ans auparavant se reproduisent.

Le dragon divin se mit alors à réfléchir à la meilleure solution afin d’éliminer définitivement son problème. Evidemment, il aurait pu remonter dans le temps et détruire cette rébellion avant même qu’elle ne commence, mais dans ce cas, même lui ne pouvait pas prévoir les conséquences d’un tel changement. Non, il fallait agir dans le présent s’il voulait préserver le cours du temps.

En premier lieu, il fallait qu’il trouve un moyen d’éliminer cette Laura. Sa présence dans le présent modifiait bien trop le futur qu’il tentait de préserver. Même s’il vainquait les démons, cette fille continuerait à perturber le destin par sa simple existence. Cependant, face à lui se dressait un obstacle de taille : Yuiko Iori, la fille venant du futur et l’ayant presque vaincu en duel et il savait que tant qu’elle serait en vie, il lui serait impossible d’éliminer définitivement l’élément perturbateur.

Soudain, une idée nouvelle germa dans l’esprit d’Armageddon. Il n’avait pas besoin d’éliminer Laura de ses propres mains, il lui suffisait de la pousser à l’autodestruction et pour cela, il avait l’arme idéale.

Le dragon claqua des doigts et devant lui apparut un jeune garçon brun soigneusement coiffé mais cependant avec une mèche de cheveux passant entre ses deux yeux, au visage assez fin et aux traits doux. Il semblait dans une sorte de stase le maintenant en vie. Après tout, Armageddon l’avait sauvé in extremis de la mort, il fallait du temps à son corps pour récupérer toutes ses forces.

Mais à présent, l’heure était grave. Armageddon n’avait plus aucun soutien, il lui fallait agir dans l’urgence et ce garçon était sa dernière solution en attendant de trouver une meilleure idée.

Armageddon claqua une nouvelle fois des doigts et le l’adolescent se mit à remuer. Lentement, il releva la tête et ouvrit ses yeux verts comme l’émeraude en grimaçant, ce qui était normal puisqu’il avait passé presque quatre ans sans voir une seule lumière.

-Où…Suis-je ? Lança-t-il d’une voix faible et éraillée.

-Tu te trouves dans la citadelle des dieux, un lieu hors du temps et de l’espace ; lui répondit le dragon d’une voix tentant de paraitre compatissante. Mon nom est Armageddon.

-Je ne comprends pas…Comment suis-je arrivé ici ? Tout est si flou dans ma tête…

-Ne t’inquiète pas mon jeune ami, tout te reviendra rapidement. Pour l’heure, j’ai simplement besoin que tu me rendes un service.

-Que voulez-vous dire ? Et de Quel genre…de service parlez-vous ? Demanda le garçon, perdu.

Le dragon ne répondit rien et se contenta d’ouvrir un portail derrière le garçon. Ce dernier se retourna, de plus en plus déconcerté par la situation et Armageddon reprit :

-Je veux simplement que tu franchisses ce portail et que tu t’approches d’une personne du nom de Laura Garden. Tu me dois bien ça à moi, ton sauveur, n’est-ce pas ? Si tu le fais, la mémoire te reviendra, j’en suis persuadé.

-Laura…Garden…Ce nom me dit vaguement quelque chose…Murmura-t-il en essayant de se souvenir. Et une fois que je l’aurais approchée, que devrais-je faire ?

-La tuer.

Le garçon hésita un instant avant d’acquiescer. Il n’avait aucun souvenir de sa vie, mais s’il pouvait retrouver ses souvenirs par ce moyen, alors il était prêt.

Alors qu’il s’apprêtait à passer au travers du portail, le garçon brun se retourna une dernière fois et interpella le dragon.

-Au fait Armageddon, quel est mon nom ? J’aimerais au moins savoir ça si vous le savez.

-Tu t’appelles Arthur, Arthur Garden.


Bien loin de là, dans le désert ardent du Sahara, sous un soleil de plomb et une chaleur accablante, marchaient trois hommes. Juste devant eux se dressaient d’imposantes ruines d’une cité disparue, engloutie par les âges et le sable.

Sans un mot, les voyageurs prirent la direction de la cité antique et s’arrêtèrent une fois arrivés devant une sorte de temple un peu à l’écart des autres bâtiments. Contrairement au reste de la ville, il se trouvait dans une sorte de cuvette, empêchant toute visibilité, mais le cachant également de tous les regards. Il n’était ni spécialement grand ni spécialement majestueux, seuls deux ou trois statues ornaient le portique.

L’homme en tête fit un signe aux deux autres qui s’écartèrent aussitôt et soudain, le temple rayonna d’une lumière noire. La terre se mit à trembler, le ciel se couvrit de nuages noirs chargés d’orage et une tempête comme il n’y en a jamais dans le désert se leva. C’était comme si tous les éléments de la nature répondaient à la volonté de cet homme.

Puis, aussi rapidement que cela avait commencé, tout se calma d’un seul coup.

-Qu’est-ce que c’était encore que cette blague Gariatron, je croyais que nous allions lever une armée, mais je ne vois que du sable moi ; railla le plus jeune étant resté sur le côté.

Pour toute réponse, le meneur pénétra dans le temple et un éclair noir fendit les cieux pendant une demie seconde et, lorsque les deux autres recouvrèrent la vue, il n’y avait plus personne devant eux.

-Qu’est-ce que…Bégaya le garçon du nom d’Aymeric, abasourdi. Est-ce que…Gariatron vient de se faire…désintégrer Shadow ?

-Je vois, un portail, je n’y aurais pas pensé mais ce n’est pas si bête en fin de compte ; marmonna l’homme au masque en ignorant la question.

Le dénommé Shadow sortit de sa poche un petit pendentif en or dans lequel se trouvait une vielle photo abimée représentant une famille de quatre personnes devant une grande maison. Sur cette photo, une petite fille brune taquinait son frère tandis que leur mère tentait de les faire obéir et leur père regardait la scène avec amusement.

-Tout cela a intérêt à fonctionner, dans le cas contraire, j’irai moi-même affronter Armageddon. Pour Laura, je n’ai pas le droit à l’échec.

Il s’avança à son tour dans le temple et, tout comme Gariatron, disparut dans un éclair noir, laissant le jeune garçon seul au milieu du désert, totalement perdu.

-J’imagine que je n’ai pas le choix ; grogna-t-il. Dans quoi me suis-je encore embarqué moi…

Et il disparut à son tour de l’autre côté du portail. Cependant, il ne s’attendait en aucun cas à trouver ce qu’il y avait au-delà et il tomba à la renverse immédiatement lorsqu’une paire d’yeux jaunes et luminescent se posa sur lui.

-A…Apo…

Le garçon ne réussit pas à terminer sa phrase tant il était paralysé par la peur. Devant lui se dressait un serpent immense, bien plus gros que tout ce qu’il aurait pu imaginer. Même son maitre, le démon originel des ténèbres, devait n’être qu’un nain face à lui. Cependant, ce dernier ne tremblait pas et lui faisait face tout en gardant forme humaine. Il en allait de même pour Shadow qui croisait les bras et semblait impatient.

-Alors Gariatron, comme ça on s’allie aux humains ? Siffla le serpent géant.

-Il faut parfois reconnaitre ses erreurs mon cher Apophis. Mais ne va pas croire que j’ai abandonné ma vengeance. J’aviserai une fois tout ceci terminé.

-Toujours aussi malhonnête envers lui-même ; marmonna Shadow suffisamment pour que personne ne l’entende.

-Et donc, j’ai cru comprendre que tu requerrais à nouveau mes services ? Reprit la créature.

-C’est exact, j’ai besoin de ton aide ainsi que de celle de tous les autres. Accepterais-tu de t’allier à moi une seconde fois ?

-Pour que le grand Gariatron s’abaisse à demander de l’aide aux dieux maudits que nous sommes, l’heure ne peut-être que grave.

-Non, je veux simplement en finir une bonne fois pour toute.

-Je vois…Soit, nous acceptons Gariatron, mais n’oublie pas de tenir ta promesse également sinon tu sais ce qu’il t’arrivera ; le menaça le serpent en rapprochant son immense tête du démon.

-Evidemment, lorsqu’Armageddon sera vaincu, je ferai en sorte de vous réintégrer parmi vos pairs.

-J’ai hâte que tout ceci soit terminé ; se contenta de répondre Apophis avant de disparaitre dans l’ombre.



Chapitre 1 : Une Nouvelle année, nouveaux ennuis



Spoiler :


Cela faisait maintenant plus de dix minutes que j’attendais devant le grand portail de l’école, dans le froid, grelottant, le téléphone à la main, avec pour seule compagnie deux fantômes se chamaillant entre eux sans raison.

Je regardai l’heure : huit-heure trente. Mais bon sang, que faisaient-elles ? A ce rythme-là, nous allions tous être en retard pour notre premier jour de cours en terminale, ce qui n’était pas spécialement souhaitable.

Cela me faisait bizarre de penser à l’école sans avoir d’autre tracas que d’arriver à l’heure. Il fallait dire que depuis la fin de la guerre avec les démons, le quotidien était plus que banal. Je ne comprenais d’ailleurs pas comment nous avions pu tous passer en terminale en ayant manqué presque tout le troisième trimestre à cause de ces histoires…

Mais les faits étaient là, et je m’en accommodais plutôt bien, d’autant plus que, grâce à Hélios et Sherry, j’avais pu trouver un petit logement près de l’école, ce qui m’évitait de squatter davantage chez la jeune femme que nous avions déjà suffisamment embêtée.

Il en était de même pour Asuna, mon ancienne amie d’enfance. Mes souvenirs étaient toujours très flous la concernant, je ne voyais que des bribes de ma vie passée en sa compagnie, mais j’avais la conviction que seul le temps pouvait réparer ces blessures. Je n’avais d’ailleurs pas totalement pardonné à Théa et Ladd de m’avoir caché cela, mais je n’avais pas envie de me disputer avec eux alors que tout semblait si parfait.


Finalement, je vis une tête connue surgir d’une une rue adjacente ; une jeune fille brune et impeccablement coiffée à l’exception de deux mèches de chaque côté de son visage radieux. Elle afficha un large sourire en me voyant et accéléra le pas.

-Salut Drago ! S’exclama-t-elle en arrivant à ma hauteur. La forme pour ce premier jour de cours ?

-Salut Ambre. Je dois t’avouer que je serais plus détendu si Angéla et les autres pouvaient se dépêcher, il ne reste qu’un quart d’heure avant la cérémonie d’ouverture…Répondis-je en regardant frénétiquement ma montre.

-Oh ne t’inquiète pas, Angéla arrive toujours en dernière, c’est bien connu. Je serais plus étonnée de la voir à l’heure ; répliqua la jeune fille en riant légèrement.

Ambre n’avait pas totalement tort. Pas une seule fois je n’avais vu Angéla arriver à l’heure l’an passé…Mais tout de même, elle aurait pu faire un effort pour le premier jour au moins…

Alors que j’essayais de m’imaginer mon amie à l’heure, je reçus une forte claque dans le dos qui me coupa la respiration quelques secondes et, en me retournant, je reconnus le visage de Maya qui souriait d’un air narquois. Elle n’avait pas beaucoup changé pendant ces vacances, elle avait toujours cette coiffure assez exotique, laissant une grande mèche pendre au-dessus de son œil droit tandis qu’elle remontait sur son front toutes les autres mèches noires qui pouvaient pendre. Son accoutrement ne me surprit pas grandement non plus : elle portait toujours le même gilet au-dessus de son uniforme.

-Yosh Drago ! Toujours aussi lent à la détente je vois ! S’exclama-t-elle.

-Et toi, toujours aussi directe…Toussotai-je, ayant encore du mal à respirer. Je crois savoir d’où vient la mauvaise habitude d’Angéla de me frapper dans le dos à tout bout de champ…

-En parlant d’elle, je l’ai appelée il y a cinq minutes et apparemment, j’ai réveillé ce tire au flanc, donc elle devrait être ici pour la fin de la cérémonie d’ouverture je pense ; continua Maya en haussant les épaules.

-Pourquoi ça ne m’étonne pas d’elle ; soupira Ambre en se prenant la tête dans les mains.

-On n’as pas réussi à la changer en dix ans, je ne vois pas pourquoi elle changerait d’elle-même. J’ai demandé à June de passer la prendre. Elle est tellement bien vue qu’elle pourra peut-être trouver une excuse bidon pour l’autre idiot de directeur ; reprit Maya en entrant dans l’école d’une démarche nonchalante.

-Bon, Drago, si tu nous cherches, on sera à l’intérieur, au premier rang comme toujours ! Me lança Ambre en prenant la suite de son amie.

C’est ainsi que je me retrouvai à nouveau seul avec les deux esprits qui n’avaient strictement rien suivi. Parfois, ils étaient vraiment gênants quand ils s’y mettaient eux aussi…

J’attendis encore cinq minutes, puis dix minutes, mais il n’y avait toujours personne à l’horizon et, à chaque mouvement des aiguilles de ma montre, mon cœur s’accélérait. Angéla n’était pas la seule à avoir cette mauvaise habitude de faire attendre les gens…

Huit-heure cinquante-neuf, je ne pouvais pas attendre plus longtemps et, reprenant mon sac, je pénétrai dans l’enceinte de l’école lorsque j’entendis une voix m’appeler.

-Drago-chan !

Je me retournai juste avant de franchir la porte et je vis juste derrière moi, à bout de souffle comme si elle avait couru un marathon, mon amie Hoshino Asuna. C’était assez étrange de la voir avec l’uniforme de l’école comme je ne l’avais vue jusque-là qu’en dehors du cadre scolaire, mais il lui allait plutôt bien. La couleur bleue de l’uniforme s’accordait avec ses yeux vairons, donnant comme une sorte de compromis entre le bleu et le vert tandis que ses cheveux noirs, tirant sur le bleu, ressortaient davantage avec ce contraste de clair-obscur.

-Désolé…Drago…Je me suis…Perdue…Sur le chemin ; haleta-t-elle en tentant de reprendre son souffle.

-Tu aurais pu m’appeler tu sais, je serais venu te chercher ; lui répondis-je en tentant de paraitre mécontent. Et puis, arrête avec ces « chan » après mon prénom, c’est ridicule, nous ne sommes plus au Japon et même là-bas, ça serait ridicule.

-Pourtant je t’ai toujours appelé comme ça et tu n’as jamais protesté ; me rétorqua-t-elle avec les yeux qu’elle prenait lorsqu’elle était déçue que je ne me souvienne pas de quelque chose.

Je soupirai.

-Quoique tu me dises, de toute façon je le croirai, donc si ça peut te faire plaisir. Et maintenant, dépêche-toi, je préfère ne pas subir ce qu’Angéla subira lorsqu’elle arrivera.

J’entrainai mon amie à l’intérieur de l’école et, après une course effrénée, nous finîmes par arriver miraculeusement dans l’amphithéâtre, juste avant que le directeur ne commence son discours de bienvenue.

Il n’y eut rien de bien surprenant dans ses propos. Il nous rappelait simplement que nous entrions dans une année cruciale qui allait décider de notre avenir et d’autres platitudes du même genre. A vrai dire, j’aurais bien aimé écouter son discours, mais mes oreilles étaient occupées avec les commentaires incessants de Théa qui se croyait obligée de reprendre chacune de ses phrases.

-Tu parles d’une année cruciale, je n’ai rien fait moi et tu vois où j’en suis ! Railla-t-elle.

-A flotter dans les airs parce que tu es morte ? Rétorquai-je mentalement, espérant la faire taire.

-Je te rappelle que j’étais première de ma classe et est-ce que tu m’as vu une seule fois travailler ? Non, j’étais constamment en train d’aider mon béta de petit frère qui n’arrivait pas à résoudre une simple équation et…

-Oh c’est bon, on a compris, passe à la suite !

Tous les regards se tournèrent vers moi. J’avais crié cela à voix haute évidemment…C’était dans ce genre de moment que je regrettais de ne pas avoir suivi Hélios et les jumeaux je ne sais où, mais en tout cas, très loin d’ici…

Asuna se prit la tête dans les mains, désespérée. Maya, au premier rang, éclata de rire devant le tumulte que je venais de produire et Ambre était la seule à sembler compatir à ma détresse.

-Monsieur Mio, si vous tenez tant que ça à passer à la suite, venez donc au bureau faire mon discours à ma place ; lança le directeur, très mécontent.

-Non, ce n’était pas pour vous que…

-Plus vite que ça ! Hurla-t-il.

N’ayant d’autre choix que d’obéir, je m’exécutai et je me levai de mon siège pour prendre la direction de l’estrade, trois-cents paires d’yeux rivées sur moi. Ma longue absence du système scolaire ne m’avait décidément pas fait de bien…

Alors que le directeur me tendait le micro ainsi que la feuille sur laquelle les compositions des différentes classes étaient écrite, la porte de l’amphithéâtre s’ouvrit brusquement, laissant apparaitre deux jeunes filles dans l’ouverture et ce fut à mon tour de me prendre la tête dans les bras.

Angéla avait vraiment l’air de quelqu’un qu’on avait tiré du lit de force. Ses cheveux couleur blé étaient en bataille dans son dos et seules son habituelle frange et ses longues mèches de chaque côté du visage semblaient avoir été peignés tandis que sous ses yeux bleu azur, d’énorme cernes creusaient son visage et lui donnait l’air encore plus fatiguée.

June, quant à elle, était comme à son habitude, parfaite sur tous les points. Coiffure impeccable, uniforme sans un seul pli, en forme et regardant Angéla en fronçant les sourcils.

Immédiatement, toute l’attention passa de moi à ces deux nouvelles arrivantes qui tentèrent d’entrer sans se faire remarquer, sans succès.

-Mesdemoiselles Hopper et Wheeler, on n’entendait plus que vous, je suis heureux de voir que vous avez pu trouver votre chemin après près de dix ans dans notre établissement ; lança ironiquement le directeur.

-C’est gentil d’avoir pensé à nous, mais il ne fallait pas nous attendre, vous savez comment je suis le matin, il ne faut pas compter sur moi ; répondit Angéla, gênée.

Aussitôt, June lui donna un petit coup dans le ventre et prit la relève avant qu’elle ne se fasse expulser.

-Veuillez nous excuser monsieur, Angéla a eu quelques problèmes de réveil mais cela ne se reproduira plus ; s’excusa son amie, bien plus diplomate.

Le visage du directeur se détendit. Aucun professeur n’osait monter la voix contre la meilleure élève de la promotion par peur de la perdre. Angéla pouvait s’estimer heureuse d’avoir une telle amie…

-Bon, ça passe pour cette fois. Allez vous asseoir, et vous aussi Monsieur Mio, nous avons déjà perdu assez de temps comme ça.

Sans demander mon reste, je remontai à ma place, profitant qu’Angéla soit l’objet de tous les rires de la salle pour me faire discret.

-Tu as beau avoir perdu la mémoire, il y a des choses qui ne changeront jamais j’imagine ; soupira Asuna lorsque je me rassis à côté d’elle.

-Ne me dis pas que ce que je viens de faire est déjà arrivé par le passé ?

-Qui sait. Et maintenant, fais au moins semblant d’écouter, ça te sera utile pour connaitre ta classe.

La suite de la cérémonie d’ouverture se passa sans autre incident majeur et, sans grande surprise, je me retrouvai à nouveau dans la même classe qu’Angéla, June, Maya et Ambre. Asuna était cependant dans une autre classe, ayant choisi littérature plutôt que sciences.

Après cela, Asuna rejoignit sa nouvelle classe tandis que j’allai retrouver Angéla et les autres qui m’attendaient à l’écart de la foule. Evidemment, Angéla s’était endormie sur la table pendant l’annonce des classes et Ambre essayait tant bien que mal de la réveiller.

-Tiens, voilà le tombeur ; railla Maya en me donnant un petit coup dans les côtes. Alors, avec Asuna, ça avance ?

-Nous ne sommes que des amis d’enfance, il n’y a rien du tout entre nous ; rétorquai-je d’un ton neutre. Et puis, même s’il y avait eu quelque chose, je l’aurais oublié…

-Tant que tu ne trompes pas Angéla, tu fais ce que tu veux, je m’en fiche ; me répondit-elle en haussant les épaules.

-Misère, c’est la dernière fois que je vais la chercher chez elle moi, la prochaine fois, je vous laisse vous débrouiller ; râla June en baillant. Surtout que ce n’est pas la porte à côté…

-C’est pour ça que ça fait au moins quarante fois que tu nous le dis ; ricana Maya.

-Bref, Ambre, comment ça se passe de ton côté ? Enchaina-t-elle, ignorant la pique.

-Encore une heure et elle devrait être totalement réveillée. Mais je pense qu’on ne peut pas compter sur elle avant ce délai.

-Génial, on va encore se faire descendre par sa faute ; grommela la râleuse du groupe en retroussant ses manches.

Elle inspira profondément avant de lever la jambe et donner un puissant coup de pied à notre marmotte qui tomba de sa chaise et s’écrasa, face contre terre en gémissant. Mais au moins, elle était réveillée…Du moins je l’espérais…

-Qu’est-ce que…Quoi ? Je ne dormais pas monsieur, je fermais juste les yeux pour mieux visualiser le cours ! S’exclama-t-elle immédiatement.

-Parfait, elle est réveillée, bien joué Maya, et maintenant en route tout le monde, je ne pourrai pas vous couvrir une seconde fois je pense ; lança June en sortant de l’amphi.

-Ah, je vous jure, qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour ses amies ; grogna Maya en sortant à son tour.

-Drago, Angéla, on vous garde une place au dernier rang, comme d’habitude ! Ajouta Ambre en prenant la suite de ses deux amies déjà loin devant.

Avant même que je n’ai eu le temps de protester, les trois filles avaient déjà disparu, me laissant seul avec Angéla qui était en train de piquer du nez à nouveau.

Je dus la secouer par l’épaule pendant cinq bonnes minutes avant qu’elle ne daigne rouvrir les yeux, yeux qu’elle écarquilla lorsqu’elle vit que l’amphi était vide et qu’il ne restait plus que moi.

-Quoi, j’ai raté quelque chose ? Où est passé tout le monde ? S’exclama-t-elle en sautant de son siège.

-Oui, tu as raté la répartition des classes ainsi que le discours du directeur.

-Oh, si ce n’est que ça, je m’en remettrai. Laisse-moi deviner, nous sommes dans la même classe et c’est pour ça que tu m’as attendu, je me trompe ?

-Je ne vais pas t’attendre toute la journée non plus, alors prends ton sac et dépêche-toi, tu t’es déjà assez fait remarquer pour aujourd’hui ; lui ordonnai-je en la prenant par le bras pour la forcer à courir un peu.

Heureusement que je savais où se trouvait notre classe car Angéla n’y mettait vraiment pas du sien et trainait les pieds en ronchonnant, alors s’il avait en plus fallu chercher, j’aurais abandonné immédiatement. Si on rajoutait à cela Théa qui me suivait d’un air moqueur, il n’aurait manqué qu’une attaque d’Armageddon pour que cette journée fût parfaite.

Nous arrivâmes néanmoins par un tour de force incroyable, à rejoindre la salle de classe presque à l’heure, invoquant un motif bidon comme excuse, mais qui passa pour le premier jour.

Comme promis, June, Ambre et Maya nous avaient gardé des places au dernier rang et sans grande surprise, elles éclatèrent de rire en nous voyant rentrer. Certainement encore un pari qu’elles avaient fait entre elle à notre insu…

Sur ces joyeuses notes, le premier cours de l’année commença et, étrangement, Angéla et les autres se tinrent à carreau. Je n’avais jamais connu les débuts d’années avec elles, mais à en juger par l’absence de réaction de nos camarades de classe, j’imaginais qu’elles préféraient tâter le terrain le premier jour avant de passer à l’action…

Après une heure à remplir des papiers administratifs et autres documents, le professeur quitta enfin la salle et c’est là qu’Angéla se réveilla une bonne fois pour toute.

-Bon, j’ai bien réfléchi pendant les vacances et je pense qu’il est temps d’agrandir notre club ! S’exclama-t-elle en frappant la table, l’air déterminé.

-Sans moi, j’ai mieux à faire que de courir après des secondes indécis, me limer les ongles par exemples ; lui répondit Maya en regardant ses doigts.

-Allez, fais un effort, nous sommes tous en terminale, il faudra bien quelqu’un pour reprendre le club l’année prochaine ! L’implora l’autoproclamée présidente du club.

-Notre club n’est déjà pas le plus officiel qui soit, je ne pense pas qu’il faille en plus provoquer la colère de l’autre club qu’on priverait de ses membres ; hésita Ambre, plus réaliste.

-Si on rajoute à ça que gérer Angéla est déjà un calvaire pour Lareine, je ne pense pas qu’il puisse supporter d’autres gamins turbulents ; compléta June avec un sourire narquois en direction de son amie qui se contenta de gonfler les joues, signe de son mécontentement.

-Si vous voulez absolument un nouveau membre, je peux essayer de convaincre Asuna, mais je ne sais pas si elle est intéress…Commençai-je avant de me faire interrompre.

-Ramène-là ! S’écria Angéla ayant sauté de son siège en entendant cela. Je viendrai avec toi s’il le faut, rien ne vaut une demande directe de la présidente !

-Présidente élue avec cent-deux pourcent des voix, je vous le rappelle ; ajouta June tentant d’être sérieuse.

-Tout à fait et en plus…Attends, ce n’est pas possible ça ! Protesta la présidente, les yeux ronds.

Nous éclatâmes tous de rire devant la tête que faisait Angéla à ce moment-là. June adorait piéger la jeune fille en plaçant discrètement des piques au détour de ses phrases que notre présidente ne remarquait en général que cinq minutes plus tard.

June semblait peut-être la plus normale du groupe ; élève modèle, première de classe, tenue toujours impeccable, le visage angélique, mais dans les faits, elle était la plus dangereuse car elle était la seule à pouvoir préméditer les piques qu’elle nous lançait et il était aisé de tomber dans ses pièges…

Finalement, après un quart d’heure à nous chamailler de la même façon ridicule, nous décidâmes de demander à Asuna. Tant de discussions pour revenir au point de départ, c’était amusant mais rapidement fatigant à la longue…

Nous laissâmes donc Ambre, Maya et June aller déjeuner tandis que nous devions, avec Angéla, trouver Asuna parmi la foule d’élèves. Mon ventre criait famine, et celui de ma compagne d’infortune n’était pas en reste, mais puisque c’était notre idée, c’était à nous de la mettre en œuvre, et le plus tôt possible…Du moins, c’était ce que Maya disait, soutenue par Ambre.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes à déambuler dans les couloirs, à la recherche de mon amie d’enfance…Enfin, c’est l’impression que j’eus puisque sa classe se trouvait dans l’aire en face de la nôtre mais Angéla se plaignait à chaque pas, rendant ces vingt mètres très, très longs.

-Allez Drago, on le fera plus tard, j’ai faim moi ; se plaignit-elle alors que je m’arrêtai devant la classe des littéraires.

-On pourrait oui, mais je n’ai pas spécialement envie de tomber sur Maya à la cantine, je préfère ne pas imaginer ce qu’elle lancerait en nous voyant.

Angéla frissonna à cette pensée. Elle connaissait son amie mieux que personne et elle savait parfaitement de quoi elle était capable…

A partir de ce moment-là, elle se tut et patienta avec moi dans le couloir, en silence. Les littéraires avaient cours pendant la pause déjeuner apparemment, ce qui nous laissait encore une petite marge…mais j’avais aussi peur de Maya, Ambre et June qu’Angéla.

-Au fait Drago, tu ne m’as pas dit, mais ton emménagement, ça s’est bien passé ? Me demanda soudainement Angéla, brisant le silence.

-A peu près oui, Asuna était là pour m’aider, donc ça n’a pas été trop dur même si je dois t’avouer que c’est assez dur de trouver les fonds nécessaires pour payer le loyer ; répondis-je en toute honnêteté.

-Asuna et toi semblez être vraiment très proches ; murmura mon amie en baissant les yeux vers le sol.

-Et bien, c’était mon amie d’enfance, même si je n’en ai aucun souvenir. Elle serait un peu comme une cousine que je n’aurais pas vue depuis très longtemps.

-Mais tu ne m’as jamais raconté, c’était comment la vie dans cet autre monde ? Enchaina immédiatement la jeune fille.

-Pas très différent d’ici, c’est peut-être d’ailleurs pour ça que j’ai pu m’habituer aussi vite, parce que presque tout est identique…A l’exception des prophéties de fin du monde évidemment.

-Tout de même, j’imagine mal ma vie sans tous ces trucs qui nous tombent sans arrêt sur la tête, ça devait être ennuyeux à mourir ! Rétorqua-t-elle, les yeux ronds.

Je marquai un temps d’arrêt pour réfléchir et fouiller dans mes souvenirs avant de lui répondre :

-Oui, quand j’y repense, c’était ennuyeux…

Angéla pencha la tête sur le côté, étonnée de ma réponse. Je précisai donc ma pensée.

-Avant d’arriver ici et de vous rencontrer, mes journées se résumaient à aller en cours, m’amuser avec Asuna une fois l’école terminée, travailler chez moi et me coucher pour recommencer le même cycle le lendemain.

-Et en quoi est-ce si différent de maintenant ? C’est exactement ce que j’ai vécu avant le retour de Gariatron et pourtant, je continue à chérir chaque instant que j’ai passé avec Ambre, Maya et June.

Je n’avais aucune réponse à cela, mais les faits étaient là : je vivais dans l’ennui et le désintérêt des choses qui m’entouraient et je n’avais retrouvé un objectif qu’à la mort de mes parents et à mon arrivée dans ce monde.

Mais étrangement, maintenant que ce même cycle avait recommencé, je ne m’ennuyai pas pour autant. Au contraire, tout comme Angéla, je chérissais chaque jour que je passais en compagnie de tout le monde.

Peut-être que mon amnésie ne concernait pas qu’Asuna finalement, peut-être que j’oubliais quelque chose d’autre, quelque chose d’essentiel, quelque chose ne se trouvant pas dans ce monde, aux côtés d’Angéla et des autres, quelque chose ayant modifié ma perception du monde…

-Enfin bon, trop penser au passé ne nous mènera a rien de bon ; s’exclama Angéla, me tirant de mes pensées. Tu sais ce qu’on dit à propos de ceux qui font ça !

-Pas du tout et je suis sûr que toi non plus.

Mon amie grimaça et je ne pus m’empêcher de rire. C’était exactement ce genre de situations qui faisaient que chaque jour était unique. Angéla avait ce don de créer le comique là où il n’y avait nullement matière à rire et c’était peut-être ce que j’aimais le plus chez elle, sa bonne humeur permanente.

Mais pourtant, dans mes souvenirs, Asuna aussi était porteuse de cette gaité…Alors qu’est-ce qui avait bien pu changer en moi…

Finalement, le cours se termina et les élèves sortirent de la classe. Je réussis à attraper mon amie d’enfance juste avant qu’elle ne file à la cantine et Angéla lui proposa de rejoindre le club de duel. Cette dernière réfléchit quelques instants, les bras croisés, avant de nous donner une réponse.

-Et si nous allions manger d’abord ? J’entends ton ventre gargouiller depuis tout à l’heure ; lança-t-elle à Angéla qui s’empourpra.

Nos estomacs répondirent à notre place et nous descendîmes tous les trois déjeuner, laissant ce sujet de côté. Le menu n’était pas fameux et Angéla, comme à son habitude, s’en plaignit, mais depuis le temps, j’avais appris à ne pas faire attention.

-Sérieusement, de la purée pour le premier jour de cours ? Ils se fichent de nous ! Râla-t-elle en la mettant sur le côté pour ne prendre que la viande.

-Allez Angéla, ça pourrait être pire, des lentilles par exemple ; la taquinai-je en connaissant ses gouts.

-Ne me parle pas de ces trucs ou je vais vomir.

Asuna se mit à rire de notre conversation stupide.

-ça me rappelle la maternelle, tu étais pareil Drago ; ricana-t-elle.

-Je ne vois pas de quoi tu parles, je n’ai jamais fait d’histoire sur la nourriture moi ; rétorquai-je.

-Tant mieux pour toi, parce que honnêtement, tu aurais honte.

-Vraiment, qu’est-ce qu’il faisait ? Demanda Angéla, l’œil brillant.

-Tu aurais dû le voir quand tous les profs…

-Et si tu répondais plutôt à notre proposition ? L’interrompis-je.

-Pour le club de duel ? Pourquoi pas, après tout, je n’ai pas grand-chose d’autre à faire.

-Parfait ! Angéla, c’est bon, on peut arrêter de courir partout, on l’a notre nouveau membre.

-Je m’en fiche moi, je veux juste savoir ce que tu faisais à la maternelle moi ; grogna-t-elle en mangeant sa purée avant de tout recracher en se rendant compte de ce qu’elle était en train de faire.

Nous rîmes aux éclats une fois de plus tandis que la présidente buvait autant d’eau que possible pour se débarrasser de ce gout qu’elle détestait.

Nous finîmes notre repas rapidement après cela, parlant de choses et d’autres comme les professeurs que nous avions cette année, le bac, et même des événements de l’années précédente puis nous remontâmes dans les classes et nous laissâmes Asuna après lui avoir indiqué où se trouvait la salle du club pour le soir-même.

En annonçant le recrutement à Maya, Ambre et June, je me pris une nouvelle claque dans le dos, quelques félicitations et un soupir et les cours reprirent. Ce n’était pas passionnant mais ils passèrent assez rapidement entre les diverses présentations de l’année et des professeurs.

Machinalement, lorsque la journée se termina, nous prîmes la direction de la salle de club où Lareine, notre superviseur, nous attendait. Cependant, je ne voyais Asuna nulle part et l’heure tournait.

-J’en connais une qui a dû se perdre ; déclara June en regardant sa montre.

-Avec les explications d’Angéla, qui ne se perdrait pas en même temps ; lança Maya en haussant les épaules.

-Eh, c’est Drago qui lui a expliqué je vous signale ! Se défendit cette dernière.

-Ce n’est pas le plus important, maintenant, il faut que quelqu’un aille la chercher ; répliqua Ambre, tentant de remettre un peu de calme.

-J’imagine que je n’ai pas le choix ; soupirai-je.

Je me levai et sortis de la salle du club avant d’envoyer un message à Asuna pour lui demander où elle se trouvait. Sans grande surprise, elle me répondit qu’elle s’était perdue dans les couloirs.

Ce n’était pourtant pas très compliqué de venir au dernier étage du bâtiment et de prendre la première porte…Comment avait-elle pu se retrouver au sous-sol ?…

Ne voulant pas la perdre davantage, je lui demandai de rester là où elle était pendant que j’allais la chercher pour l’emmener moi-même à la salle de club.

Je descendis les sept étages qui me séparaient d’elle et un détail me frappa lorsque je pénétrai dans les souterrains : il n’y avait personne.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Bon, je ne m’attendais pas non plus à être écrasé par une foule, mais tout de même, normalement, on y croisait quelques élèves se rendant aux gymnases, même le soir.

J’appelai Asuna mais personne ne me répondit. Je lui avais pourtant dit de ne pas bouger, où était-elle encore passée ?…

Je m’apprêtai à faire un pas lorsque Ladd apparut à côtés de moi, fronçant ses sourcils bicolores, les bras croisés sur sa poitrine, le visage grave.

-Attends Drago, il y a quelque chose d’étrange ici ; déclara l’esprit de duel.

-Ce n’est qu’un sous-sol, c’est juste que le premier jour, les élèves n’ont pas encore rejoint de club, c’est pour ça qu’il n’y a personne. Et puis, Asuna est ici aussi.

-Fais comme bon te semble, mais je t’aurais prévenu.

En temps normal, Ladd aurait disparu en me laissant me débrouiller seul, mais cette fois-ci, il resta à mes côtés pendant que j’avançai dans le sombre couloir. Je savais qu’il avait raison, mais si Asuna était réellement ici, il était hors de question de faire marche arrière.

Mon cœur battait à tout rompre, je m’attendais à voir surgir un monstre hideux à n’importe quel instant, mais je ne pouvais pas reculer. J’étais à l’affut, sensible au moindre bruit, au moindre mouvement, mais rien, pas un chat.

Au bout de dix minutes de marche, je finis par m’arrêter. Depuis quand ces souterrains étaient-ils aussi longs ?

Soudain, la terre se mit à trembler et un long rugissement retentit. Mon cœur s’arrêta en même temps que tous mes autres mouvements. Ladd se matérialisa immédiatement à mes côtés sous sa force de Dragon, signe que le danger était réel.

-Pourquoi tu ne m’écoutes jamais ; pesta-t-il en volant au-dessus de moi.

-Ce n’est pas le moment de te plaindre, Asuna est quelque part ici, il faut la trouver ou sinon…

Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase car je dus esquiver au même moment une sorte de laser qui me frôla avant d’exploser contre le mur.

-Qu’est-ce que…

Je tournai la tête dans la direction d’où provenait l’attaque et je restai bouche bée. Devant moi, une sorte de vaisseau doré ressemblant vaguement à un scorpion sans pince flottait dans les airs. Il ne possédait ni réacteur ni moteur, il était simplement en lévitation deux mètres au-dessus du sol.

En son centre brillait une sorte de sphère jaune, certainement sa source d’énergie tandis qu’à l’avant, un cristal émettait une lumière bleue qui ne m’inspirait rien de bon. Il n’était pas très gros, mais ce n’était pas pour ça qu’il aurait pu rentrer dans le souterrain en temps normal.

-Impossible ! S’écria Ladd en écarquillant les yeux.

-Tu connais cette chose ?

-Il ne faut pas rester là Drago !

Avant même que je n’aie eu le temps de protester, le dragon m’empoigna et fit demi-tour, volant le plus vite possible tandis que la chose nous prit en chasse. Ce truc devait vraiment être effrayant pour que Ladd prenne la fuite, lui qui n’avait pas montré un seul signe de faiblesse lors de notre voyage en Égypte.

Il esquiva plusieurs tirs qui firent exploser les murs et c’est là que je compris où nous nous trouvions. A l’extérieur, il n’y avait rien d’autre que le vide. Le souterrain de l’école venait de se transformer en passerelle menant directement vers le monde des esprits !

Je n’eus pas l’occasion de demander à mon partenaire ce que nous faisions ici ni même le temps de réfléchir au pourquoi du comment, ma priorité était de sortir d’ici au plus vite.

Lorsque les escaliers furent enfin en vue, je discernai une silhouette qui attendait là avant de reconnaitre Asuna, un livre à la main, entourée d’une étrange énergie bleue, comme ces sorciers dans les livres fantastiques.

Ladd s’écarta immédiatement et mon amie projeta un éclair sur la chose qui nous poursuivait qui disparut aussitôt dans un épais nuage de fumée.

-Allez, dépêche-toi, ne trainons pas ici ! M’ordonna-t-elle en m’attrapant le bras. Ladd, est-ce que je peux compter sur toi ?

-Oui, mais tu ne devrais pas.

-Une minute, qu’est-ce qui se passe Asuna ?

La fille aux cheveux bleus ne me répondit rien et m’entraina simplement à sa suite, laissant le dragon derrière nous.

Nous arrivâmes essoufflés dans la cour, sous les regards interrogateurs des élèves passant par là. Mais s’il y en avait bien un qui avait des questions, c’était bien moi et je ne perdis pas une seconde.

-Qu’est-ce que c’était que ça ?

-Comment tu veux que je le sache moi ? Me répondit-elle, tentant de reprendre son souffle. Je me baladais tranquillement au sous-sol quand je t’ai vu arriver à dos de Dragon et poursuivi par ce…truc.

-Attends…tu veux dire que tu n’as rien remarqué d’étrange avant ? M’étranglai-je.

-Bah…Non. J’étais dans le gymnase et je regardais les échauffements quand tu m’as dit que tu arrivais.

Je ne comprenais plus rien. Dès le moment où j’avais posé les pieds au sous-sol, Ladd m’avait averti d’un danger, alors comment Asuna avait-elle pu passer à côté ? Plus important encore, comment cette passerelle avait-elle pu s’ouvrir ?

A ma connaissance, seul Hélios était capable de voyager librement entre les dimensions, et à en juger par le truc qui m’avait attaqué, ce n’était certainement pas l’ex-roi maléfique qui était derrière tout ça.

Et puis, Ladd avait eu peur pour la première fois, lui qui avait toujours méprisé ses adversaires, aussi forts fussent-ils.

-Toujours avec moi Drago ?

Asuna me tira brutalement de mes pensées.

-Je te demandais, ça arrive souvent ce genre d’événements dans ce monde ?

-Euh…oui, très, très souvent, ne t’inquiète pas, c’est le quotidien ici de se faire attaquer par des vaisseaux fantômes au beau milieu d’un couloir sombre ; lui répondis-je en vitesse.

-Je vois, tu vis dangereusement quand même…

-Non, ce n’est rien, je t’assure, j’ai déjà vu bien pire ; rigolai-je pour détendre l’atmosphère.

Cependant, Asuna n’avait pas l’air inquiète en disant cela, mais au contraire, elle souriait légèrement.

-Je crois comprendre…pourquoi tu as l’air si heureux depuis que je t’ai retrouvé l’année dernière…Murmura-t-elle.

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

Mon amie secoua la tête et se leva en s’étirant.

-Rien, je ne faisais qu’analyser les faits ; me répondit-elle avec un large sourire. Je sens que je vais me plaire ici moi aussi ! La grande aventure ne fait que commencer !

-Une aventure dont je me serais bien passé ; soupirai-je. Un peu de calme me ferait du bien…

-Oui, et quand tu es au calme, tu ne rêves que de partir à l’aventure ; répliqua-t-elle, l’œil brillant de malice.

-En attendant, j’en connais quatre qui vont commencer à s’impatienter si on ne revient pas très rapidement.

J’entrainai Asuna à ma suite et nous remontâmes dans la salle du club. Evidemment, j’eus droit à tous les reproches du monde pour être revenu aussi tard, mais Lareine noya tout cela par son enthousiasme devant une nouvelle recrue.

En définitive, nous ne fîmes pas grand-chose pour ce premier cours mais au moins, tout le groupe avait pu faire plus ample connaissance avec Asuna et je fus content de voir qu’elle avait rapidement trouvé sa place dans le groupe.

Nous nous séparâmes vers dix-neuf heures et, alors que je pensais que tout le monde était déjà parti et que je m’apprêtai moi aussi à prendre le chemin du retour, je sentis une pression sur mon épaule. En me retournant, je vis June qui me dévisageait en fronçant les sourcils.

-Drago, tu as une minute ? J’ai à te parler ; déclara-t-elle solennellement.

-Euh…Oui, je t’écoute ; lui répondis-je, déconcerté.

-Tout à l’heure, avec Asuna, que s’est-il passé exactement ?

Je déglutis.

-Ri…Rien du tout, qu’est-ce que tu vas chercher ?

La jeune fille me rendit un regard assassin qui suffit à me faire plier.

-J’ai été attaqué dans les sous-sols ; finis-je par avouer.

-Je me doute bien que tu n’es pas tombé dans l’escalier pour que ma manche ait brûlé de la sorte.

Je regardai immédiatement mon uniforme, et effectivement, un bout noir de ma chemise semblait avoir brûlé, certainement en essayant d’esquiver une des attaques du vaisseau. June était vraiment très observatrice, même moi je n’avais rien remarqué, et Asuna non plus, sinon elle m’en aurait parlé…

-Donc, qu’est-ce qui vous est arrivé ?

Ne pouvant cacher la vérité, et surtout, ne voyant pas l’intérêt de lui mentir, je lui racontai toute l’histoire, de la passerelle à l’attaque de la machine jusqu’au sauvetage in extremis d’Asuna. Pendant tout le récit, June resta de marbre, ne montrant aucune expression, restant les bras croisés, impassible.

Lorsque j’eus terminé, quelques instants de silences suivirent ma déclaration pendant lesquels June semblait réfléchir à toutes les informations qu’elle venait d’apprendre avant de déclarer :

-Alors mon père avait vu juste, je pensais qu’il repartait dans ses délires, mais malheureusement non ; marmonna-t-elle.

-Est-ce que tu pourrais préciser ta pensée June ?

La jeune fille plongea son regard dans le mien et je fus obligé de reculer d’un pas tant ses yeux m’annonçaient de mauvaises nouvelles.

-J’aimerais que tu gardes ça pour toi pour le moment parce que ce n’est qu’une théorie, mais il se pourrait bien que le monde des esprits soit au bord de la destruction.

-Qu…Qu’est-ce que tu entends par-là ? Et comment peux-tu affirmer une telle chose ? Bégayai-je, interdit.

-Mon père est peut-être le scientifique le moins rigoureux sur cette terre, mais il est incollable lorsqu’il s’agit d’histoire du duel de monstre. La chose qui t’a attaqué est certainement un monstre du nom de qliphort.

-Qliphort ? répétai-je sans comprendre.

-Je ne peux pas t’expliquer exactement qui ils sont ni de quoi ils sont capables, mais jusque-là, ils étaient scellés depuis des millénaires. Leur retour ne présage que le pire.

-Qu’ils soient scellé et que j’en aie vu un, très bien, c’est étrange, mais pourquoi ici ? Je veux dire, les passerelles ne s’ouvrent pas en claquant des doigts !

-ça, Drago, je ne peux pas te répondre. Je demanderai à mon père de faire des recherches. En attendant, évite vraiment de propager cette rumeur, je ne veux pas d’affolement inutile si je me trompe.

Cependant, le ton que June employait me laissait entendre qu’elle était persuadée de ce qu’elle avançait.

-Une dernière chose, June : leur retour pourrait-il être lié à Armageddon ou aux démons ?

Elle ne me répondit rien mais son silence fut suffisant pour me faire comprendre que les deux événements n’étaient pas indépendants.

Même si je pressentais que ce qui se préparait n’allait pas être une partie de plaisir, au fond de moi, j’étais presque heureux de nouveaux ennuis pointer le bout de leur nez.

J’eus alors l’impression de comprendre ce qu’essayait de me dire Asuna et Angéla. Evidemment j’avais peur, évidemment je savais que nous risquions tous d’y passer, évidemment je ne connaissais pas l’issue ni le tournant des événements, mais mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Rien que de penser aux combats à venir me faisait frissonner et je sentais une énergie indescriptible m’envahir.

-Dans tous les cas June, profitons du temps que nous avons avant que les ennuis ne commencent réellement, faisons de cette année une année inoubliable sur tous les points !

-Et le voilà qui commence à parler comme Angéla, ça ne te réussit pas de la côtoyer tous les jours ; soupira-t-elle. Mais, je suis d’accord avec toi, il ne faut pas s’obnubiler sur des hypothèses, la dernière fois, ça a très mal fini pour Ambre et Maya et je préférerais éviter que cela se renouvelle. Voilà qu’Angéla déteint sur moi aussi, si ce n’est pas malheureux.

June me laissa sur ces mots et prit le bus pour rentrer chez elle, me laissant seul devant l’école…Enfin, presque seul, car je devais me trainer mes deux fantômes en permanence.

-Drago, tu vas vraiment faire comme si de rien n’était ? Me demanda Théa une fois que June fut partie.

-Pour le moment, oui, de toute façon, que pouvons-nous faire à part attendre ? Et puis, si je me comporte étrangement, Angéla le remarquera et se remettra en tête de protéger tout le monde. Elle en a déjà assez fait l’année dernière, elle mérite de se reposer un peu. C’est à mon tour de la protéger désormais.

-Tu as grandi depuis que tu es arrivé dans ce monde, tu sais ; murmura ma sœur. Je suis certaine qu’Asuna l’a remarqué également.

-Peut-être oui. J’ai surtout appris à connaitre Angéla et les autres.

-C’est bien ce que je dis.

Je tournai la tête vers ma sœur, intrigué, mais elle n’ajouta rien d’autre et disparut de mon champ de vision. Apparemment, il restait bien plus de zones d’ombre dans ma mémoire que je ne le pensais…



Chapitre 2 : Le Fantôme du Passé



Spoiler :


https://www.youtube.com/watch?v=WuvSzfaMXNI

Encore…J’étais encore dans cette grande maison vide et abandonnée. Tous les meubles, tous les tableaux, tout avait disparu et il ne restait que des cendres de ce qui autrefois avait été ma maison, celle où j’avais grandi avec mon frère Arthur, ma mère et mon père.

Au dehors, à travers les vitres sales et brisées, je voyais notre jardin, dévasté. Partout, des bouts de bois carbonisés, des éclats de verre et de l’herbe brûlée jonchaient le sol nu et dénué de vie.

Je passai dans le salon dans l’espoir de trouver quelque chose qui me serait familier, une tasse, une assiette, des couverts, mais rien. Tout ce qui était encore en bon état avait dû être volé après toutes ces années.

Je montai ensuite à l’étage et je revis ma chambre. Mon lit n’était plus qu’un tas de bois noirci par les flammes, de même que mon bureau. Heureusement que je n’avais rien laissé de précieux avant de partir. Il ne restait que des lambeaux de vêtements, des bouts de rideaux et de vieux cahier à moitié illisibles, consumés par le feu.

Je ressortis de cette pièce où j’avais passé tant de temps avant de me diriger presque instinctivement vers celle de mon frère. Etrangement, elle était intacte. En même temps, il n’y avait presque rien depuis qu’il avait sombré dans le coma, mais son lit était encore fait, prêt à être utilisé et les rideaux volaient au gré du vent passant par la fenêtre entrouverte de sa chambre.

Soudain, je vis comme une forme humaine devant les vitres. Je ne pouvais pas distinguer son visage à l’exception de ses yeux vert émeraude, les même que les miens et je compris. Dans son regard pouvait se lire toute la rancœur du monde ainsi que du mépris et…de la tristesse.

-Tu oses remettre les pieds ici après ce que tu as fait, Laura ? Me dit le personne d’une voix glaciale.

-Je suis désolée, Arthur…je ne voulais pas…Tentai-je de lui répondre dans un murmure déformé par le chagrin.

-Il est trop tard pour avoir des remords. Si tu avais été là ce jour-là…rien de tout cela ne serait arrivé.

Le décor se brisa d’un seul coup comme une vitre sur laquelle on aurait jeté une pierre et je me réveillai en sueur et haletante dans mon lit, non pas à Viridian mais dans ma chambre chez Darksky. Mon cœur battait la chamade, j’avais encore du mal à respirer et je tremblais de tout mon corps.

-Encore…ce rêve ; murmurai-je tout bas.

Pourquoi…Pourquoi repensai-je soudainement à tout cela maintenant ? Depuis la fin des vacances d’été, régulièrement, la vision de mon ancienne maison à Viridian revenait me hanter. Je ne savais pas pourquoi mais je pensais de plus en plus souvent à notre ancienne vie avec Papa, Maman et Arthur. C’était étrange, je n’étais pas spécialement heureuse à cette époque, je vivais simplement ma vie en essayant d’avoir le moins d’ennuis possible. En comparaison, la vie avec Darksky était bien plus palpitante, même en considérant ces histoires de démons et de fin du monde.

Finalement, après une bonne dizaine de minute de réflexion ne menant à rien, je décidai de me lever et prendre une douche avant de descendre dans la salle à manger pour le petit déjeuner.

Comme d’habitude, Arnold s’était levé aux aurores et avait tout préparé. Je ne comprenais toujours pas comment ni pourquoi il m’avait retrouvé mais à chaque fois que j’abordai le sujet, il déviait la conversation sur autre chose, si bien que j’avais abandonné. Mais dans les faits, j’étais vraiment contente de l’avoir à mes côtés, comme une preuve vivante à moi-même que tout ce que nous avions vécu à Viridian n’était pas qu’un rêve.

La cloche sonna huit-heures lorsque je rangeai mon bol de céréales et fis la vaisselle tandis que Darksky venait d’arriver, encore en pyjama et à moitié endormi.

-Est-ce que tu as vu l’heure toi ? On a cours dans moins d’une demi-heure ! Le sermonnai-je comme chaque matin depuis un an.

-Bonjour Laura, bien dormi ? Me répondit-il en baillant à s’en décrocher la mâchoire.

-Franchement, comment tu as pu te débrouiller seul pendant quatre ans avec cette attitude ? Soupirai-je. Et Marie, qu’est-ce qu’elle fait encore ?

-Va savoir, ça fait bien dix minutes que j’attendais devant la salle de bain et j’en ai eu assez alors je suis descendu ; marmonna Darksky en prenant une cuiller de céréales.

C’était le même cinéma chaque matin avec Darksky et Marie. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre au niveau des horaires et ce n’était pas l’envie qui me manquait de partir sans eux mais je savais que s’il n’y avait personne pour les pousser, ils risquaient de ne pas venir au premier cours…j’en avais déjà fait l’expérience…

Je réussis néanmoins à m’arranger pour qu’ils partent à huit-heures vingt, même si je dus les tenir par le bras pour qu’ils se dépêchent un peu et nous réussîmes par un tour de force à arriver pile lorsque la sonnerie retentit.

Marie était peut-être encore pire que son frère étant donné qu’il s’agissait de son premier jour au lycée, ce qui lui donnait une raison supplémentaire pour arriver à l’heure…Heureusement, cette dernière s’éclipsa rapidement une fois arrivés.


https://www.youtube.com/watch?v=plCw_qsJ9Eo


Et Malheureusement, je ne pus éviter de croiser le regard malicieux et les yeux bleus et moqueurs de Saya qui nous attendait visiblement devant la grille, les bras croisés sur sa poitrine.

Comme à son habitude, la blonde avait attaché ses cheveux en une longue queue de cheval descendant presque jusqu’à ses hanches, ne laissant dépasser qu’une frange sur son front. Elle afficha en nous voyant son sourire avertissant qu’elle avait encore inventé je ne sais quoi et que nous allions passer un mauvais moment…

Cependant, préférant éviter les ennuis dès le premier jour de cours, je fis mine de rien et la saluai normalement.

-Salut Saya, tu vas bien ? Lançai-je amicalement.

-Oui, oui, les politesses, ça sera pour plus tard Laura, en attendant, j’ai un scoop ! Lança-t-elle, des étoiles dansant dans ses yeux.

-Allons bon, qu’est-ce que c’est encore ? Un nouveau fantôme dans l’école ? Ou peut-être un passage secret que tu as découvert lors de tes tournées nocturnes ?

-Non, je n’arrive pas à le trouver celui-là, et ce n’est pas faute de chercher !

-Bon, dis-le-nous rapidement alors ; soupira Darksky.

-J’ai cru comprendre que l’école où Miyako avait postulé l’a finalement refusée pour cause d’un nombre trop élevé absences injustifiées, donc, devinez où elle est allée poursuivre ses études ?

-Attends, ne me dis pas…

-Et si Laura, ici même ! Sortit Saya triomphalement.

-Je ne savais même pas qu’on avait des classes prépa…S’étonna Darksky.

-Ah bah moi non plus, mais que veux-tu, on ne va pas s’en plaindre ; lui répondit Saya en haussant les épaules. On va pouvoir s’amuser un an de plus tous ensembles !

-A quoi bon avoir fait une réunion d’adieu alors ; soupirai-je en repensant à tout le cinéma qu’avait été la préparation de la fête.

Sur ces belles paroles, nous rentrâmes tous les trois à l’intérieur du bâtiment principal pour aller regarder les panneaux sur lesquels étaient affichées les classes de terminale de cette année, même s’il n’y avait que très peu de surprise.

Notre lycée n’était pas très grand, il n’y avait qu’une seule classe par catégorie, et donc forcément, si nous avions été dans une classe en première, nous avions la même en terminale à quelques détails près.

Cette fois-ci, je pris place au fond de la classe, à côté de Darksky et Saya, virant sans état d’âme le propriétaire habituel des lieux, Youhei, qui dut aller voir ailleurs malgré lui.

Même en connaissant les sentiments de Darksky à mon égard, ma rancœur datant de trois ans déjà me restait en travers de la gorge sans que je puisse m’en défaire. Et dire que j’avais failli détruire le monde à cause d’une jalousie infondée…J’étais vraiment stupide et c’en était encore plus ridicule en sachant que cette même personne que je jalousais autrefois était devenue une de mes meilleures amies.

Avant le début du premier cours de l’année, nous reparlâmes de nos vacances à Paris avec Angéla et nos amis de Satellite. Reisuke, Hiroki, Hakaze, Jessica, Soichiro, Sirie, je me demandais bien comment ils allaient à présent. Les vacances avaient été vraiment amusantes malgré quelques petits soucis au démarrage. Jamais je n’aurais cru que la stupidité d’Hélios nous soit un jour bénéfique.

Notre professeur arriva finalement vers neuf-heures et les cours débutèrent enfin. Même si je n’avais aucune difficulté à suivre, Darksky semblait largué et Saya n’arrangeait rien à papoter pour ne rien dire. Je comprenais mieux maintenant pourquoi ces deux-là avaient eu leur année de justesse…

Lorsque la pause déjeuner arriva enfin, la jeune fille s’effondra sur sa table, l’air totalement épuisée alors que nous n’avions fait que remplir des papiers et des rappels de première…Elle devait le faire exprès pour amuser la galerie, ce n’était pas possible autrement…

-C’en est trop pour moi, je retourne en première moi, au moins je pouvais dormir tranquillement ; gémit-elle.

-Vas-y, personne ne te retient ; lui répondit Darksky tout en rangeant ses affaires.

-Si, Laura, si je fais ça elle va me tuer !

-Hein, quoi ? Mais qu’est-ce que tu vas chercher encore ? Rétorquai-je les yeux ronds.

Saya n’eut pas le loisir de nous répondre car le délégué provisoire nous interrompit en nous prévenant que quelqu’un demander à nous voir. En tournant la tête vers la porte, je vis qu’une fille aux longs cheveux bruns nous attendait là, l’air gêné. Cependant, ses grands yeux marrons, son sourire franc et ses deux mèches sur le dessus de sa tête ne m’étaient pas inconnus.

Lorsqu’elle nous aperçut à son tour, la jeune fille se précipita vers nous.

-Laura, Darksky, Saya, contente de vous revoir ! Lança-t-elle joyeusement une fois à notre hauteur.

Lorsqu’elle fut juste devant moi, je remarquai alors qu’elle avait grandi depuis les vacances. Elle faisait à présent presque la même taille que Saya alors que l’année précédente, elle ressemblait encore à une collégienne de quatrième.

-On se connait ? Lui demanda Darksky, l’air perdu.

Je remis lui remis les idées en place d’un coup de poing dans les côtes.

-Arrête de jouer à l’idiot, ce n’est pas drôle ! Râlai-je devant le regard interrogateur de la jeune fille qui semblait avoir pris la remarque de Darksky au premier degré.

-Désolé, c’est sorti tout seul…

-Tiens, Nagisa, je n’avais pas remarqué que tu avais autant grandi pendant ces vacances ; s’exclama Saya, impressionnée.

-Ah, ça…Je suis la première surprise mais je n’y peux rien ; lui répondit la jeune fille, gênée.

-Et puis, je vois que tu as découvert les joies de te coiffer le matin maintenant ; enchaina la blonde en riant.

-Je m’en serais bien passé par contre de ça mais mon oncle veut absolument faire des économies donc plus de coiffeur ; se plaignit-elle en gonflant les joues.

-Mais ça te va bien je trouve, ça change de d’habitude ; complétai-je. Et puis, tu dois avoir beaucoup de succès dans ta classe maintenant !

Nagisa rougit face à mon compliment. C’était amusant de la taquiner de la sorte. Nagisa était encore très naïve malgré sa nouvelle apparence de lycéenne, mais c’était ce qui la rendait unique en son genre et si attachante.

Finalement, après avoir échangé quelques civilités, ni descendîmes tous les quatre à la cafétéria pour prendre un bon déjeuner. Nous parlâmes une fois de plus de nos vacances, de l’année à venir et d’autres banalités sans grande importance. Qui aurait cru que moins de six mois auparavant, nous combattions des démons fous désireux de détruire le monde…

Lorsque Nagisa apprit que Miyako restait parmi nous une année de plus, elle sauta littéralement de sa chaise.

-Miya-chan est vraiment encore avec nous pour un ans ? S’écria-t-elle si fort que toute la cafétéria fut alertée.

-Oui, oui, mais elle risque d’être de mauvaise humeur vu à quel point elle tenait à cette école, donc on évite le sujet ; l’avertis-je, connaissant les tendances de la jeune fille.

-Je suis sûre qu’elle est contente au fond d’elle, elle avait l’air si triste de quitter le club à la fin des vacances ; répliqua Nagisa avec un large sourire.

-Miyako, triste ? Tu es sûre qu’on parle de la même personne ? S’étonna Darksky.

-Oui, ça me parait aussi improbable que Darksky avec de bonnes notes ; renchérit Saya, abasourdie.

-Est-ce que tu t’es regardée au moins avant de dire ça ? Rétorqua-t-il en soupirant.

-Je fais semblant évidemment, je veux simplement me mettre à ton niveau pour ne pas que tu te sentes faible ! Répliqua la blonde tentant d’avoir l’air confiante.

Je soupirai à mon tour. Heureusement que nous n’avions pas cours cet après-midi car lorsque ces deux-là partaient dans des disputes sans fin, il était impossible de les arrêter…

Finalement, Nagisa et moi réussîmes à les séparer vers trois heures et nous prîmes la direction de la salle du club de duel n’ayant rien d’autre à régler.

Cela faisait un petit bout de temps que je n’avais pas posé le pied là-bas et je devais reconnaitre que l’ambiance qui y régnait commençait à me manquer.

Nous marchâmes donc dans ce couloir bien connu et désert comme toujours avant d’arriver dans la salle reculée par rapport au reste de l’école. Nagisa sortit les clefs mais étrangement, la porte était déjà ouverte. Peut-être était-ce Miyako.

Cependant, lorsque la présidente poussa la lourde porte de bois, ce fut une autre personne qui nous accueillit.

Assise au bureau qu’occupait normalement Miyako, un livre dans les mains, portant une simple veste bleu ciel et un tee-shirt rayé noir et blanc ainsi qu’un jean noir, se trouvait une vieille amie que nous n’avions pas revue depuis longtemps.

Ses longs cheveux couleur corbeau tombaient sur son front en une frange irrégulière tandis qu’une mèche rebelle remontait en pic sur le côté droit de sa tête. Lorsqu’elle nous vit, la jeune fille nous fixa de ses yeux ébène avant qu’un large sourire n’éclaire son visage.

-Oh, vous voilà enfin, j’ai failli attendre ; déclara-t-elle en fermant son livre.


https://www.youtube.com/watch?v=Gpa6R_hF9uc

Iori se leva de son siège et vint se placer devant nous puis croisa les bras sur sa poitrine. Cependant, je lui trouvais quelque chose de différent par rapport à la dernière fois où nous l’avions vue. Elle semblait avoir gagné une certaine assurance et ses yeux ne dégageaient plus la même tristesse que durant l’attaque de la citadelle. Même sa voix avait changé, elle qui ne pouvait aligner deux mots sans bégayer ou se reprendre.

-Iori, qu’est-ce que tu fais ici ? Et comment as-tu pu rentrer dans l’école sans carte ? Lui demanda Darksky, troublé.

Pour toute réponse, la jeune fille sortit de sa poche une petite carte identique à celles que nous possédions, comportant même son nom et sa photo nous témoignant qu’elle lui appartenait bien. Nagisa écarquilla les yeux en voyant cela tandis que je me mis à réfléchir sur un point qui me gênait.

Même si cette carte était identique en tout point aux nôtres, je ne l’avais vue nulle part sur les listes alors qu’elle aurait dû se retrouver dans notre classe en toute logique.

Cette pensée m’amena à une autre question que je posai directement à la jeune fille tout en tentant de camoufler mes doutes :

-Alors Iori, qu’est-ce que ça te fait d’être en terminale ? Et au fait, je ne t’ai pas vue sur les listes, tu es inscrite ailleurs ?

La fille aux cheveux d’ébène n’eut pas le temps de me répondre car Saya se mit à pouffer derrière nous avant de ne plus pouvoir se contenir et d’éclater de rire tandis que je voyais le visage de Iori perdre peu à peu de son assurance jusqu’à ce qu’elle finisse par retrouver cet air perdu qu’elle arborait en permanence.


https://www.youtube.com/watch?v=ek_ReBed57g


-Mam…Saya, qu’est-ce que j’ai fait de travers encore ? Se plaignit-elle ayant repris sa voix normale.

-Non, ce n’est pas toi…c’est juste que…vous devriez voir vos têtes tous les trois, vous êtes ridicules ; s’esclaffa la blonde, littéralement pliée en deux.

-Co…Comment tu veux que j’aie l’air confiante si tu réagis comme ça ! Protesta sa colocataire, gênée.

-Est-ce que…quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il se passe ici ? Intervint Darksky, perdu.

Saya mit plusieurs secondes à reprendre son sérieux avant d’aller se placer aux côtés de Iori et de la prendre par l’épaule avec un sourire totalement stupide.

-Allez Iori, explique-leur !

-Je…Saya voulait simplement que je prenne confiance en moi…alors elle m’a dit de faire ça…Bafouilla Iori de plus en plus gênée.

Darksky se prit la tête dans les bras tandis que Nagisa pencha la tête sur le côté, déconcertée et quant à moi, je poussai un soupir de soulagement. J’avais eu peur pendant quelques instants que Saya n’ait eu un effet bénéfique sur la jeune fille. Cependant…la blague n’expliquait pas tout.

-Mais…et cette carte alors ? Lui demanda Nagisa en me devançant. Pourquoi il y a le nom de Saya dessus et pas le tien ?

-Oh, c’est pour éviter les ambiguïtés tout simplement. Sur le papier, Iori est ma petite sœur ! Ce n’est pas une idée géniale ? Lui répondit-elle, fière d’elle.

-Ou…Oui, enfin, c’est aussi parce que sans nom de famille, mon CV n’était pas complet ; rajouta Iori.

-Ton CV ? Répétai-je, surprise. Tu as arrêté l’école ou tu cherches un travail pour payer le lycée ?

-Vous n’êtes pas au courant ? S’étonna Saya. Iori a déjà son bac scientifique et bien plus !

Nous lâchâmes tous les trois un « hein ? » collectif qui eut pour effet de mettre encore plus mal à l’aise la jeune fille qui se mit à rougir et à se dandiner d’une jambe sur l’autre, ne sachant plus où se mettre.

-C’est…plus compliqué que ça ; tenta-t-elle d’expliquer. Dans les faits, je n’ai aucun diplôme…

-Mais elle a largement le niveau de quelqu’un ayant fait plus de dix ans d’études ! Compléta son amie avec enthousiasme.

Je fixai la jeune fille que j’avais en face de moi. Iori était réellement un tel génie ? Elle n’avait que dix-sept ans et Saya prétendait qu’elle en savait plus que la plupart des adultes…C’était bien la dernière personne que j’aurais soupçonnée de cacher un tel talent derrière ses airs timides et sa maladresse.

-Dans ce cas-là, qu’est-ce que tu fais cette année ? De la médecine ? De l’astrophysique ? De la chimie ? Du nucléaire ? Lui demanda Nagisa, impressionnée.

-Comment dire…J’ai postulé au CERN et j’attends leur réponse, mais normalement, je devrais être prise selon mon dernier entretien ; lui répondit Iori en détournant le regard, ne sachant plus où se mettre.

Nous restâmes tous bouche bée à l’exception de Saya dont le sourire s’agrandit encore, accentuant d’avantage le malaise de son amie.

Heureusement pour elle, la porte de la salle de club s’ouvrit au même instant laissant entrer l’ancienne présidente. Malgré son entrée en grande école, Miyako n’échappait pas à l’uniforme de l’école, même si elle mettait par-dessus son éternel manteau pourpre descendant jusqu’à ses genoux. Elle avait également conservé sa frange irrégulière et sa longue mèche tombant sur le côté droit de son visage, juste à côté de ses yeux aussi bleus et froids que la glace qui contrastaient avec l’éclat pourpre de ses cheveux. Son visage fin laissait paraitre des traits doux derrière les expressions mécontentes de la jeune fille, mais seuls ceux qui la connaissaient vraiment pouvaient le remarquer.

Evidemment, sa bonne humeur habituelle n’avait pas disparue avec la nouvelle année, ce qu’elle nous montra immédiatement en nous saluant.

-Je vois qu’on s’amuse bien ici ; lança-t-elle immédiatement avec un sourire moqueur.

Aussitôt, Nagisa, au lieu de répondre à sa pique, se jeta dans ses bras et Miyako fut obligée de lâcher son sac et tituba, manquant de tomber à la renverse.

-Oula Nagisa, évite de faire ça maintenant, tu es devenue trop grande…

-Désolé Miya-chan, c’est juste que je suis si contente que tu ne sois pas partie ! Lui répondit la cadette du club, les larmes aux yeux.

-Je ne suis pas là de joie de cœur, sachez-le ; grogna-t-elle. Mais je suis contente moi aussi de vous retrouver ; compléta l’ex présidente d’un ton doux et avec un léger sourire qui, chez Miyako, signifiait une immense joie.

-Heureusement que tu as été refusée à Paris finalement, on va pouvoir passer une autre année tous ensemble ! S’exclama Darksky.

-Je rectifie, de presque tous vous retrouver ; rétorqua Miyako, glaciale.

Je me pris la tête dans les bras une fois de plus. Darksky n’avait vraiment aucun tact, et la présence de Saya n’arrangeait rien à cela puisqu’elle se contentait de rigoler lorsqu’il faisait une gaffe…

Ce fut donc à moi de lui remettre les idées en place avec un autre bon coup de coude dans les côtes qui lui fit comprendre sa bêtise et il tenta de se rattraper :

-Désolé…Pour me faire pardonner, si on organisait une fête pour le retour de notre ex présidente ? Proposa-t-il n’ayant pas perdu son enthousiasme.

-Vous me fatiguez déjà ; soupira la fille aux cheveux de feu en ignorant sa proposition et s’asseyant à sa place habituelle.


https://www.youtube.com/watch?v=ZIZzj3e4SJs


Après quelques accrochages et quelques civilités, tout le monde reprit rapidement ses vieilles habitudes : l’ex présidente prit place à son bureau pour observer les élèves dans la cour en baillant, l’air lassé, Darksky commença à se chamailler avec Saya pour une raison stupide et entamèrent un duel pour régler ça, Nagisa fit l’arbitre payé, totalement en faveur de Saya, tandis que Iori…ne savait pas vraiment quoi faire et restait debout, plantée au milieu de la salle.

Cependant, en l’observant un peu, je remarquai qu’elle semblait contempler chaque mur, chaque étagère, chaque fauteuil avec mélancolie, comme si elle était perdue dans ses souvenirs. N’aimant pas la voir dans cet état, je me mis en tête de lui changer les idées.

-Alors Iori, tu ne vas pas te joindre à la fête ? Lui demandai-je chaleureusement.

-Hein…euh…non merci, j’étais simplement perdue dans mes pensées ; bégaya-t-elle comme se réveillant d’un rêve.

-Oui, ça j’avais remarqué je crois…Mais il y a un problème ? Tu peux nous en parler tu sais.

-Non, vraiment, ce n’est rien Laura, c’est juste que…mon père faisait partie d’un club comme celui-là quand il était jeune, de même que ma mère. J’étais juste en train de me dire que l’ambiance devait être aussi amusante qu’ici ; me répondit la jeune fille avec un sourire forcé.

-Amusant, ce n’est pas le mot qui me vient directement à l’esprit ; râla Miyako depuis l’autre bout de la salle, le nez plongé dans les livres et les devoirs de prépa. Quelle idée de venir ici pour travailler ; maugréa-t-elle ensuite tout en observant le duel avec intérêt.

J’étais néanmoins certaine que Iori ne me disait pas tout, mais je préférai ne pas en demander davantage pour le moment, de peur de blesser la jeune fille avec des questions indiscrètes et je me contentai à l’inviter à prendre les paris sur le duel entre Saya et Darksky, ce qu’elle fit avec entrain.

Nous passâmes ainsi toute la soirée dans la salle de club à rire, parler, râler pour certains. J’étais vraiment contente de retrouver cette ambiance après tout ce temps. Il fallait dire que la crise des démons n’avait rien arranger et je craignais presque que les choses n’aient changé à cause de cela, mais mes doutes s’envolèrent rapidement devant la joie habituelle qui se dégageait de nos « entrainements ».

Nous nous séparâmes comme d’habitude au croisement devant l’école. Iori repartit avec Saya qui préparait déjà un mauvais coup tandis que sa colocataire ne pouvait rien faire à part acquiescer, Nagisa avec Miyako qui se plaignait de la quantité de travail et je pris le chemin du retour aux côtés de Darksky qui boudait d’avoir perdu son duel contre la blonde.

La nuit n’était pas encore tout à fait tombée et le soleil dardait encore ses derniers rayons orangés sur la mer rougeoyante tandis que la lune apparaissait peu à peu dans le ciel, remplaçant l’astre du jour disparaissant dans la grande étendue d’eau salée.

L’air était frais pour cette fin d’été et une légère brise soufflait sur la ville, faisant bruisser les feuilles des arbres bordant la route.

Tout était calme. Nous croisâmes quelques passants rentrant chez eux pour le diner, d’autres commençant leur service de nuit et d’autres encore se promenant simplement dans les rues avant la tombée de la nuit.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Cependant, lorsque nous passâmes devant le parc où nous allions jouer Darksky et moi en étant petits, quelque chose attira mon regard et je m’arrêtai brusquement, si bien que mon ami me rentra dedans et râla. Mais je n’y prêtai guère attention et je me concentrai sur le parc.

Sans surprise, il était désert à cette heure, tous les enfants étaient déjà en train de diner, et pourtant, je sentais comme une présence.

-Un problème Laura ? Finit par me demander Darksky.

-Je ne sais pas, j’ai l’impression d’être observée ; lui répondis-je en fronçant les sourcils pour mieux voir dans la pénombre.

C’est alors que je le vis. Juste devant moi, debout au milieu du parc, ses habits noirs se confondant avec les ombres inquiétantes des arbres se tenait un jeune garçon aux yeux vert émeraude luisant dans l’obscurité tel un fantôme.

Je lâchai mon sac et fis un pas en arrière, effrayée, puis deux, puis trois. Je me mis à trembler de tous mes membres à suer à grosses gouttes tandis que la personne en face de moi sortait peu à peu des ténèbres qui l’entouraient pour me révéler son visage, celui d’un mort, celui de l’homme qui me hantait chaque nuit, celui de mon frère, Arthur.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Il n’y avait aucun doute possible, même si je ne l’avais pas vu depuis plus de quatre ans, je reconnaissais cette mèche brune caractéristique de mon frère tomant pile entre ses deux yeux et son visage fin, presque enfantin malgré son âge. Mais comment était-ce possible ? Mon père m’avait affirmé qu’il n’avait pas survécu tout comme ma mère…S’était-il trompé ? Arthur avait-il réussi à s’enfuir ce jour-là ? Cela me paraissait totalement impossible puisqu’il était dans le coma par ma faute…

Mais les faits étaient que mon frère se tenait devant moi, bien vivant. Cependant, quelque chose me dérangeait chez lui. Son regard n’était pas normal ; lui qui d’habitude était toujours si enjoué, affichait un regard dénué de toute émotion et de toute vie…le même que le mien avant que Darksky ne me sorte de ma folie destructrice…

Se pouvait-il…qu’il soit lui aussi dominé par un sentiment amplifié par la malédiction de Gariatron ? Une haine ou une rancœur à mon égard pour l’avoir abandonné ce jour-là ?

Non, il ne possédait pas cette aura sombre qui m’entourait en permanence. Il s’agissait d’autre chose…

Quant à moi, j’étais tiraillée entre deux sentiments : la joie de le revoir en vie et l’envie de me précipiter pour le serrer dans mes bras, et une peur incontrôlable devant ce fantôme de mon passé ressurgissant tout à coup après une série de rêves plus effrayant les uns que les autres…

Devant mon hésitation et mon air inquiet, Darksky prit les devant et s’adressa à mon frère :

-Y-a-t-il un problème pour que vous nous fixiez de la sorte ? Lança-t-il, méfiant.

Arthur se contenta de froncer les sourcils et de sortit un disque de duel noir sans dire un mot. Darksky recula à son tour, surpris par tant d’agressivité et je me mordis la lèvre. Mes craintes étaient confirmées.

Tout comme dans mes rêves, Arthur voulait me tuer pour une raison qui m’échappait…Mais je ne devais pas me laisser décontenancer.

-Qu’est-ce que…Bégaya Darksky avant que je ne l’interrompe.

-Arthur, qu’est-ce qui te prend ? Et où étais-tu passé toutes ces années ? M’écriai-je d’une voix brisée par l’émotion.

Ce dernier écarquilla et les yeux hésita pendant quelques secondes, troublé par mes paroles.

-Comment…connais-tu mon nom ?

Pourquoi n’étais-je même pas étonnée qu’il ne me reconnaisse pas ?

Voilà ce qui me gênait avec la personne que j’avais en face de moi. Le frère que je connaissais se serait précipité pour m’embrasser s’il m’avait revue après tant d’années et ne nous aurait jamais attaqué en guise de salutation, même pour plaisanter. Quelque chose avait dû provoquer cette perte de mémoire et quelqu’un avait dû en profiter pour tenter de me tuer…mais qui ?

Une pensée horrible me traversa l’esprit que je rejetai aussitôt. Non, je gardai espoir que mon frère ne s’était pas allié à lui. Peut-être que si je me comportais comme la petite sœur espiègle et joyeuse qu’il avait toujours connu, la mémoire lui reviendrait et je n’aurais pas à me battre ; pensai-je. Je ne perdais rien à essayer de toute façon.

-Tu sais Arthur, si tu n’as pas une bonne excuse à donner à Papa, il va te passer un savon ! M’exclamai-je, tentant de reprendre la même voix que quatre ans auparavant.

-Qu’est-ce que tu racontes Laura ? Tu connais ce gars-là ? S’étonna Darksky.

Je lui fis signe de se taire tandis que j’observais la réaction d’Arthur qui avait l’air d’hésiter. Ça fonctionnait, il fallait que je continue !

-Qu’est-ce qui t’a pris de disparaitre comme ça ? Tu en avais assez de perdre contre moi alors tu es parti t’entrainer dans les montagnes ?

-Je ne sais pas ce que tu racontes, mais je n’ai pas à parler avec toi, je dois simplement achever ma mission ; rétorqua-t-il sèchement.


https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


Derrière mon frère, un grand dragon argenté possédant plusieurs têtes apparut, le même que celui m’ayant sauvé la vie durant mon duel contre Sayer. Darksky recula, terrifié, mais je ne bougeai pas d’un pouce, bien décidée à ramener mon frère.

-Oh, tu veux ta revanche après toute ces années ? Bien, je t’attends !

J’appelai au fond de moi l’esprit de Trishula qui me répondit aussitôt et le grand dragon de Glace à trois têtes surgit derrière moi, apportant avec lui un vent glacial tandis que mes yeux virèrent au bleu.

En voyant mon monstre, Arthur recula instinctivement. Après tout, jamais il n’avait battu Trishula à l’époque et il devait s’en rappeler, même inconsciemment.

-Alors, tu n’attaques plus ? Le narguai-je tout comme j’avais l’habitude de le faire.

-Je ne sais pas pourquoi tu es aussi familière avec moi, mais cela n’a aucune importance. Dragon Cosmique, Attaque…

Mon frère n’eut pas le temps de terminer sa phrase car quelque chose vint exploser juste devant nous, nous propulsant tous les trois en arrière. En relevant la tête, je vis un immense serpent à plumes voler juste au-dessus de nos têtes tandis qu’une ombre passa furtivement devant nous avant de se jeter sur mon frère.

Comme dans mes souvenirs, Arthur n’était pas un grand combattant et ne put que parer le coup de pied qu’en se protégeant avec ses bras tout en titubant.

-Il n’avait pas prévu ça ; cracha-t-il en grimaçant sous la douleur.

Sans un mot de plus, mon frère rappela son dragon et disparut dans l’ombre de la forêt aussi vite qu’il n’était apparu, comme s’il n’avait été qu’un fantôme.


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


Je me précipitai à l’endroit où il se trouvait quelques instants plus tôt, espérant trouver une trace de lui, mais, à mon grand désarroi, il n’y avait rien. Il s’était purement et simplement volatilisé.

Pourquoi…Pourquoi mon frère était-il réapparu soudainement en voulant me tuer ? Je ne comprenais pas…

-Qu’est-ce qui vient de se passer Laura ? Qui était ce type ? Me demanda Darksky, perdu.

-C’était mon…

-Un serviteur d’Armageddon, monsieur Darksky ; m’interrompit la personne m’ayant sauvée.

Cette dernière se retourna et je lâchai un hoquet de surprise en reconnaissant les cheveux grisonnants et la moustache pointue de notre majordome.

-Arnold, qu’est-ce que tu fais ici ? M’étranglai-je, interdite.

-Je ne peux pas vous révéler cette information mademoiselle Laura, vous me voyez navré ; me répondit l’homme en s’inclinant. Mais vous pouvez cependant remercier votre amie Saya qui m’a prévenu du danger que vous couriez.

-Mais…ce type…qu’est-ce qu’il voulait exactement ?

-Ce type n’est autre que mon frère ; finis-je par avouer.

Darksky me dévisagea comme si j’étais devenue folle mais Arnold resta de marbre comme toujours. Il m’était vraiment impossible de deviner les émotions de notre majordome mais ce n’était pas ma priorité à ce moment-là.

-Tu…tu as un frère ? Bégaya Darksky.

-J’en avais un ; rectifiai-je. D’après mon père, Arthur est mort il y a quatre ans, mais apparemment, il a survécu je ne sais comment et il semble qu’il ait perdu la mémoire…

-Et il semblerait que monsieur Arthur ne soit pas revenu de son propre chef ; ajouta Arnold.

-Quoi ? Mais pourquoi voudrait-il tuer Laura ? S’exclama mon ami, interloqué.

-En tant que serviteur d’Armageddon à présent, il doit avoir ses raisons. Mademoiselle Laura, je vous demanderai d’être très prudente et sachez que je serai là pour vous protéger.

-Tu oublies à qui tu t’adresses Arnold ! Rétorquai-je, vexée. Je n’étais pas l’ancienne seconde de mon père pour rien, je peux me défendre seule !

Arnold n’ajouta rien et se contenta de s’incliner avant de repartir aussi vite qu’il était arrivé, non sans nous prévenir que le diner serait bientôt prêt.

Ce type restait vraiment un mystère pour moi sur tous les plans…

A présent, il ne restait plus que Darksky et moi dans ce parc sombre. La nuit était tombée entre temps et de nombreuses étoiles brillaient dans le ciel. La ville s’était endormie sans rien remarquer de notre tentative de combat.

Ayant besoin de me reposer un peu après tant d’émotion, je m’assis sur l’un des bancs du parc et je me mis à fixer la falaise au loin pour réfléchir.

En un sens, j’étais vraiment heureuse que mon frère soit en vie, même s’il voulait me tuer et qu’il était contrôlé par Armageddon. Je savais qu’il y avait un moyen de le ramener à la raison, il suffisait de chercher. Après tout, Darksky l’avait bien fait avec moi alors que je n’aspirai qu’à la vengeance, de même que mon père pendant un très bref instant après la défaite de Gariatron, il n’y avait pas de raison qu’Arthur échappe à la règle.

Ce qui me troublait plus cependant, c’était le fait d’être la cible d’Armageddon. A la fin de la guerre contre les démons, j’avais senti quelque chose d’étrange, comme si je me trouvais à un endroit où je n’aurais pas dû être et plus tard, j’avais fait des rêves où je mourrais avant de me réveiller en sursaut. Y avait-t-il un lien entre tout ça ? Armageddon voulait-il me mort parce que j’aurais dû mourir durant la guerre mais qu’un événement l’avait empêché ? Je frissonnai rien qu’en y pensant.


https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8


Après quelques minutes, Darksky finit par me rejoindre et s’assit à côté de moi sans dire un mot. Il avait vraiment changé depuis que nous nous étions retrouvés. Il était redevenu ce petit garçon naïf et gaffeur de l’époque où nous jouions sur la falaise, certainement pensant qu’en agissant de la sorte, il retrouverait son amie d’enfance…Mais c’était impossible.

Même si Darksky m’avait sortie des ténèbres dans lesquelles je m’étais emprisonnée, beaucoup trop de choses s’étaient passées pour que je reprenne ma nonchalance et mon insouciance d’antan. Je n’étais pas comme lui, il m’était impossible de faire abstraction de mon passé.

Je pouvais évidemment faire semblant mais je n’aimais pas mentir à celui m’ayant toujours dit la vérité. C’était ainsi qu’était née une nouvelle Laura, se cherchant encore elle-même, partagée entre le désir de retourner cinq ans auparavant et les blessures qu’elle avait subies tout au long de son périple. Mais…Darksky aimait-il vraiment la personne que j’étais devenue…ou bien attendait-il encore son amie disparue ?…

Comme lisant dans mes pensées, Darksky finit par prendre la parole tout en fixant les étoiles dans les ciel d’un air penseur :

-Dis Laura, est-ce que je peux te poser une question ? Me demanda-t-il évasivement.

-Tu viens de le faire mais dis toujours ; raillai-je.

-Est-ce que tu fais des rêves étranges depuis la fin de la guerre toi aussi ?

Je sursautai, surprise et je tournai la tête vers lui, cherchant à déceler une quelconque blague mais il continuait à fixer le ciel, imperturbable.

-Etranges comment ?

-Je ne sais pas, mais il m’est arrivé plusieurs fois de rêver que tu mourrais dans mes bras ou même voir une tombe avec ton nom inscrit dessus.

J’écarquillai les yeux. Alors comme ça, je n’étais pas la seule à avoir ce genre de rêve ? Et si Darksky en avait aussi, Miyako, Nagisa, Iori, Saya et Alan rêvaient peut-être de la même chose…Soit c’était une coïncidence vraiment grosse, soit…

-Est-ce que tu penses que c’est réellement arrivé ? Continua-t-il tristement.

-M…Moi, morte ? Tu plaisantes j’espère ! Rétorquai-je en essayant de camoufler ma peur.

-Je sais, c’est stupide et vraiment glauque de penser à ça ; me répondit-il en riant légèrement. Mais ce qui vient de se passer m’y a fait penser, c’est tout.

-Tu penses vraiment que quelqu’un pourrait me tuer ? Je suis la seconde de l’armée de Shadow je te signale, je porte en moi la malédiction de Gariatron et je maitrise la fusion parfaite et tu as vraiment peur pour moi ?

-Oui ; me répondit-il si sincèrement que j’eus des remords à tenter de cacher ma propre peur. Je ne veux pas te perdre une deuxième fois Laura, je ne le supporterai pas…

-Tu as toujours été trop sentimental Darksky ; lui répondis-je avec un léger sourire, heureuse qu’il s’inquiète quand même pour moi.

-Et c’est la fille qui a failli détruire le monde à cause de sa jalousie stupide qui me dit ça ? Répliqua-t-il en me rendant mon sourire.

-Je ne me rappelle pas t’avoir demandé quoique ce soit ; ripostai-je en lui tournant le dos et en croisant les bras tout en gonflant mes joues.

Contre toute attente, mon ami éclata de rire et je ne pus me retenir et je partis à mon tour dans un fou rire incontrôlable. Nous mîmes au moins une bonne minute avant de nous calmer et pouvoir reprendre notre souffle. Cependant, même après cela, le sourire sur la figure de Darksky n’avait pas disparu et il s’était même agrandi.

-ça faisait longtemps que je ne t’avais pas vue rire comme ça Laura ; me dit-il d’un ton empli de nostalgie.

Je m’empourprai à ces mots. Mais Darksky avait raison, depuis mon retour, je n’arrivai plus à rire d’un rien comme avant. Cependant, ce dernier ajouta quelque chose qui me surprit encore plus que je ne l’étais déjà.

-Mais ce n’est pas grave, j’aime aussi celle que tu es devenue. Tu as grandi, ne cherche pas à redevenir la petite fille que tu étais, tu deviendrais comme Saya.

Je pouffai bêtement à sa remarque avant de lui répondre sarcastiquement :

-J’en connais un qui n’a pas beaucoup grandi moi !

-C’est bas ça, j’essaie d’être gentil et voilà comment je suis remercié…

Je me levai d’un bond du banc et je commençai à m’éloigner lorsque je m’arrêtai soudain pour me retourner et ajouter malicieusement :

-Mais je n’ai pas dit que je n’aimais pas ça.

Sur ces mots, mon ami se leva à son tour et me donna une légère tape sur l’épaule en riant et nous prîmes le chemin de la maison.

Mais au fond de moi, je remerciai Darksky. Grace à lui, j’avais pu oublier pendant quelques instants Arthur et mes cauchemars. Cependant, je n’avais pas abandonné et je me jurai que la prochaine fois que mon frère viendrait, je l’attendrais et je lui ferais retrouver la mémoire coûte que coûte, Armageddon ou non.






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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:06

Chapitre 3 : Fissure



Spoiler :


Le soir suivant cette étrange mésaventure, je fis ce que me conseillais June et je mis cette rencontre dans un coin et mon esprit. Après avoir pris un léger diner et fini les quelques devoirs stupides pour le lendemain, je m’allongeai dans mon lit, vidai mon esprit et je me mis à contempler le plafond de ma chambre presque vide.

A part quelques effets personnels comme des vêtements, deux ou trois babioles, ou mon deck, je n’avais rien m’appartenant dans ce monde. La table de ma chambre, mon lit, les lampes, les armoires et les chaises faisaient partie de la location que me payait Sherry…

Il allait vraiment falloir que je me trouve un petit boulot, je ne me pouvais pas me reposer sur elle jusqu’à la fin de mes études. Même si elle était immensément riche et ne voyait pas d’inconvénient à m’héberger de la sorte, je me sentais mal vis-à-vis d’elle.

Et puis, cela me rappelait que, même si dans les faits, j’avais un héritage, dans ce monde, je n’étais personne. Ni mes parents ni Théa ni moi n’existions dans les archives avant que je ne débarque subitement.

Jusque-là, j’avais toujours eu de la chance de tomber sur des personnes comme Toru et Misaki puis Sherry, mais, maintenant que j’étais habitué à tout cela, il était grand temps que je vive par moi-même.

-Dis Théa, tu sais si participer à de grands tournois permettrait de payer le loyer et les études ? Demandai-je soudainement à ma sœur qui apparut aussitôt.

-Il y a des gens vivant uniquement du duel, oui, mais ça implique énormément de choses et une seule erreur peut te faire courir à la ruine. Honnêtement, même si tu as énormément progressé, je ne pense pas que tu sois prêt pour te lancer dans le circuit pro.

-Je vois…Et toi Ladd, tu en penses quoi ?

Aucune réponse ne me parvint. Je l’appelai donc une seconde fois, pensant qu’il me faisait la tête pour l’avoir laissé combattre seul le qliphort mais j’avais beau insister, je ne ressentais aucune présence dans mon esprit et je me relevai subitement, pris de panique.

-Théa, où est Ladd ? M’exclamai-je, affolé.

-Maintenant que tu le dis, je ne l’ai pas vu depuis que nous sommes sortis de la passerelle ; me répondit ma sœur en fronçant les sourcils.

-Est-ce que tu penses…qu’il pourrait être coincé là-bas ? Ou pire, est-ce qu’il aurait pu être vaincu ? Continuai-je, le cœur battant à cent à l’heure.

-Du calme Drago, d’un, t’affoler ne changera rien à la situation, et de deux, non, c’est impossible. Un humain peut se perdre entre les dimensions, un esprit de duel non puisqu’il est relié à notre monde par la carte.

-Mais oui, la carte !

Je sautai de mon lit et me précipitai pour en sortir la fameuse carte du dragon de la lumière et des ténèbres, alias Ladd que je tentai de l’invoquer via le disque de duel, mais tout ce qui apparut fut un hologramme sans vie ni conscience.

-Et…Si l’esprit de duel n’est plus relié à sa carte ? Continuai-je, une goutte de sueur perlant de mon front.

-Ecoute Drago, je vais retourner dans le monde des esprits et le chercher. Mais tu t’inquiètes pour rien je suis sûre. Je connais ce gros fainéant et il doit simplement se plaindre à je ne sais qui que tu l’as obligé à affronter un qliphort seul ; me rassura ma sœur. Je te tiendrai au courant dès que j’aurais des nouvelles.

Sur ces mots, Théa disparut et me laissa seul. La sensation que je ressentis à ce moment-là fut vraiment étrange. C’était la première fois depuis que j’avais tenté de renier Ladd et Théa que j’étais vraiment seul…et pour tout dire, cela me mettait mal à l’aise. Je m’étais tellement habitué à leur présence qu’être seul à nouveau me laissait un grand vide.

Mon portable sonna un instant plus tard et mon sang se glaça. La soirée se présentait déjà mal avec la disparition inexpliquée de Ladd et je sentais que les mauvaises nouvelles allaient continuer à affluer mais je lâchai un soupir de soulagement lorsque je vis qu’il ne s’agissait que d’Angéla me demandant les devoirs pour le lendemain.

Prendre en photo tous les documents à remplir, les envoyer à la jeune fille et lui expliquer ce qu’il fallait faire me prit finalement tout le reste de la soirée mais au moins, j’avais pu penser à autre chose et ainsi m’endormir sans trop de difficultés, ce qui m’aurait été impossible si j’avais dû rester seul à me torturer l’esprit.

Le lendemain, mon premier réflexe en me levant fut de tenter de contacter Ladd et Théa mais aucun des deux ne me répondit. Même si je n’aimais vraiment pas rester sans nouvelles des deux, je ne pouvais rien faire de plus puisqu’Hélios était absent et qu’il était le seul à savoir ouvrir des passerelles.

Je me contentai donc de prendre un rapide petit déjeuner, de prévenir Angéla que les cours commençaient dans dix minutes et de prendre le chemin de l’école.

J’avais été chanceux sur l’emplacement de mon petit appartement car, non seulement je pouvais venir à pieds mais en plus le trajet était assez joli. Je passais par une grande allée dans un parc, entourée de pelouses et d’arbres, ainsi qu’une allée ombragée sur la gauche et plusieurs cours de tennis sur la droite. Il y avait également une petite fontaine et quelques bancs sur lesquels de nombreux passants venaient s’asseoir pour profiter du calme et de la fraicheur matinale.

J’arrivai au lycée cinq minutes plus tard et je tombai immédiatement sur June qui me salua comme d’habitude, ne tenant visiblement pas à reparler des événements de la veille et je me pliai donc à sa demande, lui répondant normalement.

-Salut June ! Alors, tu ne vas pas réveiller Angéla aujourd’hui ? Lui lançai-je joyeusement.

-Qu’elle se débrouille ; bailla-t-elle. J’ai envoyé Maya la chercher, adviendra ce qu’il adviendra.

-Pauvre Angéla, je la vois déjà se faire jeter hors du lit et être trainée à moitié endormie jusqu’ici ; frissonnai-je.

-En attendant, si tu traines encore longtemps à te demander quand elle se réveilla, tu vas finir en retard toi aussi.

Nous entrâmes tous les deux dans l’enceinte du lycée avant de rejoindre notre classe où Ambre nous attendait déjà en révisant les cours de la veille, même si elle laissa tomber son activité au moment même où elle nous aperçut.

-June, Drago, bonjour tous les deux ! Lança-t-elle avec enthousiasme.

Nous lui répondîmes avec le même entrain avant de partir sur des sujets plus banals comme nous avions l’habitude de le faire avant le début des cours, aucun d’entre nous n’étant encore d’attaque en général pour partir dans une grande discussion.

Le professeur de philosophie arriva quelques minutes plus tard, un grand homme au crâne dégarni, portant des lunettes rondes et une barbe de trois jours, suivi immédiatement d’Angéla et Maya qui tentèrent de rentrer discrètement par la porte de derrière pendant que ce dernier écrivait son nom au tableau et faisait passer des papiers.

Miraculeusement, elles y arrivèrent et prirent place à côté de nous, étonnées elles-mêmes d’avoir réussi, ce qui fit pouffer Ambre et arracha un sourire à June.

Le cours passa sans autre divertissement à l’exception d’Angéla qui s’était rendormie, ce qui m’obligea à remplir les papiers à sa place pour lui éviter une convocation dès le deuxième jour chez le directeur. Puis vint l’heure de la pause et Ambre alla réveiller la marmotte, en douceur cette fois-ci. Lorsque cette dernière ouvrit les yeux, elle sembla perdue pendant quelques instants avant de se rendre compte qu’elle était en classe.

-Hein, quoi, comment je suis arrivée ici moi ? S’exclama Angéla, affolée.

-Et bien tu vois, ce matin des extraterrestres sont venus chez toi et ont utilisé leur rayon téléporteur pour te faire vivre d’atroces expériences et c’est ainsi que tu t’es retrouvée en classe ma cher Angie ; railla Maya pendant qu’Ambre éclata de rire devant l’air perdu de son amie.

-Oh, c’est donc pour ça que j’ai fait un cauchemar avec un scorpion mécanique géant…je déteste les scorpions ; frissonna-t-elle.

Je sursautai lorsqu’Angéla évoqua son rêve et June fronça les sourcils. Nous savions l’un comme l’autre qu’il n’y avait aucun extraterrestre à l’œuvre dans le rêve d’Angéla mais qu’il s’agissait d’un problème bien plus grave encore.

-Angéla, dis-moi, que faisait ce scorpion dans ton rêve ? Lui demanda June avec son sérieux habituel, ce qui lui permettait de ne pas éveiller de soupçons.

-Je crois qu’il s’échappait d’une sorte d’arbre et qu’il attaquait un lion et un dragon…Enfin, on s’en fiche, je vais aller retrouver ces extraterrestres et leur faire passer l’envie de me trainer à l’école moi !

-Ça tombe bien, il est juste en face de toi ; lui répondit Ambre en lui désignant Maya.

Angéla eut l’air de plus en plus perdue tandis que ses deux amies riaient aux éclats mais June avait croisé les bras et semblait pensive. Je l’étais également évidemment mais j’avais pris l’habitude de réfléchir en exposant mes idées à Ladd ou Théa et en leur absence, j’avais vraiment du mal à me concentrer, surtout avec autant de bruit autour de moi.

Finalement, le cours suivant commença et me permit de penser à autre chose en attendant le retour des deux esprits de duel. J’espérai vraiment qu’il ne leur était rien arrivé avec toutes ces histoires…

L’heure du déjeuner arriva et nous descendîmes à la cantine comme chaque jour, Angéla se plaignit du repas comme toujours et nous finîmes donc en moins de vingt minutes. Mais, alors que nous allions remonter en classe et flâner dans les couloirs, June lâcha quelque chose qui me surprit.

-Je crois que j’ai oublié quelque chose dans les gymnases l’années dernière, je vais voir s’ils l’ont toujours, montez sans moi, je vous rejoins !

Sans un mot de plus, la jeune fille fila vers le sous-sol mais, sachant pertinemment ce qu’elle avait derrière la tête, je sortis la même excuse qu’elle et, laissant Angéla, Maya et Ambre derrière, je la rattrapai juste avant qu’elle ne prenne les escaliers.

-Attends June, qu’est-ce que tu espères faire là ? Lui demandai-je en la retenant par le bras.

-Je veux simplement prouver que mon père à tort ; me rétorqua-t-elle en se dégageant.

-Ce n’est pas toi qui me disait hier qu’il ne fallait pas s’obnubiler avec ces histoires ? Répliquai-je.

-Justement, si je prouve que mon père se trompe sur toute la ligne, il n’y aura plus aucune raison de penser à cela. Et si sa thèse est confirmée, cela ne sera plus de notre ressort, donc même résultat.

Même si le raisonnement de June se tenait, j’avais quelques réticences. Je ne pouvais pas l’expliquer mais j’avais un très mauvais pressentiment. Mais peut-être n’était-ce qu’une simple peur inconsciente à l’idée de revoir cette créature mécanique alors que Ladd et Théa n’étaient pas là…

Voyant que je n’avais plus rien à rétorquer, June prit les escaliers menant au sous-sol et je la suivis. Comme on pouvait s’y attendre, il ne restait plus rien de l’anomalie de la veille. Les couloirs étaient remplis de monde entrant et sortant des gymnases en courant. Il n’y avait aucune trace de la passerelle s’étant ouverte au même endroit.

-Bon, allez June, il n’y a rien ici, remontons avant de nous perdre comme Angéla l’a fait tant de fois.

Cependant, la blonde ne m’écouta pas et continua à arpenter les longs couloirs du sous-sol de fond en comble dans l’espoir de trouver quelque chose, mais il n’y avait rien d’autre que des élèves, de la poussière et du matériel de sport.

Nous tournâmes ainsi pendant une bonne dizaine de minutes avant d’arriver à la triste conclusion que nous ne trouverions rien. June, dépitée, se préparait déjà à remonter rejoindre Angéla et les autres quand j’entendis un bruit dans un coin qui attira mon attention.

Je tournai la tête et je vis une ombre cachée dans un recoin du couloir.

-Toi là-bas, je peux savoir ce qui tu regardes comme ça ? Lançai-je à la personne qui sortit de sa cachette et j’eus un hoquet de surprise en reconnaissant Asuna.

-Oh, ce n’est que toi Drago, ça tombe bien, je te cherchais ! Me dit-elle avec entrain. Bonjour aussi June !

-Allons bon, de quoi as-tu besoin encore ? Je suis assez occupé là.

-Bah, dis-toi que je me sortais tranquillement de mon cours de sport quand…bref, suis-moi, ça sera plus facile !

Avant même que je n’aie eu le temps de protester, Asuna m’attrapa par le bras et m’entraina malgré moi à sa suite, de même que June qui nous suivi, ayant dû comprendre qu’il y avait quelque chose d’étrange dans l’air.

Nous passâmes une porte dont je n’avais jamais noté l’existence et nous pénétrâmes dans une petite salle qui semblait être une sorte de débarras…mais entièrement vide, à l’exception d’un homme allongé sur le sol.

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines lorsque je reconnus l’individu portant une armure noire d’un côté et dorée de l’autre.

Je fis un pas en arrière, tremblant avant de cogner June derrière moi.

-Eh Drago, fais attention ; râla-t-elle en me repoussant. Et Asuna, tu peux me dire qui est cette personne et ce qu’elle fait ici ? Demanda-t-elle à mon amie d’enfance, sur ses gardes.

-Je ne pense pas être la personne la plus apte à répondre, n’est-ce pas, Drago-chan ?

-Tu…Tu le vois aussi…June ? Bégayai-je, livide.

-Bah…Oui, pourquoi ne le verrai-je pas ?

-Parce que…Parce que ce type est un esprit de duel…Mon esprit de duel…Ladd…


June écarquilla les yeux lorsque je dis cela et son regard passa plusieurs fois de Ladd à moi, comme si elle cherchait encore à se convaincre elle-même de ce qu’elle voyait. Cependant, je ne pouvais rien dire de plus car je n’avais aucune idée de ce qui avait pu se passer.

Lorsque je me tournai à mon tour vers Asuna pour lui demander des réponses, elle se contenta d’hausser les épaules.

-Que veux-tu que je te dise de plus, je me suis perdue et je l’ai trouvé dans cet état. Mais il s’agit donc bien de Ladd, j’ai eu quelques doutes mais un guignol en armure dans une école, ça ne pouvait être que ça.

-Comment ça « que ça » ? Répéta June, interloquée. Tu penses directement à un esprit de duel quand tu vois quelqu’un avec un cosplay ?

-Bah…J’ai eu le temps de réfléchir et c’est la seule réponse plausible que j’avais ; lui répondit-elle en haussant à nouveau les épaules.

-Bien, admettons mais savoir ça pose encore plus de questions : pourquoi le voyons-nous ? Que fait-il là ? Et pourquoi est-il dans cet état ?

-Un problème à la fois June, j’ai déjà mis vingt minutes à arriver à cette conclusion ! Protesta mon amie d’enfance.

Je ne pus cependant pas m’empêcher de réfléchir aux questions soulevées par June. En nous enfuyant de la passerelle, nous avions laissé Ladd derrière nous et maintenant il était devant nous, en chair et en os, dans le monde réel et inconscient. Quelque chose ou quelqu’un avait dû intervenir entre temps…

Je repensai soudain à ce que June m’avait dit la veille sur le monde des esprits et il y eut un déclic dans ma tête.

-June, si le monde des esprits était détruit, que se passerait-il ? Lui demandai-je précipitamment.

-Et bien, théoriquement, cela n’aurait aucun impact sur notre monde, comme si la terre explosait, le monde des esprits n’en serait pas affecté ; me répondit la jeune fille, intriguée.

-Mais ne pourrait-il pas être détruit de telle façon à ce que cela influence notre monde ? Insistai-je.

-Qu’as-tu derrière la tête Drago ?

-J’étais simplement en train de repenser à ce livre sur l’espace que j’ai lu il n’y a pas longtemps. Mais, lorsque deux trous fusionnent, ils sont détruits au sens propre du terme mais en réalité, ils donnent naissance à un nouveau trou noir super massif. Ils mélangent deux réalités en quelque sorte.

June écarquilla les yeux, comme si elle avait eu une révélation.

-Je…Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ? S’exclama-t-elle.

-Pensé à quoi June ? Tu sais, je suis littéraire, ces histoires me dépassent ; lui dit Asuna en penchant la tête sur le côté, perdue.

-Il faut que je demande à mon père de faire des recherches, mais s’il se passe ce que je crains, les qliphort seront bien les derniers de nos ennuis.

-Est-ce que tu pourrais…préciser ta pensée s’il te plait ? Lui demandai-je en sachant pertinemment que la réponse ne me plairait pas.

-Dis-toi que ta comparaison…pourrait être plus qu’une simple comparaison.

June n’eut pas le temps d’en ajouter plus car au même moment, nous entendîmes un gémissement provenant de derrière nous et, en nous retournant, nous vîmes que Ladd venait d’ouvrir les yeux et se tenait assis, grimaçant de douleur.

-Saleté…de qliphort ; maugréa-t-il en se tenant le bras avant de s’arrêter net en voyant que tout le monde le regardait. Il y a un problème ?

-Oui, un léger problème…Lui répondis-je prudemment, ne sachant pas comment l’esprit allait prendre l’annonce.

-On verra ça plus tard Drago, je vais me reposer quelques heures avant, ce qliphort m’a donné un de ces maux de tête.

Ladd tenta visiblement de retourner dans le monde des esprits comme il avait l’habitude de le faire, mais il ne se passa strictement rien, si bien que, gênée pour l’esprit de duel, Asuna finit par le prendre par l’épaule et le regarda d’un regard compatissant.

-Désolée Ladd, mais je crois que tu es coincé ici avec nous.

L’esprit de duel mit quelques secondes à réagir mais, lorsque l’information arriva à son cerveau, ce dernier se remit debout d’un seul bond, l’air totalement affolé.

-Comment ça coincé ici ? Tu rigoles j’espère ? Je suis un esprit de duel moi, pas un humain, tu sais ce qu’il se passera si je reste ici trop longtemps ? S’égosilla-t-il.

-Du calme Ladd, je suis là ; lui dis-je d’un ton compatissant, tentant de le calmer.

-Il ne manquait plus que ça, devoir me coltiner Drago ! Pourquoi ça ne pouvait pas être Théa à ma place !

-Dis-toi que j’aurais aussi préféré la retrouver elle ; grimaçai-je en serrant les dents.

-Bon, vous êtes bien gentils tous les deux, on ne va pas épiloguer ici toute la journée ; intervint June en regardant sa montre. Donc passons aux choses concrètes : qu’est-ce que tu comptes faire Drago ?

-Je n’en ai pas la moindre idée ; avouai-je, dépassé par la situation. Je l’aurais bien ramené chez moi mais la pause se termine dans dix minutes et…

-Pourquoi ne pas le cacher dans la salle de club en attendant de trouver une solution ce soir ? Proposa Asuna.

-Je crois que de toute façon, personne n’a de meilleure solution ; répondit la blonde en haussant les épaules.

-Je ne crois pas avoir donné mon a…

Ladd n’eut pas le temps de terminer sa phrase car la cloche se mit à sonner une première fois. Nous ne perdîmes pas une seconde et nous trainâmes l’esprit de duel de force jusque dans la salle de club au dernier étage qui était désert comme toujours à l’heure du déjeuner et heureusement. Je n’avais pas particulièrement envie de croiser quelqu’un accompagné d’un guignol en armure…

Après l’avoir enfermé à double tour et essuyé une série d’insultes, nous repartîmes dans nos classes respectives, assez angoissés tout de même.

Heureusement, June était très bonne actrice et elle ne laissa rien paraitre mais moi…je tremblais comme une feuille et je ne pouvais m’empêcher de regarder par la fenêtre, craignant de voir un type en armure se balader dans la cour, ou pire, se battre avec une machine géante en forme de scorpion…

Angéla remarqua rapidement mon attitude étrange et ne se priva pas une fois la pause arrivée.

-Bah alors Drago, tu avais si mal fait tes devoirs hier pour trembler comme ça ? Railla-t-elle.

J’hésitai à lui révéler la vérité. Après tout, je n’avais aucune raison de la lui cacher, d’autant plus qu’elle allait le découvrir elle-même, mais le nombre d’élèves dans la classe me rendait réticent. June finit néanmoins par cracher le morceau à ma place.

-A midi, on a trouvé l’esprit de duel de Drago au sous-sol ; dit-elle franchement.

Maya éclata de rire, pensant certainement qu’il s’agissait d’une blague, Ambre prit un air tragique, réagissant beaucoup trop comme d’habitude et Angéla se contenta de regarder June comme si elle avait sorti une mauvaise blague.

-Qu’est-ce que c’est que ce mensonge pourri June ?

-Ce n’est pas une blague Angéla, on a un énorme problème sur le dos ; continuai-je très sérieusement.

La jeune fille fronça les sourcils, perdant en un instant son regard innocent et sa gaité habituelle pour reprendre cet air sérieux et soucieux qu’elle arborait en permanence l’année passée.

C’était exactement pour cela que je voulais la tenir éloignée le plus longtemps possible de toutes ces histoires. Angéla se sentait toujours obligée de résoudre tous les problèmes des autres, négligeant sa propre vie et elle l’avait prouvé à de multiples reprises. Même si elle avait gagné un peu en maturité et avait pris conscience de certaines choses après avoir sauvé Ambre et Maya, elle restait très impulsive…

-Drago, June, que s’est-il passé exactement ?

Son amie expliqua aux trois filles en détail ce que nous avions vu et leur exposa les théories auxquelles nous avions abouties pour finir sur Ladd qui se trouvait dans la salle de club en attente d’un meilleur plan.

Un court silence suivi la déclaration de June et toutes les trois semblaient réfléchir à ce qu’elles venaient d’entendre. J’avais peur qu’Angéla ne décide quelque chose de stupide et d’impulsif mais Maya prit la parole en première :

-Pourquoi encore des ennuis au deuxième jour de cours ! Râla-t-elle en se prenant la tête dans les mains, visiblement frustrée.

-C’était prévisible, Hélios nous avait prévenus que nous n’en avions pas fini ; déclara Ambre en fixant le sol d’un regard triste.

J’attendais la réaction d’Angéla, le cœur battant à tout rompre, déjà prêt à la dissuader d’attaquer Armageddon ou de retrouver les démons mais ce qu’elle dit surprit tout le monde.

-Attendons d’en savoir plus avant d’agir.

Ambre ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit, Maya tomba de sa chaise, June fit les yeux ronds et je dévisageai la jeune fille comme si elle m’était devenue subitement inconnue.

-An…Angéla, tu es sûre que tout va bien ? Bégaya Maya, choquée.

-Oui…pourquoi me demandes-tu ça ? S’étonna la blonde.

-Ce que Maya veut dire, c’est que ça ne te ressemble pas ; reprit Ambre, tout aussi surprise.

-Je n’ai pas le droit de dire que quelque chose nous dépasse ?

Nous nous regardâmes avec June, stupéfaits. Quand est-ce qu’Angéla avait-elle appris à contrôler ses émotions, et plus important, depuis quand n’agissait-elle plus sur des coups de tête ? Jusque-là, elle ne semblait pas avoir tant changé depuis que les démons s’étaient retirés…mais nous étions-nous trompés ? Angéla avait-elle finalement appris de ses erreurs ? Ne faisait-elle que semblant d’avoir repris le masque de l’inconscience pour ne pas nous inquiéter ? Depuis quand…cachait-elle son nouveau visage ?…

-Oula, n’allez pas vous faire des idées, je ne dis pas de rester les bras croisés non plus ; reprit Angéla précipitamment devant nos mines déconfites. Mais rien ne nous empêche de prendre les devants et de nous renseigner nous-mêmes pour tout résoudre plus tard !

Je soufflai, légèrement soulagé. Même si la jeune fille avait grandi, elle restait bien fidèle à elle-même malgré tout. Je n’étais néanmoins pas totalement convaincu, je sentais qu’Angéla avait dit cela pour éloigner les soupçons mais qu’elle avait quelque chose d’autre derrière la tête…

Nous dûmes cependant attendre une heure de plus avant de pouvoir repenser à tout ça et retourner voir Ladd à la salle de club avec tout le monde pour tenter de trouver une solution, au moins pour le pauvre esprit de duel.

Lorsque nous arrivâmes devant la porte, cette dernière était grande ouverte et je pouvais discerner des bribes de conversations de l’autre côté.

Je paniquai à l’idée que quelqu’un ait découvert Ladd et je me précipitai à l’intérieur, prêt à intervenir si un professeur ou un surveillant me demandait de me justifier mais ce que je vis fut bien pire encore.

Devant moi se tenait mon esprit de duel mais à la vue de son interlocuteur, mon cœur rata un battement. Les filles eurent la même réaction que moi en entrant à leur tour et le nouveau venu se retourna avant de nous adresser un grand sourire.

Je reconnus immédiatement l’homme blond à la coiffure extravagante, âgé d’une trentaine d’années et portant toujours le même costume noir que j’avais en face de moi et je n’aurais pas pensé le revoir aussi tôt après la guerre.

-Oh, non…tout mais pas lui…Soupira Angéla en se prenant la tête dans les mains.

-Allons, allons ma chère Angéla, ne me dis pas que tu n’es pas contente de me revoir moi, Hélios, le seigneur soleil d’Héliopolis ? Lui répondit l’homme qui avait tenté de détruire le monde par le passé.


Un silence pesant s’abattit sur la salle de club à la déclaration de l’ex roi. Personne ne savait exactement comment réagir, comme toujours avec Hélios. Fallait-il faire semblant de rire ? Pleurer devant sa bêtise ? L’ignorer simplement ? Ou bien lui répondre sérieusement ?

June fut la première à briser ce silence, n’étant visiblement pas d’humeur à écouter les fanfaronneries d’Hélios.


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-Si vous êtes là Hélios, cela signifie que vous allez encore nous prédire la fin du monde ou une autre bêtise du genre comme l’année dernière ?

-J’aurais bien voulu ma chère June, mais malheureusement, je ne suis pas venu pour ça ; lui répondit Hélios en haussant les épaules, comme s’il s’en voulait lui-même.

-Dans ce cas, qu’est-ce que vous fabriquez ici ? Vous n’êtes pas venu nous dire simplement bonjour quand même ? Lui demanda Angéla.

-En effet, ce n’était pas dans mes plans…

-Toujours aussi aimable lui, marmonna Maya suffisamment bas pour qu’Hélios ne l’entende pas.

-Et donc, vous allez nous dire ce que vous faites ici à la fin ? Enchaina Ambre, tentant de couvrir la voix de son amie.

-En vérité, je cherchais simplement le bureau du directeur et je me suis perdu avant de me retrouver ici, voilà tout. D’ailleurs, vous êtes de ce lycée, vous pouvez me renseigner ?

-Qu…Qu’est-ce que vous manigancez encore ? M’exclamai-je, méfiant.

-Vois-tu Drago, il y a trois mois, j’ai rempli des dossiers d’inscription pour Satoshi et Serena, mais on me les a renvoyés en me disant qu’ils n’étaient pas valides alors je viens négocier.

L’ex roi sortit deux bouts de papiers de sa poche et nous les tendit. June les attrapa et les lut en vitesse tandis que je m’étonnais que les jumeaux aient décidé de prendre le chemin de l’école alors que, d’après leurs propres dires, ils n’y étaient jamais allés…

Au bout de quelques secondes, June posa les dossiers d’inscription sur un coin de la table et soupira.

-Hélios, rassurez-moi, ce ne sont pas les jumeaux qui ont rempli ces formulaires j’espère ?

-Evidemment que non, je m’en suis chargé personnellement, ils n’ont pas de temps à perdre avec ça, ils doivent profiter de la vie ! Lui répondit Hélios, presque offusqué que June ait pu penser une telle chose.

-Ca explique donc tout…

Devant nos airs intrigués, la jeune fille nous donna les deux formulaires et je faillis m’étrangler dès la première ligne. Angéla pouffa, Maya regarda Hélios comme si elle avait un cas désespéré en face d’elle et Ambre tenta de rester de marbre mais un sourire gêné s’inscrivit néanmoins sur sa figure.

-Récapitulons donc ; commençai-je. Nom : Serena d’Héliopolis, Age : approximativement dix-sept ans, Domicile : Tribu des Naturia, Monde des esprits, Profession des parents : Seigneur soleil d’Héliopolis et le bouquet final, autres activités : sauver le monde.

-Qu’est-ce qu’il y a ? Je réponds honnêtement aux questions qui me sont posées moi, je ne cherche pas à dissimuler la vérité ! Se défendit Hélios en reprenant ses papiers d’un air contrarié.

Angéla s’apprêtait déjà à répondre quelque chose mais, avant qu’elle n’ait pu ouvrir la bouche, Asuna entra à son tour dans la salle de club, les yeux ronds de surprise en voyant autant de monde rassemblé.

-Vous, ici ? S’exclama-t-elle à la vue d’Hélios dans le groupe.

-Oh, Asuna, ça faisait un bail n’est-ce pas ; lui répondit le roi avec un large sourire.

Mon amie d’enfance était soudainement devenue livide et avait lâcha son sac. Je ne comprenais pas vraiment sa réaction. Après tout, il me semblait qu’elle était habituée aux allées et venues du roi…

J’écarquillai les yeux à mon tour. Je m’étais fait à l’idée qu’Asuna connaissait exactement les mêmes choses que moi mais en réalité, non, elle n’y était pas du tout habituée et encore pire, elle n’avait vu Hélios qu’une seule fois, le soir de Noel et elle ne lui avait même pas adressé la parole ! Elle ne le connaissait que grâce à ce que je lui avais raconté sur lui…

Mon regard oscilla entre l’ex roi et mon amie d’enfance. Ils se connaissaient, ça se lisait dans leur façon de parler et dans leurs yeux, mais comment ? Se pouvait-il qu’Hélios ait joué un rôle dans l’arrivée d’Asuna dans ce monde ? Et si tel était le cas, pourquoi aurait-il fait ça ? Qu’espérait-il en faisant venir une fille n’ayant aucun lien avec ce monde ?

Je fus interrompu dans mes réflexions par la voix de Ladd que tout le monde semblait avoir oublié et tous nos regards se tournèrent vers l’esprit de duel qui piétinait du pied derrière nous, l’air très mécontent.

-Les retrouvailles c’est très émouvant mais avant que tout le monde n’arrive, nous étions en train de discuter sérieusement de mon léger problème ; râla-t-il.

-De quoi tu parles ? Tu me disais justement que tu avais toujours rêvé de pouvoir revenir dans ce monde ; lui répondit Hélios, surpris.

Ladd s’empourpra immédiatement et chercha à se défendre, en vain.

-Ce…Ce n’est pas ce que vous croyez ; bégaya-t-il. C’est simplement que…comme le monde des esprits est en danger…je suis mieux ici que là-bas, voilà tout ; lança-t-il avec un rire forcé.

-Il ne serait pas un peu tsundere sur les bords lui ? chuchota Maya à l’oreille d’Ambre qui pouffa et je ne pus m’empêcher de rire aussi.

Je profitai de la confusion pour jeter un rapide coup d’œil vers Asuna mais cette-dernière semblait redevenue normale. J’avais vraiment énormément de questions à lui poser…mais je devais attendre le bon moment. Je ne voulais pas risquer de perdre mon ancienne amie en lui faisant croire que je la soupçonnais de quoique ce soit alors que je voulais simplement des réponses sur mon ancienne vie et sur ses motivations…

-Ladd n’a pas tout à fait tort cependant ; reprit Hélios, soudain bien plus sérieux.

-Vous pouvez développer un peu ? Lui demanda Angéla, perdue.

-Même si je n’étais pas venu pour ça au départ, en attendant que vous arriviez, nous avons pu parler un peu avec Ladd. Drago, Asuna, vous avez vu des qliphort hier, n’est-ce pas ?

-Oui, effectivement, et quand nous en avons parlé avec June, cela ne m’a pas paru très bon signe ; lui répondis-je en grimaçant.

-Dans ce cas-là, je vais passer les détails et en venir directement aux faits : si les choses ne s’améliorent pas rapidement, Ladd pourrait bien être le seul esprit de duel à survivre.

Sa déclaration jeta un froid sur la pièce et un profond malaise nous envahit tous. Je n’avais pas pensé que la situation était aussi catastrophique. Même si nous y étions allés de nos théories quelques heures plus tôt, en avoir la confirmation de la part d’Hélios qui se trompait rarement pour ces choses-là était vraiment terrifiant.

L’ex roi étai peut-être un abruti irresponsable quatre-vingt-dix-neuf pourcents du temps, je savais que lorsqu’il commençait à devenir sérieux, cela signifiait qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’abandonner son masque de l’insouciance.

-Dans ce cas-là, que devons-nous faire pour éviter cela ? Demanda Ambre d’une petite voix.

– Nous étions en train d’y réfléchir avec Ladd, mais aucune solution réalisable ne nous est venue…

-Et alors, vous allez vous avouer vaincu sans même avoir essayé de vous battre ? S’exclama soudain Asuna en le coupant et en élevant la voix.

Tous les regards se tournèrent vers elle mais elle les soutint et fixa Hélios droit dans les yeux, attendant visiblement la réponse du roi qui reprit la parole d’une voix calme.


https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No


-Je vais te répondre par une autre question ma chère Asuna : pourquoi nous battons-nous ?

-Ne changez pas de sujet Hélios ! Je croyais que vous étiez une sorte de sauveur, celui qui a reconstruit un royaume en ruines à partir de rien ! Tout cela, ce n’était que du flan ? N’était-ce que de la chance ? Ne pouvez-vous rien faire du tout ?

-Asuna…Calme-toi s’il te plait, ça ne sert à rien de…

Hélios m’interrompit et reprit toujours aussi posément.

-Je n’ai rien d’un sauveur Asuna. Je n’étais qu’un homme ordinaire, ne désirant que bâtir un monde meilleur pour celle qu’il aimait, un homme qui a dû tout sacrifier pour obtenir ce monde avant de le perdre, un homme qui n’avait plus rien d’autre qu’un profond désir de haine et de vengeance lorsqu’il se rendit compte de sa bêtise.

Mon amie d’enfance ne répondit rien et baissa les yeux mais l’ex roi ne s’arrêta pas là.

-Si j’ai pu faire tout cela, c’est bien parce que j’avais une raison de le faire, une raison me poussant à ne jamais abandonner, une raison qui, lorsqu’elle disparut, me détruisit de l’intérieur. Je n’avais plus rien qui me poussait à me battre, alors j’ai tout abandonné et j’ai cédé à la folie.

L’ex roi reprit les fiches d’inscription qui se trouvait sur la table et les regarda tristement.

-Cependant, j’ai trouvé une nouvelle raison de me battre, alors non, je n’abandonnerai pas. Je trouverai un moyen, parce qu’ils ne le supporteraient pas sinon…

Hélios se dirigea d’un pas lent vers la fenêtre donnant sur la cour et commença à contempler la vue que nous avions, les bras croisés dans le dos.

-Les rêves de Celestia, des jumeaux, le tien, ceux de Laura, de Shadow ou même des démons sont les mêmes somme toute. Nous ne désirons tous que d’être heureux et pour c’est pour cela que nous nous battons. Celestia voulait instaurer une paix durable sans guerre, les jumeaux veulent simplement vivre comme tout le monde, les démons se sentent oppressés par Armageddon et Shadow pensait que son bonheur se trouvait ailleurs alors qu’il était sous ses yeux. Je suis sûr que tes rêves à toi aussi vont à l’encontre de ceux de quelqu’un d’autre Asuna.

J’étais bouche bée devant les paroles d’Hélios. J’étais habitué à ses grands discours sans aucun sens, mais celui-ci me toucha particulièrement. Il y avait une grande part de vrai dans ce qu’il disait, mais je n’étais pas d’accord sur un point. Si tout le monde avait des intentions aussi pures, nombres de guerres insensées auraient pu être évitées et j’étais persuadé qu’Hélios le savait tout aussi bien que moi.

Je vis un léger sourire se dessiner sur le visage de mon amie comme si Hélios avait touché un point sensible. Ce dernier tourna légèrement la tête et lui rendit son sourire avant de se focaliser à nouveau sur la cour.

-C’est un beau paysage que nous avons là, Satoshi et Serena adoreraient pouvoir admirer la ville eux-aussi ; déclara le roi d’un ton mélancolique.

Il se retourna brusquement et nous fixa d’un regard si sérieux et si solennel que j’eus peur pendant un instant que notre ennemi soit de retour mais ses paroles me rassurèrent.

-Dites-moi les enfants, pensez-vous pouvoir les accueillir parmi vous quelques temps ?

-J’ai suffisamment de place chez moi pour ça, oui, mais pourquoi ? Demanda Angéla, sceptique.

-Je vais devoir m’absenter quelques temps et je ne veux pas les ennuyer davantage avec mes histoires, ils ont bien mérité de se reposer. Et puis, ils ont besoin de passer plus de temps avec des gens de leur âge, ce n’est pas bon pour eux de rester à l’écart du monde comme ils le font, surtout Serena.

A ce moment-là, je vis un nouveau visage d’Hélios. Je connaissais le tyran assoiffé de pouvoir, l’abruti faisant rire la galerie, le leader charismatique, le moralisateur mais c’était la première fois qu’il nous montrait son côté paternel et protecteur.

Je me demandai alors comment avait pu être son règne. Quel visage montrait-il en public ? Ses sujets connaissaient-ils uniquement une seule facette de sa personnalité ou était-il comme un livre ouvert ?

Même si je connaissais Hélios depuis plus d’un an à présent, beaucoup de mystères planaient encore sur l’ancien souverain d’Héliopolis ayant succédé à mon père. Je ne savais même pas comment il avait pu accéder au trône…

-Allez-y, faites ce que vous avez à faire Hélios, je les hébergerai en attendant ; finit par dire Angéla. Mais vous avez intérêt à revenir en ayant une solution !

-Je ne fais jamais de promesses que je ne peux pas tenir, c’est pour ça que moi, Hélios, seigneur soleil d’Héliopolis, te promets de sauver le monde des esprits ! Et sur ce, il est temps d’aller inscrire Serena et Satoshi au lycée ! Ladd, à la revoyure et essaie de rester en vie au cas où j’échouerais, Asuna, n’oublie pas ce que je t’ai dit aujourd’hui pour éviter de t’en vouloir plus tard et les autres, je compte sur vous pour les jumeaux !

Avant même que nous ayons pu ajouter quelque chose, Hélios se précipita hors de la pièce et disparut au bout de couloir pendant que June lui criait qu’il ne savait toujours pas où aller pour déposer les dossiers…

-Mon rêve…aller à l’encontre…de ceux des autres…

Je tournai la tête, surpris d’entendre mon amie d’enfance être tout à coup si mélancolique et je vis Asuna regarder fixement dans la direction d’Angéla qui se plaignait déjà auprès de Maya et Ambre de la charge de travail supplémentaire qu’allaient lui imposer ses parents en échange de l’hébergement.

-Asuna, que viens-tu faire réellement ici ? Pensai-je en me posant toujours plus de questions sur les motivations et mon amie d’enfance qui demeuraient encore plus obscures que mon passé avec elle.



Chapitre 4 : Le retour du guerrier



Spoiler :


Cela faisait maintenant une semaine que la rentrée des classes était passée. Même si le retour inattendu d’Arthur semblait présager une année marquée par des catastrophes à répétition comme l’année précédente pour Angéla, depuis ce jour-là, il ne s’était rien passé.

La vie avait repris son cours et nos activités de club également. Rien n’avait changé, Darksky continuait à se battre avec Saya, Miyako faisait ses devoirs et se plaignait sans cesse qu’elle manquait de temps libre, Nagisa s’amusait à regarder les deux idiots et Iori passait de temps en temps nous rendre visite.

Même si officiellement elle était élève de ce lycée, elle prétendait avoir énormément de travail ailleurs et être très sollicitée par ses collègues de la communauté scientifique. Je n’y croyais qu’à moitié pour être franche, Saya devait embellir les choses, comme toujours…

Il y avait aussi le cas d’Alan. Bien qu’il soit resté dans le club, nous ne le voyions que peu depuis que les UWS avaient fini leur service militaire et prenaient des vacances bien méritées.

Marie avait préféré rejoindre le club de musique, prétendant qu’elle voyait déjà son frère à la maison et que c’était suffisant…Je l’enviais un peu à vrai dire. Même si j’avais pris des cours de piano par le passé, de nombreux événements m’avaient totalement coupée dans mon élan, si bien que j’avais tout arrêté du jour au lendemain et avoir un piano à queue à la maison n’y changeait rien…

La porte de ma chambre s’ouvrit brutalement, laissant entrer Marie qui me tira de mes pensées et me fit sursauter.

-Laura, j’ai besoin de toi, tout de suite ! S’exclama-t-elle en m’attrapant par le bras et tentant de me tirer hors de ma chambre.

-Eh, attends un peu Marie, tu pourrais frapper avant d’entrer ; protestai-je en essayant tant bien que mal de me défaire de son emprise. Et qu’est-ce que tu veux encore, tu ne peux pas demander à ton frère plutôt, lui qui n’a jamais rien à faire ?

-Inutile, il ne connait rien à la musique lui !

Je me détendis. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait me demander de l’aide pour jouer ses morceaux. Même si je n’y connaissais rien en violon, je pouvais tout de même l’aider à déchiffrer ses partitions, ce qui lui épargnait un temps précieux à elle qui n’avait jamais fait de solfège…En même temps, ce n’était pas ce boulet d’Hélios qui lui aurait appris…

Nous descendîmes dans le salon et, tandis qu’elle prenait son violon, je m’installai au piano et je tentai de jouer sa nouvelle chanson : scattered flowers. Ce n’était peut-être pas de la plus grande aide que je pouvais lui fournir, mais au moins, cela lui permettait d’avoir le tempo, les intonations et tout simplement l’air.

Lorsque j’eus terminé, quelques applaudissements retentirent et je vis la grand-mère de Marie devant la porte, un grand sourire aux lèvres. Je rougis immédiatement et lui rendis un sourire gêné.

Je n’aimais pas vraiment avoir un public quand je jouais, cela me mettait mal à l’aise. C’était d’ailleurs peut-être une des raisons qui m’avaient poussée à me tourner vers le duel de monstre par le passé.

Lors des tournois, les gens étaient contents, quelle que soit la performance des duellistes, ils étaient simplement venus se divertir et passer un bon moment comme on va voir un match de foot. Mais ce détail ridicule avait fait la différence. Ainsi, je pouvais me détacher totalement du public et en oublier ma gêne pour simplement jouer comme j’en avais envie.

Au contraire, les concours de Piano auxquels j’avais participés étaient tous très oppressants, je sentais qu’à la moindre erreur, le jury pouvait me disqualifier et le public me critiquer dans mon dos. Et même lorsque je faisais des sans fautes, j’avais droit à mon lot de critiques.

Jamais je ne m’étais sentie encouragée ou félicitée lors de ces concours. Souvent, je voyais ma mère qui semblait déçue de mes performances, elle qui m’avait conseillée de m’y mettre. Même moi je n’étais pas satisfaite en réalité. A force de me comparer sans cesse à ceux qui arrivaient premiers alors que leurs performances ne se distinguait de la mienne que par l’arbitraire des juges, j’avais fini par me trouver incapable avant de tout arrêter.

Je regardai les touches du grand piano noir de Darksky, mélancolique. Peut-être avais-je fait une erreur. Peut-être aurais-je du persévérer. Peut-être n’aurais-je pas dû chercher une alternative…Mais si j’avais continué dans cette voie, aurais-je rencontré Darksky et les autres…ou bien aurais-je été emportée par la malédiction de Gariatron quatre ans auparavant ? Et comment cette dernière se serait-elle manifestée sans le duel de monstre ? Aurais-je péri sous les attaques d’Hélios lors de mon voyage sans l’aide de Trishula ? La guerre…aurait-elle été moins violente si j’avais réussi à convaincre mon père ?

-Eh, Laura, tu m’écoutes ! Protesta Marie en me fermant le piano sur les doigts.

Je poussai un cri de douleur avant de sa sauter de mon siège et souffler sur la partie endolorie, tentant de faire disparaitre la douleur, tout en lançant un regard noir à la sœur de Darksky qui semblait fière de son coup.

-Tu es au courant que sans doigt, je ne pourrais plus t’aider ? M’écriai-je, folle de rage.

-Excuse-moi mais ça fait cinq minutes que j’essaie d’avoir ton attention mais rien alors voilà ; me répondit-elle en haussant les épaules.

Je m’apprêtai déjà à lui faire avaler son archet de force lorsqu’elle me dit quelque chose qui me stoppa net dans mon élan.

-Dis Laura, est-ce que tu regrettes vraiment d’avoir commencé le duel de monstres ?

-Co…Comment ? Qu’est-ce qui te fait dire que je regrette ? Balbutiai-je, interdite.

-Tu regardes un piano avec mélancolie, tu ressens de la tristesse et des remords et par-dessus tout, tu as arrêté la musique juste avant de rencontrer mon frère, simple déduction logique.

Je grimaçai. Pourquoi Marie avait-elle le pouvoir de connaitre les émotions des gens tout en étant aussi bonne analyste ? Ne pouvait-elle pas se contenter d’ignorer les autres en plus de fouiller dans leur intimité ?

-Lo…logique pour toi ; bégayai-je, ne sachant pas comment réagir.

-Tu sais, tu devrais arrêter de refouler toujours tes sentiments et t’ouvrir un peu plus aux autres, ce n’est pas en gardant tout pour toi que tu feras avancer les choses ; me répondit-elle en rangeant son instrument. N’oublie pas ce qu’une jalousie stupide t’a poussée à faire.

-Tu devrais vraiment devenir psychologue toi ; lançai-je sarcastiquement en essayant de détourner la conversation.

-Je sais, tu n’es pas la première à me le dire. Et donc, pour ma question, regrettes-tu oui ou non ?

Voyant qu’il était impossible d’y échapper, je soupirai et je me rassis devant le bel instrument que possédait Darksky avant de répondre :

-Je crois…que j’ai regretté d’avoir commencé il y a longtemps.

Marie me regarda alors avec insistance et je compris que je ne m’en sortirais pas en répondant simplement à sa question.

-Tu comptes me lâcher enfin si je te dis tout ?

-Si je vois que les choses ont avancé, oui ; me dit-elle avec un large sourire.

-Dans ce cas oui, j’ai regretté d’avoir commencé à jouer lorsque je suis partie en Angleterre ; finis-je par avouer. Je pensais que sans le duel de monstres, jamais je n’aurais été triste à ce moment-là et c’était vrai. Si j’avais continué le piano à la place, je n’aurais jamais eu d’ami comme Darksky je pense. Jamais je n’aurais rencontré quelqu’un d’aussi sincère et attentionné que lui dans les concours de piano. J’aurais pu partir sans regret et recommencer à jouer là-bas comme si de rien n’était. C’est ce que j’ai tenté de faire avec le duel de monstre…mais je n’ai pas réussi.

Je souris tristement en repensant à cette époque où j’étais seule dans la classe, détestée de John et sa bande, ne pensant qu’au passé et rêvant de retrouver Darksky. J’étais peut-être heureuse avec ma famille et Arnold à la maison, mais en dehors, il n’y avait rien pour combler le vide de notre séparation.

Marie croisa les bras sur sa poitrine et ferma les yeux, prenant un air concentré avant de déclarer :

-Je peux deviner facilement la suite. Tu vas me dire que c’est aussi grâce au duel de monstres que tu as été heureuse par le passé et que tu l’es encore aujourd’hui, n’est-ce pas ?

J’écarquillai les yeux. Etait-je vraiment si prévisible ? Ou bien profitait-elle encore de son pouvoir pour faire croire qu’elle savait tout…

Marie finit par se décontracter et elle me lança un large sourire.

-Tu devrais t’y remettre ; déclara-t-elle gaiment.

-Co…Comment ? Me remettre au piano ? Mais c’est impossible, je n’ai plus le niveau pour ça et puis, je n’ai pas vraiment le temps entre le club, Arthur, Armageddon et tout le reste ; répondis-je hâtivement, paniquée.

-Ah oui ? Pourtant tu as le temps de jouer pour moi.

Je reportai mon attention sur l’instrument de musique tout en passant mes doigts sur les touches poussiéreuses à force de ne jamais être utilisées.

-Tu sais, même une heure ou deux par semaine, ça serait suffisant, simplement pour que tu ne perdes pas la main. Tu aimes jouer non ? Si tu as déjà eu des regrets par le passé, un jour, tu en auras de nouveaux mais de façon bien plus violente. Je ne parle pas que pour le piano, à ton avis, pourquoi suis-je toujours aussi nonchalante alors que nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête ?

-Oui mais…

-Ne te prive pas Laura et puis, il arrivera un jour où tu seras incapable de jouer mes morceaux et ça deviendra embêtant pour moi !

-Tu fais ça uniquement pour toi en fait ; lui lançai-je en me prenant la tête dans les bras, déçue.

-En partie oui ; me répondit-elle en souriant.

Nous éclatâmes de rire en même temps. Mais Marie avait raison, je n’avais plus aucune raison de ne pas reprendre pour mon plaisir. Avoir une activité autre que le club de duel pourrait même me permettre d’oublier ces histoires d’Armageddon le temps d’un morceau, je n’avais rien à perdre après tout.

-Allez Marie, à la fin de l’année, à la fête de l’école, faisons un duo toutes les deux, tu en dis quoi ?

-Un duo ? Pourquoi se contenter de si peu quand on peut monter un véritable groupe ?

Je la regardai avec étonnement et pour toute réponse, Marie me sortit trois cartes de sa poche qu’elle me donna.

-Les guerriers symphoniques, des cartes créées spécialement pour les groupes de musique comme le nôtre, ça serait super que le club de duel et le club de musique s’associent pour la fête !

-Pourquoi pas après tout, je demanderai aux autres s’ils sont partants ; lui répondis-je, enthousiaste à cette idée.

Nous continuâmes à parler de cette idée toute l’après-midi, imaginant déjà la scène, la chanson que nous allions jouer, les rôles de chacun. Même si le festival de l’école n’était qu’en juin et que nous avions sûrement d’autres préoccupations plus urgentes, je pris du plaisir à planifier toutes nos activités avec Marie.

Etrangement, je ne pensais même pas à la pression qu’allait exercer le public sur moi. Peut-être était-ce parce que ce n’était pas un concours mais un simple divertissement comme les tournois de duel de monstres…

En début de soirée, Darksky passa par le salon et s’étonna de nous voir toutes les deux aussi enthousiastes et, lorsque nous lui expliquâmes la raison, ce dernier failli s’étrangler.

-Un…un concert ? Bégaya-t-il. Marie, tu ne sais même pas déchiffrer une partition et toi Laura, je ne t’ai pas vue jouer sérieusement depuis un an, vous pensez vraiment être capables de jouer devant toute l’école ?

-Ce n’est pas comme si on avait plus de six mois pour s’entrainer ; railla sa sœur. Tu es juste jaloux parce que tu es nul en musique !

-Enfin, faites ce que vous voulez, si ça peut vous amuser, je n’ai pas vraiment le temps de discuter pour le moment, il faut que j’aille chez Nagisa moi.

-Chez Nagisa ? Répétai-je étonnée. Il y a un problème avec elle ?

-Ça t’arrive de lire tes messages de temps en temps Laura ?

J’avais bien envie de lui en coller une pour gagner du temps mais ma curiosité fut la plus forte et je sortis mon téléphone.

J’avais bien un message de Nagisa reçu quelques minutes plus tôt et lorsque je l’ouvris, j’écarquillai les yeux de surprise et d’incompréhension tandis que Darksky mettait sa veste en vitesse, prêt à sortir.

-Alors Laura, qu’est-ce que ça dit ? Me demanda Marie, inquiète.

– « je crois que nous sommes repartis pour faire de la chasse au fantôme, j’en ai vu un autre, venez vite… »

Je ne comprenais pas exactement ce que Nagisa voulait dire par là mais, tout comme Darksky, je ne perdis pas une seconde et je mis un pull avant de le rejoindre à l’extérieur et nous prîmes la route de la maison de Nagisa, laissant Marie dans l’incompréhension derrière nous.

Nous ne trainâmes pas énormément en chemin contrairement à la dernière fois où nous y étions rendus et nous fûmes devant la porte en moins de dix minutes, essoufflés par notre course folle à travers la ville.

Miyako arriva au même moment que nous, les mains dans les poches de son long manteau pourpre, la démarche nonchalante comme à son habitude, à se demander si elle se souciait vraiment de ce qui arrivait à Nagisa ou si elle venait simplement pour se détendre après les cours…

-J’espère que c’est important pour me déranger un samedi après-midi ; ronchonna-t-elle en guise de salutation.

-Je pense tout de même que ça l’est, Nagisa n’est pas du genre à faire ce genre de blague contrairement à Saya, elle doit être vraiment troublée par quelque chose ; lui répondit Darksky en essayant de voir quelque chose à travers la fenêtre du premier étage.

-Si tu le dis ; reprit cette dernière en haussant les épaules.

La fille aux cheveux de feu s’avança sur le parvis et sonna à la porte. Quelques secondes plus tard, nous entendîmes des bruits de pas à l’intérieur et Nagisa vint nous ouvrir, l’air affolé comme on pouvait s’y attendre après un tel message.

-Quoi, vous n’êtes que trois ? S’exclama-t-elle immédiatement.

-Va savoir ce que fabrique Saya, qui sait si elle n’est pas en train d’explorer un vieil égout ou en train de courir après un train en ce moment même ; lança Darksky.

-Bon, ce n’est pas grave, on devra faire sans elle !

La jeune fille nous tira avec insistance à l’intérieur et referma soigneusement la porte derrière nous, comme si elle était poursuivie par quelque chose.

Elle nous amena jusqu’au salon où le vieil homme qui habitait chez son oncle également nous attendait, l’air pensif, accoudé de ses deux bras sur la grande table au milieu de la pièce. Lorsqu’il nous vit, ce dernier nous salua d’un signe de la tête et nous invita à rejoindre.

Nous prîmes donc place autour de lui, nous demandant encore ce que nous faisions vraiment là et le regard affolé de Nagisa n’arrangeait rien à mon sentiment d’incompréhension face à la situation.

-Tout d’abord, merci d’être venus aussi vite ; déclara le vieux solennellement.

-Avec un message pareil, qui n’aurait pas accouru à part Saya ; lui répondis-je en souriant pour tenter de détendre un peu l’atmosphère.

-Et donc, qu’est-ce que c’est que ces histoires de fantôme ? Ne me dis pas que Saya t’a contaminée ; enchaina Miyako, les bras croisés sur la poitrine, l’air épuisée.

-C’est la vérité ! Protesta la jeune fille.

-La vérité, nous n’en sommes pas sûrs non plus Nagisa ; la reprit le vieil homme. Mais comme vous le savez, la guerre ne nous a pas épargnés et de nombreux de nos camarades ont disparu à cause du démon.

Je baissai les yeux. A chaque fois que quelqu’un évoquait les atrocités commises par le démon et mon père, je ne pouvais m’empêcher de culpabiliser et me sentir honteuse. Tout le monde avait beau me répéter que ce n’était pas ma faute, je savais très bien que j’avais choisi moi-même cette voie à l’époque. Par simple jalousie, Nagisa, Miyako et même Angéla avaient énormément souffert et je ne pouvais pas me le pardonner. Si seulement j’avais eu le courage de me dresser contre mon père au lieu de suivre aveuglément ses ordres, peut-être que les choses auraient été différentes pour tout le monde…

Une main se posa soudainement sur mon épaule et, en relevant le regard, je vis Darksky qui me souriait comme pour me dire de ne pas m’en faire, ce qui eut pour effet de me remonter un peu le moral.

Je ne voulais plus avoir l’air triste devant lui. Il s’était suffisamment battu pour moi, la moindre des choses que je pouvais faire pour le remercier était de sourire lorsque j’étais à ses côtés et rattraper tout le temps perdu à cause du déménagement et de la guerre.

Je me reconcentrai sur la conversation mais je vis rapidement que j’avais manqué beaucoup d’éléments et je me retrouvai totalement perdue. Miyako dut voir mon air désemparé car elle prit la parole.

-Donc vous dites que votre ami, Sunohara qui avait disparu, vient de refaire surface ? Reprit Miyako, l’air faussement intriguée. Vous ne pensez pas qu’il s’agit d’un simple sosie ou qu’il n’est jamais mort tout simplement ?

-C’est ce que j’aurais bien voulu croire mais il est impossible pour quelqu’un de survivre aussi longtemps seul, et qui plus est, nous étions poursuivis donc la probabilité que ça soit vraiment lui est très faible…

-Mais pas nulle ; l’interrompit la rousse. Il se peut très bien que votre ami s’en soit sorti mais qu’il ne vous ait retrouvés que maintenant.

-C’est même très probable ; ajoutai-je pour montrer que je n’avais pas totalement décroché. Il arrive souvent de retrouver des personnes que l’on pensait ne jamais revoir des années après. J’ai moi-même revu mon frère alors que je le croyais mort il n’y a pas si longtemps.

-Tu as un frère ? S’étrangla Nagisa. Tu nous l’avais caché ça ! Pour la peine, il faudra que tu nous le présentes la prochaine fois qu’on viendra chez toi !

-J…J’essaierai ; lui répondis-je avec un sourire forcé.

-Et pour votre Sunohara alors, quand est-ce que vous l’avez vu ? Intervint Darksky pour me sortir de ma gêne.

Je le remerciai d’un geste furtif. J’oubliais souvent que personne d’autre qu’Arnold ne connaissait l’existence d’Arthur avant son retour. Il valait mieux que j’évite ce sujet pour ne pas me retrouver embarquée dans des explications interminables sur ce qui lui était arrivé. Ma priorité était de lui rappeler qui il était et j’étais la seule à pouvoir le faire.

-Je l’ai aperçu furtivement pendant que nous allions acheter du pain avec Nagisa ; répondit le vieux. Il se trouvait à environ vingt-cinq mètres de nous mais, le temps que je me retourne vers Nagisa, il avait disparu, c’est pour cela que j’ai pensé qu’il s’agissait d’un fantôme.

-Tout pareil pour moi, je l’ai vu et le temps de tourner la tête, il s’était envolé ! Ajouta la brune.

-Il y a peu de chance pour qu’il se soit vraiment volatilisé ; déclara Miyako. Si vous voulez mon avis, il suffit de chercher un peu dans cette ville et vous allez finir par tomber sur lui. Ce n’est pas comme si nous étions à Paris, on a vite fait le tour et…

-Qu’est-ce qu’on attend alors ? L’interrompit Nagisa en sautant de sa chaise. On se sépare en deux groupes, Miyako et moi on va chercher près de la plage et l’école, Laura et Darksky, je compte sur vous pour le reste !

Sans que nous ayons même eu le temps de comprendre ce qu’il se passait, Nagisa était déjà sortie de la pièce et enfilait son pull mauve qu’elle portait tout le temps avant de sortir de la maison comme une furie.

-Miyako, tu devrais vraiment y aller toi aussi ; suggéra Darksky tandis que la présidente du club baillait, accoudée à la table.

-Je sais bien, laisse-moi le temps de souffler au moins. Il faudra vraiment que j’apprenne à me taire ; soupira-t-elle.

Sur ces mots, Miyako se leva à son tour et rejoignit Nagisa à l’extérieur, non sans trainer les pieds, nous laissant seuls dans le salon. Ce n’est qu’après avoir obtenu une photo de l’ami de la jeune fille de la part de son oncle que nous nous mîmes enfin à sa recherche.

Une fois dehors, nous nous arrêtâmes quelques instants pour bien enregistrer la tête du jeune garçon. Ce dernier devait avoir aux alentours de dix-huit ans à l’époque où la photo avait été prise. Il avait les cheveux blonds assez court avec seulement quelques mèches déviantes de sa coiffure impeccable, au-dessus de son œil gauche, mais je ne devais pas me fier à ce détail, il avait certainement changé de coupe depuis le temps. Son regard était assez franc, ses yeux noirs reflétaient une certaine sincérité, de même que son sourire. Il avait néanmoins un visage assez rond pour quelqu’un de son âge.

-Il m’a tout l’air d’être le parfait boulet ; déclara alors Darksky.

-Tu t’es regardé toi ? Rétorquai-je.

-Oui, enfin, bref, ce n’est pas en restant sur place que nous allons trouver ce type ; me répondit-il pour détourner la conversation, voyant qu’il avait déjà perdu le combat.

Mon ami prit la tête des recherches et je le suivis. Comme prévu, nous retournâmes en ville pour interroger les passants mais nous n’eûmes aucune réponse positive dans un premier temps. Evidemment, qui aurait fait attention à un simple garçon marchant dans les rues. Même si quelqu’un l’avait vu, il avait dû l’oublier aussitôt.

Après une dizaine d’échecs successifs et devant l’acharnement stupide de Darksky à vouloir continuer à demander dans la rue à n’importe qui, je décidai de prendre la tête de l’opération, ne voulant pas perdre plus de temps en sachant pertinemment que sa méthode ne donnerait aucun résultat.

C’est ainsi que nous interrogeâmes les commerçants du coin un à un, et plus particulièrement les épiciers, boulangers et autres magasins de nourritures. Si Sunohara était vraiment en ville, il avait forcément dû s’acheter quelque chose à manger au moins une fois dans la journée et avec un peu de chance, quelqu’un se souviendrait de lui.

Malheureusement, ma méthode, même si ayant un taux de réussite plus élevé que celle de Darksky, ne donna pas plus de résultat et nous nous retrouvâmes après une heure de recherches, toujours au même point.

-Autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Se plaignit Darksky en shootant dans une canette. Il y a au moins trois mille habitants ici, à quoi pensait Miyako en nous envoyant tourner dans les rues !

-Je pense que c’était plutôt la façon pour Miyako de montrer qu’elle se souciait du problème de Nagisa mais elle n’a pas dû prévoir qu’elle réagirait comme ça ; lui répondis-je en riant légèrement.

-En tout cas, je suis épuisé, il faut que je fasse une pause ; soupira-t-il.

-Tu devrais vraiment faire du sport au lieu de te battre avec Saya…

Sur ces belles paroles, nous nous dirigeâmes vers le seul endroit de détente de la ville : le parc. Evidemment, il n’y avait plus grand monde en début de soirée, la plupart des enfants étaient déjà rentrés, les duels se terminaient vers dix-huit heures et les quelques rares personnes restantes étaient soit des gens comme nous cherchant à se détendre après une dure journée, soit des duellistes n’ayant pas pu profiter du terrain pendant la journée.

Alors que j’avais repéré un banc permettant de profiter des derniers rayons de soleil de la journée, une voix connue nous interpella et, en me retournant, je vis Saya accourir vers nous, talonnée de près par Iori qui semblait encore plus épuisée que Darksky.

-Laura, Darksky, qu’est-ce que vous faites ici ? C’est un peu tard si vous vouliez voir Saya la duelliste masquée en action ! S’exclama-t-elle joyeusement.

-S’il te plait Saya, je n’ai plus d’énergie pour ça ; lança Darksky en s’effondrant sur le banc.

-Il…il y a un problème ? Nous demanda alors Iori voyant nos mines dépitées.

-Ce n’est que Nagisa qui cherche un de ses vieux amis ; lui répondis-je en sortant la photo de Sunohara. Est-ce que vous l’auriez vu par hasard ?

-Non, j’ai été occupée avec le laboratoire toute la semaine, je n’ai pas vraiment eu le temps de sortir…Désolée de ne pas pouvoir vous aider. Et toi ma…Saya ?

Intriguée, Saya prit la photo dans ses mains pour mieux observer le visage du garçon et à ce moment-là, la blonde se figea et devint livide. Darksky se leva d’un bond du banc et rattrapa la jeune fille juste avant que ses jambes ne cèdent et qu’elle ne s’effondre sur le sol, sous mon regard consterné et l’air affolé de sa colocataire.

-Saya, est-ce que ça va ? Lui demanda-t-il précipitamment.

-O…Oui, ne t’inquiète pas, je suis habituée maintenant ; lui répondit Saya en se tenant le front avec la main. Mais je crois que je sais où je peux trouver votre ami…

Je ne comprenais plus rien à la situation. Que venait-il de se passer ? Ni Darksky ni Iori ne semblaient vraiment étonnés que Saya se soit effondrée et ait soudainement su où se trouvait une personne qu’elle n’avait probablement jamais vue…

Cependant, devant l’urgence, je décidai de repousser mes questions à plus tard.

-Saya, s’il te plait, si tu sais quelque chose, dis-le-nous ! Ça fait deux heures qu’on tourne dans les rues !

-Attends Laura, Saya a besoin de se…Commença Darksky avant d’être interrompu.

-Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter ; la coupa Saya n grimaçant. Mais suivez-moi, il ne devrait pas tarder…

La jeune fille blonde nous fit marcher pendant une bonne dizaine de minutes avant de nous ramener presque à notre point de départ, à savoir la plage juste à côté de la maison de Nagisa. Cependant, à mon grand désarroi, il n’y avait personne, pas l’ombre d’un être humain sur la grande étendue de sable s’étendant à perte de vue. Darksky semblait également quelque peu désemparé, comme s’il avait une confiance absolue en son amie, considérant qu’elle ne pouvait pas se tromper là-dessus.

Seules Saya et Iori restaient impassibles, semblant attendre quelque chose mais définitivement, il n’y avait rien ici…

Ce n’était pas très étonnant en soi, Nagisa et Miyako avaient sûrement déjà visité cette zone et si elles ne nous avaient pas prévenus, c’était qu’il n’était pas là.

Je m’apprêtai déjà à protester sur notre guide pour nous avoir fait perdre notre temps mais Iori leva le bras et pointa l’horizon.

Dans la demie pénombre, je ne discernai d’abord rien, mais après quelques secondes, je finis par voir une forme se découper dans l’obscurité. Quelqu’un venait vers nous.

Lorsqu’il fut enfin assez proche, je pus voir distinctement de qui il s’agissait : un jeune garçon aux longs cheveux blonds tombant sur sa nuque et ses yeux, aux joues creuses mais ayant un visage assez rond malgré tout, portant un uniforme d’école en lambeaux…

Saya afficha un sourire triomphant tandis que Darksky écarquilla les yeux de surprise.

Quant à moi, ce ne fut que grâce aux yeux du jeune garçon que je le reconnus, l’étudiant de la photo, l’ami perdu de Nagisa, le survivant de la guerre : Sunohara.

Je restai figée sur place pendant quelques secondes. Comment Saya avait-elle pu prédire qu’il viendrait à cet endroit à cette heure-là en ne l’ayant jamais vu auparavant ? Se pouvait-il qu’elle possède le même genre de pouvoir que j’avais reçu de Gariatron mais de la part d’un autre démon ? Mais dans ce cas, comment se manifestait-il chez elle ? En souffrait-elle comme j’en avais souffert par le passé ou avait-elle réussi à le maitriser par elle-même ? Il fallait que j’en ai le cœur net…

Mais pour le moment, je devais me concentrer sur Sunohara. Plus vite cette histoire serait terminée, plus vite j’aurais des réponses.

Lorsque le jeune homme arriva à environ cinq mètres de nous, ce dernier s’arrêta et releva la tête, nous adressant un regard perdu et je vis d’énormes cernes en dessous de ses yeux.

-Oncle…Euh, je veux dire Sunohara, c’est bien vous ? Bégaya Iori.

L’ami de Nagisa pencha la tête sur le côté, visiblement étonné que quelqu’un le connaisse dans cette ville.

-C’est moi…Répondit-il d’une voix dénuée de toute énergie. Enfin…je crois…Cela fait une éternité que personne n’a prononcé mon nom…Mais que me voulez-vous ?

-Quelqu’un que tu connais nous a envoyés te chercher et a très envie de te revoir ; lança Darksky avec un grand sourire.

-Quelqu’un…me cherchait ? Répéta-t-il, confus. Comment est-ce possible ? Toutes les personnes que j’ai connues ne sont plus de ce monde…

-Toutes, tu es sûr ? Reprit Saya, le regard malicieux.

Le jeune homme fronça les sourcils, pensant visiblement que nous lui faisions une mauvaise blague, lorsque soudain, son nom retentit à travers la plage et de nous entendîmes quelqu’un courir sur le sable.

Nous nous retournâmes et le visage si pâle de Sunohara s’illumina en un instant en voyant Nagisa accourir vers lui.

-Na…Nagisa ? Balbutia-t-il en se frottant les yeux comme s’il rêvait. Mais…

-Ce n’est pas un fantôme ; l’interrompis-je. Il s’agit bien d’elle mais elle te racontera mieux que nous.

Alors que son ami était encore sous le choc, la jeune fille se jeta dans ses bras, le déstabilisant et l’obligeant à reculer de quelques pas pour ne pas tomber.

-Alors tu es vraiment en vie ! J’y ai toujours cru, je savais que tu ne mourrais pas dans cette forêt ! S’exclama Nagisa, des larmes de joies coulant de ses yeux.

-Je…Je n’en crois pas mes yeux…C’est vraiment toi, Nagisa ?

-Qui veux-tu que ce soit d’autre ? Un fantôme ?

Le blond s’apprêtait à répondre quelque chose mais il s’abstint et se contenta de sourire à la jeune fille, lui aussi ayant les larmes aux yeux.

-Non…Mais tu as changé…Je ne pensais pas te revoir un jour…Lui répondit Sunohara d’un ton doux et affectueux où se lisait un immense soulagement.

Je ne pus m’empêcher de sourire également devant cette scène et d’avoir un pincement au cœur. J’étais vraiment heureuse pour Nagisa. Je savais que même si elle prétendait souvent être passée à autre chose, elle ne s’était jamais vraiment remise de la disparition de ses proches durant la guerre. Voir que son ami était toujours en vie allait peut-être l’aider à laisser définitivement son passé derrière elle pour qu’elle puisse enfin aller de l’avant, comme Miyako l’avait fait grâce aux UWS…

-C’est un nouveau départ pour Nagisa ; déclara cette dernière qui venait de nous rejoindre.

-Un nouveau départ ? Répéta Darksky, intrigué.

-Oui. Jusque-là, elle n’avait aucune attache à son passé, tout comme moi lorsque Denys et Julie ont été transférés. Nous vivions toutes les deux enfermées dans le présent, incapables de voir l’avenir et cherchant à tout prix à retrouver nos passés perdus. C’est peut-être pour ça que nous nous entendions si bien…

Miyako leva la tête et fixa les deux amis avec un léger sourire avant d’ajouter :

-Tout comme les UWS et Hiroki l’ont fait avec moi, Sunohara vient de libérer Nagisa de sa prison en raccrochant son passé à son présent. Il ne tient plus qu’à elle de bâtir son avenir.

-Elle…Elle y arrivera ; dit Iori. Je sais que Nagisa s’en sortira !

-Je l’espère sincèrement ; ajoutai-je.

Au fond de moi, j’étais vraiment soulagée de voir que tout s’arrangeait petit à petit depuis la fin de la guerre. Même si tout n’était pas rentré dans l’ordre immédiatement, voir Nagisa retrouver son ami plus d’un an après la catastrophe de Gariatron me redonnait espoir. D’autres personnes ayant souffert et perdu des proches comme mon amie avaient peut-être une chance de retrouver leur vie d’antan.

Tout ce que j’avais fait n’était peut-être pas irréversible…Même si certaines choses étaient perdues à jamais et rien de ce que je pouvais faire ne pouvait arranger les choses…

Une fois leurs retrouvailles passées, Sunohara sembla enfin remarquer que nous étions toujours là et reprit la parole.

-Vous devez être les amis de Nagisa, n’est-ce pas ? Nous demanda-t-il chaleureusement.

-Nagisa est notre présidente plus exactement ! Répliqua Saya, ce qui fit rougir la jeune fille.

-Attends Saya, ce…

-Présidente ? Je crois que j’ai raté un épisode moi ; répondit Sunohara en se prenant la tête dans les mains.

Darksky se mit alors à lui raconter comment s’était formé le club, ce que nous avions vécu mais ne lui parla pas du coup de déprime que Nagisa avait eu l’année passée, certainement pour ne pas inquiéter le jeune homme alors qu’il voyait son ancienne compagne de route en pleine forme, telle qu’il l’avait toujours connue.

Lorsqu’il eut enfin terminé, Nagisa avait disparu derrière Miyako, rouge comme une tomate tandis que la rousse se frottait les yeux, l’air lasse de toutes ces histoires.

-Je vois, donc tu es présidente de ton propre club de duel maintenant Nagisa, félicitations ; lui lança le blond avec un grand sourire, ne faisant qu’augmenter la gêne de la cadette du groupe.

-Je…je n’ai rien fait de particulier, c’est Miyako la vraie présidente du club ! Répondit-elle en vitesse. C’est une idée du vieux en plus !

-Oh, le vieux est toujours là ? S’étonna-t-il.

Sunohara hésita quelques instants avant d’ajouter :

-Et ta famille ?

Nagisa tiqua et baissa les yeux au sol.

-Ils…Non, ils ne sont plus là…Lui répondit-elle d’une petite voix.

Le regard de Sunohara s’assombrit instantanément et un sourire triste se dessina sur sa figure mais aucune larme ne coula le long de ses joues.

-Evidemment, ton frère aurait tout fait pour me contacter s’il était encore de ce monde après la guerre…

Ce dernier se retourna vers la mer et leva les yeux au ciel.

-J’y ai cru pendant un instant en te voyant, mais ça aurait été un miracle de tous vous revoir…Que tu sois encore en vie Nagisa est déjà amplement suffisant…

Personne ne bougea pendant quelques instants, ne laissant que le bruit des vagues s’écrasant sur la plage et le souffle du vent fendre le silence de la nuit tombante.

Je serrai le poing. Même si Sunohara semblait avoir accepté la mort de son ami et des parents de Nagisa, il était facile de deviner qu’il cachait sa propre tristesse derrière la joie de retrouver la jeune fille.

Je ne pouvais pas rester comme ça sans rien faire. C’était en grande partie de ma faute, il fallait que je me rattrape de mes erreurs passées. Pour cela, j’étais prête à tout. De toute façon, jamais ma douleur ne serait aussi grande que celle des personnes ayant souffert de mes actions.

-Sunohara…Je suis désolée ! M’exclamai-je en m’inclinant devant lui.

Le jeune homme se retourna, l’air intrigué de mon comportement étrange tandis que Darksky failli s’étrangler en comprenant ce que j’allais faire.

-Tout est de ma faute, si Nagisa a perdu toute sa famille, c’est à cause de moi !

-Je ne comprends pas…Tu as voyagé avec elle après mon départ ? Me demanda le blond, perdu.

-Attends Laura, ce n’est pas la peine de…

Je ne laissai pas Nagisa terminer sa phrase et je révélai tout à Sunohara.

-Je m’appelle Laura Garden, j’étais la seconde de Shadow pendant la guerre, lui-même bras droit du démon Gariatron.

Sunohara s’approcha alors de moi lentement et Darksky tenta d’intervenir mais fut retenu par Miyako. Mon cœur s’accéléra mais je ne bougeai pas. J’avais décidé d’arrêter de me cacher derrière Darksky et me chercher des excuses. J’avais fait tout ça de moi-même, il était temps que j’assume les conséquences de mes actes.

-C’est donc toi qui es à l’origine de tout ça ? Lança le blond sans grande conviction.

-Sunohara, Attends, Laura n’a pas…Commença Nagisa avant que je l’interrompe.

-Oui, mais je ne chercherai pas à me justifier, je n’ai aucune excuse.

Je fermai les yeux, m’attendant à subir les foudres de Sunohara comme j’aurais dû les subir d’Hiroki si Darksky et Miyako ne m’avaient pas protégée mais rien ne vint. Lorsque je rouvris les yeux, je vis simplement le jeune homme me fixer, l’air surpris.

-C’est étrange, je n’imaginais pas une seule seconde rencontrer un jour la personne qui a participé à la destruction de nos vies ; déclara-t-il d’un ton totalement neutre.

-Mais…C’est tout ce que ça te fait ? Tu as l’occasion de te venger et…

-Me venger ? J’ai toujours été un non violent. Même pendant la guerre j’ai cherché à éviter au maximum les combats inutiles.

Sunohara plongea son regard ébène dans le mien mais je n’y trouvai aucune haine ni rancune, simplement de la compassion et une pointe d’amusement.

-Si Nagisa avait voulu se venger, elle l’aurait fait depuis longtemps, mais si tu es toujours en vie, cela signifie qu’elle t’a pardonné et en plus tu es du même club qu’elle. Pourquoi irai-je à l’encontre de sa volonté alors qu’elle a été la plus touchée dans cette guerre ?

Je ne savais pas quoi répondre. En apprenant que j’étais la source de ses problèmes, Hiroki avait voulu me tuer sans autre sommation, au même titre que Miyako. Mais Sunohara était définitivement différent.

Lentement, je relevai la tête à mon tour et Sunohara regarda la mer sombre en face de nous.

-Seconde de Shadow ou pas, cela n’a plus aucune importance maintenant. Tomoya est mort, me venger n’apportera que de la tristesse à d’autres personnes qui voudront se venger à leur tour dans un cercle de haine sans fin. Nagisa a pu passer outre, alors moi-aussi.

-Mais je…

-Tu sais, quand je suis parti de mon côté en essayant d’attirer les hommes de Gariatron, je pensais vraiment que c’en était fini de moi, j’avais accepté l’idée de ma mort…Et pourtant, rien ne s’est passé comme prévu. Je suis simplement arrivé jusqu’à un village où j’ai été recueilli en tant que réfugié. Cependant, je ne pouvais pas rester dans l’incertitude, alors je suis reparti sur les routes, cherchant dans toutes les villes une trace quelconque de Tomoya mais personne n’a pu me renseigner jusqu’à ce soir. Et pendant mon périple, j’ai eu le temps de réfléchir et j’en suis arrivé à cette conclusion : si un jour j’avais l’occasion de me venger, alors je ne le ferai pas.

J’écarquillai les yeux, abasourdie par la déclaration de Sunohara qui reprit, l’air amusé devant ma réaction.

-Les guerres sont souvent issues de représailles, ce n’est pas en combattant inconsidérément qu’une paix durable pourra s’installer. Et puis, j’avais fait une promesse à ton frère Nagisa il y a longtemps.

-Une promesse…A Tomoya ? Répéta cette dernière, surprise.

-Celle de veiller sur toi s’il lui arrivait malheur.

La jeune fille, qui était redevenue normale, s’empourpra à nouveau en un instant et Sunohara éclata de rire tandis que Nagisa commençait à le frapper gentiment et même Miyako finit par sourire sincèrement devant cette scène si banale mais à la fois unique pour la jeune fille ayant vécu seule pendant plus d’un an après la guerre.

Le bruit du ventre de Saya résonna tout à coup dans la nuit et, devant l’heure avancé, il fut décidé à l’unanimité que tout le monde dinerait chez Nagisa pour nous remercier de l’avoir aidée.

Mais, alors que mes amis avaient déjà quitté la plage, je restai seule quelques instants de plus pour réfléchir devant la vaste étendue noire que j’avais devant les yeux, avec le vent pour seul compagnon.

Que devais-je faire ? Devais-je raisonner comme Sunohara et considérer que tout appartenait au passé mais dans quel cas j’apparaitrais aux yeux de tous comme une sans cœur, ou bien alors devais-je suivre le raisonnement d’Hiroki et culpabiliser jusqu’à la fin de mes jours, en ayant au moins cette autosatisfaction de ne pas avoir oublié les victimes de la guerre ?

Si seulement j’avais le pouvoir de changer le passé et d’effacer toutes mes actions, tout serait tellement plus simple…

-Laura, il y a un problème ?

Je sursautai en voyant que Iori était toujours là et m’attendait.

-Je…Non, ce n’est rien, pars devant avec les autres, je vous rejoins très vite.

La jeune fille hésita quelques instants mais finit par rester.

-Je…je sais que c’est toi qui me dis ça en général…Mais si tu as des problèmes, n’hésite pas à m’en parler…

Je ne pus m’empêcher de sourire devant la gentillesse de la jeune fille et cette dernière s’affola.

-Enfin, tu n’es pas obligée de m’en parler à moi hein, je ne suis ni la mieux placée pour aider, ni la plus proche de toi…Mais ce que je veux dire, c’est que moi aussi j’ai fait de nombreuses actions dont je ne suis pas fière encore aujourd’hui mais je sais que, si je continuais à culpabiliser sans cesse, alors tout ce pour quoi je me suis battue n’aurait servi à rien.

Ce pour quoi je m’étais battue…Tout ce que je voulais, c’était me venger de Darksky par simple jalousie et retrouver mon père tel que je l’avais toujours connu…mais y avait-il quelque chose d’autre ? N’était-ce pas qu’un prétexte pour chercher à revoir Darksky ? N’avais-je pas cet espoir d’un jour le rencontrer à nouveau en accomplissant cette vengeance ?

Sans savoir pourquoi, je fus prise d’un fou-rire incontrôlable qui fit sursauter Iori.

Peut-être avais-je enfin trouvé ce que je cherchais, la véritable raison m’ayant poussée à commettre toutes ces folies. C’était tellement évident que je ne pouvais plus m’empêcher de rire devant mon propre aveuglement.

-Tout…Tout va bien Laura ? S’inquiéta Iori.

-Ce n’est rien, mais rejoignons les autres, ils vont finir par s’inquiéter ; lui répondis-je en tentant de me calmer et me dirigeant vers la ville.

Je quittai donc la plage en laissant mes interrogations en suspens. Cependant, je commençai à entrevoir certaines réponses. Peu à peu, je sentais le poids me peser sur le cœur s’alléger et je savais que ce n’était qu’une question de temps avant de pouvoir être libérée de ce fardeau que je portais depuis trop longtemps maintenant et la première chose à faire pour cela était de sauver mon frère des griffes d’Armageddon…




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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Chapitre 5 : Passé Révolu



Spoiler :


Un peu plus d’une semaine était passée depuis l’incident avec Ladd et malheureusement, nous n’avions trouvé aucune solution pour renvoyer l’esprit de duel dans son monde. C’est pourquoi nous avions décidé que l’esprit de duel serait hébergé chez Sherry, faute de mieux. La jeune femme avait d’ailleurs également mis la main à la pâte pour tenter de l’aider, mais elle non plus n’avait eu aucun résultat.

Nous nous étions mis d’accord pour ne pas informer d’autres personnes qu’Hélios, les parents de June et Sherry. Nous ne voulions pas semer une panique générale pour un problème que nous pouvions peut-être résoudre nous-même et en vitesse. Laura, Darksky et les autres ne savaient donc rien, et c’était peut-être mieux ainsi, ils avaient bien droit à un peu de tranquillité après tant d’agitation…

D’autre part, je commençais à sérieusement m’inquiéter pour ma sœur. Je ne l’avais pas revue depuis le jour où Ladd avait disparu. Je craignais qu’il ne lui soit arrivé malheur dans le monde des esprits ou que quelque chose de grave ne l’empêche de venir, mais puisqu’Hélios était reparti de son côté, je ne pouvais qu’attendre et espérer que tout cela n’était dû qu’à un décalage de temps entre les deux mondes…

Au loin, j’entendis les cloches de l’église sonner. Il était quinze heures, les jumeaux n’allaient pas tarder à arriver et il avait été décidé que j’irais les chercher à la gare avec Maya pendant qu’Angéla préparerait les chambres avec Ambre. Quant à June, elle devait aider son père dans ses recherches sur le monde des esprits et Asuna l’épaulait, se sentant certainement mal vis-à-vis de Ladd depuis l’attaque du Qliphort. Elle devait certainement penser que, si elle ne s’était pas perdue, le pauvre esprit de duel ne serait pas dans cet état là…

Je me levai de mon lit pour enfiler ma veste et mes chaussures avant de sortir. Dehors, l’air était frais mais pas désagréable puisqu’un beau soleil réchauffait la ville.

Comme toujours, il y avait du monde dans le boulevard où je louais l’appartement mais je ne pouvais pas me plaindre. Ma chambre était suffisamment grande, les soirées n’étaient pas trop bruyantes et j’étais à moins de dix minutes de l’école.

Je repensai soudainement à mon ancienne maison, celle où j’avais grandi avec mes parents et ma sœur. Asuna prétendait que nous étions presque voisins par le passé et amis d’enfance, ce qui signifiait que nous devions avoir l’habitude de faire le trajet ensemble le matin…Et pourtant, une fois de plus, ma mémoire me faisait défaut. Je ne revoyais que des ombres indistinctes en essayant de me remémorer cette époque…

Une grande tape dans le dos me sortit brutalement de mes songes et je me retournai aussitôt pour voir Maya plantée derrière moi, les mains dans les poches, l’air ronchon comme à son habitude. Elle portait son éternel gilet à capuche noir et un pantalon assorti. Le tout associé à sa coiffure cachant partiellement son œil droit lui donnait ce genre rebelle et sombre qu’elle aimait tant arborer en dehors de l’école.

-On ne t’a jamais dit que dormir debout c’est mauvais pour la santé ? Railla-t-elle en guise de salutation.

-Jamais. Mais à force de côtoyer Angéla, tu finir par devenir comme elle à inventer des expressions stupides ; répliquai-je tout aussi aimablement.

-je te retourne le compliment mais trêve de bavardages, j’aurais vraiment préféré aller les accueillir avec Angéla mais puisque je n’ai pas le choix, autant finir ça rapidement.

Sans même me laisser le temps de répliquer quelque chose, Maya se mit en route et je la suivis en souriant. Elle semblait vraiment de bonne humeur à l’idée de revoir les jumeaux à en juger par les piques qu’elle me lançait…ou bien alors c’était parce qu’Angéla n’était pas là et qu’il lui fallait quelqu’un sur qui se défouler…

La vraie raison pour laquelle nous avions besoin d’être deux pour aller chercher Serena et Satoshi était qu’il n’y avait aucun bus le dimanche et qu’Hélios nous avait bien prévenus qu’ils n’étaient que peu habitués aux transports en commun.

Nous passâmes dans un premier temps par les grandes avenues. Nous mîmes un peu plus de temps que prévu à cause de la foule mais après avoir failli être séparés plusieurs fois et après plusieurs prises de têtes, nous finîmes par arriver à destination.

Il y avait du monde dans la gare à cette heure-ci de la journée, mais l’heure n’était pas la seule raison. Nous lûmes sur le grand panneau d’affichage qu’un problème technique était survenu et avait bloqué les voies pendant plus d’une heure. Tous les trains étaient donc retardés et celui des jumeaux également…

N’ayant rien de mieux à faire, nous décidâmes d’aller acheter quelque chose à boire puis nous trouvâmes un banc non loin du tableau d’affichage pour passer le temps.

-Vive la SNCF, dire que je me suis dépêchée pour arriver à l’heure, au moins avec Angéla je n’aurais même pas remarqué qu’il y avait du retard ; grommela-t-elle en écrasant sa cannette de coca d’une seule pression de la main.

-Peut-être, mais tu aurais angoissé pendant une heure en pensant aux jumeaux ; lui répondis-je en finissant mon jus de pomme. De toute façon, combien je te parie qu’elle n’a même pas commencé à faire les chambres de son côté.

Au même moment, le portable de Maya vibra et, avec un sourire sarcastique, elle me répondit :

-Gagné, ça fait une heure qu’Angéla cherche les draps et Ambre est sur le point de craquer.

Je ne pus m’empêcher de rire. Lorsqu’il n’y avait aucun enjeu, Angéla restait fidèle à elle-même, maladroite, naïve mais essayant toujours de faire de son mieux.

-Cette fille est désespérante ; souffla Maya. Quand vous serez mariés, je te souhaite bien du courage mon pauvre.

-Ma…Mariés ? Bégayai-je en m’empourprant immédiatement.

-Bah, vous ne sortez pas ensemble ? Me demanda-t-elle, légèrement étonnée.

-Qu…Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Continuai-je toujours plus gêné.

-De nombreuses choses, tu veux que je te fasse une liste ? Ça nous occupera en attendant je pense.

-N…Non, ça ira, je te remercie…

-Enfin bon, j’imagine que forcer les choses cette fois n’est pas une bonne idée…

La voix de mon amie se brisa et Maya détourna le regard en grimaçant, comme si elle repensait à quelque chose de douloureux. Cependant, ce qu’elle venait de dire avait piqué ma curiosité.

Je ne savais que très peu de chose de la vie d’Angéla avant notre rencontre deux ans auparavant. Je pensais jusque-là que c’était parce qu’il n’y avait rien qui vaille la peine d’être raconté mais les mots de Maya me firent immédiatement penser le contraire.

-Maya…Est-ce que tu ferais référence à cet Aymeric qui s’est allié à Shadow.

La jeune fille aux cheveux noirs comme la nuit rit légèrement. C’était assez rare qu’elle ne me réponde pas par un sarcasme dans la seconde. Je devais certainement avoir touché un point sensible. Voyant cela et n’ayant pas envie de faire remonter de vieilles blessures, je tentai de changer de sujet mais Maya reprit la parole d’un ton nostalgique.

-Tu connais déjà l’histoire Drago, inutile que je te la raconte une seconde fois j’imagine.

-Oui, ce type était le premier petit ami d’Angéla et aussi votre ami d’enfance il me semble.

-Plus ou moins, même si en fait, je crois qu’il n’a jamais vraiment été amoureux d’Angie ; déclara-t-elle en levant les yeux au plafond.

Je fronçai les sourcils, sceptique. La seule fois où Angéla m’avait parlé d’Aymeric, elle me l’avait présenté comme son ex et semblait extrêmement remontée contre lui, lui mettant tous les torts sur le dos, mais Maya était-elle en train de me dire que cet amour était à sens unique ? J’avais du mal à comprendre.

Voyant mon désarroi, elle reprit la parole :

-Vois-tu Drago, Angéla, Ambre, Aymeric et moi avons passé presque toute notre enfance ensemble mais il était évident que ces deux-là avaient fini par se rapprocher, dépassant le stade de la simple camaraderie. C’est au collège que tout s’est passé. Avec Ambre, on s’était mise en tête de clarifier les choses une bonne fois pour toute entre eux. Je m’occupais de ce boulet et elle d’Angéla. Nous avons tout fait pour les faire sortir ensemble et on a finalement réussi, du moins, je le croyais…

Maya jeta la cannette écrasée qu’elle tenait dans sa main directement dans la poubelle, cinq mètres plus loin et ferma les yeux, un sourire triste sur les lèvres.

-Même si Angéla était vraiment tombée amoureuse, Aymeric n’a jamais ressenti de tels sentiments pour elle mais j’étais tellement prise au jeu que je ne voyais rien. Je voulais simplement faire quelque chose pour Angéla, lui rendre ce qu’elle m’a donné il y a longtemps…mais je n’ai réussi qu’à lui faire perdre ce qu’elle-même m’avait donné…

La jeune fille se leva lentement de son siège et mit ses mains dans ses poches avant de tourner la tête et fixer un point au loin dans la gare.

-Pendant longtemps, j’ai cru que mes actions avaient été sans conséquence puisqu’Angie était restée fidèle à elle-même, mais l’année dernière, lorsqu’elle a revu Aymeric, j’ai compris que j’ai été stupide. En voulant l’aider, j’ai failli la détruire.

Je me levai à mon tour et je mis ma main sur son épaule pour tenter de la réconforter et j’ajoutai :

-Maya, laisse-moi te poser une question : pourquoi te sens-tu si redevable envers Angéla ? Qu’a-t-elle pu faire pour que tu te consacres entièrement à chercher son bonheur ? Et ne me réponds pas que c’était de la gaminerie.

Maya ricana et se tourna vers moi, plongeant son regard ébène dans le mien et je pus y lire toute l’affection que la jeune fille portait à Angéla.

-Angie…Angéla…On peut dire qu’elle m’a sauvée ; déclara-t-elle en baissant la tête avec un léger sourire.

-Elle t’a…Sauvée ? Répétai-je, surpris.

-Avant que nous nous rencontrions en primaire, j’étais seule dans mon coin. Je faisais un peu peur aux autres parce que j’étais plus grande que nos camarades de classe, si bien que j’ai fini par adopter l’attitude qui allait avec. Mais finalement, ça n’a fait que m’isoler encore plus et j’ai passé tout le premier trimestre seule. Et c’est là qu’Angie est arrivée.

Maya marqua une pause et gloussa. Mais contrairement à d’habitude, ce n’était pas ce rire sarcastique qui m’était si familier chez elle mais plutôt un rire franc et sincère à l’évocation d’un souvenir heureux.

-Elle était accompagnée d’Ambre depuis le début de l’année je me souviens et elle m’a défiée dans une série de jeux. En un instant, j’ai perdu non seulement mon image de leader de la classe mais également ma solitude. C’est pour ça que j’ai voulu faire la même chose avec Angie. Tout comme elle a essayé de me sortir de mon isolement, j’ai voulu la sortir de cette impasse avec Aymeric, mais il semblerait que je n’ai pas le même talent qu’elle…

Ce fut à mon tour de sourire. Angéla dégageait vraiment quelque chose de spécial. Durant la guerre, elle avait réussi à faire sortir Darksky de sa coquille également et c’était grâce à elle que j’avais pu m’adapter aussi vite à ce monde.

-Et maintenant, poses-toi cette question : est-ce que tu n’as pas déjà payé ta dette envers Angéla ?

Maya fronça les sourcils, sans comprendre.

-Qu’est-ce que tu racontes ? Tu délires mon pauvre Drago ; rétorqua-t-elle. Je n’ai jamais rien fait pour elle de particulier.

-Dans ce cas, pourquoi aurait-elle mis sa vie en danger il y a deux ans pour Ambre et pour toi ? Le simple fait que tu sois restée à ses côtés n’est-il pas suffisant ? Ne voulait-elle pas, en te trouvant ce jour-là, trouver elle aussi une amie ?

Maya fit quelques pas en avant sans dire un mot, comme repensant à tout ce qu’elle avait vécu avec Angéla avant de répondre calmement :

-Qui sait. En tout cas, elle m’a donné cette amitié que je n’aurais jamais connue sans elle il y a dix ans, et c’est pourquoi, si je peux faire quelque chose pour elle, n’importe quoi, je le ferai.

Maya se retourna brutalement et posa son doigt sur mon torse en fronçant les sourcils, ayant retrouvé ses airs mécontents habituels.

-Ça vaut aussi pour toi je te signale. Angéla tient énormément à toi et je t’ai dit que je ne m’en mêlerais pas pour vous rapproche cette fois, mais si je vois que tu es nuisible, tu peux être assuré que je t’ouvrirai en deux avant de te jeter dans la Seine, c’est bien compris ?

-O…Oui, compris ; balbutiai-je en déglutissant, tout à coup effrayé par la jeune fille.

Au même moment, une annonce dans la gare retentit, nous prévenant de l’arrivée du train dans lequel Serena et Satoshi se trouvaient.

Nous en restâmes donc là pour le moment même si je sentais que nous risquions de reprendre cette conversation plus tôt que je ne le croyais et nous nous dirigeâmes vers le quai.

Il y avait toujours autant de monde, s’ajoutant à cela les voyageurs mécontents descendant des trains, rendant les recherches difficiles à travers cette foule compacte mais heureusement, très rapidement, deux têtes familières émergèrent du premier wagon et je leur fis signe pour qu’ils nous voient.

-Serena, Satoshi ! M’exclamai-je.

La jeune fille brune, en me voyant à son tour, afficha un large sourire et traina son frère avec elle pour venir à notre rencontre, l’air vraiment contente de nous revoir.

-Drago, Maya, ça faisait un bail ! S’exclama-t-elle en guise de salutation.


Serena n’avait pas changé depuis les vacances. Elle avait toujours cette coiffure impeccable avec simplement deux longues mèches brunes lui tombant entre ses grands yeux marrons. Son visage, assez adulte pour une fille de son âge était fendu d’un sourire sincère devant nos retrouvailles. Apparemment, elle avait décidé de voyager légèrement, ne portant qu’un sweet à capuche rouge au-dessus d’un tee-shirt rouge et blanc, assorti à un jean noir.

Satoshi, quant à lui, montrait très peu ses émotions, comme toujours. Au contraire de sa sœur, il ne soignait que peu son apparence, les cheveux partant dans tous les sens avec néanmoins les mêmes mèches que Serena, mais bien plus courtes. Son habit était encore plus simple que celui de la jeune fille : un simple manteau noir, un polo bleu marine et un pantalon sombre.

Il était vraiment difficile de croire que ces deux-là avaient réellement grandi dans le quartier oublié de satellite, réputé pour être un lieu de non loi et de misère. En les voyant là, ils ressemblaient à n’importe qui ayant eu une vie ordinaire.

-Un bail…ça ne fait qu’un mois que nous sommes partis Serena ; lui répondit son frère avec sa froideur habituelle.

-Un mois seulement ? S’étonna la jeune fille. J’ai l’impression que ça fait une éternité que nous sommes partis !

-En tout cas, il y en a qui prennent du bon temps pendant que d’autres se tuent à la tâche ; ricana Maya.

-En effet, c’est vraiment sympa ! Enchaina immédiatement la brune joyeusement. On a pu faire un bon tour de France que nous n’avions pas eu le temps de faire l’année dernière mais je dois avouer que je ne suis pas mécontente d’en finir !

-Tu es au courant que tu vas aller à l’école maintenant ? S’étonna Maya, les yeux ronds. Angéla aurait tout donné pour être à ta place plus longtemps…

-J’ai toujours rêvé d’aller à l’école depuis que je suis toute petite ! Répliqua Serena, des étoiles dans les yeux.

-Voilà un bien drôle de rêve…Marmonna ma camarade de club, interdite.

Tandis que les deux filles continuaient à parler de toute et de rien, Serena s’émerveillant de tout et Maya étant de plus en plus stupéfaire, Satoshi s’éclipsa de quelques mètres et me fit signe de le rejoindre.

Il était toujours très difficile de déchiffrer les sentiments et les pensées de Satoshi mais cette fois-ci, je pouvais facilement deviner ce qui l’inquiétait.

-Qu’est-ce qu’il se passe Satoshi ? Lui demandai-je, feignant l’incompréhension.

-Drago, j’imagine que tu sais que nous ne sommes pas ici simplement pour passer du bon temps en allant à l’école ; déclara-t-il sans émotion, les bras croisés sur son torse.

-Hélios nous a dit qu’il partait enquêter de son côté la semaine dernière, oui. Est-ce que vous auriez du nouveau sur le monde des esprits ?

-Pas vraiment. Malheureusement, il semblerait que les portails d’Hélios soient partiellement bloqués depuis quelques temps. Même avec le pouvoir de Luminion, impossible de rentrer ou sortir, seul Hélios peut encore le faire, c’est en grande partie pour ça que nous sommes ici.

Je croisai à mon tour les bras pour réfléchir. Nous n’étions pas plus avancés, Ladd était toujours coincé chez Sherry avec l’incapacité de rentrer dans le monde des esprits…Mais une chose clochait : si notre monde et celui des esprits n’étaient plus reliés par les passerelles d’Hélios, comment le Qliphort avait-il pu s’échapper ? Etait-ce justement le fait que les Qliphort utilisent ce système également qui le déréglait ? Ou bien la cause était-elle vraiment la fusion de nos deux mondes ?

Une pensée me traversa l’esprit et je n’attendis pas une seconde pour poser ma question à Satoshi :

-Est-ce que par hasard, les humains seraient les seuls à ne plus pouvoir entrer dans le monde des esprits ou bien…

-Les monstres sont également prisonniers ; m’interrompit-il. Des tests ont été effectués à Néo Domino City et les monstres de duel qui, auparavant possédaient une âme comme l’ancien Dragon féérique ou Kuriboh, sont tous redevenus de simples hologrammes.

Je déglutis. C’était donc pour ça que je n’avais plus aucune nouvelle de ma sœur. Elle devait être partie juste avant le dérèglement des passerelles et se retrouvait donc coincée, dans l’incapacité de revenir, même sous forme d’esprit.

Cela ne me rassurait qu’à moitié puisque je n’étais en rien certain qu’il ne lui était rien arrivé là-bas pour autant. J’espérais simplement qu’Hélios savait ce qu’il faisait, il était notre dernier lien entre nos deux mondes…

-Cependant Drago, j’ai réfléchi moi aussi à la question ; reprit Satoshi de sa voix monocorde. Je pense qu’il y aurait un moyen de forcer l’ouverture d’une passerelle mais pour cela, je dois m’entretenir avec Ladd.

-Ladd ? Tu penses vraiment qu’il aura les réponses que tu cherches ? Il semble totalement désespéré depuis qu’il est ici…

-Il est le seul esprit de duel avec qui je peux communiquer, je ferai avec mais j’ai besoin de réponses sur le fonctionnement du monde des esprits.

-Pas de problème, nous irons le voir dès que vous serez installés ! Lui répondis-je, soudainement très excité à l’idée que cette situation pourrait se débloquer rapidement.

Je vis que le jumeau voulu ajouter quelque chose mais il se ravisa en entendant Maya nous appeler, l’air impatiente, tapant du pied, les bras croisés sur sa poitrine.

-Vous avez fini les tourtereaux, on peut y aller ? Grogna-t-elle avec sa bonne humeur habituelle.

Satoshi prit son bagage et se dirigea vers les filles mais, alors que je m’apprêtais à prendre sa suite, ce dernier déclara :

-Surtout, n’en parle pas à Serena, je ne veux pas qu’elle s’embête avec ces histoires. Elle a enfin l’occasion de réaliser ses rêves, elle n’a pas à s’embêter avec ces histoires.

J’acquiesçai, n’ayant aucune raison de m’opposer à sa demande et, tous les quatre, nous prîmes le chemin de la demeure d’Angéla.

Sur le trajet du retour, j’en profitai par bavarder un peu avec Serena également mais elle préférait s’émerveiller à chaque coin de rue. Dès que nous passions devant un immeuble un peu ancien ou une avenue un peu trop majestueuse, la jeune fille s’arrêtait et des milliers d’étoiles se mettaient à danser dans ses yeux.

-Je n’avais pas réalisé à quel point la ville était jolie la dernière fois ! S’exclama-t-elle alors que nous passions devant le parc des tuileries. Je n’ai toujours connu que les poubelles de Satellite ou la modernité de Domino City mais je sais ce qu’il manquait maintenant ! Plus tard, j’installerai des jardins comme ceux-là dans le quartier oublié aussi !

-La voilà repartie dans ses délires ; soupira Satoshi en se prenant la tête dans les bras et détournant le regard, gêné.

Je ris légèrement. Serena avait encore cette innocence caractéristique des petits enfants se voyant déjà présidents de la république et pourtant, quelque chose me disait que dans son cas, ce n’était pas que des paroles en l’air. La brune semblait réellement croire ce qu’elle disait.

En ayant grandi dans ce quartier malfamé, elle aurait dû être plus endurcie que n’importe lequel d’entre nous, comme l’était son frère, et pourtant, c’était comme si le temps s’était gelé pour elle, comme si elle vivait dans une autre réalité, comme si elle pouvait entrevoir ce futur qu’elle convoitait tant, un futur radieux pour cette poubelle où elle avait passé toute sa vie…C’était justement parce qu’elle n’avait connu que la misère qu’elle était la plus apte à recréer une ville plus belle pour tous.

Nous arrivâmes finalement chez Angéla vers six heures du soir. La nuit n’était pas encore tombée mais les jumeaux semblaient exténués. Après un tel voyage et une marche aussi longue, cela n’avait rien de très étonnant. J’espérais seulement qu’Angéla avait fini de faire les chambres…

Serena écarquilla les yeux devant la taille de la bâtisse et recula de quelques pas, devenue soudainement blême.

-C’est…C’est ici qu’on va vivre ? Bégaya-t-elle comme effrayée.

-J’ai eu la même réaction la première fois que je suis venue ici aussi, mais on s’y fait vite ; ricana Maya.

-Et puis, ce n’est pas comme si on avait choisi l’hôtel le plus cher de Domino avec Hélios ; renchérit Satoshi, les bras toujours croisés sur son torse, l’air fatigué de sa sœur.

-Tu ne m’as pas contredite monsieur le ronchon je te signale, tu as même approuvé ! Rétorqua Serena sur la défensive.

-Ce…Ce n’est pas ce que tu crois, idiote ! Répliqua son frère, montrant pour une fois ses émotions et étant devenu rouge comme une tomate.

Maya éclata de rire et, lâchant un « tsundere » moqueur, sonna à la porte. Moins de vingt secondes plus tard, la porte s’ouvrit mais ce ne fut pas Angéla qui nous accueillit mais un homme âgé d’une cinquantaine d’années, au visage travaillé par l’âge et au crâne déjà bien dégarni, ne possédant que quelques cheveux grisonnant sur les côtés de sa tête, qui n’était autre que son père. Il avait les mêmes yeux bleus que notre amie mais cette joie de vivre et ce malice caractéristique de la jeune fille avaient disparu des siens, ne laissant qu’une grande fatigue.

Son regard, d’abord sévère et assez peu amical se radoucit rapidement en voyant les bagages que les jumeaux avaient avec eux.

-Vous devez être Satoshi et Séréna je présume ? Leur demanda-t-il d’une voix bienveillante contrastant avec son apparence.

-O…Oui ! S’exclama Séréna aussitôt, mal à l’aise. Nous vous sommes très reconnaissants de nous accueillir chez vous !

La jeune fille s’inclina poliment devant le père d’Angéla qui parut surpris devant cette attitude. Evidemment, elle avait oublié que les règles de politesse en France et au Japon n’étaient pas les mêmes mais heureusement, son frère prit le relai.

-Nous nous excusons d’avance du dérangement que nous pourrons occasionner Monsieur Hopper ; déclara-t-il solennellement.

-Ne vous inquiétez pas les jeunes, c’est un plaisir de vous recevoir ; leur répondit le père avec un large sourire. Et puis, j’ai pris les paris avec ma femme qu’Angéla ne tiendra pas la semaine donc je compte sur vous pour la rendre folle !

-C…Certainement ; bafouilla Satoshi, stupéfait par son attitude.

A vrai dire, même moi j’étais assez étonné. Je n’avais pas vu souvent le père d’Angéla, mais chaque fois que je lui avais adressé la parole, il avait fini par partir dans une dispute sans fin avec sa fille, terminant ainsi la conversation sans avoir eu le temps de parler de quoi que ce soit.

Maya cependant ne semblait nullement surprise et affichait même un petit sourire moqueur devant notre étonnement en découvrant la véritable personnalité du père d’Angéla.

Ce dernier nous fit entrer et appela sa fille qui se trouvait à l’étage et notre amie blonde descendit les escaliers en courant. Lorsqu’elle arriva, elle semblait totalement exténuée et avait de la poussière plein le visage. Ambre, qui la suivait, avait l’air en pleine forme au contraire et Maya ne put s’empêcher d’éclater de rire.

-Serena, Satoshi, bienvenus…Haleta Angéla appuyée sur ses genoux et tenant à peine debout.

Les jumeaux la saluèrent avec entrain tandis que Maya et moi allâmes rejoindre Ambre qui semblait désespérée.

-Alors, c’était bien de faire deux chambres à toi toute seule ? Railla Maya en donnant un coup de coude à son amie.

-Fatigant. Il faudra qu’Angéla apprenne à faire un lit un jour ; lui répondit-t-elle en baillant. Et vous, ça allait les trains ? J’ai vu qu’il y avait eu un incident technique sur les voies.

-Tu connais la SNCF, on ne peut pas leur faire confiance sur les horaires.

Nous reportâmes notre attention sur Angéla et les jumeaux et nous vîmes la jeune fille qui tentait de monter les lourdes valises elle-même malgré les protestations de ces derniers. Son père, quant à lui, était retourné à ses occupations, laissant sa fille se débrouiller avec ses invités.

Après qu’Angéla eut fait tombé la valise de Serena pour la deuxième fois, nous finîmes par aller lui donner un coup de main et les jumeaux furent installés en moins de vingt minutes, même si nous étions à présent tous exténués.

Maya et Ambre rentrèrent rapidement chez elles après ça mais je décidai de rester encore un peu, juste le temps de m’assurer que tout était en place pour les jumeaux et qu’Angéla n’avait rien oublié.

Je regardai une dernière fois si tous les draps et les couvertures étaient en place et sans grande surprise, je vis qu’elle avait oublié de mettre des têtes d’oreiller…

Heureusement, je savais où trouver les draps et je cherchai donc dans l’armoire de la chambre. Cependant, lorsque je pris ce dont j’avais besoin, je fis également tomber une petite boite et son contenu s’étala par terre.

Je me dépêchai de ranger tout ça mais mon regard fut attiré par ce qui semblait être une ancienne photo de classe sur laquelle figuraient Angéla, Ambre, Maya mais aussi ce garçon que j’avais affronté, Aymeric. Intrigué, je regardai rapidement les autres objets et j’écarquillai les yeux en comprenant ce que je venais de trouver.

-Alors comme ça, c’était donc là que je l’avais rangée ; retentit la voix d’Angéla dans mon dos.

-Désolé, je ne voulais…Répondis-je précipitamment mais la jeune fille m’interrompit.

-On dirait bien…que c’est à mon tour de devoir affronter un passé oublié…Continua-t-elle d’un ton monotone et sans conviction.

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La jeune fille s’approcha de moi et se baissa puis commença à ramasser machinalement les objets éparpillés un peu partout sur le sol avec un regard vide. Je la regardai faire, ne sachant pas si je devais l’aider ou m’éclipser pour la laisser seule.

Maya m’avait un peu parlé de ce qu’il s’était passé entre Angéla et ce garçon, mais je n’avais pas assez de détails pour être capable de trouver les mots à ce moment-là, alors je me contentai d’attendre, ne voulant pas la blesser davantage.

Une minute passa ainsi dans le silence le plus total avant qu’Angéla ne finisse de ramasser et ne referme la boite avec un sourire triste.

-Moi qui croyais avoir jeté ce crétin hors de ma vie avant de le revoir l’année dernière…Hélios avait raison finalement, je n’ai jamais pu tourner la page ; murmura-t-elle, amusée. Cependant…il est temps de nous dire adieu.

Angéla se releva et, d’un seul coup, écrasa la boite d’un violent coup de pied devant mes yeux exorbités par ce geste.

J’entendis de nombreux objets se briser à l’intérieur et la jeune fille grimaça sans pour autant baisser le regard vers ce qu’il restait de ses souvenirs passés puis elle se retourna vers moi et déclara tristement :

-A l’époque j’y ai vraiment cru mais, en y repensant maintenant, j’ai l’impression que ce n’était pas réciproque et qu’il ne me l’a jamais caché. Ce n’était que moi qui étais aveugle et qui refusais de voir la réalité.

-Angéla…

-En voyant les choses de ce point de vue, Aymeric à toutes les raisons du monde de m’en vouloir…Enfin, il n’en reste pas moins un crétin fini pour s’être allié à Shadow mais…j’ai ma part de responsabilités dans cette histoire…

Je vins m’asseoir à côté de la jeune fille pour la réconforter et je mis mon bras sur ses épaules dans un geste protecteur. C’était tout ce que je pouvais faire mais cela eut l’air de faire son effet car je la sentis se détendre aussitôt.

-Drago, est-ce que toi aussi, tu trouves que je suis horrible ? Me demanda-t-elle soudainement.

-Toi ? Horrible ? Pourquoi penserais-je une telle chose ? M’étranglai-je, abasourdi par une telle question.

-J’ai toujours agi dans mon propre intérêt. Il n’y avait pas qu’Aymeric, lorsque je t’ai sauvé ce jour-là à l’aéroport, j’ai pensé qu’en t’ayant à mes côtés, je pourrais retrouver Hélios et lui faire payer. Même l’année dernière, si j’ai voulu obtenir plus de puissance, ce n’était pas pour sauver le monde mais parce que je refusais de perdre Ambre et Maya une deuxième fois. Même lorsque je désobéissais à mon père, c’était simplement parce que je refusais qu’on me commande.

-Et alors ! Rétorquai-je aussitôt.

Angéla s’arrêta net et me dévisagea, surprise mais je n’en restai pas là et je continuai :

-Quelle importance que tu aies agi en pensant d’abord à toi ? N’est-ce pas normal de se soucier de sa vie ? Les faits sont là Angéla : tu as sauvé Ambre et Maya à plusieurs reprises, tu m’as sauvé moi et, même si Aymeric affirme le contraire, tu es certainement la personne la plus généreuse que je connaisse !

-Mais Drago, tu n’as rien écouté de ce que je viens de te dire ? Je…

-Si, j’ai tout écouté mais crois-tu que si tu ne m’avais pas sauvé, je serais aujourd’hui ici en train de te parler ? Crois-tu que si Ambre et Maya ne t’avaient pas rencontrée, elles seraient plus heureuses aujourd’hui ? Crois-tu qu’une personne égoïste et imbue d’elle-même aurait ne serait-ce que levé le petit doigt une seule fois dans sa vie si elle risquait de mourir ?

-Je…

-L’Angéla que je connais est une personne merveilleuse qui ne baisse jamais les bras quelle que soit la situation. Tu es peut-être têtue, inconsciente, désordonnée, rebelle et aveugle mais tu es également généreuse, attentionnée quand tes amis vont mal, tu n’hésites pas à négliger ta propre vie pour celle des autres, tu sais comment détendre l’atmosphère et plus important, tu n’abandonnes jamais. Tu m’as aidé, moi qui n’avais aucun passé ni aucune accroche dans ce monde. Tu ne savais pas du tout qui j’étais mais tu es resté à mes côtés et tu m’as fait découvrir ce monde.

Angéla rougit et détourna le regard et je me rendis compte de ce que j’étais en train de faire mais il était trop tard pour faire marche arrière. Maya avait réussi son affaire apparemment cette fois…

-Angéla, si Aymeric a été assez stupide pour te laisser tomber, libre à lui mais sache que jamais je ne te quitterai.

-A…Attends Drago, est-ce que tu…Bégaya-t-elle, de plus en plus rouge.

-Je t’aime Angéla et quoiqu’il arrive, je serai toujours à tes côtés !

-Mais…Je viens de te dire que…

-Peu importe je te dis ! L’Angéla que je connais n’est pas une fausse Angéla. Tu peux dire ce que tu veux, je sais que rien ne me fera changer d’avis !

-Mais…Et Asuna ? N’était-elle pas…

-Mon amie d’enfance ? Peut-être qu’elle a été plus pour moi il y a longtemps…Mais le Drago qui l’a connue est mort en arrivant dans ce monde. Ma place est ici désormais, avec toi et les autres et elle le sera pour toujours.

Angéla ouvrit la bouche mais la referma aussitôt avant de baisser le regard. Soudain, je vis quelques larmes couler le long de ses joues et je m’apprêtai déjà à me rattraper jusqu’à ce que je voie un léger sourire illuminer son visage en même temps.

-Et moi…qui pensais que tu n’allais jamais le dire…Murmura-t-elle en riant légèrement.

Sans prévenir, la jeune fille releva la tête et posa ses lèvres sur les miennes. Je ne résistai pas et, fermant les yeux, je lui rendis son baiser en la serrant dans mes bras.

Le temps fut comme figé et l’espace disparut tandis que notre étreinte se prolongeait. Il n’y avait plus que nous deux. Les démons, Armageddon, Aymeric, tout avait disparu, ne laissant que cette chaleur apaisante et réconfortante qui se propageait dans tout mon corps.

Finalement, après un temps qui à la fois une éternité et un instant, je sentis les lèvres d’Angéla s’éloigner des miennes et je rouvris les yeux, ayant encore du mal à croire ce qui venait de se passer.

Mon amie avait détourné le regard et regardai le sol, mal à l’aise.

-C…C’était mon premier baiser ; bafouilla-t-elle.

Pour toute réponse, je lui souris et elle me le rendit. Maya, Ambre et June nous taquinaient tellement souvent avec cette histoire de couple que j’en venais presque à les remercier. Je me sentais vraiment léger, comme si me déclarer venait de m’enlever un poids que je portais depuis bien longtemps.

Quelques secondes plus tard, Serena revint de la salle de bain et s’étonna de nous voir tous les deux dans sa chambre. Nous ne pûmes nous empêcher d’éclater de rire et nous nous éclipsâmes sous le regard interrogateur et suspicieux de la jeune fille.

En descendant au rez-de-chaussée, nous croisâmes le père d’Angéla mais étrangement, la jeune fille ne chercha pas à se disputer avec lui, ce qui l’étonna tout autant que moi.

-Ma fille est de plus en plus étrange ; marmonna-t-il en continuant son chemin.

En arrivant devant la porte d’entrée, Angéla s’arrêta et se retourna vers moi en ayant retrouvé son attitude habituelle, ce qui me rassurait tout de même pour l’avenir. Je n’avais pas envie de perdre celle que j’avais toujours connue à cause de ce que je lui avais dit.

-Bien Drago, à partir d’aujourd’hui, nous sommes officiellement en couple donc je compte sur toi pour ne pas le montrer à l’école !

-Ta logique m’impressionnera toujours ; lui répondis-je en me prenant la tête dans les mains.

-Je tiens à ma réputation. Depuis que j’ai jeté Aymeric, tout le monde pense que je ne trouverai jamais un autre copain !

-Pourtant, Maya nous voit déjà mariés et avec des enfants ; lui rétorquai-je, tentant de la mettre mal à l’aise.

-Celle-là, je vais l’étrangler ; marmonna Angéla en serrant les dents. Elle ne sait vraiment pas tenir sa langue !

-Tenir sa langue ? Répétai-je feignant l’incompréhension.

-Tu n’as rien entendu ! S’exclama-t-elle précipitamment.

-Entendu quoi ?

Nous éclatâmes de rire une nouvelle fois et nous nous séparâmes sur ces belles paroles. Ma plus grande peur venait de se dissiper. Je savais maintenant que, même si je m’étais déclaré, notre relation ne changerait pas le moins du monde et c’était tout ce que je désirais. Cependant, cet événement n’avait fait que renforcer ma conviction de vaincre une bonne fois pour toute Armageddon pour que nous puissions enfin vivre tous en paix. Angéla avait suffisamment souffert à cause de toute ces histoires. Je devais y mettre un terme, le plus vite possible.



Chapitre 6 : Amour, Haine et Jalousie



Spoiler :


-Par ici ! Ordonnai-je aux deux hommes portant la lourde charge.

Les déménageurs entrèrent dans la salle de club sous les yeux exorbités de mes amis mais je n’y prêtai pas attention et je désignai un grand espace non occupé dans un coin de la pièce pour poser l’imposant piano à queue.

Après quelques manœuvres pour remonter le bel instrument et quelques vérifications, les deux hommes se retirèrent, nous laissant reprendre nos activités quotidiennes tandis que j’admirais mon dernier achat. Ce n’était pas un vrai piano à queue comme à la maison puisque nous n’avions pas la place mais il n’en restait pas moins majestueux, blanc comme la neige et brillant comme une étoile.

En appuyant sur une touche, je pus savourer le mélodieux son qui s’en dégageait. C’était parfait, je ne pouvais pas rêver mieux pour m’entrainer à l’école.

Après quelques secondes de silence, Miyako se racla la gorge pour engager la conversation :

-Laura…Est-ce que je peux savoir ce que ce piano fait ici ? Me demanda-t-elle encore sous le choc.

-ça ne se voit pas ? J’installe un piano pour égayer un peu notre salle de club ; répondis-je en haussant les épaules d’un air naturel.

-Mais Laura…Tu es sûre qu’on avait besoin de ça ? Continua Nagisa d’une petite voix.

-Regardez autour de vous, il n’y a que des étagères poussiéreuses, des chaises, une table et un bureau ridiculement grand, notre club fait vraiment peine à voir comparé aux autres ! Insistai-je.

-Mais…et le budget du club, tu n’as quand même pas tout dépensé ? Renchérit la présidente, inquiète.

-Evidemment que non, j’ai tout mis sur le compte du bureau des étudiants.

Darksky s’apprêtait visiblement à ajouter quelque chose mais je l’interrompis avant qu’il n’ouvre la bouche :

-Je sais que nous avons déjà un piano à la maison mais si je veux être prêtre pour le festival de la fin d’année, je dois m’entrainer même ici.

Nagisa écarquilla les yeux tandis que Miyako brisa la mine de son crayon en entendant ça mais Saya, qui était restée silencieuse jusque-là, prit la parole, l’air soudainement très enthousiaste :

-Pour le festival ? S’écria la blonde. Qu’est-ce que tu nous prépares Laura ?

-J’avais prévu un duo avec Marie et…

Je n’eus même pas le temps de finir la phrase que Saya posa violement sa main sur le piano et me lança un regard déterminé qui ne me disait rien qui vaille :

-Pourquoi te contenter d’un duo quand tu peux monter un groupe ? S’exclama-t-elle.

-On a déjà débattu avec Marie et nous en sommes venues à la conclusion qu’il était impossible de trouver d’autres membres en dehors du club de musique…

-Détrompe-toi car tu as devant toi celle qui va jouer le rôle de la chanteuse du groupe !

Je penchai la tête sur le côté et je regardai Nagisa qui elle-même se retourna mais, ne voyant personne derrière elle, rougit et se mit à paniquer :

-A…Attends Saya…Pourquoi moi ? Bégaya-t-elle affolée.

Miyako soupira et reprit ses devoirs, préférant ignorer l’agitation créée par Saya. Cette dernière gonfla les joues, se plaça juste devant moi pour me boucher la vue et mit ses mains sur ses hanches.

-Je parlais de moi évidemment ! Râla la blonde.

Nagisa se détendit immédiatement, visiblement contente de ne pas avoir à chanter devant tout le monde tandis que Darksky éclata de rire et recracha toute l’eau qu’il était en train de boire.

-T.…Toi, chanteuse ? Toussota-t-il, stupéfait.

-Tu veux que je te fasse une démonstration ? Avec Iori on fait souvent du karaoké le soir ! Rétorqua-t-elle fièrement.

-Et après on se demande pourquoi tu te terres en bas du classement ; marmonnai-je assez bas pour qu’elle ne m’entende pas.

-Que tu fasses du Karaoké ne change rien si tu chantes faux ; continua Darksky en se prenant la tête dans les mains, l’air désespéré.

-Déjà je n’ai pas de compte à te rendre, c’est avec Laura que je veux chanter ; répliqua Saya en se détournant totalement de Darksky. Alors, tu en penses quoi ?

-On ne perd rien à essayer ; lui répondis-je en haussant les épaules.

Saya sauta au plafond et prit Nagisa dans ses bras qui essaya tant bien que mal de se libérer, sans succès et Darksky soupira avant d’aller se rasseoir à sa place habituelle. Cependant, avant même que la blonde n’ait eu le temps de finir de fêter sa victoire, la porte de la salle de classe s’ouvrit violemment.

Je me retournai, intriguée que quelqu’un vienne ici alors que cette aile de l’école était déserte en temps normal mais je ne fus qu’à moitié surprise en reconnaissant la personne qui se tenait là.

Nagisa quant à elle, se dégagea d’un bond de l’emprise de Saya et écarquilla les yeux en reconnaissant le président du conseil des étudiants, Olivier Lesage. Miyako ne leva même pas le nez de ses livres et continua à travailler comme si de rien n’était et Darksky alla à la rencontre du président pour tenter une approche diplomatique.

-Bonsoir président, il y a un problème ? Demanda-t-il prudemment.

-Un problème ? Non, aucun…Mis à part que votre club vient de liquider le budget de tous les autres avec votre piano à queue ! Hurla ce dernier, rouge de colère.

-Demie queue président ; rectifiai-je en lui montrant le bel instrument.

-Je ne veux pas le savoir ! Je ne sais pas à quoi vous pensiez mais si vous vouliez un piano, vous n’aviez qu’à aller dans la salle de musique, c’est à vingt mètres d’ici !

-C’est la faute de Laura, c’est elle qui l’a acheté dans notre dos ! S’exclama Saya dans un élan de solidarité.

Je me contentai de l’ignorer et heureusement le président n’eut pas l’air de l’entendre, attendant visiblement des explications de notre présidente de club qui finit par prendre la parole :

-Mais…Je ne comprends pas…Si on l’a acheté, c’est que le bureau des étudiants était d’accord ? Demanda Nagisa d’une voix tremblante.

-Je ne peux pas tout contrôler non plus, il fallait d’abord annuler la commande d’une voiture pour le club de mécanique, je ne pensais pas que tous les autres clubs étaient aussi stupides qu’eux…

Darksky pouffa et je lui décochai un regard noir, ce qui le fit cesser immédiatement. Cependant, je n’avais pas prévu que le président du conseil serait dans un tel état pour l’achat d’un simple piano alors que le club de musique en avait acheté un l’année précédente…

-Bref, puisque vous avez liquidé le budget de la moitié des clubs, à vous de vous débrouiller pour remplacer lesdits clubs au festival et une fois encore, si vous n’y arrivez pas…

Un long soupir interrompit le discours du président et nous nous tournâmes tous vers Miyako qui avait posé ses stylos et qui commençait à ranger ses affaires :

-Tu n’as rien de mieux à faire Olivier ? Lança-t-elle d’une voix glaciale. Je te rappelle que dans trois jours, nous avons un contrôle d’histoire.

-Non, je n’ai pas oublié…Déléguée ; répondit le président s’avouant vaincu.

Ce dernier nous tourna le dos mais, avant de partir, nous lança un regard signifiant que nous n’avions pas fini d’entendre parler de lui. Peu de temps après lui, Miyako quitta à son tour la salle de club, prétendant qu’il y avait trop de bruit pour qu’elle puisse travailler en paix.

Une fois que la rousse fût partie, je pensais enfin pouvoir me mettre au piano pour l’essayer mais Saya ferma soigneusement la porte à clé et nous fit nous réunir en cercle autour de la table. Je ne cherchais même à comprendre les pensées de la jeune fille et je me contentai de m’exécuter, espérant en finir plus rapidement de la sorte.

-Parfait, Miyako est partie comme prévu à dix-huit heure trente pile ! S’exclama la blonde avec un grand sourire aux lèvres.

-Allons bon, qu’est-ce que tu as encore inventé ? Lui demanda Darksky en baillant.

-Je suis sûre que Miyako nous cache quelque chose !

-Qu…Qu’est-ce que tu entends par là Saya ? S’affola Nagisa s’imaginant certainement déjà le pire.

-Vous vous souvenez de ce garçon l’année dernière, Hiroki ?

-Oui, je m’en souviens un peu trop bien…Répondis-je avec une grimace.

-Eh bien, je suis certaine qu’elle le retrouve tous les soirs à la même heure quelque part !

Darksky lâcha un « hein » d’incompréhension, Nagisa ouvrit la bouche mais la referma aussitôt ne comprenant certainement pas plus le raisonnement de Saya et je m’accoudai à la table, sentant que cette discussion allait se prolonger et que je n’étais pas prête d’utiliser mon piano.

-Alors, ça vous dit d’aller prendre Miyako en filature et la voir en dehors des cours ?

-Pas vraiment, j’ai autre chose à faire ; répondis-je aussitôt.

-Je passe aussi, je suis fatigué ce soir ; ajouta Darksky.

-Je…J’aurais bien voulu venir mais Sunohara a besoin de mon aide pour s’installer et prendre ses marques, donc ça sera une prochaine fois ; dit Nagisa.

-Parfait, en avant et dépêchons-nous avant qu’elle ne soit trop loin !

Saya se leva d’un bond et sortit de la pièce telle une furie. Nous nous regardâmes tous les trois, Darksky l’air fatigué, Nagisa l’air désemparée et je leur lançais un regard désespéré mais nous prîmes tout de même la suite de la jeune fille, préférant éviter qu’elle ne fasse quelque chose de stupide en notre absence.

Nous sortîmes de l’école et il ne nous fallut pas longtemps pour repérer l’ancienne présidente du club ainsi que Saya qui la suivait plus ou moins discrètement. Nous rejoignîmes donc la blonde se pensant dissimulée derrière une voiture et nous commençâmes notre filature.

Je ne savais vraiment pas pourquoi je me prêtais à ce genre de jeu puisque je savais pertinemment que Miyako n’avait rien à cacher et pourtant, je prenais un certain plaisir à suivre Saya à travers ses expéditions stupides. Peut-être parce que cela me permettait d’oublier le passé pour quelques heures et de redevenir une simple lycéenne n’ayant aucune autre préoccupation que de savoir si son amie est en couple ou non…

Il en était de même pour Darksky et Nagisa. Eux aussi semblaient oublier tous leurs soucis quand Saya se mettait en tête de faire quelque chose de stupide. Mais peut-être était-ce justement ce qu’elle désirait en faisant cela, oublier elle-même son propre passé et ses propres tourments.

Nous suivîmes ainsi Miyako dans les rues une bonne demi-heure sans obtenir les résultats tant attendus par la blonde. L’ex présidente était simplement allée acheter une baguette de pain et un journal avant de rentrer chez elle.

Alors que la porte de sa maison se refermait, Saya sortit du buisson d’un bond, l’air furieuse.

-Et alors, qu’est-ce que ça veut dire ? S’écria-t-elle en tapant du pied sur le sol poussiéreux.

-Saya…Je crois que tu t’es trompée, Miyako n’a pas l’air…Tenta Nagisa avant de se faire interrompre.

-Non, il est impossible que je me sois trompée !

-Regarde la réalité en face Saya, Hiroki n’est pas ; soupira Darksky en commençant déjà prendre le chemin du retour.

Cependant, alors que mon ami s’éloignait de la modeste habitation, j’entendis un bruit de pas provenant de la gauche et, en tournant la tête, je vis qu’un grand garçon aux cheveux noirs et au visage assez carré regarder la bâtisse avec un regard froid, les mains dans les poches de sa longue veste, l’air pensif.

Je ne savais pas si je devais faire semblant de ne pas être là et rester cacher pour ne pas que ce type m’attaque une seconde fois ou si, au contraire, je devais prévenir Saya qu’elle ne s’était pas totalement trompée finalement.

Je n’eus finalement pas à choisir car mon amie le vit d’elle-même et son regard s’illumina puis elle se précipita sur lui.

-Je le savais ! Je le savais que Miyako nous cachait des choses ! Hurla-t-elle, aux anges.

-Qu’est-ce que…Commença Hiroki.

-Alors, ça fait combien de temps que vous sortez ensembles ? Vous vous êtes déjà embrassés ? Tu as déjà vu Miyako rougir ? Tu…

-Calme-toi Saya ; l’arrêtai-je en lui donnant une bonne claque dans le dos qui lui coupa la respiration pendant quelques instants.

Hiroki ne savait visiblement plus où se mettre et ne s’attendait pas du tout à être agressé de la sorte en venant voir Miyako. Cependant, maintenant qu’il était là, j’étais moi aussi curieuse de connaitre la raison de sa présence. La dernière fois, il n’était pas spécialement amical avec la rousse mais cette fois-ci, il ne semblait avoir aucune pensée meurtrière derrière la tête, pas même en me voyant.

-C’est étonnant de te voir ici alors qu’il y a moins d’un an tu voulais tuer Miyako ; lançai-je au jeune homme.

-Laura Garden, ancienne seconde de Shadow pendant la guerre si je me souviens bien ? Me répondit-il d’une voix où se mêlaient doute et anxiété.

-Eh, une minute, Laura n’est plus…

-Non Darksky, c’est bon ; le coupai-je, bien décidée à lui montrer que j’avais tourné la page. Mais en effet, c’est bien moi.

Hiroki rit légèrement.

-C’est bien ce que je me disais ; déclara-t-il en fermant les yeux avec un sourire. J’ai bien fait de ne pas te tuer l’année dernière.

-tu…tuer Laura ? Bégaya Nagisa, choquée.

-Ce n’est rien, oubliez ça. Mais cela faisait longtemps que je voulais te remercier.

-Me remercier ? Mais pourquoi ? M’étonnai-je de le voir soudainement si amical.

-Parce que, grâce à toi, mon frère Dan a pu avoir une vie heureuse.


Je restai bouche bée à la déclaration de celui qui, moins d’un an auparavant, ne jurait que par la vengeance de son frère, mort durant la guerre contre le démon. Darksky, qui avait également été témoin de son animosité à mon égard, n’en revenait pas moins.

-Ton…Ton frère…a été heureux grâce à moi ? Répétai-je, abasourdie. Mais…comment est-ce possible ? J’ai quitté cette ville il y a plus de cinq ans maintenant !

-Alors toi non plus tu ne t’en souviens pas ; déclara Hiroki avec un regard amusé.

Je ne comprenais pas…A mon retour, plus personne dans cette ville ne me reconnaissait et voilà que maintenant, on me parlait d’un garçon dont je n’avais moi-même aucun souvenir mais que j’aurais aidé par le passé…

Une pensée folle me traversa soudain l’esprit. Non, c’était impossible…Il ne pouvait pas parler de la même personne…et pourtant, je savais au fond de moi que je n’avais connu qu’un seul et unique Dan dans cette ville. Même si nous n’étions pas ce que l’on pouvait appeler des amis, j’eus un pincement au cœur en me disant qu’il n’était plus de ce monde désormais.

Voyant que j’avais compris de qui il parlait, Hiroki mit ses mains dans ses poches et leva les yeux vers un ciel rougeoyant en cette fin de journée d’un air nostalgique avant de reprendre :

-Mon frère me parlait souvent d’une fille qui lui mettait des bâtons dans les roues à l’époque, une fille qui lui tenait tête encore et toujours, une fille qui, peu à peu, l’a changé et lui a permis de faire le pas avec Miyako par la suite, une fille du nom de Laura Garden.

-Oui, je me souviens de ton frère ; lui répondis-je avec un sourire triste, Yami Daniel, plus communément appelé Dan la terreur des bacs à sable. Je me demandais justement pourquoi je ne le voyais plus, je comprends mieux maintenant…

-D…Dan ? On parle bien de ce type qui brutalisait les plus faibles ? S’étrangla Darksky.

-Lui-même ; lui lança Hiroki en riant. Enfin, beaucoup de choses se sont passées et le Dan que vous avez connu a disparu il y a bien longtemps. Toi et Miyako l’avez énormément changé. Même si sans vous, il serait peut-être encore en vie, je ne pense pas qu’il aurait pu être heureux s’il avait continué sur cette voie-là.

-Mais…Je ne comprends pas…pourquoi avoir voulu tuer Laura et Miyako l’année dernière dans ce cas ? Lança Nagisa d’une petite voix.

-Pourquoi…Répondit le jeune homme d’un ton évasif. Je pourrais répondre : par simple esprit de vengeance mais ça serait mentir. Non, en vérité, la vengeance que je prétendais vouloir accomplir n’était qu’un stratagème pour me voiler la face. Cependant, j’ai mis du temps à le comprendre.

Hiroki se tourna à nouveau vers moi et me fixa d’un regard empli de doutes mais aussi d’empathie.

-Lorsque tu m’as révélé qui tu étais l’année dernière, alors que je n’étais guidé que par ma soi-disant soif de vengeance, j’ai commencé à douter. Je me souvenais d’avoir déjà entendu ton nom et d’avoir déjà vu ton visage auparavant, puis bien plus tard, je revu cette fille qui tenait tête à mon frère et toute envie de vengeance envers toi disparut.

Le jeune homme fit quelques pas pour se rapprocher de la porte d’entrée de la maison de Miyako et reprit tout en nous tournant le dos désormais.

-Pourquoi ne pouvais-je plus te haïr même si tu as participé à sa mort ? Pourquoi me sentais-je redevable envers l’une des personnes m’ayant tout pris ? Pourquoi seule Miyako continuait à occuper mes pensées malgré mon désir de vengeance ? J’y ai longtemps réfléchi et j’en suis venu à cette unique conclusion : je n’ai jamais voulu me venger, du moins, pas contre ceux auxquels je pensais.

-Oula, je ne comprends plus rien moi ; souffla Saya qui avait visiblement décroché depuis un bon bout de temps à en juger par son regard totalement perdu.

-Je l’ai déjà dit à Miyako l’année dernière mais je vais me répéter : tout ce temps, ce n’était pas de la haine que je ressentais envers Miyako mais de la jalousie. Je m’étais tellement persuadé de sa culpabilité dans la mort de mon frère que j’en suis venu à en vouloir à tout le monde mais en me souvenant de ce tu avais fait pour Dan, Laura, j’ai réalisé la bêtise de mes actes, et Miyako m’a finalement ouvert les yeux une bonne fois pour toute.

Il eut eu un moment de silence après la déclaration d’Hiroki. Disait-il la vérité ? Avais-je vraiment sauvé Dan ? Et ne m’en tenait-il vraiment pas rigueur, ne voyant que ce que j’avais fait de bon pour son frère ? J’avais vraiment du mal à le croire. Moi qui pensais plus que n’importe qui que je devais payer mes actes, Hiroki, et Sunohara avant lui, m’avaient avoué me pardonner. Certes, leurs raisons divergeaient radicalement, l’un refusant de se battre d’avantage et l’autre me remerciant pour de vieilles actions, mais tous deux étaient arrivés à la même conclusion…

Je ne comprenais vraiment pas…Si j’avais été à leur place, jamais je n’aurais pardonné à celui m’ayant tout pris ! Etais-je un cas isolé ou alors étais-je simplement beaucoup trop sévère envers moi-même ?

-En y repensant, Dan a toujours eu une longueur d’avance sur moi dans tout ce qu’il a fait ; reprit soudain Hiroki comme réfléchissant à voix haute, me tirant de mes propres pensées. Tout ce que j’ai fait, Dan l’a déjà fait avant moi, même si j’étais son grand frère. Peut-être était-ce lui que je jalousais plus que n’importe qui pour cela…

-Non, il y avait plus que ça, lui répondis-je, confiante. Je connais la jalousie, j’en ai été victime de nombreuses années, et c’est à cause d’elle que j’ai commis tous ces actes irréparables. Du moins, elle ne prend pas sa racine là où tu le penses.

-Vraiment ? Dans ce cas, peux-tu m’en expliquer l’origine ?

-Je pense…que tu as été vraiment jaloux de Miyako il y a longtemps, elle qui avait réussi là où tu avais échoué avec Daniel mais tu as également commencé à l’admirer, je me trompe ?

-Non, en effet, j’admirais beaucoup Miyako tout autant que je la jalousais. Alors que moi, je n’avais rien pu faire d’autre que d’observer les comportements de Dan sans savoir quoi faire, il revenait souvent de l’école en râlant contre Miyako qui s’opposait à lui. Elle a eu le courage de faire face à la brute qu’il était.

-Mais, plus le temps passait et plus tu commençais à envier Dan et sa chance d’avoir Miyako à ses côtés.

Hiroki rit légèrement et se retourna pour me faire face à nouveau.

-Je comprends comment tu as pu être celle ayant mis l’engrenage du changement de Dan en marche, Laura. Tu as raison et puisque ça ne sert à rien de le cacher, autant le dire : je suis tombé amoureux de Miyako.

Saya fit les yeux ronds en entendant cela, Nagisa sursauta de surprise et Darksky resta figé. Cependant, je n’étais pas surprise. C’était également la conclusion à laquelle j’étais arrivée.

-Comme tu t’en doute, je n’ai jamais pu lui dire en face. Je ne voulais pas que mon frère retombe à cause de moi si je lui enlevais celle l’ayant sauvé, alors j’ai pris sur moi, me disant que tant que Miyako serait à ses côtés, Dan serait heureux et c’est tout ce qui comptait pour moi. Tu imagines bien ce que j’ai ressenti en apprenant sa mort alors que cette même personne était à ses côtés. Pourquoi m’avait-il abandonné pour Miyako ? Pourquoi avais-je fait confiance à Miyako ? Pourquoi n’avais-je pas séparé Dan et Miyako avant toute cette histoire ? Je me suis tellement posé de questions que j’en suis devenu fou et, pour me débarrasser du problème, j’ai tout mis sur le dos de celle que j’aimais.

Je souris malgré moi lorsqu’il avoua cela. Je le comprenais parfaitement. Hiroki était assez proche de moi en regardant de plus près. Tout comme lui, je m’étais posé mille et une questions en voyant Darksky et Saya, seuls dans cette sorte de grotte et je m’étais laissée consumer par une jalousie me permettant d’oublier tout le reste, ne pensant plus qu’à Darksky et à un moyen de lui faire payer.

-Et donc, c’est pour faire ta déclaration à Miyako que tu es là aujourd’hui ? Reprit Saya qui, visiblement, semblait avoir repris le fil de la conversation.

-Si on peut appeler ça une déclaration ; lui répondit-il en riant.

Ce dernier monta les dernières marches le séparant de la porte et appuya sur la sonnette. Quelques instants passèrent avant que nous puissions entendre des bruits de pas dans l’escalier et finalement, la porte s’ouvrit, nous laissant entrevoir l’ex présidente. Cette dernière écarquilla les yeux de surprise en voyant Hiroki devant sa porte mais, lorsque son regard croisa celui de Saya, Miyako lâcha un long soupir.

-Tu crois vraiment que j’ai le temps de m’amuser Saya ? Râla-t-elle. J’ai bien mieux à faire que de me disputer avec Hiroki.

-Je n’y suis pour rien moi, il est venu de lui-même, c’est une totale coïncidence si nous sommes-là aussi ! Se défendit la blonde en se cachant derrière un arbre.

-Après tout, je m’en fiche, faites ce que vous voulez tant que cela ne me concerne pas…

Alors que la rousse allait refermer la porte, Hiroki, qui était resté silencieux, mit son pied en travers pour l’en empêcher.

-Attends Miyako, j’ai quelque chose à te dire !

-Quoi encore ? Tu as finalement trouvé un moyen de te venger de moi ? Répliqua-t-elle, ironique.

-Non, mais je suis venu répondre à la question que tu m’as posé à Noel.

Saya ressortit des buissons pensant avoir obtenu ce pour quoi elle était venue tandis que s’empourpra. Cependant, personne ne s’attendait à ce qu’Hiroki allait dire.

-Je suis désolé Miyako…mais je ne peux pas accepter de me battre contre cet Armageddon si cela implique de m’allier à ceux ayant tué Dan.

-Je vois, je savais que tu répondrais ça ; lança Miyako, une pointe d’amusement dans la voix. Nous revoilà à nouveau ennemis dans ce cas.

-Non Miyako. Nous ne sommes pas alliés, c’est différent. Je ne prendrai aucun parti, j’agirai de mon côté, comme je l’ai toujours fait. Malgré tout ce que j’ai pu dire, la mort de Dan ne doit pas rester impunie. Mais, une fois que toute cette histoire sera terminée, j’aimerai te dire quelque chose, Miyako, alors s’il te plait, peux-tu attendre jusque-là ?

Miyako sembla réfléchir quelques instants avant de fermer les yeux et sourire légèrement à Hiroki.

-Je n’ai pas le choix de toute façon donc j’imagine que c’est un au revoir aujourd’hui, Hiroki. Essaie simplement de ne pas mourir.

-Si tu n’es pas dans mes pattes, je pense que je ne risque rien ; lui répondit-il en lui rendant son sourire.

Sur ces mots, Hiroki tourna les talons et nous nous écartâmes pour le laisser passer. Cependant, en passant à côté de moi, il s’arrêta un bref instant pour dire :

-Surtout, ne change pas Laura. Reste celle que tu es, tes amis ont vraiment de la chance de t’avoir à leurs côtés.

Avant que je n’aie eu le temps de répondre, il était déjà dix mètres plus loin. Miyako le regardait s’éloigner lentement, le regard perdu à l’horizon tandis que Darksky et Nagisa semblaient quelque peu déconcertés par le retournement de situation. Seule Saya avait gardé les pieds sur terre.

-C’est quoi ces adieux tous pourris ! Criait-elle. Il est où le baiser et l’étreinte passionnelle ! Miyako, tu étais censée courir après lui et le rattraper, pas le regarder partir comme si de rien n’était !

La fille aux cheveux de flammes l’ignora royalement, la laissant dans ses délires.

Quant à moi, je repensais aux mots du jeune homme. Il semblait être sincère en les prononçant. Darksky, et maintenant Hiroki…tous deux me disaient de ne pas changer malgré tout ce que j’avais fait…Peut-être que finalement avaient-ils raison. La personne détestable que j’étais devenue n’était peut-être qu’une illusion, une carapace dans laquelle je m’étais moi-même enfermée.

Soudain, le portable de Darksky sonna, tirant tout le monde de ses rêveries personnelles et l’expression qu’il afficha ne pouvait rien signifier de bon.

-Qu…Qu’est-ce que c’est ? Bégaya Nagisa, craintive.

-Un…un message d’Hélios…nous demandant de nous rendre à la falaise…

Darksky fut le premier à partir sans même poser de question, suivi immédiatement par Saya. Nagisa hésita un instant mais finit par les rejoindre si bien que, lorsqu’ils eurent disparu, il ne restait que Miyako qui n’avait pas montré la moindre réaction, et moi.

Je n’étais pas spécialement impatiente de retrouver l’ex roi d’Héliopolis. Sa présence signifiait toujours des ennuis à l’horizon, et, même si je savais que nos jours de paix et de tranquillité n’étaient pas destinés à s’éterniser, j’avais malgré tout repris gout à ce quotidien banal : aller en cours puis se détendre dans la salle de club, parler de tout et de rien avec Marie et Darksky le soir, n’avoir rien d’autre en tête qu’une représentation en fin d’année…

Cependant…J’avais également besoin de réponses sur mon frère et Hélios était certainement le seul à pouvoir m’en fournir. Il ne fallait pas que je rate cette occasion, c’était peut-être ma seule chance de le sauver !

Miyako lâcha un soupir depuis le parvis de sa maison et, après avoir enfilé son habituel manteau pourpre, descendit finalement dans la rue, l’air épuisée et lasse de tous ces événements.

-Bon sang, on ne peut vraiment pas être en paix cinq minutes ici ; râla-t-elle en arrivant à ma hauteur, grelottant, les mains dans les poches.

-Je ne te le fais pas dire, moi qui voulais simplement m’entrainer au piano ce soir, je crois que c’est complètement foutu ; soupirai-je à mon tour.

La fille aux cheveux de flammes me lança un regard amusé avant d’ajouter :

-N’hésite pas à virer Saya de ton groupe si elle chante trop faux, je n’ai pas envie que cet idiot de président du conseil ne nous fasse toute une histoire pour avoir gâché le festival.

-Comme si c’était ma faute. Je n’y peux rien si le bureau des étudiants ne sait pas contrôler ses dépenses : rétorquai-je en gonflant les joues. Et ils osent nous le mettre sur le dos…

-Ils font les gros durs mais c’est juste pour la forme ; me répondit-elle en riant légèrement. Inutile de te demander si tu as bien fait ou non, vis simplement l’instant présent du mieux que tu le peux. C’est le meilleur moyen de vivre sans regret.

-J’aimerais bien pouvoir penser comme toi Miyako…Mais je suis persuadé que c’est en retournant sur nos erreurs passées et en les corrigeant que nous pourrons avancer ; affirmai-je en me basant sur ce que j’avais toujours fait.

-Chacun sa vision des choses ; lança la jeune fille en haussant les épaules. D’autres te diront encore qu’il faut se tourner vers l’avenir mais aucune de ces visions n’est erronée, il suffit de trouver celle qui te convient pour avancer.

Miyako s’apprêtait visiblement à ajouter autre chose mais Nagisa revint vers nous en courant pour nous dire de nous dépêcher. La fille aux cheveux de feu se mit en route de sa démarche nonchalante habituelle et je la suivis.

Sur le chemin, je repensai aux paroles de Miyako. L’année passée, c’était justement parce qu’elle se focalisait trop sur le passé qu’elle ne pouvait plus avancer. Cependant, malgré cela, je restais persuadée qu’il fallait que je continue à corriger toutes mes erreurs avant de pouvoir passer à autre chose. Et, même si Hiroki et Sunohara m’avaient fait comprendre que tout n’était pas irréparable, il me restait encore beaucoup à faire, en commençant par sauver mon frère de l’emprise d’Armageddon et pour cela, il me fallait l’aide d’Hélios…

Nous arrivâmes au pied de la falaise où nous avions passé tant de temps avec Darksky étant enfants une dizaine de minutes plus tard. Le soleil était presque couché mais ses derniers rayons rougeoyant perçaient encore à travers l’horizon et se reflétant sur une mer de feu.

J’avais l’habitude de ce paysage même si je n’y étais pas revenue depuis un an mais Nagisa, Miyako et Saya restèrent bouche bée.

Darksky ne s’attarda pas non plus sur la vue et emprunta le petit chemin non balisé menant au sommet. Evidemment, personne ne connaissait ce passage, si bien qu’une multitude de branchages rendaient l’accès compliqué mais cela me rassurait aussi. Cela signifiait que rien n’avait changé…

Dès que nous émergeâmes des broussailles, un vent cinglant nous mordit le visage. En contrebas, nous pouvions entendre cet incessant mouvement des vagues venant se fracasser contre les rochers avec une violence inouïe tandis qu’en face de nous se tenait un homme en costume noir nous tournant le dos et regardant au loin sans dire un mot.

-Hélios ! S’exclama Darksky sans perdre une seconde.

-Darksky, Yuiko Saya, Fukuhara Nagisa, Hikari Miyako et enfin Laura Garden…Aucun d’entre vous n’a été épargné durant la guerre ; déclara l’ex roi d’un ton mélancolique sans se retourner.

-Si vous nous avez fait venir pour disserter tout seul, je…

-Darksky ; l’interrompit-il. Il y a exactement un an, je t’ai confié quelque chose sur cette même falaise, l’as-tu conservé ?

-Je…O…Oui, je crois ; bégaya mon ami, troublé.

Hélios se retourna finalement et nous pûmes voir son regard luire dans l’obscurité tandis qu’il dévisageait Darksky d’un air désolé.

-Tu es vraiment irrécupérable mon pauvre ; finit-il par déclarer en soupirant. Quand je te dis que je confie les sentiments de Celestia, ce n’est pas pour que tu le gardes…

-De quoi parlez-vous ? Demandai-je à mon tour, intriguée par le fait qu’il ait parlé de son ancienne femme.

-Oh, de rien Laura, Darksky sera plus apte que moi à te répondre je pense ; lança Hélios avec son air décontracté habituel.

Je tournai la tête vers ce dernier mais il rougit aussitôt et tenta de rediriger la conversation sur un autre sujet.

-M…Mais vous n’êtes pas simplement venu pour nous parler de ça quand même ! S’exclama-t-il.

-En effet, mais cette question me brûlait les lèvres depuis longtemps, alors voilà, maintenant c’est fait ! Et pour les mauvaises nouvelles maintenant…

L’ex roi afficha une grimace qui n’annonçait rien de bon. Hélios avait cette habitude de tout prendre à la légère en général mais, lorsqu’il commençait à s’intéresser à la situation, alors cela signifiait que nous étions déjà dans une belle galère…

-Premièrement, Miyako, as-tu eu une réponse de la part de cet Hiroki ?

-Oui, mais négative malheureusement. Ce type refuse de s’allier aux démons et je peux le comprendre. Il est parti de son côté et…

-Ce n’est pas grave ; la coupa-t-il en souriant. Je préférais que tu le convainques toi-même mais je n’ai pas le choix on dirait.

Avant même que quiconque ait eu le temps de poser une question, l’air vibra autour d’Hélios et un flash de lumière nous aveugla tous momentanément. Lorsqu’il se dissipa, en face de nous, il n’y avait plus une falaise abrupte mais une rue de la ville, ainsi qu’Hiroki.

-Qu’est-ce que…Bégaya ce dernier, totalement perdu.

Ce dernier se figea en voyant Hélios tandis que Miyako soupira devant son air déboussolé. L’ex roi claqua des doigts ensuite et tout redevint comme avant à l’exception que le jeune homme était désormais avec nous sur la falaise, ne comprenant pas plus que nous ce qu’il venait de se passer.

-Bon Hélios, vous pouvez nous expliquer enfin à quoi vous jouer ? Râla Saya, perdant patience.

L’ex roi toussa deux ou trois fois pour s’éclaircir la gorge et déclara :

-Le monde des esprits est au bord de la destruction.

Il s’arrêta aussitôt voyant nos mines décomposées à cette annonce. Je n’aurais pas dû être surprise pourtant. Lorsque je m’y étais rendue avec lui, cette menace planait déjà sur le monde des esprits mais je gardais un espoir que tout allait s’arranger mais il semblait que tout n’avait fait qu’empirer…

-Qu…Qu’est-ce que ça veut dire ? S’affola Nagisa. Le monde des esprits, c’est le monde où vivent les monstres, non ? Quel est le problème avec ce monde ?

-Le problème…vient du sceau des Naturia ; lui répondis-je aussitôt en me rappelant les paroles de Nephilim.

-Le…sceau des Naturia ? Répéta Darksky, interdit.

-Il s’agit d’un sceau qui maintenant des monstres emprisonnés depuis des millénaires mon cher Darksky ; compléta Hélios. Lors de la grande guerre, ce sceau s’est effrité peu à peu et il semblerait qu’il soit sur le point de se briser désormais.

-Quel est le rapport avec la destruction du monde des esprits ? Continua Saya, sceptique. Je vois mal comment de grosses bestioles menaceraient tout un monde, surtout si elles ont été vaincues avant !

-Parce que ces grosses bestioles, comme tu les appelles, sont au service d’Armageddon.

Je sursautai cette fois-ci. Alors comme ça, Armageddon se trouvait derrière cette histoire aussi…Mais je ne comprenais pas ses intentions. Si son but était de préserver le futur, pourquoi aurait-il besoin de détruire un monde de ses propres mains ? Cela n’allait-il pas justement à l’encontre de son rôle ?

-Si nous ne faisons rien, non seulement nous risquons la destruction du monde des esprits, mais en plus, notre monde en sera affecté et changera radicalement.

-M…Mais qu’est-ce que vous attendiez pour nous dire ça ? S’étrangla Darksky.

-Hélios attendait d’avoir toutes les cartes en main pour mettre son plan en action ; lui répondit Miyako, les bras croisés sur la poitrine.

-Les tribus du monde des monstres ont déjà commencé à se rassembler : Shaddoll, Satellarknight, Nekroz, Gusto et Yang Zing. Toutes sont prêtes à affronter la menace pesant sur leur monde mais pour cela, ils ont besoin de chefs.

-Attendez une minute ! S’exclama Hiroki. J’ai déjà dit à Miyako que je refusais votre truc, qu’est-ce qui vous fait croire que je changerai d’avis ! je me fiche bien du monde des monstres, tout ce que je veux, c’est venger mon frère !

-Je ne peux pas t’y obliger, mais sans toi, la mission est vouée à l’échec. Veux-tu que le monde tel que tu le connais disparaisse pour de bon ? Veux-tu vivre en sachant que tu aurais pu éviter une catastrophe ? Veux-tu laisser tous tes souvenirs de ton frère être absorbés par ce nouveau monde qui t’attend qui n’aura aucun point commun avec tout ce que tu as connu ?

Hiroki serra le poing et grimaça. Il était facile de voir qu’il était en plein dilemme avec lui-même et je l’aurais été aussi à sa place car, en agissant ainsi, il risquait de manquer sa seule chance d’accomplir sa vengeance.

Miyako fut la première à réagir et vint se placer devant le jeune homme et le fixa d’un regard sévère.

-Hiroki, s’il te plait, si tu ne le fais pas pour Dan, fais-le pour moi au moins.

Ce dernier écarquilla les yeux et se détendit aussitôt.

-S’il te plait Hiroki…

-Je…Si je fais ça…Dan…

-Hiroki ; reprit Miyako d’une voix plus ferme. Je te promets que tu pourras venger Dan mais avant cela, nous avons besoin de ton aide.

Un léger sourire fendit le visage du jeune homme et ce dernier se tourna vers Hélios en fronçant les sourcils.

-Très bien, vous avez gagné. Je ne peux rien refuser à Miyako, je serai de la partie. Mais si je vois une occasion d’en finir avec le démon, je ne répondrai plus de rien, est-ce que c’est clair ?

-Parfait ! S’exclama Hélios avec un large sourire. Maintenant, veuillez m’excuser mais j’ai à faire. Les accès au monde des esprits étant condamnés pour vous, je dois trouver une autre entrée, à pl…

-Attendez une minute ! M’exclamai-je avant qu’il ne saute de la falaise.

Tous les regards se tournèrent vers moi mais je les ignorai.

-Hélios, Armageddon a envoyé un agent contre moi.

Ce dernier pencha la tête sur le côté, intrigué.

-Un agent tu dis ? Vous n’avez qu’à vous en débarrasser, vous n’avez quand même pas besoin de moi pour ça, non ?

-J’aimerais bien pouvoir faire ça oui ; lui répondis-je en me mordant la lèvre. Mais cet agent n’est autre que mon frère…

Nagisa sursauta lorsque j’annonçai cela, Saya voulu dire quelque chose mais aucun son ne sortit de sa bouche et Miyako sourcilla.

-A…attends, ton frère est un agent d’Armageddon ? S’étrangla la cadette du groupe. Mais…comment ?

-Je n’ai pas plus de réponse que vous, mais les faits sont là. Alors Hélios, avez-vous une solution ?

L’ex roi fronça les sourcils à son tour et commença à gratter sa barbe de trois jours pendant quelques instants avant de répondre :

-Je suis désolé Laura…mais je n’ai pas de solution miracle. S’il agit de sa propre volonté, essaie de le raisonner ou l’affronter tout comme Darksky l’a fait avec toi, s’il est contrôlé par Armageddon, alors tu sais ce qu’il te reste à faire.

-Mais…

-Tu sais Laura, tout ne peut pas se résoudre toujours comme on le voudrait. Il y a parfois malheureusement des situations où aucune solution n’est la bonne…

Non…Il se trompait…Il devait forcément se tromper…Il devait bien y avoir un moyen d’éviter l’affrontement inutile ! Il fallait juste que je le trouve…

Sur ces mots, l’ex roi prit congé de nous et disparut en sautant de la falaise, nous laissant tous complètement déconcertés par la situation. Mais, même si les autres semblaient préoccupés par cette histoire de destruction du monde des esprits, seul mon frère hantait mes pensées.

Tout à coup, une idée folle me vint à l’esprit. C’était stupide, irréfléchi, insensé et n’avait aucune chance de fonctionner mais je n’avais plus d’autre option. Le seul moyen d’avoir une chance de retrouver mon frère…était de demander de l’aide à mon père…





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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Chapitre 7 : La promesse d’Asuna



Spoiler :


C’était une belle journée. Dehors, un vent frais faisait danser les feuilles des arbres tandis que le soleil perçait à travers les branchages, dessinant d’étranges figures sur le sol bétonné de la cour. Au loin, je pouvais distinguer la grande basilique de Montmartre surplombant la ville de Paris et, en me retournant, la tour Montparnasse lui faisait face, seule au-dessus d’un amas informe d’habitations.

Il n’y avait pas un bruit, tout était calme. J’aurais pu rester là à admirer ce paysage digne d’un conte de fée si je n’y avais pas été forcé…

-C’est nul, pour une fois que j’allais gagner ! Pesta Angéla. Vous vous rendez compte, carré d’as !

-Ne te plains pas Angéla, cela montre que le destin ne veut pas que tu gagnes une seule partie ; railla Maya d’un air moqueur.

-Et dire que June et Ambre ont eu l’intelligence de refuser de jouer ; soupirai-je, envieux.

La porte de la salle de classe voisine s’ouvrit à son tour et laissa sortir Serena qui avait l’air particulièrement dépitée…comme d’habitude.

Cela faisait maintenant une bonne semaine que les jumeaux s’étaient installés avec Angéla. D’après elle, ils semblaient bien s’adapter mais…lorsque je les voyais à l’école, j’avais vraiment l’impression du contraire. Satoshi restait continuellement dans son coin et Serena, de son côté, faisait de son mieux mais n’arrivait pas à de grands résultats. Peut-être était-ce parce qu’elle prenait exemple sur Angéla pour son attitude en classe…

Lorsque la jeune fille nous vit, elle ne fut même pas étonnée et vint nous rejoindre, comme chaque jour.

-Je ne comprends pas ; gémit-elle. Je fais tout comme toi Angéla et je n’arrive à rien !

-Peut-être que si justement tu faisais un peu moins comme elle, tu arriverais à quelque chose ; marmonnai-je, encore frustré d’avoir été sorti de la sorte à cause d’elle.

-Ne l’écoute pas ; rétorqua Angéla en prenant Serena par l’épaule. Tu as juste encore beaucoup à apprendre, il ne faut pas te décourager ! C’est en persévérant qu’on devient performant !

-Ce n’est pas du tout ça l’expression ; la repris-je en me prenant la tête dans les bras, désespéré. Et écoute-toi parler Angéla, on dirait un prof.

Cette dernière sursauta et se retourna vers moi en me faisant les gros yeux.

-Est-ce que j’ai une tête à être prof moi ? S’exclama-t-elle, mécontente.

-Très franchement…non, mais qui sait, les miracles, ça existe.

Angéla s’apprêtait déjà à rétorquer quelque chose mais elle fut interrompue par Maya qui éclata soudainement de rire. Nous nous tournâmes tous les trois vers elles, les yeux ronds de surprise en la voyant presque mourir de rire au sens propre pour une raison qui nous était inconnue.

Finalement, la jeune fille finit par se calmer et déclara en essuyant ses yeux remplis de larmes tellement elle avait ri :

-Vous deux alors, vous ne pouvez pas faire plus cliché comme couple qui se dispute ! J’ai presque l’impression de regarder un mauvais shojo avec vous deux ; lança-t-elle en reprenant sa respiration.

-Pourquoi forcément mauvais ; grommelai-je tandis qu’Angéla détourna le regard et gonfla les joues pour bouder.

Depuis que j’avais révélé aux autres membres du club que nous sortions ensemble Angéla et moi, j’avais compris pourquoi cette dernière ne voulait pas que cela se sache…Même si Ambre se réjouissait pour nous et June n’avait été nullement surprise, Maya, elle, avait commencé par m’attraper par le col et me menacer de mort avant d’accepter la réalité. Désormais, elle passait le plus clair de son temps à nous lancer des piques dès qu’elle en avait l’occasion.

Quant à Asuna…Elle n’avait eu aucune réaction. Elle n’avait pas semblé spécialement heureuse ni spécialement surprise. J’aurais pu lui annoncer qu’un professeur était absent, elle aurait certainement réagi de la même façon.

De plus, il m’était de plus en plus difficile d’avoir une conversation avec elle plus de cinq minutes depuis. Elle trouvait presque à chaque fois une excuse pour s’éclipser en plein milieu de mes phrases, y compris lorsque nous étions en salle de club.

D’après Sherry, elle venait souvent rendre visite à Ladd mais impossible de savoir de quoi ils parlaient. Je ne comprenais d’ailleurs pas vraiment pourquoi elle s’intéressait autant à un esprit de duel coincé dans le monde des humains et surtout, pourquoi Ladd acceptait de la voir alors qu’il me faisait la tête dès que je venais le saluer…Même Satoshi n’avait rien obtenu de lui lorsqu’il était allé lui demander des informations sur le monde des esprits, ce qui rendait sa relation avec Asuna d’autant plus mystérieuse.

La sonnerie retentit, me tirant de mes pensées et June et Ambre vinrent nous rejoindre, non sans se moquer de nous sans retenue. Satoshi sortit également de sa classe, l’air las et fatigué des cours.

-Bon sang, qu’est-ce que je fabrique ici moi alors que le sort du monde est en jeu ; râla-t-il en shootant dans une canette.

-Profite un peu monsieur le ronchon, lorsqu’Hélios reviendra avec de mauvaises nouvelles, tu seras nostalgique de ces jours d’école ; le rabroua sa sœur.

-Je ne vois pas comment toi tu pourrais être nostalgique en tout cas, tu passes ton temps dehors ; rétorqua Satoshi.

Alors que les jumeaux se disputaient et qu’Angéla subissait les retombées de ses bêtises auprès d’Ambre et June, je vis Asuna sortir de sa salle de classe.

Je la saluais de loin comme j’en avais l’habitude mais cette dernière ne me répondit que par un bref signe de la main avant de détourner le regard et partir dans la direction opposée.

C’était déjà la troisième fois cette semaine. J’avais bien envie de la rattraper et lui demander ce qui n’allait pas mais Maya me donna un grand coup dans le dos et m’obligea à rester pour subir ses moqueries tandis que mon amie d’enfance disparaissait dans les étages inférieurs…

Le reste de la journée se déroula sans autre embrouille. Asuna était venue au club de duel le soir mais j’avais préféré ne pas lui adresser la parole, cherchant encore ce qui clochait avec elle. Puis, vers dix-huit heures, Angéla rentra chez elle avec les jumeaux, tandis que June, Ambre et Maya partirent de leur côté, me laissant seul avec mon amie d’enfance.

L’ambiance était pesante. Elle ne disait rien et se contentait de regarder au loin, comme perdue dans ses pensées et moi, je ne savais toujours pas la raison de cet éloignement soudain.

Après deux minutes de silence absolu, je décidai de briser ce malaise qui planait sur nous.

-Asuna…

-Dis Drago, ça te dirait d’aller manger un bout ? Me coupa-t-elle d’une voix évasive.

N’ayant aucune raison de refuser, j’acceptai. Et puis, si cela me permettait de comprendre le changement d’attitude soudain d’Asuna, j’avais tout à y gagner.

Mon amie d’enfance prit les devants et je la suivis. Nous marchâmes dans les rues pendant longtemps, passant devant de nombreux cafés sans nous arrêter. Asuna semblait définitivement perdue dans ses pensées, regardant les boutiques et les rues d’un air pensif et ne disant pas un seul mot.

Finalement, nous arrivâmes devant un parc et elle s’arrêta net, fixant les jeux pour enfants se trouvant là.

-Tu veux t’arrêter quelques instants ? Lui demandai-je soudain.

-Non, ça ira, j’ai passé l’âge de m’amuser au parc ; me répondit-elle avec un léger sourire avant de reprendre sa route sans ajouter autre chose.

Après une bonne heure à tourner dans les rues, la nuit tomba et les lumières de la ville prirent la place du soleil. Voyant qu’Asuna n’arrivait pas à se décider, je désignai un restaurant pour diner et elle accepta sans grande conviction.

-Oh, un restaurant de ramen…déclara-t-elle d’un air nostalgique en regardant la carte.

-J’ai pensé que tu aimerais comme il y en a aussi au Japon ; lui répondis-je en souriant.

Asuna n’ajouta rien et se replongea son nez dans le menu sans montrer d’avantage d’expression. La tension n’était toujours pas redescendue et j’avais même l’impression qu’elle s’était accentuée. Je voulais vraiment trouver quelque chose à dire pour détendre l’atmosphère mais le regard d’Asuna semblait continuellement perdu au loin.

Finalement, après une bonne demi-heure sans dire un mot, la fille aux yeux vairons sortit de ses pensées et me demanda sans me regarder :


https://www.youtube.com/watch?v=4FqoqxD-DHA


-Dis Drago, tu sors vraiment avec Angéla ?

-Oui…enfin plus ou moins puisque rien n’a changé entre nous. Je ne sais même pas si on peut dire que nous sommes un couple ou deux amis qui jouent au couple…

-Il n’empêche que tu as bien changé depuis que tu as disparu.

Je regardai mon amie, surpris. Même si mes souvenirs du passé concernant Asuna avaient presque totalement disparus, tout le reste me semblait clair et limpide…et pourtant, c’était comme si la disparition d’Asuna de ma mémoire l’avait totalement chamboulée, réécrivant tous mes souvenirs, cherchant une cohérence dans un monde sans elle…

-Asuna…est-ce que tu pourrais me parler un peu du passé ? J’ai l’impression que tout ce dont je me souviens…n’a jamais existé…ou que ce n’est pas la vérité…En quoi ai-je changé ? Qui était le Drago que tu as connu autrefois ?

Un léger sourire traversa le visage de mon amie d’enfance et cette dernière rit légèrement avant de s’accouder à la table.

-Le Drago que j’ai connu…n’aurait jamais eu le courage de faire sa déclaration à une fille ; commença-t-elle d’un air moqueur.

-Il y a quelques temps, j’en aurais été incapable aussi ; la repris-je, gêné. C’est simplement que les circonstances s’y prêtaient et…

-Mais tu l’as fait, c’est tout ce qui compte. La personne que j’ai connue ne laissait jamais paraitre un seul sentiment.

-J’étais…comme Satoshi ? Lançai-je dans l’espoir de la faire rire.

-Oh non, tu étais pire que lui ; pouffa-t-elle.

Asuna marqua une pause et posa un doigt sur ses lèvres, faisant semblant de chercher ses mots avant de reprendre :

-Je pense qu’asocial serait le mot qui définirait le mieux la personne que tu étais.

-Asocial ? répétai-je, interdit. C’est ridicule, je me souviens que…

Je m’arrêtai aussitôt, cherchant dans ma mémoire un souvenir qui démentirait les affirmations d’Asuna mais rien ne me vint à l’esprit. Aussi loin que je me souvenais, j’avais toujours été seul à l’école et c’était peut-être pour ça que l’absence d’Asuna de mon esprit ne m’avait pas dérangé. Mes souvenirs n’étaient que l’expression de ce que j’avais toujours désiré : être seul.

-Ce Drago là n’avait aucune considération pour les autres, il restait continuellement dans son coin, ne parlant à personne, ne répondant que par quelques mots lorsqu’on lui posait des questions et ne prenant même pas la peine de regarder la personne à qui il parlait, flemmard, bon à rien et par-dessus le marché n’ayant aucun objectif, telle était la personne que j’ai côtoyée chaque jour au collège.

Je restais bouche bée. J’avais l’impression d’avoir en face de moi la description d’un personnage caricatural de roman réaliste…et pourtant, mon amie d’enfance n’avait pas l’air de mentir et semblait essayer de retranscrire le plus fidèlement mon ancien moi…

-Asuna…dis-moi…si j’étais tel que tu me décris…pourquoi restais-tu à mes côtés ? Pourquoi as-tu essayé de me retrouver ? La personne que tu me décris à l’air totalement détestable, moi-même je ne me serais jamais approché d’une personne pareille, alors comment cela se fait-il que tu aies risqué ta vie pour moi ? …

-Alors tu as définitivement tout oublié ? Tu ne te souviens vraiment pas de notre promesse ? Déclara Asuna les yeux voilés par la tristesse.

-Une…promesse ? Murmurai-je, tentant de retrouver dans les tréfonds de ma mémoire ce que j’avais pu promettre à Asuna, sans succès.

Tout à coup, je vis la main d’Asuna trembler et l’expression de la jeune fille se fit plus dure et plus déterminée. Elle ouvrit une première fois la bouche mais aucun son ne sortit, comme si elle ne trouvait pas le courage de me parler.

Je penchai la tête sur le côté, l’air intrigué, l’invitant ainsi à dévoila sa pensée et, après s’être mordue la lèvre, elle déclara :

-Est-ce que…Est-ce que tu aurais envie de rentrer à la maison, avec moi, dans ce monde qui est le nôtre?


Je fixai Asuna pendant quelques secondes, le temps que l’information arrive jusqu’à mon cerveau. Mon amie, elle, continuait à me regarder avec ces yeux insistants et déstabilisants si bien que je me sentis obligé de reculer sur la chaise, mal à l’aise.

J’avais déjà envisagé de rentrer dans ce monde par le passé mais j’avais abandonné cette idée à cause d’Angéla et des autres que je ne pouvais pas laisser, et encore moins dans une situation pareille. Cependant…j’avais pris cette décision avant de retrouver Asuna…Y’avait-il d’autres personnes comme elles s’inquiétant pour moi dans cet autre monde malgré la description atroce que mon amie faisait de moi ?

Soudainement, le regard de la jeune fille s’adoucit et elle se mit à rire légèrement et je me détendis.

-Je plaisante Drago, je voulais simplement voir ta réaction ; lança-t-elle avec un large sourire. Evidemment que tu préfères rester dans ce monde, surtout maintenant qu’Angéla compte sur toi ! Et de toute façon, même si je le voulais, je ne pourrais pas rentrer avant un bon bout de temps…

-Attends Asuna…tu veux dire que tu es venue me retrouver dans ce monde en sachant que tu pourrais peut-être ne jamais rentrer ? M’étranglai-je. Mais pourquoi ?

-En théorie, j’aurais du pouvoir rentrer quand je l’aurais voulu…mais nous n’avions pas prévu ce problème avec le monde des esprits…Donc tant que le problème ne sera pas réglé, je serais coincé ici avec toi ! S’exclama-t-elle en riant.

Cependant, je sentais qu’elle se forçait à rire et à sourire à ce moment-là. Il y avait quelque chose dans ses paroles qui n’était pas naturel, une sorte de tristesse qu’elle tentait de dissimuler derrière une fausse joie…

-Asuna ; la repris-je plus sérieusement.

-Oh mais ne t’inquiète pas pour moi, j’ai prévenu tout le monde que je partais pour une durée indéterminée, et puis, je me suis plutôt bien habituée à vivre ici, cela ne me dérange pas du tout de rester…

-Tu m’aimais, n’est-ce pas ?

L’air détendu et souriant de la jeune fille disparut aussitôt que j’eus prononcé ces mots et elle baissa la tête vers son verre d’eau avant de croiser les bras sur la table et de soupirer.

-Qui sait, même moi je ne suis pas bien sûre de comprendre ce que je ressentais…

-Si ce n’était pas ça, pourquoi aurais-tu tout risqué en traversant les dimensions simplement pour me retrouver ?

-Je ne suis pas jalouse d’Angéla si c’est ce que tu veux savoir ; me répondit-elle en détournant le regard.

-Alors explique-moi pourquoi tu as changé d’attitude depuis une semaine ?

-Parce que j’ai compris finalement que l’ami que je recherchais était mort en même temps que ses parents et qu’il ne reviendrait jamais…acheva-t-elle d’un ton chargé de regrets.

Je ne trouvai rien à répondre à cela. Je pensais vraiment que ce n’était que de la simple jalousie qui avait poussé Asuna à s’éloigner de moi mais je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’elle ait pu penser une telle chose…Etais-je différent à ce point de mon ancien moi ? Je ne pouvais même pas m’appuyer sur mes souvenirs, faussés par l’absence de mon amie d’enfance pour trouver les mots qui auraient démenti ses propos…

-Je suis vraiment désolé Asuna…

-Et pourquoi t’excuses-tu ? C’est moi qui ai été stupide dans cette histoire. Même si j’ai compris depuis longtemps que le Drago que j’ai connu ne reviendrait jamais, j’ai été soulagée aussi.

-Soulagée ? Répétai-je sans comprendre.

-Soulagée de comprendre que, sans tes souvenirs, tu pourrais enfin vivre une vie heureuse.

-Est-ce que j’étais une personne horrible et renfermée sur elle-même à ce point avant toute cette histoire ? Lui demandai-je, presque effrayé par moi-même.

-Sache que tu n’as pas toujours été ainsi. Il fut un temps où tu étais comme maintenant, un temps remontant à l’année de notre rencontre il y a plus de dix ans…mais tu as changé du jour au lendemain pour devenir cette personne…

Asuna marqua une pause pour reprendre son souffle et posa sa main sur son œil vert tout en fermant l’autre avec un léger sourire.

-Lorsque nous étions petits, j’ai été gravement blessée à l’œil droit. Tu étais là lorsque c’est arrivé et, alors que je pensais que j’allais perdre la vue, je ne sais pas comment tu as fait, mais tu m’as guérie et ce n’est qu’après que tu as changé du tout au tout.

Un souvenir vague me revint en tête mais il n’y avait que des images floues et informes…C’était inutile. Peu importe les efforts que je faisais pour me remémorer tous ces événements, c’était exactement comme si Asuna me racontait une histoire que j’avais entendue mais à laquelle je n’avais jamais prêté attention. Et pourtant, je sentais dans sa voix qu’il n’y avait aucun mensonge ni déformation.

Avais-je réellement fait cela par le passé ? Même dans ce monde où tout pouvait arriver, jamais je n’avais eu de pouvoir de guérison ou quelque chose s’en rapprochant…J’avais l’impression que plus Asuna me parlait du passé et plus les mystères l’entourant s’épaississaient…

-Si tu veux tout savoir, mon objectif était bel et bien de ramener mon ami dans notre monde et j’aurais tout fait pour te convaincre d’y retourner, je n’aurais pas hésité à te ramener de force s’il le fallait. Je voulais te sauver à mon tour comme tu m’as sauvée il y a dix ans…mais tu as changé. Tu es amnésique et tu es redevenu toi-même, comme si ces dix dernières années n’avaient jamais existé pour toi.

-Ces années…ont-elles vraiment existé pour moi ? Murmurai-je alors.

-Si tu n’en as aucun souvenir, alors on peut dire que…

-Ce n’est pas ce que je veux dire ; l’interrompis-je.

Asuna haussa les sourcils, l’air surprise. Sur le moment, je ne compris pas ce qui m’arrivait, mais un énorme sentiment de doute m’envahit. Je réfléchis quelques secondes sur ce qui me faisait douter et je finis par trouver une explication.

-La question n’est pas que je me souvienne ou non de ce qu’il s’est passé mais j’ai l’impression que toutes ces années se sont déroulées comme un long rêve éveillé pour moi.

-Comment peux-tu affirmer une telle chose si tu n’en as aucun souvenir ? S’étonna-t-elle.

-Même si ma mémoire me fait défaut, je sais que tout n’est pas faux dans mes souvenirs et je sais également que cette vie n’était pas celle à laquelle j’aspirais. Au fond de moi, pour une raison qui m’est inconnue, je rejetais le monde extérieur tout en désirant m’y rattacher. Je ne rêvais pas d’aventure, je voulais simplement m’échapper de ce monde et ce, depuis ton accident d’après ce que je comprends.

-Mais ce n’est pas parce que tu rejetais ce monde que ces dix années n’ont pas existé pour toi ! Rétorqua Asuna.

-Si, bien au contraire. En refusant de voir le monde qui m’entourait et en me refermant sur moi-même, c’est comme si quelqu’un d’autre avait vécu à ma place. C’est peut-être pour ça que j’ai tout oublié, parce que ces souvenirs étaient trop fragiles, je ne les ai pas vécus, je n’ai fait que regarder.

A ce moment-là, je crus qu’Asuna allait s’énerver pour de bon à en juger par son expression contraire mais cette dernière se contenta de baissa la tête vers son assiette en riant légèrement.

-Et dire que pendant toutes ces années, j’ai essayé de te faire redevenir tel que tu étais lorsque nous étions petits mais que malgré tout, je suis tombée amoureuse de celui que tu étais devenu…

-Mais si je retrouvais mes souvenirs, penses-tu que je resterai ainsi…ou bien cet ancien moi referait-il surface ?

-Je pense qu’il vaut mieux que tu restes tel que tu es maintenant, autant pour toi que pour moi. Même si j’aimais cette personne de tout mon cœur et j’aimerais la revoir au moins une dernière fois, il serait égoïste de ma part de te faire replonger dans cet état.

Asuna releva la tête et me regarda droit dans les yeux avec un sourire rayonnant cette fois-ci.

-S’il te plait Drago, garde ce sourire pour toujours et rend Angéla heureuse avec !

Cependant, au même moment, lorsqu’Asuna prononça ces mots, je vis une larme perler de son œil, larme qui disparut aussitôt et j’eus un pincement au cœur, comme si une partie de moi venait de perdre quelque chose de très important.

Nous ne pûmes continuer cette discussion plus longtemps car nos plats arrivèrent et visiblement, Asuna n’avait pas envie d’en dire d’avantage. Nous passâmes le reste de la soirée à parler de choses plus banales comme les activités de club, les cours ennuyeux et mon amie me donna également quelques nouvelles de Ladd qui semblait se porter bien puisqu’il continuait à se plaindre en permanence et que Sherry avait envie de le mettre à la porte à chaque fois qu’Asuna lui rendait visite. Je n’eus néanmoins aucune réponse sur la raison de ces visites régulières et sur pourquoi le Dragon acceptait de la voir elle et pas moi.

Je la raccompagnai ensuite chez elle puisque son appartement était sur le chemin du retour avant de rentrer à mon tour vers onze heures du soir.

Allongé sur mon lit, je me mis à repenser à ce qu’Asuna m’avait révélé plus tôt dans la soirée. J’avais vraiment du mal à croire que mon ancien moi était aussi différent de mes souvenirs mais tout ce qu’elle m’avait dit me paraissait cohérent même si je n’arrivais toujours pas à me remémorer pourquoi j’avais changé subitement.

Cela avait forcément un rapport avec son accident, la coïncidence aurait été beaucoup trop grosse…mais plus j’essayais de me souvenir, plus la réponse semblait m’échapper. Pourtant, même en ayant perdu la mémoire, un tel événement aurait dû me marquer et laisser des traces. Pour avoir failli perdre un œil, il ne devait pas s’agir d’un simple accident…Et puis, cet œil vert, c’était lui qui avait fait remonter en moi les premiers souvenirs concernant Asuna l’année passée. La réponse à tout se trouvait-elle dans les yeux vairons de mon amie ? Une sorte de miracle s’était-il vraiment produit ce jour-là ? Et si oui, qui pouvait en être à l’origine ?…

Une pensée folle me traversa soudainement l’esprit. Il ne pouvait y avoir que deux personnes présentes à un tel moment : un membre de ma famille comme Théa ou bien…Ladd…

Cet esprit…était-il celui ayant sauvé Asuna ? Cela aurait expliqué pourquoi elle était la seul qu’il acceptait de voir. Mais quelque chose clochait : Ladd ne m’était apparu la première fois que durant mon périple avec Angéla et Darksky et assez tardivement en plus. Par-dessus tout, il n’avait pas l’air spécialement amical envers les humains et encore maintenant ses vraies motivations dans cette guerre m’étaient inconnues.

Pourquoi Ladd aurait-il sauvé Asuna avant de disparaitre pendant plus de dix ans tout en continuant à me cacher une telle information ?

A force de tourner en rond sans aboutir à rien, je finis par m’endormir, non sans garder toutes mes interrogations en tête…

Le lendemain, je devais avoir une tête patibulaire car Maya passa la journée à me lancer des piques tandis qu’Ambre semblait s’inquiéter pour moi. Il était vrai que j’étais perdu dans mes pensées, repensant encore et encore à la raison de cette perte de mémoire et ce n’est que lorsque June me réveilla en me tirant les oreilles à l’heure de la pause déjeuner que je sortis enfin de mon monde.

-Drago, à quoi tu joues aujourd’hui ? Me demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Tu as l’air complètement ailleurs. S’est-il…passé quelque chose hier ?

-Non, non, rien du tout ; lui répondis-je précipitamment, je repensais simplement à mon ancienne vie et…

Je fus interrompu soudainement par l’arrivée de Serena qui accourait vers nous, l’air affolé, suivi de Satoshi qui, pour une fois, affichait un semblant d’expression contrariée.

-Un problème Serena ? S’étonna June.

-C’est…C’est…Bégaya-t-elle.

-Un autre qliphort ? S’exclama aussitôt Angéla, sur le qui-vive et pensant tout de suite au pire.

-Non, pas un qliphort ; lui répondit calmement Satoshi. Mais c’est l’idée. Nous venons de recevoir un message d’Asuna : elle est avec Ladd et il semblerait qu’elle ait trouvé la solution pour se rendre dans le monde des esprits.


A ces mots, tout le monde écarquilla les yeux. Alors voilà de quoi Ladd et Asuna parlaient depuis tout ce temps, tous deux cherchaient un moyen de pénétrer dans le monde des esprits. Cela n’expliquait toujours pas pourquoi l’esprit n’acceptait de voir que mon amie d’enfance mais grâce à ça, nous étions capables d’aller rejoindre Hélios et régler tous nos problèmes d’un seul coup.

Et, plus que tout, dans le monde des esprits se trouvait ma sœur. Peut-être que si nous parvenions à la ramener dans ce monde, non pas sous forme d’esprit mais sous forme humaine tout comme Ladd, elle pourrait vivre à nouveau parmi nous en tant qu’humaine…Cela paraissait fou mais je devais m’accrocher à cet espoir.

Galvanisé par cette nouvelle, je ne perdis pas une seconde et, chargeant les autres de trouver une excuse pour justifier mon absence, je me précipitai hors de l’école.

Cependant, je n’étais même pas arrivé au rez-de-chaussée que June me rattrapa et me pris par l’épaule pour me retenir.

-Attends Drago, est-ce que tu ne trouves pas ça louche toute cette histoire ?

-Je ne vois pas de quoi tu parles ; lui répondis-je en me dégageant. Il n’y a aucune raison que Ladd ou Asuna nous tendent un piège.

-Ce n’est pas de ça que je parle mais du portail vers le monde des esprits ; reprit-elle gravement.

-Si Hélios est capable de voyager entre ce monde et celui des esprits, il n’y a aucune raison que nous ne le puissions pas ; rétorquai-je en m’apprêtant à repartir.

-Non, tu ne vois vraiment pas de quoi je veux parler alors je vais m’exprimer plus clairement : mon père a fait des recherches et la fermeture de tous les accès au monde des esprits ne traduirait pas une fusion entre nos deux mondes mais une séparation définitive et irréversible.

Je m’arrêtai net, pensant avoir mal entendu mais, lorsque je me retournai vers la jeune fille, elle me regardait d’un air très sérieux, les bras croisés sur la poitrine, attendant ma réponse.

-Mais dans ce cas, que se passe-t-il vraiment ? Murmurai-je.

-Ce n’est qu’une théorie de mon père mais il semblerait que notre univers soit divisé en trois mondes bien distincts : celui des esprits, le nôtre et un troisième dont nous ignorons tout. Cependant, il y a longtemps, il y a plus de dix mille ans, lors de la guerre qui scella les qliphort, notre monde s’est rapproché de celui des esprits, jusqu’à devenirs si proches qu’ils commençaient à se confondre.

-Et donc…tu es en train de me dire que le retour de ces choses est en train de rétablir l’ordre ? Lui demandai-je en serrant le poing.

-Tout cela n’est que théorie, rien n’est sûr. Tout ce que l’on sait, c’est que les esprits de duel ont disparus de ce monde, tout le reste peut être vrai tout comme il peut être faux.

-Et dans ce cas, qu’essaies-tu de me dire ? De ne rien faire et rester les bras croisés pendant qu’une catastrophe se prépare ? Répliquai-je.

-Je veux simplement te dire de ne rien faire de précipité tant que nous n’en savons pas plus. Que ferais-tu si tu étais coincé dans le monde des esprits ? Pire, si tu te retrouvais dans ce troisième univers dont on ne connait rien ?

-Je dois le faire June. Si je n’agis pas maintenant, je risque de perdre ma sœur à tout jamais et ça…je ne le permettrai pas.

June me sourit et tourna les talons pour remonter en classe.

-Fais ce que tu veux, tant que tu reviens sain et sauf. N’oublie pas, Angéla compte sur toi désormais ; me lança-t-elle depuis le haut des escaliers avant de disparaitre.

-Ne t’inquiète pas June, je n’abandonnerai pas Angéla ; murmurai-je à moi-même avant de reprendre ma route.

Je courus donc jusqu’à la sortie de l’école et je vis Satoshi adossé contre le mur qui, par un tour de force étrange, m’avait dépassé et semblait m’attendre. Je n’eus même pas besoin de demander ce qu’il faisait là, j’avais déjà la réponse. Ainsi, nous nous mîmes tous les deux en route pour le manoir de Sherry, ayant tous les deux les mêmes objectifs : retrouver quelqu’un de l’autre côté et le ramener sain et sauf.

Nous prîmes le premier taxi que nous vîmes qui nous emmena à notre destination en moins d’une demi-heure et, lorsque nous descendîmes de la voiture, Asuna se trouvait à l’entrée du manoir, l’air préoccupé mais son visage se détendit en nous voyant.

-Satoshi, Drago ! Nous appela-t-elle immédiatement. Vous n’êtes que deux ? Où sont les autres ?

-Je n’ai pas vraiment fait attention si les filles nous suivaient ou non ; avouai-je. Mais je pense qu’Angéla et les autres sont restées à l’école et…

-Asuna, est-ce vrai ? Me coupa Satoshi. As-tu vraiment trouvé un moyen de te rendre dans le monde des esprits ?

-Venez voir par vous-mêmes ; nous répondit-elle en faisant demi-tour.

Nous suivîmes mon amie d’enfance jusqu’à l’intérieur du manoir sans dire un mot. Nous ne croisâmes ni Sherry ni Ellsworth à l’intérieur mais lorsque je demandai à Asuna, elle se contenta de hausser les épaules.

Nous passâmes à travers de nombreux longs couloirs jusqu’à arriver dans la grande bibliothèque de la demeure où s’entassaient des milliers de livres poussiéreux sur des étagères à perte de vue.

Ladd se trouvait au bout de la salle, dans son habituelle armure noire et or, les bras croisés, nous tournant le dos et faisant face à un grand cercle métallique touchant presque le plafond qui culminait à plus de trois mètres. Sur ce cercle de nombreux fils s’entremêlaient et devant, je repérai ce qui ressemblait à un terminal de commandes où plusieurs boutons de couleur clignotaient.

En nous voyant, l’esprit de duel se retourna et me fixa immédiatement avec ses yeux bicolores, ce qui me mit tout de suite mal à l’aise. Il m’était impossible de déchiffrer ses émotions mais je sentais une certaine tension dans l’air, comme si quelque chose de grand allait se jouer.

-Asuna, tu n’étais pas obligée de ramener cet incapable ; déclara ce dernier en guise de salutation.

-Merci pour l’accueil ; rétorquai-je tout aussi aimablement. Et donc, qu’est-ce que c’est que cette abomination ?

-Une reconstitution des passerelles d’Hélios ; me répondit Satoshi sans montrer la moindre trace de surprise dans sa voix.

-Bien vu Satoshi ! Lui sourit Asuna. Ça fait un petit moment qu’on travaille là-dessus avec Ladd : en nous basant sur les données extraites lors des voyages d’Hélios et grâce aux connaissances de Ladd sur le monde des esprits, nous avons été capable de reproduire le même phénomène que lorsqu’Hélios ouvre ses portails !

-Tu…Tu n’es pas censée être littéraire toi ? Bégayai-je, abasourdie.

-Je te rappelle que mes parents sont scientifiques, je n’ai choisi les lettres que pour changer un peu ; me répondit Asuna avec un clin d’œil.

Satoshi n’ajouta rien de plus et se dirigea vers le terminal de commandes puis appuya sur un bouton qui fit apparaitre une sorte de carte sur l’écran principal. Cependant, il n’y avait aucune coordonnée géographique dessus mais des données que je n’arrivais pas à déchiffrer, ainsi que plusieurs motifs ressemblant à des sphères aplaties.

-Je vois, vous avez repris les théories sur les trous de vers pour essayer d’en ouvrir un artificiellement ici, sur terre. Et avez-vous réussi ?

-Je ne sais pas, nous avons pu voir quelque chose de l’autre côté du portail mais je ne pouvais pas prendre le risque de le franchir pendant le Ladd apportait l’énergie nécessaire ; lui répondit Asuna.

-Dans ce cas, ne perdons pas une minute et essayons-le maintenant.


https://www.youtube.com/watch?v=SgBqSEyCZBE


Satoshi fit un signe de tête à Ladd qui grogna un peu mais s’exécuta quand même en se plaçant juste devant le portail. L’esprit de duel ferma ensuite les yeux tandis que Satoshi appuya sur un autre bouton qui fit grésiller le cercle métallique.

-Allumage Ok. Je mets en route la phase deux.

Satoshi tapa quelque chose sur le clavier et un bruit de moteur se mettant en marche retentit tandis que le corps de Ladd se mit à briller d’une lumière dorée en même temps que les voyants posés sur le cercle.

-Il suffit d’appuyer sur des boutons au hasard pour faire fonctionner votre machine ? Demandai-je à Asuna, sceptique.

-Tout est marqué sur le terminal, il suffit de suivre les instructions à la lettre mais cela demande une grande précision au niveau du timing ; me répondit Asuna, les yeux rivés sur le portail.

Tout à coup, un rayon de lumière en provenance de Ladd fusa vers le cercle métallique et un flash nous aveugla pendant quelques secondes. Lorsque je rouvris les yeux, je vis à l’intérieur du cercle, non plus le mur de la bibliothèque mais un écran sombre, comme si une épaisse fumée était contenue dans la surface du cercle.

Ladd posa un genou au sol, essoufflé mais l’air satisfait de lui-même en voyant le résultat pendant que Satoshi continuait à taper des instructions sur le terminal de commandes.

-Je viens de régler vos coordonnées sur le monde des esprits ; nous expliqua-t-il après quelques secondes. Normalement, si tout se déroule comme prévu, vous devriez arriver au pied de l’arbre des Naturia où se trouve la source du problème.

-Satoshi, je compte sur toi pour nous rapatrier s’il y a un problème ! Lui lança Asuna. Drago, prêt à faire le grand saut ?

J’hésitai un instant. Je n’avais pas réfléchi en me précipitant chez Sherry, ne voyant que l’opportunité de sauver Théa mais, maintenant que j’avais la possibilité de le faire, j’eus un moment de doute. Pouvais-je vraiment partir comme ça sans prévenir personne ? Ce monde n’avait-il pas plus besoin de nous en cas de problème que le monde des esprits où se trouvait déjà Hélios ? Théa avait-elle vraiment besoin d’être sauvée ou travaillait-elle dans son coin également ?

Tandis que je me torturais l’esprit, je reçus un message sur mon portable et mon cœur rata un battement en voyant l’expéditeur :

« Fonce Drago, June nous a tout expliqué, sauve ta sœur et reviens en un seul morceau ! » M’écrivait Angéla.

Une seconde plus tard, je reçus un autre message de la part de Maya me disant : « Tu as intérêt à revenir pauvre tâche, je ne tiens pas à consoler Angéla en apprenant ta mort ! »

« Ne t’inquiète pas pour nous, nous veillerons à ce que tout se passe bien ici. Et puis, n’oublie pas Darksky et les autres, nous ne sommes pas seuls dans cette bataille » affirmait Ambre.

Je ne pus m’empêcher de sourire en lisant tous ces messages me faisant chaud au cœur et tous mes doutes s’envolèrent d’un seul coup. Car oui, ce n’est pas comme si je partais en mission suicide pour affronter Armageddon seul. Tout ce que je faisais, c’était aller chercher ma sœur, la ramener et revenir aussitôt, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter…

Je me retournai vers Asuna, l’air déterminé cette fois-ci et je déclarai :

-Je suis désolé d’avoir pris la place de la personne que tu aimais mais j’espère que tu n’en tiendras pas compte là où nous allons.

-Non, ce n’est rien. Et puis, je l’aimais comme tu dis, mais ce que j’ai fait…

Mon amie d’enfance s’arrêta au milieu de sa phrase et secoua la tête comme pour sortir une pensée dérangeante de son esprit.

-Oublie ça Drago, ce n’est rien.

Alors que nous avancions vers la masse sombre à l’intérieur du cercle, Ladd me retint par l’épaule et me dit d’une voix grave :

-Drago, je ne peux pas venir avec vous mais sache que j’ai confiance en toi. Même si je ne le montre que rarement, je suis fier d’être ton protecteur et partenaire.

-Je suis heureux de t’avoir avec moi aussi, même si j’aurais préféré que tu ne me caches pas autant de choses ; lui répondis-je avec un sourire.

Ladd tourna la tête, gêné et j’en profitai pour me moquer un peu de lui, sachant que je n’aurais pas l’occasion de le faire avant un certain temps.

Asuna lança un dernier regard vers Satoshi qui lui fit un simple signe puis compta jusqu’à trois. Mon cœur s’accéléra soudain, mes mains se mirent à trembler et quelques gouttes de sueur perlèrent de mon front alors qu’Asuna m’entrainait avec elle à travers le portail.


https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4


Au moment même où mon corps entra en contact avec la matière noire, je reçus une décharge électrique qui me fit hurler de douleur. J’essayais de prendre sur moi mais j’avais l’impression que mon esprit était en train de se disloquer. Etrangement, Asuna, elle, ne semblait rien ressentir mais moi, tous mes muscles me faisaient souffrir comme si on m’avait plongé dans un bain d’acide.

Tout à coup, un mal de crâne insupportable vint s’ajouter à la douleur physique et des images défilèrent dans ma tête. Je me voyais, petit, avec Asuna qui possédait encore deux yeux bleus, puis une giclée de sang et mon amie d’enfance se tenant l’œil gauche en pleurant. Puis arrivèrent de nombreux autres souvenirs tandis que peu à peu, je sentais que quelque chose s’échappait de mon esprit.

J’étais en train d’oublier quelque chose, quelque chose de très important, une fille, aux longs cheveux blonds et aux yeux bleus comme l’azur, avec un sourire franc et sincère sur un visage enfantin…Son nom…Quel était-il déjà ? Et ces personnes, ce garçon aux cheveux noirs et au regard triste, cette fille brune aux yeux verts comme l’azur, ce type en armure dorée…Qui étaient-ils ?

Non…Je ne voulais pas oublier…Pas encore…je ne voulais pas oublier…Qu’est-ce que je ne voulais pas oublier déjà ? ….

Tandis que des visages inconnus s’effaçaient peu à peu de ma mémoire, je sentis une main contre la mienne et je me laissai sombrer dans l’inconscience.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Je me réveillai sur un sol dur et froid. Tout mon corps était endolori comme si on m’avait passé sous un rouleau compresseur. Je tentai de me relever mais à peine eus-je bougé un bras que la douleur s’intensifia à tel point que je renonçai immédiatement.

Lorsque j’ouvris les yeux, mon cœur faillit s’arrêter. Je me trouvai devant chez moi. Cependant, j’avais du mal à reconnaitre les lieux. La pelouse était brûlée, les maisons voisines détruites, la route défoncée et des dizaines de voitures s’entassaient sur les bas-côtés.

Je n’étais pas seul, debout à côté de moi, il y avait mon amie Asuna regardant quelque chose au loin, le regard vide.

Dans un effort surhumain, je réussis à me redresser même si je crus que j’allais y passer pour de bon mais elle n’eut aucune réaction et continuait à regarder un point fixe.

-Non…Ce n’est pas possible…Ce n’est pas le monde des esprits…Marmonnait-elle, l’air effrayée. Tout mais pas ici…

-Asuna…Que s’est-il passé ? Lui demandai-je dans un murmure.

La jeune fille se retourna et je pus voir sa mine décomposée et ses mains tremblantes.

-Drago…Ce n’est pas le monde des esprits ; déclara-t-elle en regardant frénétiquement de tous les côtés.

-Le…Monde des esprits ? Répétai-je, interdit. De quoi parles-tu ?

Mon amie d’enfance recula d’un pas, ouvrant la bouche et la refermant aussitôt sans qu’aucun son n’en sorte.

-Tu…Tu ne te souviens pas Drago ? Bégaya-t-elle affolée. Notre mission, nous devions…

-Une mission ? De quoi parles-tu ? Et réponds-moi, que s’est-il passé ici ? Je me souviens de la mort de mes parents…puis le trou noir…Combien de jours se sont écoulés depuis ?

Asuna devint alors livide comme si elle avait vu un fantôme. Je ne comprenais plus rien. Pourquoi tout était en ruines ? Pourquoi Asuna se comportait-elle aussi bizarrement ? Et pourquoi avais-je cet étrange impression d’avoir perdu quelque chose de très important pour moi ?

Je fus interrompu dans mes pensées par un bruit de moteur qui se rapprochait de nous. Pensant qu’il s’agissait de quelqu’un qui pourrait m’éclairer sur la situation plus que mon amie, je me trainais jusqu’à la route dans l’espoir qu’il s’arrête.

-Attends Drago, non, ne fais pas…

Asuna n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’une sorte de robot tel qu’on en voit dans les films de science-fiction surgit de derrière une maison et pointa immédiatement une arme sur moi et je me figeai.

La jeune fille tenta de s’interposer mais aussitôt, une vingtaine d’hommes armés sortant de nulle part surgirent et nous encerclèrent totalement, nous coupant toute ligne de retraite. L’un d’eux se détacha du groupe, un général à en juger par ses galons et vint se placer à côté d’Asuna, un sourire satisfait sur les lèvres :

-Je vois que tu as tenu ta promesse Asuna, tu nous as finalement livré Drago, le fils du professeur Mio…ou devrais-je dire, le garçon provenant d’une autre dimension.



Hoshino Asuna: A la recherche du passé perdu


Prologue



Spoiler :


Un paysage de désolation, un champ de ruines à perte de vue, un épais manteau de neige rouge recouvrant ce qu’il restait de ce qui autrefois était ma maison, notre village, à Drago et à moi, des dizaines de voitures s’entassant sur le bord de la chaussée méconnaissable, des objets éparpillés et abandonnés un peu partout, pas un seul bruit à l’exception de ma respiration saccadée après un tel voyage et le sifflement d’un vent mordant et glacial…

Combien de temps étais-je partie ? Cela ne faisait qu’un an que j’avais rejoint Drago dans l’autre monde et pourtant ici, un siècle semblait s’être écoulé, un siècle ravagé par la guerre et le malheur ayant totalement décimé la population…

Jamais je n’aurais dû m’absenter. Plutôt que de courir après une chimère, j’aurais dû rester et me battre quitte à y laisser la vie. A présent, il était trop tard. J’avais vraiment échoué sur tous les plans. Le Drago que je connaissais n’était plus, la ville que je m’étais jurée de protéger était détruite et les personnes que j’aimais avaient disparu pour toujours…

Dire que tout cela ne serait jamais arrivé si j’avais été plus prudente ce jour-là, le jour où ma vie a basculé, le jour où je suis devenue mi humaine, mi esprit de duel…

Mes souvenirs concernant cet épisode restaient flous à cause du choc mais je me souvenais du principal.

Je me baladais dans une ruelle sombre en compagnie de Drago pour rentrer chez moi après l’école et je voulais explorer la ville de fond en comble pour y trouver le plus de passages secrets possibles. Nous devions avoir sept ou huit ans à l’époque mais le quartier était sur et nous savions qu’il n’y avait aucun individu louche dans ce village…du moins, nous le croyions…

Un homme armé d’un couteau était sorti de nulle part et, sans autre forme de procès, s’était rué sur Drago. Cependant, il ne semblait pas être un simple délinquant, il donnait vraiment l’impression d’avoir choisi sa cible en la personne de mon ami.

Sans réfléchir, je m’étais interposée et, recevant le coup fatal à sa place, j’avais ressenti une vive douleur à l’œil gauche avant de perdre connaissance en voyant du sang s’écouler abondamment de ma figure.

J’avais fait un rêve étrange dans mon coma. J’avais vu une sorte de dragon rayonnant de lumière d’un côté, se fondant dans l’obscurité de l’autre. J’étais trop effrayée pour faire le moindre geste mais la créature ne bougeait pas et se contentait de me fixer pendant un long moment avant de disparaitre dans un rayon doré.

Lorsque j’avais repris mes esprits, je pensais avoir perdu la vue mais, en ouvrant les yeux, tout était normal, comme si rien de tout cela n’était arrivé. Drago était agenouillé à côté de moi, pleurant à chaudes larmes et j’avais senti que quelque chose avait changé en moi. Je ressentais la tristesse et la peur de Drago comme les miennes. Toutes ses émotions, je pouvais les voir et les comprendre.

C’est à partir de ce jour que je compris que j’étais devenue celle qui devrait veiller sur lui…


Hoshino Asuna : Le bonheur perdu



Spoiler :


Vide…La place à côté de la mienne était encore une fois vide. Cela faisait maintenant plusieurs jours que Drago n’était pas venu en cours. Cela n’étonnait plus personne dans la classe. Après tout, cela faisait maintenant presque huit ans que cet idiot ne venait que lorsqu’il en avait envie, c’est-à-dire moins d’une fois par semaine.

Pourtant, moi, je ne pouvais m’y habituer. J’étais certes la seule dans la classe à l’avoir connu avant cet incident qui l’avait radicalement transformé mais j’étais également la seule à savoir qu’il ne faisait pas cela par choix.

Tout à coup, je ressentis une vive douleur à l’œil gauche et je me levai d’un bond de ma chaise avant de sortir de la classe en vitesse. Depuis mon accident, j’avais ce privilège de pouvoir sortir à mon aise de cours sous prétexte que je devais prendre des gouttes pour les yeux même si je n’en avais nullement besoin puisque je voyais parfaitement bien.

En arrivant aux toilettes, j’enlevai mon bandeau cachant mon œil désormais vert émeraude et je me regardai dans la glace.

Il y avait une raison pour laquelle je cachais cet œil et pas simplement parce que mes yeux vairons – l’un bleu comme l’azur et l’autre vert comme l’émeraude – mettaient mal à l’aise tous ceux me regardant dans les yeux et qu’ils étaient tout sauf naturels, et cette raison se manifestait encore aujourd’hui.

Dans mon œil gauche, un étrange motif scintillait. La première fois que cela m’était arrivé, c’était juste après mon accident et j’avais paniqué mais depuis le temps, j’avais fini par en deviner la signification. Si ce motif apparaissait dans mon œil, alors quelque chose d’inhabituel était en train d’arriver à Drago.

J’attendis que la douleur passe puis je remis mon bandeau avant de prendre le chemin de la maison de mon ami d’enfance.

Il n’y avait personne dans les rues à cette heure-là mais ce n’était pas plus mal. En général, les gens s’écartaient pour me laisser passer en me voyant, me prenant pour une grande blessée et je n’aimais pas ça. Mais je ne pouvais pas non plus courir le risque que quelqu’un voit ce motif dans mon œil alors je prenais sur moi.

Le chemin menant chez Drago était assez joli de plus. Il s’agissait d’une longue route goudronnée mais bordée d’arbres projetant d’étranges motifs de lumière sur le sol lorsqu’il y avait du soleil et offrant également une bonne protection, si bien qu’il ne faisait jamais trop chaud sur ce chemin. Au loin, on pouvait distinguer la mer s’étendant à perte de vue ainsi qu’un grand bâtiment qui n’était autre que le centre de recherche dans l’aérospatial où travaillait le père de Drago.

Ce centre était reconnu dans le monde entier et travaillait en partenariat direct avec les plus grands organismes de recherche de la planète, comme le CERN où se trouvaient mes parents. Il fallait dire que depuis que le père de Drago avait été engagé, les découvertes se multipliaient, toujours plus extraordinaires les unes que les autres.

Après dix minutes de marche, je finis par arriver devant la porte de la maison de Drago. C’était une bâtisse comme il y en avait tant dans le voisinage mais elle se démarquait par la décoration singulière qui ornait les façades. Des fleurs de toutes les couleurs égayaient leur maison et le jardin ressemblait à ces jardins antiques tels qu’ils étaient décrits dans les livres d’histoire.

Je sonnai à la porte et quelques secondes après, je vis apparaitre le visage chaleureux de Théa dans l’ouverture. La sœur de Drago était un peu plus âgée que nous et avait déjà terminé ses études, ce qui lui donnait beaucoup plus de temps libre. C’était une grande fille qui devait avoisiner le mètres soixante-quinze, à la longue chevelure blonde en épis dans son dos avec une mèche tombant entre ses deux yeux, à en croire qu’elle ne se coiffait jamais. Ses grands yeux bleus lui donnaient un air assez enfantin, renforcé par ses joues rose et son sourire éclatant même si, lorsqu’on la connaissait un peu mieux, cette impression disparaissait totalement.

-Tiens, mais si ça ne serait pas Asuna, tu sèches encore les cours pour Drago ? S’exclama-t-elle en guise de bienvenue.

-Dis à ton frère de venir et je ne le ferais pas ; lui répondis-je en haussant les épaules.

-J’aimerais bien mais il n’est pas là pour le moment ; continua sa sœur en croisant les bras sur sa poitrine, l’air contrariée. Je pensais qu’il s’était enfin décidé mais il semblerait qu’il soit irrécupérable. Je ne sais même pas comment tu fais pour continuer à le supporter…

-Je me le demande parfois aussi ; soupirai-je. Mais je lui dois bien ça ; repris-je en mettant la main sur mon bandeau en souriant légèrement.

-En parlant de ça, et ton œil, tu ne peux toujours pas enlever ce truc ? Me demanda-t-elle d’un air compatissant.

-Ne t’inquiète pas pour ça Théa, ce n’est plus qu’une question de temps je pense, bientôt je devrais pouvoir voir à nouveau correctement ! Mentis-je, pensant qu’elle ne comprendrait pas.

-J’espère sincèrement pour toi…

Théa marqua une pause et regarda furtivement de chaque côté comme si elle pouvait être entendue ou observée et ajouta tristement :

-Je suis vraiment désolée, tout est de ma faute…

-Pourquoi t’excuses-tu ? Tu n’avais pas à savoir que ce jour-là, ce type serait présent pile au moment où nous dans cette ruelle ; rétorquai-je, étonnée.

-Si, j’aurais dû le savoir ; répliqua-t-elle en serrant les dents.

J’haussai les sourcils, étonnée. Théa avait toujours été très mystérieuse concernant cette affaire. Elle semblait en savoir bien plus qu’elle ne le laissait paraitre, mais à chaque fois que j’abordais le sujet, elle devenait complètement muette et tentait de détourner la conversation si bien que j’avais fini par abandonner, considérant cette attaque comme un coup de malchance, même si au fond de moi, je savais que quelque chose se cachait derrière…

-Enfin, je te souhaite de te rétablir rapidement ma petite Asuna, voir la vie en 2D ne doit pas être drôle tous les jours !

Sur ces paroles, je pris congés de la sœur de Drago. Mon œil ne me faisait plus souffrir, ce qui signifiait sûrement que les ennuis de mon ami avaient disparu. Je n’étais pas rassurée pour autant.

Ces derniers temps, je ressentais de plus en plus souvent cette douleur et de plus en plus longtemps. Mais les rares fois où Drago venait à l’école, il ne parlait de rien et je n’osais pas lui demander, de peur qu’il ne me questionne à mon tour. Lui non plus ne savais rien au sujet du pouvoir que j’avais acquis ce jour-là et je ne voulais pas qu’il le découvre, craignant sa réaction en apprenant que j’étais liée à lui, alors je prenais sur moi.

Je regardai l’heure : il ne restait plus qu’une heure avant la fin des cours, il était inutile d’y retourner, je n’avais qu’à inventer une excuse bidon comme à chaque fois. Je me dirigeai donc vers chez moi, c’est-à-dire deux rues plus loin.

Ce n’était pas pour rien que Drago et moi étions amis d’enfance. Je me souvenais encore du jour où il avait emménagé et où ses parents étaient venus se présenter à tout le voisinage. Aux premiers abords, ils m’avaient paru un peu étranges, tout droit sortis d’une autre époque mais cette impression s’était rapidement dissipée. Très vite, nous étions devenus de bons camarades de jeu et depuis nous ne nous étions plus séparés, pas même après cet incident.

Un aboiement m’accueillit lorsque je franchis le portail de mon jardin et un grand labrador noir me sauta dessus et me lécha le visage comme à chaque fois.

-Couché Gimpei ; lui ordonnai-je tout en essayant de me défaire du gros chien.

Il était mon seul compagnon lorsque j’étais chez moi depuis que mes parents étaient partis s’installer en Europe pour leur travail, un an plus tôt. Evidemment, ils m’avaient proposé de les suivre mais j’avais refusé catégoriquement alors ils m’avaient lassée là et revenaient uniquement pour les grandes vacances.

Je passai donc encore une soirée seule chez moi, me réfugiant dans mes devoirs et devant la télévision pour passer le temps, tout en guettant une potentielle réponse de Drago mais rien ne vint et je finis par m’endormir encore habillée.

Le lendemain commença comme une journée tout à fait banale. En arrivant en classe, je ne fus pas étonnée de trouver la chaise à côté de moi vide une fois de plus et je me contentai de sortir mes affaires pour le cours comme si de rien n’était.

-Salut Asuna, comment ça va aujourd’hui ? M’interpella une voix dans mon dos.

Je me retournai et je vis mon amie, Mina Kagari debout derrière moi et m’adressant un large sourire. C’était une fille assez maigre aux longs cheveux noirs toujours retenus par une petite barrette, aux grands yeux ébènes plein de malices et toujours prêts à dénicher les moindres ragots sur les gens de la classe et au visage assez rond, lui donnant à peine treize ans alors qu’elle en avait quinze comme nous tous. Elle en avait également l’attitude d’ailleurs mais c’était peut-être pour cela qu’elle était si appréciée et avait été élue déléguée à l’unanimité.

-Hier tu es partie sans prévenir personne, rien de grave j’espère ? Ajouta-t-elle d’un air inquiet.

-Salut Kagari ; lui répondis-je avec entrain. Et ne t’inquiète pas, j’avais simplement besoin de prendre quelques gouttes mais tout va bien maintenant !

-Quand même, tu es sûre que tu ne devrais pas aller voir un médecin pour ton œil ? Tu es de plus en plus souvent absente ces derniers temps ; insista la jeune fille.

-Non vraiment, je t’assure, dans un mois ou deux, tout devrait être fini ! affirmai-je tentant de paraitre confiante.

-Si tu le dis et en parlant de malade, qu’est-ce qu’il a Drago encore ? Me demanda-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine d’un air pensif.

-Va savoir, j’ai bien essayé d’aller voir chez lui hier mais il était sorti apparemment.

-Sérieusement ? Mais à quoi il joue ton copain encore ? S’exclama Kagari un peu trop fort si bien que tout le monde se retourna vers nous.

Je rougis immédiatement et d’un geste rapide, j’attrapai la jeune fille par les épaules pour la faire taire et je rétorquai :

-Arrête avec ça, on ne sort pas ensemble lui et moi, c’est juste un ami d’enfance, compris ?

-C’est ce que la fille dit aussi dans le Shôjo que je suis en train de lire et pourtant, à la fin, elle finit en couple avec le héros ; répliqua-t-elle, un sourire stupide aux lèvres.

-Peut-être, mais la vie n’est pas comme dans un Shôjo, lui répondis-je en la relâchant.

-Tu es vraiment froide Asuna, je t’ai connue plus rêveuse et amusante ; ronchonna la jeune fille en gonflant les joues de frustration.

J’allai lui répondre mais je m’abstins. Je ne pouvais pas lui révéler mon secret, pas même à elle, ma meilleure amie. Elle se serait soit moquée de moi pendant une semaine au mieux, soit m’aurait prise pour une folle au pire, et aucune de ces situations n’était envisageable. Après tout, comme révéler à quelqu’un que l’on possède un pouvoir qu’on ne comprend pas soi-même…

Soudain, la porte de la salle de classe s’ouvrit avec fracas et laissa rentrer le délégué adjoint, Ichigo Hajime. C’était un grand gaillard amateur de foot, qui en avait certainement plus dans les bras que dans la tête, toujours coiffé comme l’as de pique, et colérique sur les bords. Son visage était assez carré et ses petits yeux perçants lançaient des éclairs à tous ceux qui osaient croiser sa route. Il possédait également une cicatrice sur le nez qu’il ne manquait pas de faire remarquer.

Je soupirai déjà intérieurement lorsque je le vis se diriger vers moi d’un air menaçant tandis que tous les regards s’étaient tournés vers nous, encore…

-Eh, Ichigo, tu as une mine patibulaire, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? L’interpella Kagari qui était la seule à lui parler comme à n’importe qui dans la classe.

Le délégué adjoint l’ignora et se posta juste devant mon bureau, les bras croisés sur la poitrine, attendant visiblement des explications.

-Asuna, je peux savoir pourquoi tu as quitté l’école sans autorisation hier ? C’est la cinquième fois en deux semaines déjà ! Râla-t-il.

-Je suis allé renouveler mon stock de gouttes pour les yeux, je n’en avais plus ; lui répondis-je en haussant les épaules.

-Arrête de te moquer de moi Asuna ! rétorqua le grand gaillard sèchement. Ça fait maintenant presque huit ans qu’on se connait et ça fait huit ans que tu portes ce bandeau, ne me fais pas croire que ton médecin prolonge ton traitement chaque année de la sorte !

-Et pourquoi pas ? Répliquai-je tout aussi sèchement. Je te rappelle que je me suis pris un coup de couteau dans l’œil et c’est déjà un miracle que je m’en sois sortie !

-Justement, il n’y a aucune chance pour que tu n’aies aucune séquelle ! Soit tu as perdu la vue mais tu as trop honte pour le dire, soit tu fais ça juste pour qu’on te plaigne !

Ce qu’il dit à ce moment-là fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Cela faisait huit ans qu’il me ressortait le même discours, j’allais lui montrer une bonne fois pour toute et tant pis si je devenais la risée de l’école, au moins, j’aurais fait taire ce prétentieux.

Je me levai brutalement de ma chaise qui tomba au sol pour faire face à Ichigo. Il faisait bien une tête de plus que moi mais j’avais compris depuis longtemps qu’il parlait beaucoup mais agissait peu.

-Très bien, tu as gagné Ichigo, je vais te montrer mon œil et après, tu comprendras enfin !

-Oh, donc tu mentais tout ce temps ? Je l’ai toujours su que…

Je ne le laissai par terminer sa phrase et d’un seul coup, j’arrachai le bandeau cachant mon œil gauche et le visage du grand gaillard se décomposa tandis qu’un silence de mort s’abattit sur la salle de classe.

Cependant, contrairement à ce que je pensais, ce n’était pas la révélation de mon œil désormais vert qui avait engendré ce silence mais l’arrivée d’une personne dans la classe.

Je me retournai à mon tour et j’écarquillai les yeux en voyant dans l’ouverture de la porte un grand garçon blond au regard froid et dénué de vie.

-Drago…Murmurai-je partagée entre la surprise et la joie de le voir.


Tous les élèves fixaient mon ami comme s’ils avaient vu un fantôme. Il fallait dire que l’apparence de Drago s’en rapprochait beaucoup. Ses cheveux blonds partaient dans tous les sens et avaient perdu tout l’éclat que je leur connaissais auparavant. Sous ses yeux bleus et dénués de vie, de larges cernent creusaient son visage comme s’il n’avait pas dormi depuis plusieurs jours. Son uniforme n’était pas dans un meilleur état, plein de plis et de poussière.

Drago s’avança dans la classe sans tenir compte des regards tantôt interrogateurs, tantôt effrayés des élèves et vint s’asseoir à sa place habituelle, à côté de moi, comme si de rien n’était.

Kagari fut la première à se remettre du choc et adressa un grand sourire à Drago :

-D…Drago, ça faisait longtemps ! Bégaya-t-elle avec un sourire forcé, en essayant de paraitre naturelle.

Ce dernier ne réagit pas et se contenta de sortir ses affaires.

-Tu…Tu sais, tout le monde s’inquiétait de ne pas te voir, qu’est-ce qu’il t’est arrivé depuis une semaine ? Ce n’était pas trop grave j’espère ?

Drago ne prit pas la peine de répondre et c’est à ce moment-là qu’Ichigo reprit ses esprits à son tour et, se désintéressant totalement de mon cas, se tourna vers le jeune garçon avec des yeux ronds de colère et de mépris.

-Eh, tu pourrais répondre au moins ! S’écria-t-il en tapant du poing sur la table. Pour qui te prends-tu pour aller et venir à ta guise et en plus ignorer les rares personnes qui se soucient de toi ?

-Ichigo, ce n’est pas…Tenta d’intervenir Kagari avant de se faire interrompre.

-Je ne sais pas ce qui t’arrive Drago, mais si tu continues, je ne vais pas pouvoir te protéger plus longtemps et tu devras te débrouiller seul une fois renvoyé !

Le jeune garçon tourna soudainement la tête vers moi et me fixa de son regard vide. Sur le moment, je fus déconcertée car je sentais que, comme chaque fois qu’il venait à l’école, Drago cachait son envie d’être comme tout le monde et restait enfermé dans un cocon qu’il s’était lui-même créé afin de fuir le monde extérieur…

Je me rappelai soudain que je ne portais plus mon bandeau et, par réflexe, je cachais mon œil vert avec ma main mais il était déjà trop tard. Cependant, Drago ne sembla pas étonné et reporta son attention sur Ichigo, écumant de rage face à l’indifférence que Drago affichait.

-Dis, est-ce que c’est toi qui as demandé à Asuna d’enlever son bandeau ? Déclara-t-il soudain d’une voix monocorde.

-Que…Quoi ? Répéta le délégué adjoint, prêt à attraper mon ami par le col.

-Tu sais que l’œil d’Asuna craint la lumière ?

Je crus vraiment qu’Ichigo allait frapper Drago mais ce dernier tenta visiblement de se contrôler, même si je voyais dans les tremblements de son poing que ce n’était pas l’envie qui lui manquait.

-Quoiqu’il en soit Drago, n’essaie pas de détourner le sujet ! Tu vas devoir justifier toutes ces absences ou alors je ne donne pas cher de ta peau dans ce lycée !

Il se contenta d’hocher la tête sans grande conviction mais Ichigo n’eut pas le temps d’en dire plus car notre professeur rentra dans la classe à ce moment-là et tout le monde retourna à sa place.

-M…merci ; bégayai-je.

-N’oublie pas de remettre ton bandeau si tu ne veux pas que j’aie fait ça pour rien ; se contenta-t-il de répondre sans me regarder.

Je fis immédiatement ce qu’il me conseillait pour ne pas éveiller les soupçons d’Ichigo et le cours débuta. Cependant, mon attention était plus attirée par mon voisin que par ce que racontait le professeur. Drago prenait quelques notes de temps à autre mais il semblait ailleurs, comme toujours. Je n’osais pas non plus lui demander ce qu’il avait fait la veille de peur qu’il commence à se douter de quelque chose…

La pause déjeuner arriva après ce qui me sembla être une éternité. J’allai proposer à Drago de se joindre à moi pour une fois qu’il était à l’école mais je n’eus même pas le temps de ranger mes affaires qu’il était déjà parti.

-Ma pauvre Asuna, encore une fois rejetée ; ricana Kagari. Tu aurais vraiment besoin de mes conseils pour draguer parce que tu es complètement nulle !

-Arrête un peu avec ça toi, je m’inquiète juste pour Drago, il n’était pas comme ça avant…

Kagari haussa les sourcils, surprise mais je n’ajoutai rien et je me levai et pris direction de la cafétéria.

Comme chaque jour il y avait un monde fou mais, en tant que déléguée, Kagari avait droit à un passe prioritaire et elle m’en faisait profiter également. Cela me gênait un peu de passer devant tout le monde sans autre raison qu’être amie avec la déléguée mais Kagari insistait tellement que je ne pouvais pas refuser.

Nous retrouvâmes à notre table Ichigo qui était arrivé peu avant. Même s’il avait le physique et l’état d’esprit pour trainer avec les autres groupes, il restait assez isolé, principalement à cause de son statut de délégué adjoint et parce qu’il prenait son rôle un peu trop au sérieux et il venait d’en faire la démonstration le matin même…

-On se retrouve encore une fois à manger tous les trois je vois ! S’exclama Kagari avec entrain.

-Comme si je l’avais demandé ; râla Ichigo ne daignant même pas nous regarder.

-Je n’ai rien demandé non plus ; rétorquai-je, ses actions du matin me restant encore en travers de la gorge.

Ichigo me décocha un regard noir que je lui rendis immédiatement. Je ne pouvais vraiment pas supporter ce type et apparemment, c’était réciproque. Et pourtant, cela faisait presque huit ans que nous nous retrouvions chaque année dans la même classe…

Voyant que la discussion allait tourner court, Kagari détourna le sujet avec toute la finesse dont elle pouvait faire preuve.

-Oh, mais attendez avant de vous battre tous les deux, le conseil des étudiants m’a donné ça ce matin, regardez !

La jeune fille fouilla dans son sac et en ressorti une panoplie de prospectus destinés d’habitude aux élèves, encore dans leur emballage, ce qui montrait qu’elle y accordait une grande importance…

-Les recrutements de club commencent dans une semaine et puisque nous sommes au lycée maintenant, il faut en choisir un !

-J’ai reçu ces trucs là aussi mais je ne suis pas intéressé ; lui répondit Ichigo en continuant à manger.

-Je n’ai jamais fait partie d’un club non plus et je n’en ai pas particulièrement envie ; avouai-je.

-Ça tombe bien, moi non plus ! S’exclama la jeune fille.

-Et que veux-tu alors ? Lui demandai-je en connaissant déjà la réponse mais espérant me tromper.

-Créer un club avec vous deux évidemment !

Il y eut un instant pendant lequel personne ne dit rien, Ichigo étant trop occupé à s’étouffer car ayant avalé de travers tandis que je me prenais la tête dans les bras, sachant déjà qu’il était inutile de négocier et que je n’aurais d’autre choix que d’accepter.

-Un…Un club avec vous deux ? S’étrangla Ichigo une fois qu’il eut bu une grande gorgée d’eau.

-Et pourquoi pas ? Un club regroupant les deux délégués inséparables ainsi que la mystérieuse fille au bandeau, Asuna, ça ne te fait pas rêver ?

-Pas du tout, encore moins si Asuna est dans le club.

-Ne t’inquiète pas, je ne veux pas de toi non plus dans le club ; répliquai-je en ricanant.

-Mais moi je veux Ichigo dans mon club ! Protesta Kagari, les larmes aux yeux.

Le grand gaillard grimaça et, après que je lui ai envoyé un autre regard noir, soupira et finit par accepter à contrecœur. Etrangement, il jouait les gros durs avec tout le monde, et spécialement avec moi, mais n’osait rien refuser quand c’était Kagari qui lui demandait un service.

Je pris alors l’un des prospectus que la jeune fille avait laissés sur la table et je fronçai les sourcils en lisant l’une des informations.

-Kagari, dis-moi, tu sais ce qu’il y a marqué là-dessus ? Lui demandai-je, étonnée.

-Euh…non, pas vraiment, je n’ai lu que le titre, pourquoi ? S’étonna-t-elle en mettant son doigt sur ses lèvres comme elle le faisait quand elle réfléchissait.

-Parce qu’il y a marqué qu’un club doit comporter quatre membres au minium et, à moins que l’un de nous compte pour deux, nous ne sommes que trois.

Je vis un petit sourire se dessiner sur les lèvres d’Ichigo qui devait avoir compris qu’il était libre à nouveau, sourire qui s’effaça aussitôt que Kagari eut répondu.

-Oh, ce n’est pas un problème, nous avons déjà notre quatrième membre.

-Ah oui ? Nous nous exclamâmes Ichigo et moi d’une seule voix interdite.

Kagari se leva de sa chaise et commença à faire de grands gestes tout en appelant une personne venant d’arriver au self et que je ne connaissais que trop bien.

-Drago, par ici !

Ce dernier tourna la tête dans notre direction, intrigué par tant d’agitation. Je soupirai, pensant la cause déjà perdue et je repris mon déjeuner. Cependant, je faillis m’étranger avec mon riz lorsque je vis mon ami d’enfance répondre aux appels de Kagari et venir dans notre direction.

Lorsque Drago arriva à notre hauteur, Ichigo détourna le regard, gêné mais ce dernier ne lui prêta aucune attention et fixa la déléguée sans dire un mot, attendant qu’elle lui explique.

-Drago, tu n’as jamais été dans un club n’est-ce pas ? Lui demanda-t-elle d’une voix enjouée.

Mon ami d’enfance fit non de la tête et le sourire sur visage de Kagari s’élargit.

-Dans ce cas, que dirais-tu de rejoindre notre club ?

-Un club ? Répéta-t-il, une pointe de surprise dans la voix.

-Oui, avec Asuna et Ichigo, on a décidé de monter notre propre club et nous voulons que tu nous rejoignes, qu’est-ce que tu en dis ?

Même si je savais qu’il allait refuser et partir sans demander son reste, au fond de moi, je voulais vraiment qu’il se joigne à nous. S’il rejoignait un club, peut-être que cela lui permettrait de s’ouvrir plus aux autres et de redevenir le Drago que j’avais connu huit ans auparavant.

Sautant sur l’occasion, je pris la relève de Kagari :

-Allez Drago-chan, tu ne peux pas le faire pour moi ? Le suppliai-je en lui faisant les yeux doux.

Mon ami rougit et détourna le regard. C’était l’une des rares choses qui n’avaient pas changé chez lui, il était toujours aussi mal à l’aise quand je le taquinai avec ces suffixes que j’utilisais pour me moquer de lui. C’était en grande partie pour ça que j’étais persuadée que tout n’était pas perdu…

-Et pourquoi voulez-vous de moi en particulier ? Reprit-il en retrouvant sa froideur habituelle.

-Je ne veux pas…

-Parce que tu complètes à merveille notre trio ! S’exclama Kagari avant qu’Ichigo ne casse tout.

Drago pencha la tête sur le côté, un peu perdu.

-Un délire de Kagari ; lui répondis-je en haussant les épaules.

-Comment ça un délire ? Rétorqua la déléguée en gonflant les joues. Ichigo, tu es d’accord que Drago irait parfaitement avec nous ?

-O…Oui…Grimaça-t-il en serrant les dents tandis que je m’amusais à le voir obéir bien gentiment à sa supérieure.

Drago posa son plateau sur la table et, contre toute attente, alors que je pensais qu’il allait faire demi-tour et nous laisser là, sortit un crayon de son sac et prit un des formulaires qui trainaient là.

-J’accepte mais à une condition.

-La…Laquelle ? Bégaya Kagari, les yeux ronds de surprise.

-D’être membre uniquement sur le papier.

Mon ami nous renvoya le formulaire sur lequel il avait écrit son nom avant de ranger ses affaires, reprendre son plateau et de repartir déjeuner seul.

La déléguée m’arracha le papier des mains et écarquilla les yeux, manquant de tomber de sa chaise en voyant que son plan avait vraiment marché tandis qu’Ichigo ronchonnait dans son coin.

Je jetai un rapide coup d’œil vers Drago mais ce dernier était, comme à son habitude, seul au fond de la cafétéria. Cependant, l’espoir de ramener mon ami à la normale me revint. Enfin, en huit ans, je sentais que les choses allaient finir par bouger…


Dans l’après-midi, Kagari se chargea de distribuer les prospectus pour les clubs à tous les élèves avant de nous demander de l’accompagner au bureau des étudiants pour demander la formation du club. Même si Ichigo protesta un peu et si Drago mit presque dix minutes avant d’accepter de nous suivre, nous finîmes néanmoins à nous diriger tous les quatre vers la salle du conseil se trouvant au quatrième étage.

La déléguée semblait toute guillerette à l’idée d’avoir son propre club, Ichigo semblait se demander ce qu’il faisait là et quant à moi, je focalisai mon attention sur Drago. Ce dernier marchait derrière nous, guettant surement la première occasion pour s’échapper mais ce qui était étrange, c’était que je ne ressentais ni la peur ni la tristesse qui accompagnaient d’ordinaire mon ami. A vrai dire, je ne percevais rien à l’exception peut-être…d’une certaine curiosité peut-être…

Je me relevai légèrement mon bandeau et je fermai mon œil droit. Je fus stupéfaite par ce que je vis. L’aura sombre planant autour de Drago avait disparu pour ne laisser qu’une aura grisâtre marquant son ennui mais, en me concentrant encore, je pus apercevoir cette pointe de curiosité en lui.

Je me cognai soudainement à Kagari qui s’était arrêtée et je fus obligée de reporter mes considérations à plus tard car nous étions arrivés devant la porte du bureau des étudiants.

-Et bien alors, qu’est-ce que tu attends ? Lui demandai-je en voyant qu’elle ne bougeait plus d’un pouce.

-Je…j’étais en train de me dire…est-ce que tu ne serais pas mieux placée que moi pour être présidente de ce club ? Me demanda à son tour la jeune fille, tremblante.

-Oui…mais non ; lui répondis-je aussi sec.

-Allez Asuna, s’il te plait, je ne me sens pas d’assumer ce rôle ! Me supplia-t-elle.

-Accepte qu’on en finisse rapidement ; râla Ichigo, les bras croisés sur son torse et tapant frénétiquement avec son pied contre le sol.

-Pour une fois, je suis d’accord avec Ichigo, qu’on en finisse rapidement, soupirai-je.

La déléguée retrouvé aussitôt son sourire mais, pendant qu’elle me suppliait, une idée m’était venue en tête. Cela n’allait pas plaire à tout le monde, mais je pensais sincèrement que, grâce à cela, Drago serait obligé de s’ouvrir à nouveau aux autres.

Le délégué adjoint toqua à la porte puis entra et nous le suivîmes.

A peine eussé-je posé un pied à l’intérieur de la salle que je fus éblouie par le décor. C’était la première fois que je venais ici mais j’avais entendu de nombreux rapports de la part de Kagari et je me rendis compte que pour une fois, la jeune fille n’exagérait rien.

La pièce n’était pas très grande, faisant à peine la taille d’une petite salle de classe mais elle était étonnamment accueillante. Le sol était fait de parquet en chevrons luisant, comme s’il était astiqué méticuleusement chaque jour tandis que les murs étaient d’un blanc immaculé. Devant ces derniers, plusieurs étagères étaient accolées, débordant de dossiers en tout genre, tous implacablement rangés, de telle sorte qu’aucune feuille ne dépassait. Au centre de la pièce, une petite table de verre entourée de quelques sièges assortis était posée sur un tapis de velours rouge.

Le fond de la pièce, quant à lui, était entièrement vitré et donnait une vue imprenable sur toute la ville ainsi que sur la mer et, devant cette baie se trouvait un grand bureau derrière lequel deux étudiants de dernière année travaillaient.

Lorsqu’ils nous virent, ils s’interrompirent et un garçon à lunettes s’avança vers nous d’un air chaleureux.

-Kagari, Ichigo, vous avez oublié quelque chose ? Demanda-t-il aux délégués.

-Pas cette fois-ci vice-président Hinata ! Lui répondit mon amie avec entrain. Nous venons vous annoncer la création de notre club !

La deuxième personne, une jeune fille aux cheveux blancs comme la neige et aux grands yeux bleus comme le saphir leva la tête à son tour et nous dévisagea un à un, ce qui me mit un peu mal à l’aise. Je n’aimais pas vraiment que les gens me regardent fixement, principalement à cause de mon bandeau qui soulevait toujours des tonnes d’interrogations.

-Et à qui dois-je m’adresser pour toute la paperasse ? Nous demanda-t-elle d’un ton assez peu amical.

-Allez Présidente Chizuru, sois un peu plus détendue pour une fois, je ne casserai rien cette fois ! Râla la déléguée en gonflant les joues.

-Dois-je te rappeler combien de fois nous avons dû changer cette table à cause de toi et ta manie de t’asseoir dessus ? Rétorqua la présidente en désignant la table de verre.

-Oh, c’est donc pour ça qu’elle me parait toujours aussi neuve, ça explique tout…Marmonna Ichigo avant de se figer en voyant que la présidente l’avait entendu.

-Quoiqu’il en soit Kagari, il nous faut savoir qui est votre président que nous lui remettions les documents officiels ; reprit Hinata, beaucoup plus amicalement.

-C’est Asu…

-C’est Drago notre président ; l’interrompis-je en désignant mon ami.

Je crus que ce dernier allait faire une crise cardiaque lorsque tous les regards se tournèrent vers lui. Kagari écarquillait les yeux comme un poisson mort, Ichigo était tellement choqué que sa mâchoire risquait à tout moment de se décrocher et Drago fit quelques pas en arrière, me lançant un regard à la fois choqué et furieux, ne comprenant rien à ce qu’il se passait tandis que j’affichais un petit sourire satisfait.

Seuls les deux membres du conseil des étudiants, ne connaissant certainement pas les attitudes solitaires de Drago, se comportèrent normalement et la présidente Chizuru sortit un tas de documents qu’elle tendit au vice-président Hinata.

-Bien, dans ce cas Drago, je te laisse remplir tout ça et j’aimerais que tu me les rapporte demain dans la soirée si possible ; déclara ce dernier avec un grand sourire en confiant le dossier à Drago qui était trop choqué pour réagir.

-Ça sera fait vice-président Hinata ! Répondis-je à sa place avec entrain.

J’étais déjà en train de pousser Kagari, Ichigo et Drago vers la sortie, plutôt satisfaite de mon coup lorsque la présidente Chizuru nous rappela.

-Une minute vous quatre. Avant de partir, il nous faut savoir quel genre de club vous voulez créer.

-Co…Comment ça « quel genre de club » ? Demanda Kagari soudainement revenue à elle.

-Tu vois Kagari, nous n’avons qu’un nombre de salle limité donc nous préférons éviter les doublons. Puisque vous êtes les premiers à postuler, cela ne vous affectera pas comme aucun club n’est encore formé, mais nous avons besoin de savoir pour les suivants ; lui répondit Hinata.

-Oh…et bien…c’est un club de…de…Bégaya la déléguée, totalement déconcertée.

Je n’avais pas plus d’idée qu’elle. Kagari nous avait juste demandé de former un club avec elle mais je n’avais même pas eu la présence d’esprit de lui demander ce qu’elle voulait faire dans ce club avant de m’engager…Il fallait que nous trouvions une activité un tant soit peu productive pour paraitre crédible mais il ne fallait pas non plus prendre un club ayant déjà existé les autres années, sous peine de subir les foudres des anciens présidents…

Kagari se tourna successivement vers Ichigo et vers moi, cherchant désespérément une aide que nous ne pouvions malheureusement pas lui apporter tandis que la présidente commençait à froncer les sourcils, suspicieuse.

Contre toute attente, Drago s’avança et prit la parole de son habituelle voix monocorde et semblant dénuée de tout sentiment.

-Un club d’astronomie ; déclara-t-il sans hésiter.

-D…D’astronomie ? Répéta Ichigo, interdit.

-Ohohoh, en voilà une bonne idée ! Se réjouit Hinata, un large sourire aux lèvres. Chizuru, tu te plaignais que l’école manquait de club scientifiques l’année précédente, te voilà servie !

-Qu’ils fassent comme bon leur semble, cela ne me concerne pas après tout ; répondit froidement la présidente en inscrivant le nom du club sur un formulaire. Nous avons donc Mina Kagari, la pipelette et catastrophe ambulante, Hajime Ichigo, le garçon le moins drôle de cette école, Hoshino Asuna, la fille qui porte un bandeau sur l’œil et Drago Mio, celui qui ne vient jamais en cours…En voilà une drôle d’équipe.

-Une équipe qui va remporter le prix du meilleur club à la fin de l’année ! Rétorqua Kagari fièrement.

-Essaie déjà de ne rien casser dans la salle qui te sera attribuée ; soupira la présidente.

Sur ces mots, nous pûmes enfin prendre congé.

Une fois que nous fûmes dans le couloir, Kagari s’effondra sur le sol, visiblement épuisée par les événements.

-Pourquoi tout est toujours aussi compliqué ; se plaignit-elle. Et Asuna, qu’est-ce que c’était que cette mauvaise blague ? Je croyais que tu étais d’accord pour être la présidente.

-C’est vrai ça, qu’est-ce qui t’a pris ? Et en plus tu as désigné Drago qui ne veut pas participer aux activités du club ! Renchérit Ichigo, écumant de rage.

-Je ne sais pas, c’est venu spontanément, je ne me sentais plus devenir présidente ; leur répondis-je avec un sourire forcé. Mais je suis sûr que Drago fera un très bon président, d’autant plus que c’est lui qui a choisi la nature de notre club, n’est-ce pas ?

Nous nous retournâmes tous vers Drago en attente de sa réaction face à son nouveau statut de présidente mais ce dernier était plongé dans la lecture des documents donnés par la présidente Chizuru.

-Et sérieusement, club d’astronomie, tu n’avais pas plus ennuyeux que de regarder des étoiles ? Râla le délégué adjoint.

-Détends toi Ichigo, je pensais à un club de tarot moi ! Lui répondit Kagari et ce dernier se prit la tête dans les mains.

-De tarot, je ne sais pas lequel est le pire, toi ou Drago…Et Asuna, tu n’avais pas une autre idée farfelue comme club de sieste ou club d’élevage de fourmis par exemple ?

-Pas vraiment…Mais je vois que toi, tu y as pensé ; répliquai-je avec un petit sourire.

Ichigo détourna le regard, trop gêné pour ajouter autre chose tandis que Kagari éclata de rire et ne put s’empêcher de continuer à taquiner le grand gaillard.

Je me rapprochai de Drago et je lui tendis la main pour qu’il me donne tous les papiers et ce dernier me lança un regard interrogateur.

-Allez, donne-moi ça Drago, je vais m’occuper de ces formalités à ta place ; lui dis-je en riant.

Son regard repassa furtivement sur les documents donnés par le conseil des étudiants et ce qu’il dit à ce moment-là me laissa bouche-bée.

-Merci mais je vais le faire Asuna ; me répondit-il sans grande conviction.

Ichigo et Kagari cessèrent aussitôt de se chamailler en entendant cela. Cependant, Drago n’ajouta rien de plus et descendit les escaliers, disparaissant rapidement de notre vue, nous laissant tous les trois interdits et déboussolés.

-Est…Est-ce que vous avez entendu ce que je viens d’entendre ? Bégaya Kagari.

-J…Je crois…Enchaina Ichigo tout aussi troublé.

A ce moment-là, je me rendis compte que, depuis que nous avions proposé à Drago de rejoindre notre club, mon œil ne m’avait pas fait mal et je souris malgré moi face à la situation. Mon ami d’enfance était en bonne voie pour redevenir celui qu’il était autrefois. Mais, quelque chose continuait à me troubler malgré tout : pourquoi avait-il changé ainsi ?…





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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Hoshino Asuna : Les amis perdus



Spoiler :



En rentrant chez moi le soir-même, je m’empressai de ressortir les vieux livres d’astronomie que Drago m’avait offert lorsque nous étions petits. Je me souvenais qu’il avait toujours aimé contempler les étoiles. C’était d’ailleurs l’une des rares activités qu’il pratiquait encore depuis qu’il avait changé. Selon lui, ça lui permettait de s’évader de ce monde, de rêver en s’imaginant l’infini de l’espace. Lorsque Drago se mettait à parler des étoiles, j’avais parfois l’impression de retrouver l’ami que j’avais connu mais j’étais bien incapable de le suivre dans ses explications et donc incapable de comprendre son comportement…

J’abandonnai rapidement la lecture. Je n’y comprenais vraiment rien en rayonnement gamma, quasar et trous noirs… J’avais beau avoir hérité de beaucoup de connaissances scientifiques de la part de mes parents qui m’avaient élevée avec cette culture, je ne devais pas être faite pour les sciences…

Je finis par ranger les livres dans mon sac pour les apporter au club, et, après un diner léger et une douche rapide, je partis me coucher de bonne heure.

Je me levai le lendemain aux aurores en n’ayant qu’une idée en tête. Je m’habillai en quatrième vitesse et je sortis de chez moi à sept heure trente du matin pour prendre la direction de la maison de Drago. Il n’y avait encore personne dans les rues à cette heure et le soleil n’était pas encore tout à fait levé. Seuls quelques rayons rougeoyants scintillaient sur une mer d’huile au loin tandis que les premiers oiseaux se réveillaient. Il faisait tout de même assez frais mais ce n’était plus encore le froid mordant de l’hiver.

J’arrivai devant chez mon ami dix minutes plus tard et je sonnai à la porte. Je savais que ses parents se réveillaient très tôt à cause de leur travail, c’est pourquoi je me permettais de venir de la sorte sans prévenir mais c’était aussi le seul moyen pour m’assurer de ne pas rater Drago.

La porte s’ouvrit une minute plus tard sur une Théa en robe de chambre blanche, encore à moitié endormie et les cheveux partant dans tous les sens. Je me demandai pendant un instant si je ne devais pas repasser plus tard mais la sœur de Drago finit par entrouvrir les yeux.

-Oh, Asuna, qu’est-ce qui t’amène de si bonne heure ? Bailla-t-elle en s’étirant.

-Je suis venue chercher Drago pour l’école ! Lui répondis-je avec entrain.

-Drago tu dis ? Ça fait bien dix minutes qu’il est parti ; enchaina-t-elle en me montrant le chemin que nous empruntions pour nous rendez à l’école tout en continuant à bailler.

-P…Parti ? Répétai-je, abasourdie.

-Oui, il n’a pas donné d’explication mais il est resté éveillé très tard hier soir pour…

Je ne perdis pas une seconde de plus et je fis demi-tour, laissant Théa sur le parvis de sa maison, visiblement dépassée par la situation.

Mon cœur battit la chamade pendant tout le trajet. C’était la première fois depuis huit ans que Drago partait en avance pour l’école, lui qui était toujours le premier arrivé avant. Evidemment, je n’espérais pas que mon ami d’enfance soit revenu du jour au lendemain comme par magie mais s’il était réellement motivé par cette idée de club, un grand pas aurait été fait…

En entrant dans la classe, encore essoufflée d’avoir couru, je tombai immédiatement sur Kagari en pleine discussion avec Ichigo.

-Eh, Asuna, comment ça…

-Plus tard Kagari, tu n’aurais pas vu Drago ? L’interrompis-je.

-Il est passé et…

Je n’attendis pas la fin de la réponse d’Ichigo et je me précipitai au quatrième étage, devinant facilement la suite de sa phrase. En arrivant devant le bureau des étudiants, je vis la porte entrouverte et je ne pus m’empêcher de regarder à travers de l’autre côté.

Drago était là, ainsi que les deux membres du conseil des étudiants en train de lire les documents qu’ils nous avaient donnés la veille.

-Tout cela me parait en règle ; déclara la présidente Chizuru, aussi froide que la veille.

-Apparemment, vous aurez besoin de place pour vos activités ; continua le vice-président. Chizuru, tu penses que la salle donnant sur le toit leur conviendrait ?

-Peu importe, tant qu’aucun club ne vient râler parce qu’il n’a plus de salle ; lui répondit la présidente en se levant. Au moins, je suis sûre qu’avec celle-là, je n’aurai pas d’ennui…Enfin, j’espère.

Drago restait impassible, gardant les mains dans les poches, regardant au loin à travers la baie vitrée comme si être là l’ennuyait et le mettait mal à l’aise à la fois. Chizuru sortit un trousseau de clé de l’un des tiroirs ainsi qu’une autre pile de feuilles et donna le tout à mon ami d’enfance.

-Je ne sais plus quelle clé ouvre quelle porte mais je sais que tu as besoin des trois pour l’accès à la salle, au toit et au casier

-Au casier ? Répéta Drago avec son habituel manque de vie dans sa voix.

-Vois-tu Drago, la direction demande des rapports hebdomadaires sur les activités des clubs ; reprit Hinata en remontant ses lunettes sur son nez. Vous devrez donc rendre un compte rendu chaque semaine dans le casier se trouvant devant votre classe.

-C’est noté. Autre chose à ajouter ?

-Oui ; déclara soudain la présidente en posant les coudes sur la table et s’appuyant le menton sur ses mains. Comment cela se fait-il que toi, l’élève ne venant jamais en cours, aies accepté une telle chose alors que tu pouvais t’en défaire facilement ?

Mon cœur rata un battement. Alors elle avait bien remarqué que j’avais menti la veille même si elle n’en avait rien laissé voir. D’un côté, je voulais entrer et interrompre cette conversation pour tout leur expliquer moi-même, mais de l’autre, je me posai la même question qu’eux…

Je décidai finalement d’attendre la réponse, sachant que je devrais expliquer aussi pourquoi j’écoutais aux portes si j’intervenais. Cependant, Drago resta muet, ce qui eut l’air de mettre le vice-président assez mal à l’aise tandis que la présidente Chizuru soupira.

-J’imagine que tu dois avoir tes raisons ; finit-elle pas dire, voyant qu’elle n’aurait aucune réponse. Quoiqu’il en soit, retourne en classe, les cours vont bientôt débuter mais je compte sur toi pour être plus présent au club qu’en cours tout de même.

Drago n’ajouta rien et tourna les talons. Je m’apprêtai moi aussi à partir en vitesse avant qu’il ne me voie mais, alors que je m’éloignais du bureau des étudiants, j’entendis la voix de mon ami dire une dernière phrase :

-Je ne vous promets rien mais j’essaierai.

Lorsque je revins en classe, il était presque l’heure et les deux délégués me demandèrent aussitôt ce que j’avais pu faire pendant aussi longtemps. J’allais leur répondre une bêtise habituelle comme les gouttes pour les yeux mais le retour de Drago dans la classe au même moment attira une fois de plus l’attention de tout le monde. Il fallait dire que le voir un jour était un miracle, mais deux jours de suite relevait de l’impossible.

Ichigo, en tant que bon délégué, s’apprêtait déjà à lui faire les remontrances habituelles sur les absences des jours précédents mais Drago fut plus rapide et posa sur la table le dossier et les clés qu’il avait reçus de Chizuru.

-Voilà, tout est là-dedans ; déclara-t-il sans même regarder le délégué adjoint.

Ce dernier s’arrêta net en voyant cela et Kagari se précipita dessus, l’air ravie d’avoir enfin son club.

-Je savais bien que c’était une bonne idée de nommer Drago en président ! S’exclama-t-elle, des étoiles dans les yeux. Regarde ça Ichigo, on a même un accès direct au toit de l’école !

Le grand gaillard tressaillit lorsque Kagari lui montra les clés et des murmures s’élevèrent dans toute la classe. Je ne comprenais pas vraiment la situation mais quelque chose ne tournait visiblement pas rond avec cette fameuse salle donnant sur le toit.

-Bon, qu’est-ce qu’il se passe encore ? Finis-je par demander, perdant patience. Cette salle est hantée ou quelque chose du genre ?

-Tu n’as jamais entendu parler de cette salle ? S’étrangla Ichigo.

-Bah…Non et Kagari non plus apparemment.

-On dit que tous les clubs ayant essayé de s’installer dans cette salle se sont dissouts aussitôt pour des raisons inconnues.

-Qu’est-ce que c’est que ces bêtises ? M’étonnai-je en voyant que tout le monde dans la classe semblait gober cette histoire de fantôme bonne pour les enfants.

-A cause de ça, la salle a été fermée pendant un bon moment et le conseil des étudiants a arrêté de l’attribuer ; renchérit le déléguée adjoint, livide.

Je restai totalement de marbre face à son histoire. Mes parents, en tant que scientifiques, m’avaient toujours appris de ne pas croire aux fantômes et autres légendes urbaines, il devait certainement y avoir une explication rationnelle derrière tout ça…

Drago, sans surprise, n’avait pas écouté un traitre mot de ce qu’Ichigo avait pu dire et Kagari, étrangement, elle qui d’habitude était facilement effrayé, semblait en extase.

-Oh, une affaire étrange dès le premier jour de club, j’aime ça, le gout de l’aventure, rien de tel pour créer des liens forts ! S’exclama-t-elle.

-Premier et dernier jour de club ; rectifia son adjoint en grimaçant.

-Ne fais pas ton rabat-joie, ce soir on va bien s’amuser !

La déléguée fut interrompue dans son élan par notre professeur qui entra dans la classe au même moment. Nous passâmes toute la matinée sur une dissertation dont le sujet était aussi intéressant qu’un discours de remontrances d’Ichigo et nous sortîmes tous lessivés, plus particulièrement Drago qui n’avait vraiment plus l’habitude.

-Voilà ce qu’il se passe quand on décide de revenir les jours des contrôles ; le taquinai-je alors que mon ami était à moitié endormi sur sa table.

Drago me répondit par un simple grognement qui m’arracha un sourire. Même si ce n’était pas l’ami d’enfance que j’avais connu, ce Drago là avait quelque chose d’attachant dans son comportement…du moins, quand je le voyais, ce qui signifiait très rarement.

Les deux délégués nous rejoignirent rapidement, Kagari se plaignant du sujet comme toujours et Ichigo jouant au premier de la classe qu’il n’était pas.

Durant la pause déjeuner, nous réussîmes à trainer Drago à notre table et nous en profitâmes pour planifier notre prochaines activités…enfin, Kagari planifiait car Ichigo mangeait impassiblement, Drago semblait ailleurs et moi, je me forçais à l’écouter…

-D’abord, il nous faudra acheter un bon télescope ! J’ai regardé un peu les prix hier, il y en a des bons à des prix très abordables !

-Abordable, ça veut dire quoi pour toi ? Lui demandai-je, connaissant son détachement total de la vraie valeur des choses.

-Les premiers sont à 10000 yens mais ils sont moches, je préfère les beaux modèles qui tournent autour de 50000 yens et…

Je sortis mon portefeuille au même moment et je le retournai, lui montrant qu’il était totalement vide.

-Ce n’est pas un problème, mes parents, pourront bien en acheter un !

-Tes parents sont riches au point de jeter 50000 yens pour un télescope ? Soupira Ichigo d’un air lassé.

-Dis-moi, tu vois la grande maison qui ressemble à un château sur la falaise qui surplombe la ville ? L’interrompis-je. C’est là que Kagari habite.

Lorsque je dis cela, le grand gaillard lâcha sa cuillère et resta bouche bée tandis que la jeune fille rougit. Elle n’aimait pas quand on parlait de sa fortune familiale mais elle n’en restait pas moins l’héritière de la plus grande fortune de la ville.

-D’ailleurs Kagari, ça m’étonne que tu n’aies pas déjà un télescope chez toi. Avec la vue que tu as, tu ne devrais avoir aucun mal à observer les étoiles ; remarquai-je.

-Je n’y ai jamais pensé à vrai dire ; avoua la déléguée, gênée. Mais va pour le télescope à 50000 yens alors ?

Ichigo, qui était rentré dans une sorte de transe, ne répondit rien, Drago grogna et j’haussai les épaules, sachant qu’elle n’écouterait pas mon avis de toute façon.

Nous parlâmes de quelques autres détails comme l’achat des instruments de mesure, des appareils photos et éventuellement des décorations si cela s’imposait.

La fin de la journée arriva rapidement. Entre les cours de maths et de physique, nous n’eûmes pas le temps de souffler. Alors que je rangeai mes affaires, je vis Drago sortir les clés de la salle de son sac et je souris. Même s’il jouait à l’asocial, je sentais qu’il était heureux malgré tout d’avoir intégré notre club.

Avec Kagari et Ichigo, nous prîmes la direction de la fameuse salle. Le grand gaillard ne semblait pas très rassuré et avait même tenté de nous fausser compagnie avant que Kagari ne le retienne. Je réfléchissais quant à moi à ce qui avait pu causer les dissolutions des clubs si cette histoire était vraie mais je ne trouvai aucune explication logique.

Le cinquième étage de l’école n’était que très peu fréquenté par les élèves et pour cause, il n’y avait aucune salle de cours. Seul un vieux débarras utilisé pour ranger les ustensiles de ménage et notre salle s’y trouvaient.

Lorsque nous arrivâmes devant la porte, j’eus un très mauvais pressentiment. Cette dernière fermée à clé évidemment mais la poignée était spécialement poussiéreuse, comme si personne ne l’avait ouverte depuis longtemps. Tout autour, les toiles d’araignées foisonnaient et la peinture des murs se décollait.

-V…Vraiment, demandons une autre salle, ça vaudra mieux ! S’exclama-t-il en tremblant de tout son corps.

-Un peu de courage espèce de trouillard ; le rabrouai-je. Il n’y a absolument rien à craindre et puis, chez Kagari, il y en a des dizaines de pièces comme ça !

-Il faudra que je prenne le temps de faire le tour de chez moi un jour ; marmonna cette dernière.

Drago n’ajouta rien et tourna la clé dans la serrure rouillée de la porte. Lorsqu’il tenta de l’ouvrir, cette dernière résista un peu mais finit par céder. Immédiatement, un écran de poussière nous fit tous tousser et nous boucha la vue mais, une fois que ce dernier se fut dissipé, je compris alors pourquoi tous les clubs s’étaient dissouts.

-Ce…Ce n’est pas une salle de club…Bégaya Ichigo, interdit.

-Non, c’est un vieux grenier délabré et inutilisable dans son état…soupirai-je.


Devant moi s’étendait une vaste pièce mal éclairée. Le sol était en bois qui semblait prêt à tomber en poussière au moindre contact. Les murs n’étaient pas mieux. Ils avaient beau être en pierre, l’humidité et l’ancienneté avaient créé des fissures un peu partout. Les fenêtres étaient inexistantes, trop de saleté s’était accumulée sur les vitres pour que l’on puisse voir quelque chose à travers. Le plafond quant à lui était retenu par quelques poutres qui me semblaient bien fragiles.

Au fond de la pièce, il y avait un petit escalier menant certainement au toit mais je craignais de le voir s’effondrer si l’un d’entre nous tentait de l’emprunter.

Au sol s’entassaient divers objets allant du simple livre jauni par le temps jusqu’à l’imposante armoire rongée par les termites en passant par les restes de ce qui devait être l’ancien club s’étant établi ici.

Kagari toussota longuement à cause de la poussière et Ichigo plissa les yeux dans l’espoir de voir quelque chose mais abandonna rapidement. Drago restait impassible, regardant la pièce comme il regardait n’importe quel objet, avec l’indifférence la plus totale.

Je grimaçai face à l’état des lieux. Il nous était techniquement impossible de nous établir ici mais nous avions besoin du toit pour nos activités…Les précédents clubs avaient dû être confrontés au même dilemme et avait dû finir par abandonner face à la montagne de travail s’offrant à eux pour restaurer l’endroit.

-C’est une blague ? Ces deux idiots se sont bien foutus de nous ! S’exclama l’adjoint en tapant du pied, ce qui créa un nouveau nuage de poussière.

-Que fait-on alors ? On fait comme les autres et on abandonne tout ? Proposai-je, voyant mal comment nous pourrions remettre à neuf l’endroit.

-Mais…Notre club ! Gémit Kagari, les larmes aux yeux.

-C’est ta faute Drago ça ! Rugit Ichigo, ne supportant pas voir la jeune fille pleurer. Si tu avais choisi autre chose, nous aurions eu une meilleure salle !

J’attendis la réponse de Drago mais il resta muet et s’avança dans la pièce sombre et délabrée. Sans surprise, le parquet craqua plusieurs fois sous ses pas mais ne céda pas.

Etrangement, je ressentis quelque chose à l’œil. Cependant, ce n’était pas cette douleur habituelle qui me prenait lorsque Drago était triste ou en danger mais une sorte de bien-être.

Sans réfléchir, j’enlevai mon bandeau et je vis l’aura de Drago : bleue comme la mer la plus calme. Mon ami semblait apaisé dans cette atmosphère lugubre.

-On va avoir du travail ; lâcha-t-il soudainement.

-Tu…Tu veux vraiment remettre ça en état ? Bégaya le délégué adjoint, les yeux exorbités.

-Un problème avec ça ? Répondit Drago, glacial.

-Moi je suis pour ! Renchérit Kagari. C’est mon premier club, je n’abandonnerai pas aussi facilement !

-Pour aussi ! Ajoutai-je, galvanisée moi aussi en voyant que mon ami se motivait à faire quelque chose pour une fois. Vous allez voir, on va la remettre à neuf en moins de deux cette salle !

Ichigo grimaça mais le regard assassin de Kagari finit par le décider et il accepta en soupirant.

Tous bien décidés à faire de ce grenier la plus belle salle de club de l’école, nous commençâmes par faire une inspection rapide des lieux et jeter tout ce qui était inutile ou inutilisable, soit quasiment tout ce qui se trouvait là…

Nous gardâmes néanmoins une grande table en verre qui n’avait pas souffert des effets du temps ainsi que quelques chaises en plastique et deux ou trois ustensiles utiles tels que des poubelles ou des bacs de rangements mais tout le reste fut sorti.

Au bout d’une heure de travail sans relâche, nous décidâmes de faire une pause. Nous étions tous exténués à force de courir entre la benne à ordure et le grenier avec des charges lourdes dans les mains. Nous n’avions même pas tout sorti, il restait encore cette grosse armoire, un bureau fendu en deux et d’autres meubles que nous ne pouvions pas descendre nous-mêmes.

Notre salle de club ressemblait toujours à un vieux grenier délabré mais au moins, c’était un grenier vide. Nous étions tous couverts de poussières de la tête aux pieds, nos vêtements étaient noirs de saletés et par-dessous tout, j’avais le dos en compote.

Ichigo s’étira et j’entendis ses os craquer.

-Pourquoi est-ce qu’on fait tout ça alors qu’en râlant un peu, on pourrait avoir une meilleure salle ; se plaignit-il.

-Parce qu’on a besoin du toit pour observer les étoiles gros bêta ; rétorquai-je en m’étirant un peu aussi.

-Et au fait Asuna, tu n’as porté ton bandeau de tout le ménage ; s’étonna Kagari.

-Ah…Oui…C’est parce qu’il fait sombre, alors je…Bégayai-je avant d’être interrompue.

-Arrête de faire semblant Asuna ; me coupa Ichigo. On a tous compris que tu ne voulais pas qu’on voit que tu as des yeux vairons.

-Mais non…ce n’est pas…Tentai-je de me défendre.

-Tu n’as pas besoin de le cacher avec nous ! S’exclama Kagari avec un grand sourire. Et puis, tu es plutôt mignonne comme ça, pas vrai Drago ?

Je détournai le regard en rougissant lorsque mon ami tourna la tête dans ma direction. Je ne voulais pas voir son aura à ce moment-là sinon j’aurais compris ce qu’il pensait exactement de moi…

-Donc, quand on est juste tous les quatre, tu n’as pas besoin de porter ton bandeau Asuna, tu n’as pas à avoir honte de tes différences puisque nous sommes tous différents ici ! Ajouta Kagari en me volant mon bandeau dans ma poche.

-D’accord, d’accord ; soupirai-je, ne voulant pas me lancer dans un débat interminable avec elle. Mais je continuerai à le porter en classe…

-Fais comme tu veux mais pas lorsqu’on est entre nous !

Nous finîmes la journée peu de temps après, laissant notre chantier en cours, prévoyant d’utiliser le week-end pour bien avancer et peut-être même finir en étant très optimiste…même si quelques détails allaient être difficiles à régler comme les escaliers menant au toit…

Le soir, en rentrant chez moi, j’étais tellement pleine de poussière que Gimpei, au lieu de me sauter dessus, aboya pendant cinq bonnes minutes, ne me reconnaissant pas. J’étais tellement épuisée et tous mes membres me faisaient tellement souffrir que je ne m’embêtai même pas à le faire taire et je me contentai de prendre un bon bain chaud dans lequel je m’endormis avant de diner et de retourner me coucher.

Les trois jours qui suivirent furent assez banals en excluant la présence de Drago en cours. Il parlait toujours aussi peu mais nous n’avions plus besoin de le trainer avec nous pour qu’il nous suive et c’était déjà un beau progrès en soi. Evidemment, cela posait de nombreuses interrogations chez les autres élèves de la classe et les rumeurs allaient bon train mais je ne les écoutais pas.

Les travaux de rénovation avançaient lentement mais sûrement aux aussi. Tous les meubles encombrants avaient été envoyés à la casse, nous avions fait une bonne séance de ménage, rendant aux vitres leur transparence d’antan et au bois du sol son éclat d’origine grâce à un produit spécial trouvé par Kagari chez elle.

A présent, le grenier était à peu près présentable mais ce n’était pas du grand luxe non plus et l’escalier menant au toit était toujours inutilisable. Les fissures dans les murs persistaient elles aussi et nous n’avions pas de quoi les combler et encore moins de quoi repeindre.

Le soir du troisième jour, en descendant les escaliers après avoir travaillé jusqu’à tard dans la soirée, nous croisâmes les deux membres du conseil des étudiants qui sortaient de leur bureau également et qui nous regardèrent avec étonnement.

-Oh, si ça ne serait pas le club d’astronomie, comment allez-vous ? Nous salua Hinata avec sa bonne humeur habituelle.

-Ça pourrait aller mieux ; râla Ichigo en montrant la poussière qui s’accumulait sur nos uniformes.

-Alors comme ça, la rumeur est vraie, vous avez vraiment décidé de remettre ce dépotoir en état ? Demanda la présidente Chizuru avec sa froideur habituelle.

-Ne sous-estime pas notre détermination Chi-chan ! Répliqua Kagari, le regard brillant.

-Je suis content de voir que vous vous en sortez ; continua le vice-président. Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez surtout pas.

-Merci, mais on va se débrouiller ; lui répondit la déléguée. Chi-chan, tu as reçu ma demande pour demain ?

-Oui, oui, tu l’as ton autorisation ; soupira-t-elle, l’air lassée.

-L’autorisation de ? Demandai-je, intriguée.

Kagari n’ajouta rien et se contenta de sourire bêtement, ce qui ne me laissait présager rien de bon.

Nous nous séparâmes devant l’école et je pris la route de la maison en compagnie de Drago. Même si ce dernier semblait totalement indifférent à ma présence, j’étais heureuse de pouvoir à nouveau rentrer avec lui le soir depuis une semaine.

En arrivant devant chez lui, je vis sa mère dans le jardin qui prenait soin des fleurs. C’était une femme assez sombre de peau aux longs cheveux blonds bien mieux coiffés que ceux de sa fille et aux petits yeux marron respirant la bonté. Elle devait bien avoir la quarantaine mais son visage était celui d’une femme de trente ans et elle en avait également l’énergie. Elle portait également toujours une longue robe blanche sans manche ainsi que des sandales, y compris en hiver. Elle possédait également un grand collier doré qu’elle avait toujours arboré d’après mes souvenirs.

En me voyant arriver avec Drago, cette dernière cessa ses activités et vint à notre rencontre, un large sourire aux lèvres.

-Oh, Asuna, ça faisait une éternité ; s’exclama-t-elle en m’embrassant. Tu as bien grandi dis-donc !

-Pas autant que Drago, j’étais plus grande que lui avant ; lui répondis-je en blaguant.

-Je me souviens quand vous jouiez ensemble dans le bac à sable, vous étiez si mignons !

Drago s’empourpra lorsque sa mère dit cela et prit congé de nous sans ajouter un mot de plus. Je continuai à parler avec sa mère de tout et de rien pendant une bonne demi-heure encore avant de rentrer à mon tour chez moi.

Etrangement, la mère de Drago n’avait pas été étonnée de me voir avec un œil vert alors qu’elle m’avait toujours connu avec les yeux bleus mais je me dis qu’elle n’avait simplement pas fait attention à ce détail, étant trop occupée à poser toutes sortes de questions.

En poussant la porte de ma maison, je vis qu’une enveloppe avait été glissée dans la boite aux lettres en provenance de Genève et je grimaçai. Je connaissais déjà le contenu de la lettre puisque je n’en recevais que pour une seule raison : lorsque mes parents m’annonçaient qu’ils ne pourraient pas revenir pour les vacances. Par conséquent, je la mis avec la dizaine d’autres semblables et je finis la soirée après avoir passé une heure au téléphone avec Kagari qui commençait déjà à acheter les nouveaux meubles pour la salle de club alors que nous n’avions même pas fini de la restaurer…

Le lendemain, samedi, nous n’avions pas cours mais je me levai néanmoins aux aurores puisque nous avions prévu de profiter de cette journée pour avancer au maximum dans la restauration du grenier. Je rassemblai les quelques ustensiles de ménage qui pourrait être utiles et je pris la direction de l’école.

Sans surprise, Drago était déjà parti sans m’attendre lorsque je vins sonner chez lui. C’était vraiment étrange de le voir s’investir autant alors qu’il avait lui-même demandé à ne pas avoir besoin de venir mais je ne pouvais pas me plaindre non plus.

J’arrivai devant les grilles du lycée dix minutes plus tard et je croisai Ichigo qui arrivait les mains dans les poches comme à son habitude. J’en profitai pour lui refiler tout mon attirail et, après quelques grognements, ce dernier finit par accepter.

Cependant, alors que nous entrions, quelque chose me surprit. Dans la cours, plusieurs camions étaient alignés comme dans un parking et plusieurs s’ouvrier couraient dans tous les sens, chargés de poutres, de pot de peinture et d’outils divers.

-Tiens, ils font des travaux le samedi ? M’étonnai-je.

-S’ils ont assez d’argent à perdre pour faire des travaux, qu’ils commencent par ce grenier miteux qu’ils osent appeler une salle de club ; cracha Ichigo, visiblement de très mauvaise humeur.

Nous continuâmes notre route mais, plus nous montions dans les étages, plus il y avait d’ouvriers et, arrivés au niveau du bureau des étudiants, je finis par comprendre ce qu’il se passait et je ne pus m’empêcher de sourire bêtement.

Lorsque nous fûmes enfin au cinquième étage, j’eus la confirmation de ce que je pensais en voyant Kagari, un plan à la main, dirigeant plusieurs ouvriers portant des poutres et s’affairant à remplacer le plancher délabré. A côté d’elle se tenait Drago qui regardait tout cela avec une pointe d’intérêt dans les yeux d’habitude si vides de vie.

-Oh, Asuna, Ichigo, par ici ! Nous appela la déléguée.

-Qu…Qu’est-ce que c’est que ça ? Bégaya son adjoint, interdit.

-ça ? Simplement l’entreprise d’architecture des parents de Kagari ; répondis-je en haussant les épaules.


Je laissai le pauvre délégué adjoint là et j’allai rejoindre mes deux autres camarades de club. J’avais complètement oublié ce détail mais la fortune de la famille de Kagari était fondée sur une grande entreprise d’architecture dont le père de mon amie était le dirigeant. C’était d’ailleurs son père qui avait construit sa propre maison à ses débuts.

-ça alors, je ne pensais pas que ton père accepterait de te prêter ses hommes pour quelque chose comme une simple salle de club ; m’étonnai-je en arrivant à sa hauteur.

-Tu le connais, mon père ne me refuse jamais rien ! Me répondit la jeune fille avec un clin d’œil.

-Et donc, qu’est-ce que tu dois lui donner en échange cette fois-ci ? Enchainai-je aussitôt.

-De belles photos d’étoiles et une médaille le jour de la fête de l’école ; ronchonna-t-elle en gonflant les joues.

J’éclatai de rire. Le père de Kagari lui avait certes toujours tout donné mais comme tout bon homme d’affaire, il exigeait également quelque chose en échange. Heureusement, il ne demandait rien d’extraordinaire non plus lorsqu’il s’agissait de sa fille mais j’avais remarqué qu’il prenait autant plaisir que moi à voir Kagari ronchonner.

-Mais à part ça, à quoi va ressembler notre salle de club avec tous ces ouvriers qui travaillent ? Continuai-je, revenant au sujet principal.

Drago me tendit le plan qu’il avait en main sans dire un mot tout en regardant attentivement les travaux s’effectuer.

Je fis un bond d’un mètre en voyant ce que Kagari prévoyait. Mon amie voulait refaire entièrement le plancher ainsi que les murs qui ne lui convenaient pas. Mais il n’y avait pas que ça. Selon ses plans, la salle allait comporter une grande baie vitrée exactement comme dans le bureau des étudiants ainsi que des petites sculptures de fleurs au plafond. De plus, Kagari comptait installer une cheminée de marbre blanc pour le décor ainsi qu’une salle de bain privée dans un coin…

Je la dévisageai en grimaçant. J’aimais beaucoup son initiative mais peut-être poussait-elle le bouchon un peu trop loin… Après tout, ce n’était qu’une salle de club où nous n’allions passer que deux, voire trois heures par jour. Il était inutile d’en faire un palace comme sa chambre…

Cependant, Drago, qui était là depuis un bon moment sûrement, ne semblait pas mécontent de la transformation de la salle. Je finis par me dire que ce n’était peut-être pas plus mal ainsi si tout le monde y trouvait son compte.

Ichigo, sortant de sa transe, vint nous rejoindre mais, lorsque je lui donnai les plans de la salle, le choc le figea à nouveau et nous le perdîmes une fois de plus.

Nous finîmes par nous installer dans le coin de la pièce où se trouvait la vieille table que Kagari avait prévu de remplacer et nous attendîmes en regardant avec intérêt l’avancement des travaux tout en regardant ce que nous pourrions acheter pour la décoration sur l’ordinateur de la déléguée.

Chacun y allait avec sa touche personnelle : une moquette rouge, des étagères, une télévision et un grand canapé en cuir pour Kagari, des rideaux blancs pour Ichigo, tout un matériel d’astronomie pour Drago et enfin un grand bureau en verre pour moi.

Je ne savais pas si tous nos choix allaient se marier ensemble mais au moins, nous passâmes un bon moment à imaginer comment serait la salle. Même Drago qui était d’ordinaire si distant et peu communicatif semblait se prendre au jeu et retrouver sa joie d’antan.

Alors que nous étions tous perdus dans nos rêveries, l’un des employés vint nous annoncer la fin de la reconstruction de l’escalier menant au toit. En me retournant, j’eus du mal à croire ce que je voyais.

Le maigre escalier de bois prêt à s’effondrer au moindre contact – ce qu’il avait dû faire d’ailleurs à en juger par les débris que les ouvriers sortaient – s’était maintenant transformé en un élégant escalier de pierre recouvert d’un tapis rouge et accompagné d’une rampe en bois comme dans les grands hôtels.

-ça alors, qu’est-ce qu’il ne faut pas voir…Murmura Ichigo, encore sous le choc.

-Parfait tout ça ! S’exclama Kagari. Est-ce qu’on peut aller sur le toit dès maintenant ?

-Nous avons vérifié la porte, tout devrait fonctionner mademoiselle Mina ; lui répondit l’ouvrier en s’inclinant comme un majordome.

Nous ne perdîmes pas une seconde et nous fonçâmes sur le toit. La porte avait été refaite également à en juger par la peinture encore fraiche qui en dégoulinait mais nous n’y prêtâmes guère attention car, en l’ouvrant, nous restâmes tous bouche bée.

Le toit en lui-même n’avait rien d’extraordinaire, il était même assez délabré mais la vue que nous avions sur la ville était magnifique. Le cinquième étage de l’école était très haut comparé aux autres habitations qui n’en possédaient qu’un ou deux si bien que nous pouvions voir absolument tout.

Au loin, la mer s’étendait à perte de vue tandis que centre de recherche des parents de Drago se fondait à merveille dans le décor. Il y avait aussi la maison de Kagari, élégant manoir surplombant la mer depuis la plus haute falaise des environs. Ma maison ainsi que celle de Drago apparaissaient comme de minuscules points à l’horizon alors qu’elles étaient certainement bien plus proches que le manoir de la déléguée.

-Je…Je n’ai pas les mots ; bégaya Ichigo, tout aussi émerveillé que nous.

-Tu vois que c’était une bonne idée de persévérer finalement ! S’exclama Kagari, aux anges.

-Il faut remercier Drago, c’est grâce à son idée que nous sommes là aujourd’hui ; ajoutai-je.

Nous nous tournâmes vers lui mais ce dernier avait les yeux rivés au ciel, ne disant pas un mot, le regard perdu dans le vague. Il n’affichait aucune expression particulière sur son visage mais je savais grâce à mon pouvoir qu’il était tout aussi heureux que nous d’être là.

-Les étoiles…doivent être belles la nuit ici ; déclara-t-il soudainement en levant la main vers le ciel, comme essayant d’attraper quelque chose qui nous était invisible.

Intriguée, je fermai mon œil droit et mon cœur rata un battement. L’aura de Drago avait changé de couleur. A présent, elle était scindée en deux parties bien distinctes, l’une d’un jaune rayonnant de joie et l’autre d’un noir débordant de tristesse, comme si l’âme de Drago était en conflit avec elle-même, ne sachant plus où était le bonheur et où était le malheur.

-Tu as mal à l’œil ? Me demanda soudain Ichigo, me tirant de mes pensées.

-N…Non, pas du tout, le soleil m’a aveuglée, c’est tout ; mentis-je maladroitement.

-C’est sûr qu’il tape fort ici et pas moyen de se protéger ! Je vais demander aux ouvriers d’aménager un peu cette terrasse aussi une fois qu’ils auront fini en bas ! S’exclama Kagari.

Sur ces mots, nous retournâmes à l’intérieur. Les deux délégués semblaient vraiment emballés désormais par le club et par l’idée de pouvoir revenir ici mais à présent, toutes mes pensées étaient occupées par cette aura. Je ne comprenais pas d’où provenait cette triste dans le cœur de Drago mais je me jurai de l’effacer définitivement. Revoir un semblant de sourire sur la figure de mon ami après tant d’années m’avait motivé encore d’avantage à continuer mon œuvre. Je sentais que, grâce au club de Kagari, j’allais enfin retrouver mon ami d’enfance…

La semaine passa, les travaux avançaient rapidement et, d’après le chef de chantier, la salle serait comme neuve le samedi suivant. Nous attendîmes donc, continuant à chercher la meilleure décoration possible faute de mieux. Evidemment, les travaux attirèrent l’attention sur nous et de plus en plus de gens s’étonnaient de voir que nous avions passé la terrible épreuve de la salle du cinquième étage, ce qui avait le don d’énerver Ichigo et de faire rire Kagari aux éclats.

Finalement, le grand jour arriva, celui de la fin des travaux, celui marquant nos débuts d’activités en tant que club, celui de l’inauguration de notre salle.

La présidente Chizuru et le vice-président Hinata étaient venus voir eux-aussi en tant que représentants de l’administration mais surtout car ils étaient tout aussi intrigués que nous de voir à quel point le dépotoir de l’école avait été transformé.

Ce qui nous frappa d’abord fut que tout l’étage avait été refait par la même occasion : les murs repeints, les portes changées et un sol maintenant recouvert du même tapis que les escaliers menant au toit.

-Est-ce que ça ne fait pas un peu…contraste avec le reste ? Demanda Hinata sans arrière-pensée.

-Peu importe, personne ne vient ici de toute façon ; lui répondit la présidente en soupirant. Drago, puisque tu as les clés, à toi l’honneur d’ouvrir la porte.

Mon ami s’avança et tourna la clé dans la serrure de la double porte en bois qui s’ouvrit sans difficulté. Lorsque je vis l’intérieur, j’avais beau savoir à quoi la salle devait ressembler, je restai tout de même sans voix. Chizuru haussa légèrement les sourcils, surprise et un grand sourire se dessina sur le visage du vice-président.

Le grenier était méconnaissable. Les murs, auparavant jaunis par l’humidité et fissurés de partout étaient désormais blancs comme la neige et aussi lisses que de la glace. Sur le côté, une grande baie vitrée donnait une vie imprenable sur la ville tandis que des rideaux de soie blanche ondulaient lentement au gré du vent. Le sol, comme prévu, était recouvert d’une moquette de velours rouge ayant l’air si fragile que je ne savais pas si j’avais vraiment le droit de marcher dessus sans risquer de l’abimer.

Devant la grande baie vitrée se trouvait mon bureau en verre sur lequel était posée une petite lampe en bois. Un grand fauteuil noir se trouvait derrière et, juste en face, il y avait d’autres fauteuils plus petits ainsi que le grand canapé de cuir commandé par la déléguée. Accroché au mur d’en face, un grand écran plat de la taille d’un tableau noir occupait tout l’espace.

Au fond de la pièce trônait la fameuse cheminée qui n’était là que pour le décor, juste à côté d’une petite pièce qui n’était autre que la salle de bain de Kagari, dont l’existence était partiellement camouflée par plusieurs étagèrent vide placées juste devant.

Dans un coin s’entassaient des cartons avec le sigle de la NASA dessus et je ne pus m’empêcher de sourire. Kagari ne savait vraiment pas prendre du bas de gamme quand elle commandait quelque chose, pas même lorsqu’il s’agissait de matériel de travail.

Enfin le dessous de l’escalier de pierre menant au toit servait également d’armoire de rangement si la place nous manquait, ce qui m’aurait étonné quand même.

-C’est…euh…Je n’ai pas vraiment les mots…Déclara Hinata en remettant ses lunettes sur son nez, impressionné.

-C’est du bon travail ; le reprit sa collègue. Qui aurait cru que quelqu’un réussirait à remettre ce dépotoir en ordre un jour. J’ai bien fait vous confier cette salle on dirait.

-Tu attendais simplement que quelqu’un fasse votre boulot à votre place…Marmonna Ichigo.

-Entre autres oui ; répondit Chizuru sans hésiter. L’école n’a pas les moyens de restaurer tout, il faut bien un peu de volontariat de temps en temps.

-Tu sais que tu es méprisable comme personne ?

La présidente ne répondit rien à l’accusation du délégué adjoint et prit congé de nous, entrainant avec elle Hinata qui nous souhaita une bonne continuation.

Immédiatement après leur départ, Kagari sauta sur le canapé et s’y allongea, Ichigo se mit à la fenêtre et regarda la ville, les bras croisés, Drago s’attela à défaire les cartons d’astronomie et j’allai m’asseoir au bureau.

Le fauteuil était parfait, confortable, de taille réglable et pouvant s’incliner vers l’avant ou vers l’arrière tout en ayant des roulettes ce que j’aimais par-dessus tout.

Tout le monde semblait avoir pris ses marques dès le premier jour. Je n’avais aucune idée de comment serait l’avenir de ce club mais je fus certaine d’une chose en fermant mon œil droit et en regardant Drago : ce club serait un nouveau départ pour nous.

Il n’y avait pas que mon ami d’enfance, Ichigo avait toujours été isolé à cause de son manque d’ouverture et Kagari, malgré sa bonne humeur, n’avait jamais pu se faire d’autre ami que moi à cause de sa fortune.

Quant à moi, j’étais un peu différente. Ce n’était pas que je ne pouvais pas me faire de nouveaux amis, c’était que je ne voulais pas. Etre avec Kagari tous les jours, me disputer avec Ichigo et m’inquiéter pour Drago me suffisait, je n’avais besoin de rien d’autre.

Mais ce club était certainement le vœu le plus cher de la jeune fille, créer un endroit auquel elle appartiendrait et où elle pourrait se faire de vrais amis qui ne la jugeraient pas sur ses origines mais pour ce qu’elle était vraiment.

Eh bien, si tel était le cas, alors moi aussi, j’allais faire de ce club un endroit auquel j’appartiendrais et où Drago ne se sentirait plus obligé de garder ses distances, un club où nous pourrions tous profiter pleinement de notre jeunesse !



Hoshino Asuna : L’amour perdu



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=4FqoqxD-DHA


La nuit était fraiche ce soir-là sur le toit de l’école pour nuit d’été. Il n’y avait pas un seul nuage pour obscurcir le ciel illuminé par les rayons d’une pleine lune éclairant toute la ville. Cependant, nous n’étions pas là pour admirer la vue ou pour dormir à la belle étoile. Ce soir-là devait avoir lieu, comme chaque année à la même date, une pluie d’étoiles filantes et il était de notre devoir, nous le club d’astronomie, d’y assister si nous voulions remporter cette fameuse médaille que Kagari avait promise à son père.

Cela faisait maintenant presque six mois que nous étions entrés en activité. Au début, notre salle avait fait beaucoup d’envieux et le club avait attiré de nombreuses personnes mais toutes étaient reparties aussitôt devant le thème d’astronomie, l’attitude d’Ichigo ou encore la gaité de Kagari qui était parfois fatigante, si bien que nous étions restés seulement quatre, ce qui n’était pas plus mal.

Créer un club nous avait tous rapprochés. Même si Ichigo et moi continuions à nous battre pour un rien, que Drago était toujours aussi tacite et que Kagari n’avait pas plus d’amis, il était difficile de nous voir un jour séparés.

Cependant, plus le temps passait et plus je perdais la volonté de retrouver l’ami d’enfance que j’avais connu en Drago. Ce n’était ni pas lassitude ni par désespoir, au contraire, il semblait s’ouvrir peu à peu aux autres riant même parfois, mais c’était plutôt par habitude du nouveau Drago.

Dans la personne qui était toujours à mes côtés, je n’arrivais plus à voir où se trouvait mon vieil ami. Je ne voyais que ce garçon qui nous avait rejoint en début d’année, froid et distant mais se préoccupant des autres, énervant Ichigo, mal à l’aise devant les caprices de Kagari et me faisant rire malgré lui.

Mais, même si je m’étais habituée et attachée à cette personne, lorsque je fermais mon œil droit, je continuais à voir ce halo de tristesse l’entourant en permanence, ne se dissipant pas malgré l’évolution de son comportement. C’est pourquoi, je ne pouvais pas abandonner totalement et je continuais à essayer de le faire revenir même si cette amitié me liant au nouveau Drago me faisait perdre peu à peu cette volonté…

Kagari poussa soudain un cri de surprise et tout le monde leva instinctivement les yeux au ciel. Au milieu de la nuit, une lumière scintillante traversa le ciel pendant une seconde avant de disparaitre et d’être suivie par des dizaines d’autres.

J’avais toujours pensé que le terme de pluie de météorites était exagéré, mais je n’avais pas d’autres mots pour décrire ce que je voyais. J’avais littéralement l’impression que l’espace envoyait des milliers d’étoiles filantes comme des gouttes de pluie tombent sur la terre.

Nous étions tous subjugués par ce spectacle. Ichigo avait amené son appareil photo, Kagari utilisait le télescope que nous avions installé pour mieux observer tout ça tandis que Drago griffonnait des notes sur le cahier de compte rendu d’activité.

Je m’approchai de lui en souriant, contente de pouvoir contempler ce spectacle avec tout le monde.

-C’est beau n’est-ce pas ? Lui dis-je sans oser le regarder, les bras croisés dans le dos, les yeux levés au ciel.

Drago ne répondit rien et continua à écrire dans son cahier et pourtant, cela ne me dérangeait pas. C’était justement ce côté distant que j’avais fini par apprécier chez lui. Contrairement à Kagari qui aurait commencé une dissertation qui m’aurait rapidement fatiguée, Drago restait dans son monde fermé, insensible à ce qui lui était extérieur. Etre à ses côtés était vraiment apaisant.

-Tu sais Drago, je suis heureuse que tu nous aies rejoint ce jour-là ; continuai-je toujours en regardant le ciel.

Mon ami cessa d’écrire et tourna la tête dans ma direction, attendant que je continue.

-Si tu n’avais pas proposé cette idée de club d’astronomie, nous ne serions pas là aujourd’hui à observer les étoiles filantes.

-Ne me remercie pas moi dans ce cas, mais Kagari, c’est son idée au départ ; me répondit Drago en tournant la tête vers la jeune fille.

Je regardai à mon tour sans sa direction. Kagari semblait vraiment heureuse depuis la création de ce club. Evidemment, pour les autres, cela ne se sentait peut-être pas, mais pour moi qui étais sa seule amie avant, il y avait une énorme différence. Avant, elle se forçait à sourire en permanence pour garder son image de déléguée ouverte mais à présent, son sourire était vrai lorsque nous étions tous ensembles.

-Ichigo et Kagari ont vraiment l’air de bien s’entendre ; continua mon ami en voyant la jeune fille en train de forcer le grand gaillard à regarder dans le télescope lui aussi.

-Tu ne trouves pas qu’ils font penser à toi et moi d’il y a huit ans ? Pensai-je.

-Il y a huit ans…Répéta-t-il dans un murmure.

Je m’empourprai immédiatement en me rendant compte que j’avais pensé à voix haute et je me mis à paniquer. C’était la première fois que j’évoquais notre passé commun depuis que le club avait été créé et je craignais que les souvenirs l’ayant transformé ne remontent à la surface.

Cependant, contre toute attente, le regard de Drago ne changea pas et il continua à observer les deux amis se chamailler.

-Oui, il y a quelque chose ; finit-il par déclarer d’un ton neutre.

Par réflexe, je fermai mon œil droit et je vis que l’aura de Drago avait changé. Elle n’était plus ni sombre ni lumineuse mais grisâtre, comme si le regret s’était emparé de lui. Mais, s’il avait vraiment des souvenirs de cette époque et s’il la regrettait, peut-être pouvait-il aussi me dire pourquoi il avait changé !

Je m’apprêtai à lui demander mais il reprit la parole, certainement plus pour lui-même que pour moi à en juger par ses murmures presque inaudibles.

-Déjà huit ans…J’ai l’impression que c’était hier…et pourtant, tout le monde a continué à vivre sa vie…sauf moi…

-Qu…Qu’est-ce que tu racontes Drago ? M’étranglai-je, abasourdie.

-Je me souviens maintenant…de ce qui m’a poussé à m’éloigner de ce monde…

-Et…Qu’était-ce donc ? Bafouillai-je, craignant de connaitre la vérité.

-La peur ; me répondit-il aussitôt.

-La…la peur ? Répétai-je, interdite. Mais de quoi ?

Drago plongea son regard vide dans mes yeux vairons mais à ce moment-là, je pus y lire effectivement cette peur dont il parlait. Mon ami s’était souvenu de quelque chose de traumatisant certainement et c’était ce quelque chose qui l’avait fait changer…

Mais…même si je n’avais aucune idée de ce qui avait pu traumatiser Drago à ce point, je ne pouvais pas le laisser comme ça…

Une pensée horrible me passa par la tête. Si je remontais au jour où il avait changé, c’est-à-dire le jour de l’attaque et que j’y ajoutais sa révélation, alors j’étais celle qui avait causé son traumatisme ! Si je n’avais pas insisté pour passer par cette ruelle ce jour-là, rien ne serait arrivé et Drago n’aurait pas eu à se renfermer sur lui-même pour fuir le monde !

Mais…si rien de tout cela n’était arrivé, aurais-je fait la connaissance de Kagari alors que j’étais désespérément seule ? Aurions-nous pu créer ce club si Drago n’avait pas eu ce détachement total des réalités en voyant l’état de la salle ? Serais-je simplement…tombée amoureuse de celui qu’il était auparavant ?

Je ris intérieurement. Finalement, c’était Kagari qui avait raison. J’avais beau essayer de me convaincre que je voulais que mon ami redevienne comme avant, me traiter moi-même d’égoïste, regarder sans cesse la peine de Drago à travers mon œil gauche pour me motiver, me rappeler des moments heureux que nous avions vécus, au fond de moi, je voulais qu’il reste ainsi.

Le destin était bien cruel. Quelle ironie du sort : tenter de tout faire pour ramener une personne pour finalement s’attacher à celui que l’on souhaite faire disparaitre jusqu’à ne plus pouvoir en être séparé…

-Eh, Asuna, je te parle ! S’exclama Ichigo en me donnant un coup sur l’épaule me tirant de mes pensées.

-Qu…Qu’est-ce qu’il se passe ? Bégayai-je, surprise.

-Kagari veut qu’on prenne une photo ; me répondit-il avec sa sympathie habituelle.

-Maintenant ? En pleine nuit ? M’étonnai-je.

Ichigo haussa les épaules et se plaça juste devant le télescope, Drago vint le rejoindre et je pris place entre les deux garçons tandis que la déléguée réglait l’appareil.

Lorsque le flash se déclencha, cela fit trébucher Kagari qui m’entraina avec elle dans sa chute et je me rattrapai de justesse à Drago tandis qu’Ichigo sauta sur le côté pour nous éviter, le tout donnant une photo…totalement ratée que nous gardâmes en souvenir de cette nuit magique.

Les semaines passèrent après cela sans que rien d’extraordinaire n’arrive. Même si j’avais réalisé que j’étais bel et bien amoureuse de Drago, je continuais à faire mon possible pour effacer cette tristesse en lui tout en espérant que, si je réussissais, il ne changerait pas malgré tout, pensant qu’il était maintenant beaucoup trop tard pour que l’ancien Drago refasse surface après toutes ces années.

Kagari avait d’ailleurs remarqué que je le regardais différemment depuis quelques temps et ne se privait pas pour m’embêter avec ça, si bien qu’après un mois, je finis par lui avouer, lasse de l’entendre répéter les mêmes blagues en boucle.

Ma révélation souleva évidemment une nouvelle vague de blagues vaseuses mais une fois la déferlante passée, la déléguée se mit en tête de découvrir si les sentiments de Drago étaient réciproques…ce qui était perdu d’avance puisqu’il était déjà impossible de savoir s’il était intéressé ou ennuyé pendant les cours…

Un jour, peu avant les vacances d’été, Kagari me soumit sa dernière idée pour découvrir les vrais sentiments de Drago alors que ce dernier était déjà rentré chez lui.

-Bon, voila le plan Asuna, cette fois ça va marcher ! S’exclama la jeune fille en abattant son poing sur la table de verre d’un air confiant.

-C’est ce que tu as dit les dix autres fois ; soupirai-je. Abandonne, ça m’épargnera de courir encore dans tous les sens pour rien.

-C’est vrai ça, de toute façon même si Drago avait des sentiments pour Asuna, il n’oserait jamais les montrer donc à quoi bon ! Renchérit Ichigo les bras croisés sur le torses, assis dans le fauteuil de cuir.

-Arrête de faire ton jaloux et aide-moi un peu toi ! Le Rabroua Kagari.

-Jaloux de Drago ? N’importe quoi ; cracha l’adjoint avant de sortir de la pièce sans ajouter un mot de plus.

-Il est vraiment jaloux ; pouffa la déléguée.

-Et donc, qu’est-ce que je dois faire cette fois-ci ? Le surprendre sous la douche ? Aller le réveiller demain matin ? Le prendre en filature ?

-Lui donner ça !

De son sac, Kagari sortit un petit sachet contenant des biscuits encore chauds, sortant visiblement du four qu’elle avait installé pour pouvoir diner lorsque nous restions le soir.

Je me pris la tête dans les mains et me frottai les yeux avant de prendre le sachet ainsi que mes affaires.

-Ce soir je te dis à quel point ton idée n’a pas marché, comme d’habitude ! Lui lançai-je en sortant de la salle.

Une fois à l’extérieur, je regardai de plus près les biscuits. Ils avaient l’air délicieux et rien que de les sentir me mettait l’eau à la bouche. J’avais bien envie de les manger sur le chemin mais Kagari aurait été capable de me suivre, mieux valait jouer la prudence et ne les manger qu’une fois rentrée.

Comme chaque jour, je passai devant la maison de Drago pour rentrer chez moi mais cette fois-ci, je sentis quelque chose d’étrange dans l’air.


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Les oiseaux ne chantaient plus, le ciel s’était couvert de nuages noirs et menaçants, rendant cette journée bien sombre tout à coup et le vent s’était mis à souffler fort, beaucoup trop fort pour une journée d’été.

-C’est bien ma veine, il ne manquait plus qu’une bonne averse pour avoir des gâteaux totalement ramollis…

Mais, alors que je rangeai le cadeau de Kagari dans mon sac, un frisson me parcourut l’échine. Ayant un mauvais pressentiment et tous mes sens en alerte, je me retournai immédiatement et ce que je vis me glaça le sang, si bien que je lâchai mon sac sous l’effet de la peur.

Devant moi, il y avait un homme…Non, une créature portant une cape noire qui s’avançait lentement dans ma direction. Je n’arrivai pas à distinguer son visage car il était caché par une large capuche mais deux yeux rouges comme le sang brillaient dans la pénombre. A en juger par sa démarche et par le bruit qu’il faisait à chaque pas, il portait une sorte d’armure sous sa cape.

Je n’osais plus faire un seul mouvement, tétanisée. Etait-ce le retour de cet homme nous ayant attaqué huit ans plus tôt ?

Je crus que mon cœur allait s’arrêter de battre lorsque la créature arriva à ma hauteur. Cette dernière tourna la tête vers moi et, lorsque son regard rouge comme le sang croisa mes yeux vairons, je sentis immédiatement une douleur dans l’œil caractéristique de l’apparition de cet étrange signe. Cependant, pour la première fois, mon pouvoir ne se déclenchait pas à cause de Drago mais à cause de cette chose.

Néanmoins, ma peur s’atténua légèrement lorsque la créature me dépassa avant de reprendre presque aussitôt en voyant qu’elle se dirigeait vers la maison de Drago.

Sans avoir eu besoin de frapper à la porte ou de la fracasser, cette dernière s’ouvrit et le père de Drago sortit, accompagné de sa sœur, faisant face à la créature, les yeux exorbités.

-T…Toi ! S’étrangla le père, devenu soudain livide.

-Nul ne peut échapper à son destin ; répondit alors la créature d’une voix lente et grave.


Mon sang se glaça dans mes veines. Que se passait-il exactement ? Cette chose et la famille de Drago semblaient se connaitre mais comment ? Mon ami ne m’avait jamais parlé de cela…à moins que…était-ce de cela que Drago avait peur ? Cette créature et l’homme nous ayant attaqués huit ans auparavant étaient-ils liés ? Et mon œil, pourquoi réagissait-il à la présence de cette chose ? Quel était le secret se cachant derrière la famille de Drago ?…

Devant la peur de Théa et de son père, je voulus aller les aider dans l’espoir que l’arrivée d’une simple civile fasse fuir la créature comme dans les films mais une petite voix au fond de moi me criait de restait où j’étais et de ne pas intervenir.

La sœur de Drago recula d’un pas, se cachant derrière son père qui, malgré le malaise se lisant dans son regard, faisait face à la créature. Cette dernière ne semblait pas agressive, elle se contentait de rester sur le parvis de la maison mais elle dégageait une sorte d’aura maléfique me mettant vraiment mal à l’aise.


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-Alors…le moment est arrivé ? Demanda le père de Drago d’une voix chargée de regrets.

-Nul ne peut échapper à son destin ; répéta la créature de sa voix dénuée d’émotion, pas même vous, l’ombre éternelle vous rattrapera où que vous soyez.

Un nouveau frisson me parcourut l’échine. La façon dont cette chose répétait cette phrase sonnait vraiment comme une fatalité. Ce n’était pas un simple prophète de malheur comme il y en avait tant, cette créature semblait vraiment surnaturelle, comme si elle connaissait exactement ce qui allait arriver à la famille de Drago.

Le père de Drago ordonna à Théa de rentrer à l’intérieur, ce qu’elle fit non sans protester, laissant le grand homme seul face à la créature aux yeux rouges comme le sang.

-Très bien Armageddon ; reprit le père de Drago d’une voix tremblante, je suis prêt mais avant tout, j’ai besoin de savoir : si nous restons ici, que va-t-il se passer exactement ?

-Je n’ai aucun pouvoir sur ce monde Solaris ; lui répondit la créature.

Solaris ? Pourquoi cette chose appelait-elle le père de Drago par un tel nom ? Lorsqu’il s’était présenté à mes parents, il prétendait s’appeler Arata, était-ce un mensonge ? Et de quoi parlaient-ils ? De quels pouvoirs était-il question ? J’étais définitivement perdue mais j’avais le sentiment d’assister à un événement qui allait changer la face de ce monde…

-Cependant, dans le futur que j’ai vu, si rien n’est fait, Hélios va franchir le portail et pénétrer dans ce monde, est-ce vraiment ce que tu veux ?

Hélios…encore un nom qui m’échappait. Et pourquoi parlait-il de « ce » monde ? Existait-il une sorte de monde parallèle comme dans les films de science-fiction ?

Le père de Drago grimaça face à la question de la créature qui n’avait toujours pas bougé d’un pouce puis, après un instant de réflexion, l’homme baissa les yeux au sol d’un air triste.

-Dis-moi Armageddon, j’imagine que dans tous les cas, ni moi, ni Stella ni Théa n’avons notre place, je me trompe ?

-Pas dans le monde que je gouverne du moins. Vous avez déjà suffisamment fui votre Destin, et maintenant, il vous rattrape.

-Et…Drago alors ?

Mon cœur s’arrêta l’espace d’un instant. Je n’étais pas sûre de tout comprendre mais d’après le peu que j’avais pu saisir, cette créature connaissait le futur et venait d’annoncer au père de Drago et à sa famille une mort certaine…Mais lui alors ? Le dénommé Armageddon semblait hésiter ce qui faisait battre mon cœur à tout rompre mais il finit par répondre :

-Drago vivra.

Son père poussa un soupir de soulagement et moi aussi, cependant, le visiteur reprit la parole, d’un ton plus sombre et plus menaçant cette fois-ci :

-Il vivra mais toutes les futurs mènent à une seule et même voie : celle de l’imprévisible.

-A…Attends une minute, qu’est-ce que cela veut dire ? S’étrangla son père. Je croyais que tu pouvais voir tous les futurs possibles !

-Sauf quand ce futur implique un voyage dans le temps.

-Un…voyage dans le temps ? Comme le nôtre ?

J’écarquillai une nouvelle fois les yeux. Le père de Drago…venait de révéler qu’ils ne venaient pas de cette époque. Je comprenais mieux à présent leurs coutumes étranges à leur arrivée mais Drago, lui, ne semblait au courant de rien de tout cela. Ou peut-être au contraire…savait-il tout ce qu’il se passait et c’est pourquoi il avait pris peur et s’était renfermé sur lui-même…

-Il n’y a pas qu’un voyage dans le temps, une étrangère va également venir perturber le destin de ce monde.

Dans un geste très humain, Armageddon mit les mains dans ses poches et j’eus l’impression qu’il leva la tête au ciel même si mon imagination me jouait peut-être des tours.

-Solaris, bientôt, tous ces événements vont me faire perdre la raison.

-Perdre…la raison ? Répéta le père de Drago. Mais, je ne comprends pas, si tu connais tout le futur à l’avance, pourquoi ne cherches-tu pas à le changer ?

-Tout simplement parce que je suis le gardien du destin. J’ai le droit de le rectifier s’il est menacé comme je le fais actuellement avec toi, mais en aucun cas je ne peux user de mes pouvoirs pour créer un nouveau destin car mon passé s’opposerait immédiatement à moi.

-Mais…Si tu perds la raison, que va-t-il se passer ? Ne dois-tu pas, en tant que gardien, t’empêcher de perdre la raison pour le bon déroulement du destin ?

-La est bien le paradoxe de mon rôle, Solaris. Je suis une créature atemporelle, mon existence dépasse de loin votre compréhension du monde mais sache que si je modifie le destin de moi-même, je disparaitrai définitivement.

-Si cela arrive, que va-t-il se passer ? N’était-ce pas ce que Gariatron et les autres démons désiraient depuis le début ? Que cherchaient-ils réellement à faire en t’éliminant ?

Avais-je bien entendu ? Le père de Drago venait-il de parler de Démon ? J’avais vraiment l’impression de m’être embarquée dans une histoire me dépassant largement et mon intuition me disait que ce n’était que le début d’une très longue aventure…

-Qui sait quelles étaient leurs véritables intentions, même Luminion ne savait pas exactement ce qu’il espérait obtenir après ma destruction. Cependant, ne crois pas que je n’aie rien fait en prévision de ma folie Solaris.

-Tu dis que tu ne feras rien pour modifier le destin mais que tu l’as déjà prévu. Tu ne te contredirais pas Armageddon ? Ironisa le père de Drago.

-Quelle étroitesse d’esprit ; ricana le monstre. J’ai simplement fait quelque chose que vous, les humains, aimez : j’ai joué avec les règles. Le futur après ma perte de raison m’est inconnu, c’est pourquoi, on ne peut pas parler de destin, il n’y a rien à préserver. J’ai donc pris deux humains et je leur ai confié une partie de mes pouvoirs pour qu’ils me détruisent lorsque cela arrivera avant de prendre ma place et de devenir les nouveaux gardiens du destin.

-T…Te détruire ? Mais pourquoi ? S’étrangla le père de Drago.

-Mon rôle est bien plus complexe que de simplement réguler le destin. Je dois m’assurer qu’il ne change pas à nouveau et pour cela, j’ai besoin de ma raison pour convaincre les personnes cherchant à le modifier, comme je l’ai fait avec toi. Sans raison, seul mon instinct de conservation s’opposera à ces personnes et penses-tu vraiment que tu aurais renoncé si je t’y avais forcé ?

Le père de Drago ne répondit rien et se contenta de sourire en fermant les yeux. Tout cela commençait à me donner vraiment mal à la tête. Comment m’étais-je retrouvée embarquée là-dedans alors que je venais simplement donner deux gâteaux à Drago…

Pour ne rien arranger, la douleur dans mon œil ne disparaissait pas si bien que je fus obligée de mettre ma main devant pour tenter de calmer la douleur…en vain. J’avais vraiment l’impression qu’il allait exploser d’un instant à l’autre.

J’aurais pu partir discrètement et faire comme si je n’avais rien vu mais mes jambes refusaient de bouger. Je ne savais pas si c’était moi ou une force extérieure mais je n’arrivais pas à détacher mon attention de la créature.

-Je suis désolé de ne pas avoir compris ton rôle plus tôt Armageddon, je t’en ai vraiment fait voir de toutes les couleurs ; soupira le père de Drago en baissant la tête.

-Cela n’a plus d’importance à présent. Même si cela aura pris du temps, le destin n’en sera pas modifié puisqu’Hélios est toujours vivant lui aussi.

Un léger sourire passa sur les lèvres de l’homme et ce dernier tendit la main à la créature en déclarant :

-C’est donc un adieu, Armageddon. Merci de nous avoir laissé vivre ces années malgré tout et de m’avoir fait comprendre que ma décision était égoïste. Même si nous ne serons plus là pour le voir, je sais maintenant que nous laisserons un monde en paix derrière nous. Dès demain, j’ouvrirai le portail de retour et j’affronterai Hélios comme le veut la prophétie.

-Je ne fais que suivre mon rôle, il aurait été stupide de votre part d’accepter sans même réfléchir aux conséquences. Cependant, j’aimerais vous faire un présent.

La créature attrapa la main du père de Drago et un éclat de lumière m’aveugla pendant un instant. Lorsqu’il se dissipa, monsieur Mio était seul sur le parvis, le regard perdu au loin mais il n’y avait plus aucune trace d’Armageddon.

Avais-je rêvé ? Non…mon œil me faisait toujours souffrir et la pluie battante n’avait pas cessé. Il devait toujours se trouver quelque part dans les environs…mais où ?

Je regardai de tous les côtés, sur mes gardes et je fis un bond de deux mètres en arrière en voyant les yeux rouges de la créature juste derrière moi.

Je voulais fuir le plus loin possible, ne préférant même pas imaginer quelle était l’étendue des pouvoirs de cette chose mais j’étais paralysée par la peur, incapable de faire le moindre geste.

-Je vois, tu as tout entendu n’est-ce pas ? Me demanda Armageddon de sa voix dénuée de sentiment.

-J…Je…Qui…qui êtes-vous ? Balbutiai-je.

-Je pourrais te poser la même question ; me répondit-il en focalisant son regard sur mon œil vert qui scintillait toujours à ce moment-là.

-Q…Que me voulez-vous ? Articulai-je, tétanisée.

-Hoshino Asuna…n’est-ce pas ? Ne joue pas trop avec le destin des autres, ton propre monde aura besoin de toi plus que n’importe qui. Les actions de Solaris ne sont pas sans répercussion ici. ; continua-t-il d’un ton qui sonnait à la fois comme une menace et un avertissement.

Avant que je n’aie pu faire la moindre contestation, un puissant vent souffla dans la ruelle et Armageddon se volatilisa comme un tas de poussière s’envolant. Immédiatement, la douleur dans mon œil cessa et je m’écroulai au sol, vidée de toutes mes forces.


Lorsque j’ouvris les yeux à nouveau se trouvait au-dessus de moi un haut plafond sculpté de fleurs ainsi qu’un grand lustre de cristal. En tournant la tête, je vis que je me trouvais dans une vaste pièce, une chambre pour être plus précise et pas n’importe laquelle, une que je connaissais très bien même. Cette dernière était assez facilement reconnaissable à sa forme particulière avec ses murs arrondis entrecoupés de larges fenêtres donnant sur plusieurs balcons extérieurs. Le sol était recouvert d’une moquette beige, elle-même protégée par un tapis fleuri. Au fond de la pièce, une grande cheminée de marbre blanc sur laquelle plusieurs photos étaient posées, trônait, imposante et majestueuse.

-Oh, tu es enfin réveillée Asuna ! S’exclama une voix à l’entrée de la pièce.

Je tournai la tête et je vis Kagari chargée d’un plateau sur lequel était posé un verre d’eau et plusieurs plats qui me donnaient l’eau à la bouche.

-Kagari, que m’est-il arrivé ? Et qu’est-ce que je fabrique ici ? Demandai-je d’une voix rauque.

-J’attendais justement que tu me le dises ; me répondit la déléguée d’un air embêté. J’étais venue t’espionner un peu lorsque je t’ai vue inconsciente sur le sol.

Je grimaçai. J’hésitais à parler de ce que j’avais vu à Kagari. Elle était peut-être ma meilleure amie et je me confiais souvent à elle mais cette histoire avec le père de Drago et cet Armageddon dépassait certainement sa compréhension et lui raconter ne ferait que l’inquiéter…

-Je…Je crois que j’ai dû attraper quelque chose à cause de la pluie ; mentis-je en détournant le regard.

-Quelle idée de rester sous la pluie battante aussi ! Je sais que tu veux autant que moi savoir si Drago t’aime ou non mais ce n’est pas une raison pour l’attendre à t’en rendre malade ! S’exclama la déléguée, les yeux exorbités.

Cette fois-ci, je ne rougis même pas à sa remarque. J’étais bien trop préoccupée par les paroles de la créature pour me chamailler avec mon amie. Je me souvenais que, juste avant de perdre connaissance, le dénommé Armageddon avait prononcé mon nom…Premièrement, je n’avais aucune idée de comment il le connaissait et deuxièmement, que voulait-il dire par « jouer avec le destin des autres » ? Faisait-il référence à ma volonté de sortir Drago de sa solitude ? Cela me paraissait un peu exagéré tout de même…Il devait y avoir quelque chose que je n’avais pas saisi…mais quoi ?

Je tentai de me remémorer toute la conversation que j’avais entendue et je sursautai tout à coup en me souvenant des mots du père de Drago.

-Kagari, dis-moi, est-ce que Drago et sa famille vont bien ? Lui demandai-je précipitamment.

-Euh…Oui, je crois, pourquoi ça n’irait pas pour eux ? S’étonna-t-elle. En tout cas, quand je t’ai ramassée, tout semblait normal.

Je lâchai un soupir de soulagement. Peut-être avais-je mal compris cette conversation après tout, peut-être ne parlaient-ils pas d’une éventuelle mort mais de quelque chose d’autre…je devais y croire, pas seulement parce que j’appréciais sa famille mais aussi parce que, si ce que j’avais compris devait se produire, je savais pertinemment que Drago ne le supporterait pas…


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-Oh attends, je viens de me souvenir d’un truc bizarre quand même ; reprit Kagari en mettant un doigt devant la bouche, comme quand elle réfléchissait.

Mon cœur rata un battement et je l’attrapai par les épaules, ce qui la fit sursauter.

-Qu’est-ce que tu as vu Kagari ?

-Je…Je ne sais pas si c’est vraiment louche, mais j’ai croisé un drôle de type sur le chemin…

-Un…Drôle de type ? Répétai-je, tremblante. Avec une cape ?

-Non, je ne crois pas mais il était immobile dans la rue et il fixait la maison de Drago. Tu sais, comme le moustachu au manteau dans clannad qui…

Je me levai du lit d’un bond. Ce n’était pas bon du tout. Je savais que la famille de Drago courait un danger et la présence de cette personne décrite par Kagari n’était sûrement pas une coïncidence. Cependant, il fallait que j’y retourne sans tarder si je voulais empêcher le pire d’autant plus que j’étais certainement la seule à pouvoir agir…

-Désolée Kagari, je dois aller vérifier un truc ! Lançai-je en enfilant mes chaussures.

-Tu penses que ce type est dangereux ? S’exclama la déléguée en sursautant.

-Je suis même certaine qu’il est dangereux, il n’y a pas de temps à perdre !

-Je viens avec toi alors, je pourrai facilement le reconnaitre ; rétorqua Kagari avec un petit sourire aux lèvres.

-Fais comme tu veux mais dépêche-toi !

En moins d’une minute nous fûmes à l’extérieur et nous nous précipitâmes à travers les rues de la ville pour rejoindre la maison de Drago. Heureusement, rien n’était éloigné du reste dans cette petite ville et nous arrivâmes sur les lieux que j’avais quittés quelques heures plus tôt dix minutes plus tard.

Immédiatement, je regardai de tous les côtés dans l’espoir de voir cette fameuse personne mais les rues étaient toujours aussi désertes qu’avant.

Kagari se dirigea vers une ruelle, certainement celle où elle avait vu l’homme louche, mais ne trouva rien de plus que moi.

-Non, il n’y a plus personne ici, il a dû partir.

Je serrai les dents. Même s’il n’était pas forcément lié à ce que j’avais vu plus tôt, il était indéniable, d’après Kagari, qu’il avait un rapport avec Drago. J’aurais bien aimé l’attraper au moins pour lui poser quelques questions…

-Asuna, Kagari, que faites-vous ici ? Nous demanda une voix provenant de derrière nous.

Je me retournai en sursautant lorsque je reconnus la voix de Drago. Ce dernier nous regardait avec étonnement, un sac de courses à la main, portant toujours son uniforme.

-Ah…Je…Kagari me raccompagnait simplement chez moi ; lui dis-je d’une voix peu assurée.

Comprenant mon désir de ne pas affoler le jeune homme, Kagari prit ma suite même si son aide me mit encore plus mal à l’aise…

-Asuna voulait t’offrir des gâteaux ! Lança-t-elle avec un sourire niais.

Je voulus vraiment m’enfuir très loin à ce moment-là. Pourquoi se sentait-elle toujours obligée de régler un problème en en mettant un encore plus gros sur la table…

Drago haussa légèrement les sourcils, étonné et je lançai un regard noir à Kagari qui me tira la langue. Cependant, la présence de mon ami m’empêchait de couper la langue de la déléguée pour lui apprendre à se taire…

Mais je devais profiter de l’occasion pour savoir si Drago était au courant des histoires se tramant dans le coin.

-N’écoute pas Kagari, j’étais simplement venue te demander quelque chose mais j’ai vu ton père parler à quelqu’un donc je n’ai pas osé le déranger.

Drago pencha la tête sur le côté, ne comprenant apparemment pas où était le problème mais ce simple geste suffit à me donner ma réponse. Comme je le pensais, Drago ne savait absolument rien…

-Enfin, ne t’embête pas avec ça, je repasserai demain !

-Tu peux lui demander maintenant si tu…

Je ne le laissai pas terminer sa phrase et je m’éclipsai en vitesse, laissant les deux membres du club sur place et dans l’incompréhension.

Lorsque j’arrivai chez moi, je m’écroulai immédiatement sur mon lit. Je ne savais plus quoi faire. Devais me préoccuper de tout ça et faire mon possible pour changer les choses ou devais-je faire comme si de rien n’était et continuer à vivre ma vie comme avant ?

Même si la deuxième option me paraissait bien plus raisonnable si je ne voulais pas devenir folle, je ne pouvais tout simplement pas laisser la famille de Drago mourir, ma conscience ne me le permettait pas.

Je devais trouver un moyen de changer les choses, n’importe lequel ! Mais je devais aussi mettre Drago dans la confidence. Cela concernait sa famille, il avait le droit de savoir. Je devais simplement lui annoncer de manière à ne pas l’affoler…

En levant les yeux et en voyant une vieille photo des sept ans de Drago, une idée me traversa l’esprit. Je pris une feuille de papier et je commençai à écrire une lettre d’invitation pour mon ami. Il n’y avait rien de mieux qu’un diner pour aborder des sujets délicats. Si Kagari avait été là, elle en aurait certainement profité un maximum mais je n’avais pas d’autre moyen de lui annoncer sans le brusquer.

Après une dizaine d’essais ratés, je finis par laisser les choses ainsi et je me contentai de ce que j’avais écrit. Ce n’était pas terrible mais j’espérai qu’avec ça, il comprendrait que mon invitation était vraiment importante.

Là-dessus, j’allai me coucher pour être en forme pour le lendemain et surtout pour ne pas continuer à réfléchir indéfiniment à cette lettre sans quoi je savais que j’allais passer une nuit blanche…

Le lendemain, sur le chemin du lycée, je ne pus m’empêcher de vérifier aux alentours de la maison de Drago pour voir si le fameux type était revenu mais tout était calme ce matin. Après tout, peut-être Kagari se trompait-elle et qu’il ne s’agissait que d’un simple passant.

En arrivant dans la classe, je saluai les deux délégués et j’allai m’installer à ma place comme chaque jour puis je sortis la lettre de mon sac avec l’intention de la donner à Drago dès son arrivée. Cependant, je manquai de prudence et Kagari vint se placer juste derrière moi alors que l’enveloppe était encore posée sur la table.

-Oh, mais qu’est-ce que c’est que ça ? S’exclama-t-elle en prenant la lettre sous mon nez, un sourire niais sur les lèvres.

-Rends-moi ça Kagari ! Protestai-je en, commençant à paniquer.

-Alors c’est pour ça que tu es partie aussi vite hier, je comprends mieux !

-P…Pas du tout ! Ce n’est pas du tout ce que tu crois ! Rétorquai-je en commençant à rougir.

-Voilà que tu commences à faire ta Tsundere ; continua la déléguée en riant.

-Tu vas voir à quel point une tsundere peut être violente si tu ne me donnes pas ça, toi !

Je me levai de ma chaise et je me mis à poursuivre Kagari dans la classe, sous les regards ébahis de tous nos autres camarades mais ce qui m’importait à ce moment, c’était de récupérer cette lettre avant que mon amie ne gâche tout…

Finalement, cette dernière fut arrêtée par Ichigo qui attrapa le bout de papier au vol sous les protestations de la jeune fille. Cependant, alors que je pensais qu’il allait me la rendre sans faire plus d’histoire, le grand gaillard baissa les yeux et fronça les sourcils, visiblement mécontent.

-Une lettre pour Drago ? Murmura-t-il.

-J’ai juste besoin de parler de quelque chose avec lui, arrêtez de vous imaginer n’importe quoi ! Râlai-je en lui reprenant la lettre des mains.

-Fais ce que tu veux, ta vie sentimentale ne me regarde pas de toute façon ; se contenta-t-il de répondre en retournant s’asseoir à sa place.

-Vous n’êtes pas drôles tous les deux ! Se plaignit la déléguée en gonflant les joues comme une enfant.

Après cet incident, lorsque Drago arriva, je ne trouvai pas le courage de lui donner l’enveloppe immédiatement, non seulement parce que Kagari était toujours dans les parages mais aussi parce que j’avais l’impression d’être ridicule avec des choses aussi formelles alors qu’il suffisait de lui dire…Mais je ne pouvais vraiment pas lui exposer la véritable raison de cette invitation devant tout le monde, une lettre était le seul moyen de ne pas attirer l’attention sur nous.

La journée se passa donc normalement, comme n’importe quelle autre journée. Kagari me lançait des piques stupides, je réagissais plus ou moins, Ichigo grognait dans son coin et Drago était toujours aussi perdu dans ses pensées.

C’était notre quotidien en y repensant. Même s’il y avait plus agréable et amusant, j’appréciais ces moments que nous passions tous ensemble et j’avais du mal à imaginer une journée autrement que comme cela. J’aurais vraiment tout donné pour que les choses ne changent jamais…mais je savais que ce quotidien était sur le point de prendre fin…

Non, je ne devais pas penser comme ça ! Si j’invitais Drago ce soir-là, c’était justement pour lui parler de tous ces événements et les empêcher de se produire !

A la fin des cours, je décidai de prendre enfin mon courage à deux mains et d’ignorer les remarques de Kagari, même si je lui étais reconnaissante sur un point : celui d’avoir annulé les activités de club pour que je puisse préparer convenablement mon rendez-vous…Elle était peut-être agaçante parfois mais elle me connaissait mieux que personne.

-Drago-chan ! Lançai-je à travers la classe alors que mon ami s’apprêtait à rentrer chez lui, faute d’activité.

-Asuna, que se passe-t-il ? Me demanda-t-il avec son manque d’émotion habituel.

En croisant son regard, je ne pus m’empêcher de rougir et à me dandiner d’un pied sur l’autre. A force d’écouter les bêtises de Kagari, je commençai à m’imaginer des choses moi aussi…mais je ne devais pas me laisser distraire.

-Dis…Je me disais…J’organise…une fête ce soir…et je me disais…

-Tu veux que je vienne c’est ça ?

-Tout à fait, alors tu en dis quoi ? Lui demandai-je avec un faux sourire.

En vérité, au fond de moi, mon cœur battait la chamade. Ma plus grande crainte était qu’il refusât mon invitation, ce qui aurait fait tomber tous mes plans à l’eau…Cependant, mon ami soupira légèrement avant de reprendre la parole.

-Et nous serons combien exactement ?

-En comptant le chien, trois ! lançai-je aussitôt, rassurée.

-Je n’ai pas le choix j’imagine…

-Parfait, ça commence à vingt heures, tâche de ne pas être en retard !

Sans ajouter un seul mot, je lui donnai l’enveloppe et je partis d’une démarche se voulant naturelle. Cependant, une fois qu’il fut hors de vue, je commençai à courir pour évacuer le stress. Je traversai toute la ville à grande vitesse pour pouvoir rentrer le plus vite possible chez moi.

En passant devant la maison de Drago, je vis deux hommes en blouse blanche en grande conversation. Je n’y prêtai néanmoins que peu d’attention, pensant qu’il ne s’agissait que de collègues de travail de son père et je rentrai chez moi deux minutes plus tard.

Gimpei m’accueillit en me sautant dessus comme toujours mais je n’avais pas le temps de jouer avec lui. Je devais me préparer. Même si ce diner était destiné à lui faire part de ce que j’avais vu, ce n’était pas une raison pour ne rien préparer non plus.

Je me mis donc derrière les fourneaux, ce qui m’occupa jusqu’à dix-neuf heures. Je n’étais pas spécialement douée en cuisine mais je fis de mon mieux pour avoir un résultat acceptable.

Dès que j’eus fini, je m’assis sur le canapé, attendant l’heure fatidique. Je n’avais toujours aucune idée de comment annoncer la nouvelle à Drago mais j’espérais que je serai en mesure d’orienter la conversation dans ce sens-là…

Les minutes passèrent, puis mon horloge sonna huit heures, puis huit heure trente, neuf heures mais personne ne se présenta. Il n’avait quand même pas pu se perdre en habitant à deux rues de chez moi…

Soudain, une vive douleur me transperça l’œil. Cependant, c’était différent de d’habitude, je n’avais encore jamais ressenti une douleur pareille, pas même en présence d’Armageddon. Je perdis l’équilibre et des larmes se mirent à couler de mes yeux tant la douleur était intense. Je pense que si on m’avait enfoncé un épieu, j’aurais ressenti la même peine…

Puis la douleur disparut d’un seul coup, aussi vite qu’elle était arrivée et je m’écroulai sur mon canapé, la respiration saccadée, le cœur battant à tout rompre. Drago avait-il des ennuis ?

Je m’apprêtai à l’appeler pour m’assurer que tout allait bien lorsque je vis que j’avais reçu un message de Kagari pendant mes spasmes : « REGARDE LES INFORMATIONS !!!!!! » et une seconde plus tard, je reçus un appel de cette dernière qui me cria dans les oreilles :

-Asuna, qu’est-ce que tu fabriques bon sang ! Tu as vu mon message ou pas !

-Désolée Kagari, je…

-Allume la télévision, tout de suite !

Devant le ton pressant de la jeune fille que ne lui ressemblait pas, je m’exécutai, intriguée et une vision d’horreur s’offrit à moi lorsque l’écran s’alluma et je lâchai mon téléphone, soudain vidée de toutes les forces qui me restaient. Au journal télévisé, dans un coin à droit du présentateur, se trouvait le laboratoire du père de Drago, une épaisse colonne de fumée s’en élevant tandis qu’un gros titre défilait en boucle en dessous « Explosion du centre de recherche des énergies nouvelles, une famille a été prise dans la déflagration. Aucun survivant »





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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Hoshino Asuna : La raison perdue



Spoiler :


Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines et, raccrochant au nez de Kagari, je sortis en trombe de chez moi, composant le numéro de Drago tout en courant dans les rues. Cependant, mon téléphone sonnait dans le vide et une pensée encore plus horrible me traversa l’esprit : Drago était-il avec ses parents au moment de l’explosion ?

Non, je devais écarter cette possibilité. J’avais ressenti la douleur de mon ami alors que d’après les informations, l’accident s’était produit plus tôt dans la journée.

J’arrivai devant la maison que je connaissais si bien mais il n’y avait personne : les lumières étaient éteintes, la porte était fermée, et il n’y avait aucun signe de vie.

Je regardai frénétiquement de tous les côtés, à la recherche d’un indice, de policiers, de pompiers, d’une présence humaine, de n’importe quoi qui aurait pu me dire où se trouvait Drago mais l’endroit était désert et un silence de mort pesait sur la maison abandonnée.

-Drago ! Criai-je de toutes mes forces.

Ma voix résonna dans la nuit quelques instants avant de disparaitre au loin sans qu’aucune réponse ne me parvint. Pourtant, je savais qu’il était là, il ne pouvait pas être ailleurs. J’avais ressenti sa douleur, certainement celle que lui-même avait ressenti en apprenant la catastrophe.

Ne supportant plus de rester à chercher une solution, je décidai d’aller voir par moi-même ce qu’il en était.

Cependant, alors que je m’apprêtai à ouvrir la porte de la maison, une violente secousse ébranla la maison et je fis un pas en arrière, effrayée.

C’est là que je le vis. Du ciel provenait une étrange lumière en pleine nuit. Ce n’était ni la lune, ni un avion et encore moins un hélicoptère. C’était une sorte de…trou lumineux se trouvant juste au-dessus de la maison de Drago.

Puis, peu après, un rugissement semblable à celui d’un monstre tout droit sorti d’un film se fit entendre et mon cœur s’arrêta de battre lorsque je vis quelle créature en était l’origine.

Tout mon corps se mit à trembler, mes yeux étaient près à sortir de mes orbites et je tombai à la renverse, mes jambes ayant perdu toute leur force d’un seul coup à la vue de ce qui réveilla un sentiment de déjà vu en moi.

Au-dessus du toit de la maison planait l’ombre d’une créature gigantesque ressemblant à un Dragon. Cependant, il était comme divisé en deux parties distinctes, l’une se fondant dans le noir de la nuit, l’autre illuminant tout le quartier de sa lumière intense…exactement de la même façon que je voyais l’aura de Drago habituellement.

Le dragon, long de plus de dix mètres, s’engouffra dans le trou et, laissant une onde de choc derrière lui qui balaya tous les débris et renversa plusieurs objets, disparut instantanément, en même temps que la brèche se refermait, ne laissant qu’un ciel ordinaire.

Lentement, encore abasourdie, je me relevai, me pinçant pour être certaine de ne pas avoir rêvé mais les dégâts autour de moi confirmaient la réalité de l’événement…

Que se passait-il ? D’abord cette créature du nom d’Armageddon et maintenant un Dragon et une brèche dimensionnelle…Que se passait-il autour de Drago pour qu’autant d’événements impossibles se produisent…

Je fis un bond sur place en repensant à Drago. Etait-ce lui l’origine de ce phénomène étrange ? Il n’y avait qu’un seul moyen de le confirmer.

D’un coup puissant coup de pied, je défonçai la porte d’entrée et je pénétrai à l’intérieur. A première vue, tout semblait normal : les meubles étaient à leur place, les affaires bien rangées comme toujours et le sac de Drago me confirmait sa présence ici.

-Drago, tu es là ? L’appelai-je.


https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8


Seul le silence me répondit et je décidai de passer à l’étage puisque c’était de là que venait le dragon. Je montai donc les escaliers et je passai devant la chambre de Théa, toujours aussi désordonné que d’habitude mais je m’arrêtai, voyant quelque chose qui attira mon attention.

Sur son bureau, un bout de papier était posé et, juste à côté se trouvait la veste de l’uniforme de l’école…

Il n’y avait plus aucun doute, Drago était passé par là et il devait s’y trouver encore peu de temps avant mon arrivée à en juger par le fait que la lettre était encore sur la table alors qu’elle aurait dû s’envoler à cause du vent s’infiltrant par la fenêtre ouverte.

Et pourtant, après avoir vérifié toutes les autres pièces, je fus obligée de me rendre à l’évidence : même s’il était passé par ici, Drago n’était plus là.

Dépitée, je m’assis sur une chaise et je me pris la tête dans les bras et je me mis à pleurer malgré moi.

Je le savais…Je le savais que je n’aurais pas dû prendre autant de temps. Tout était de ma faute. Je savais ce qui allait se passer, il aurait suffi que j’en parle à Drago la veille pour tout éviter…mais j’avais laissé mes émotions prendre le dessus sur moi et toute sa famille était morte, tandis que lui…je n’avais aucune idée de ce qu’il faisait à présent. Il devait déjà être loin pour que je ne ressente plus aucune douleur dans mon œil…

En disparaissant ainsi, Drago n’avait pas seulement emporté mes efforts avec lui, mais également les rêves de Kagari et, par extension, ceux d’Ichigo. C’était terminé, sans Drago, le club n’avait plus aucune raison d’exister. Et dire que je nous voyais déjà diplômés tous les quatre puis plus tard nous retrouvant pour les fêtes, nous remémorant nos années heureuses de lycée…tout cela n’était plus qu’une vague illusion loin derrière l’horizon à présent. Notre histoire commune…venait de prendre fin.

Après dix minutes passées à me lamenter, les larmes firent place à la colère. De rage, je balayai d’un revers de la main toutes les affaires se trouvant sur le bureau de Théa et ces dernières se brisèrent sur le sol. Il fallait que je déverse ma rage sur quelque chose, ma rage de n’avoir rien pu faire, ma rage de ne pas pouvoir retrouver Drago, ma rage d’avoir été impliquée dans ces histoires, ma rage d’avoir échoué…

-Tout ce que je voulais, c’était que mon ami soit heureux, était-ce trop demandé ! Le destin de Drago était-il donc de souffrir éternellement ! suis-je condamnée à voir que mes efforts étaient inutiles ! Hurlai-je à l’attention de ce prophète de mauvais augure qu’était Armageddon et qui m’entendait, j’en étais persuadée.

Pourquoi avais-je été aussi stupide ? Pourquoi avait-il fallu que cet Armageddon s’en mêle ? Pourquoi avait-il fallu que je tombe amoureuse de quelqu’un d’aussi étrange ? Pourquoi…avais-je perdu autant de temps si tout devait se finir de la sorte ?…

Oui…Tout ce que j’avais fait…n’avait servi à rien…J’avais consacré ma vie à rendre le sourire à Drago, à retrouver cet ami que j’appréciais tant, à effacer cette aura sombre planant autour de lui…et tous ces efforts venaient d’être réduits à néant en une fraction de seconde…

Je tombai sur les genoux, réalisant le vide qui venait de se créer en moi et une seule question revenait en boucle dans mon esprit : et maintenant ?

Drago ne reviendrait pas, je le savais, je le connaissais trop bien. Il devait être totalement détruit en ayant appris la mort de ses parents et, même si cet Armageddon avait affirmé qu’il vivrait, les chances de le revoir étaient quasi nulles après un tel incident…

Et moi dans toute cette histoire ? Qu’allais-je devenir sans lui ? Tout ma vie n’avait été consacrée qu’à cet acharnement à faire revenir cet ami que j’avais perdu…mais maintenant, qu’allais-je faire ? Quel allait-être mon but ? Quelle allait-être ma raison de vivre ?…

Peut-être était-ce pour cela que j’étais tombée amoureuse de Drago, parce que je craignais inconsciemment de perdre gout à la vie si je perdais cet objectif qui occupait toutes mes pensées…

Finalement, après une longue heure de débat avec moi-même, j’acceptai l’idée de vivre cette vie sans objectif et sans saveur. Que pouvais-je faire d’autre de toute façon ? Je ne pouvais quand même pas partir à la chercher de Drago à travers le monde sans même avoir une piste, d’autant plus si mon œil ne ressentait plus rien provenant de lui…

Lentement, je me relevai et, prenant sa veste avec moi, je redescendis les escaliers avant de sortir de la maison sans même prendre la peine de remettre la porte en place.

Sans vraiment savoir pourquoi, je regardai le ciel au-dessus de ce qui était autrefois la maison de mon ami et de ses parents, comme m’attendant à revoir cette brèche s’ouvrir et ce dragon en ressortir avec Drago…

Cependant, je n’avais même pas fait trois pas à l’extérieur que deux hommes qui se trouvaient là se postèrent devant moi et me bloquèrent le passage. Ils étaient grands, portant des blouses blanches et des dossiers à la main. Leur expression était neutre mais je sentais de la méfiance émaner d’eux à ma vue. Certainement des collègues du père de Drago, pensais-je.

-Une minute mademoiselle, que faisiez-vous dans cette maison ? Me demanda le premier.

-J’étais venue perdre le peu d’espoir et de raison qu’il me restait ; leur répondis-je d’une voix dénuée de tout sentiment.

Les deux hommes me regardèrent avec étonnement mais, alors que je tentai de m’éclipser pour ne pas avoir à répondre à plus de questions ennuyeuses, le second reprit la parole :

-Connaissiez-vous les propriétaires de cette maison ?

-J’aurais préféré ne jamais les connaitre ; répondis-je aussi sec.

-Nous allons prendre cela pour un oui.

L’homme me tendit le dossier qu’il avait dans les mains mais je ne réagis pas. Après tout, je n’avais aucune raison d’accepter, je ne faisais pas partie de la famille et je n’avais aucun lien avec le laboratoire. Cependant, il insista.

-Ce sont les derniers documents laissés par le professeur Mio ; continua-t-il. Apparemment, il savait que l’expérience risquait de mal tourner et il a rédigé ce dossier puis nous l’a confié juste avant l’incident.

-En quoi cela me concerne-t-il ? Vous feriez mieux de les jeter directement si vous tenez tant que ça à vous en débarrasser, de toute façon, je n’ai plus rien à voir avec cet endroit.

-Le professeur nous avait donné comme instruction de le transmettre à la première personne que nous croiserions en sortant de sa maison. Nous n’en savons pas pourquoi ni comment il savait que quelqu’un viendrait, mais nous avons promis, alors s’il vous plait, veuillez accepter ces documents.

J’eus un moment d’hésitation. Rien ne m’empêchait de prendre ces papiers pour les jeter ensuite si cela me permettait de me débarrasser de ces deux types, même si une petite voix au fond de moi me disait que je n’y arriverai pas…

-Et ai-je le droit de savoir de quoi ces papiers parlent au moins ?

-Nous ne le savons pas nous-même, mais il y a de fortes chances qu’il s’agisse de ses derniers travaux.

En grognant, je finis par attraper le dossier que les hommes me tendaient.

-Bon, vous allez me laisser tranquille maintenant ? Râlai-je une fois les papiers en mains.

-Nous avons accompli la dernière volonté du professeur Mio donc oui, nous allons prendre congé à présent.

Sur ces mots, les deux scientifiques s’éloignèrent et je repris le chemin de la maison sans me retourner, le dossier dans une main, la veste de Drago dans l’autre, ces deux objets étant les derniers restes de ces dix dernières années passées à me battre pour redonner le sourire à mon ami.


https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw


Comme je l’avais prévu, Drago ne revint pas ni le lendemain, ni les jours qui suivirent et je ne ressentais plus aucune douleur dans mon œil.

Le lendemain de la tragédie, tout le monde ne parlait que de ça à l’école et Kagari avait tenté de me consoler en cachant sa propre peine derrière un faux sourire mais elle ne pouvait pas comprendre qu’aucun de ses mots ne pouvait plus m’atteindre. Ichigo faisait de son mieux pour étouffer les ragots à ce sujet mais il n’y avait rien à faire, l’explosion à la centrale et la disparition de Drago étaient sur toutes les lèvres.

Les professeurs ne parlèrent pas de cet incident, faisant semblant de ne pas savoir et considérant l’absence de Drago comme normale, certainement pour ne pas affoler la classe mais cela n’avait aucun effet. Tout le monde savait que Drago était parti quelque part, loin d’ici s’il ne s’était pas suicidé.

Quant à moi, la morosité et l’ennui du quotidien me gagnèrent rapidement. Je n’avais plus aucune volonté pour faire les choses, plus aucune réaction face à ce qui m’entourait, plus aucune sympathie pour tous mes camarades de classe. A quoi bon tout cela si de toute façon, je pouvais tout perdre d’une seconde à l’autre ?

Dans le même temps que mon moral périssait, ma santé se dégrada. Comme je vivais seule, personne n’était là pour me rappeler de m’alimenter correctement ou même de dormir suffisamment si bien que, au bout d’un mois, j’étais devenue méconnaissable et Kagari, ayant pitié de moi, me recueillit chez elle. Je pense que sans la jeune fille, je serais rapidement morte ou du moins, j’aurais fini à l’hôpital avec de graves séquelles physiques.

Les parents de Kagari prirent soin de moi, comprenant la situation et me traitant comme un membre de leur famille, me proposant même de participer aux diners d’affaire ou aux réunions familiales mais je déclinai toutes leurs offres.

Ichigo passait souvent me voir, semblant se préoccuper vraiment de mon état et tentant de lancer des piques de temps à autre pour voir mes réactions mais à chaque fois, je me contentai d’hocher la tête ou de répondre par un grognement.

Contrairement à ce que je pensais, le club ne fut pas dissout par le conseil des étudiants et la présidente Chizuru nous autorisa à conserver la salle pour nos usages personnels mais cela ne me faisait ni chaud ni froid.

Au bout de deux mois, pensant que la nouvelle avait eu le temps de circuler, les professeurs annoncèrent la mort de Drago à la classe même si je savais pertinemment qu’il était toujours vivant quelque part.

Une cérémonie fut organisée en son honneur et je vis beaucoup de nos camarades pleurer ce jour-là. Kagari était peut-être la plus atteinte évidemment mais de nombreux regards étaient également tournés vers moi qui restais en arrière, n’exprimant aucune émotion ni durant le discours du directeur, ni pendant la veillée. Je ne pouvais pas pleurer quelqu’un qui était vivant mais qui vivait sa vie loin de nous, mais ça, nul ne pouvait le savoir.

Les jours passèrent, puis les semaines, puis les mois et peu à peu, je finis par oublier la raison même de ma morosité permanente. Je savais juste qu’il était inutile de s’impliquer dans quelque chose qui était voué à l’échec si bien que je devins malgré moi la personne qui j’avais essayée de changer toutes ces années. Je finis même par me complaire dans cet état. Je n’attendais rien de personne et personne ne comptait plus sur moi et, de cette façon, personne ne perdait plus sa vie à une cause perdue comme je l’avais fait avec Drago.

Cependant, le cours de choses s’inversa brutalement à nouveau alors que je pensais que tout était fini. En effet, un jour, mon œil me fit souffrir à nouveau…

Nous nous trouvions tous les trois, Ichigo, Kagari et moi dans la salle de club qui ne servait plus qu’à flâner sans but après les cours. La jeune fille regardait la télévision, Ichigo faisait ses devoirs et j’avais le regard perdu au loin, regardant le ciel gris à travers les fenêtres, l’esprit totalement vide de toute pensée lorsque cela se produisit.

Sans que je m’y attende, je fus prise d’une douleur abominable à l’œil et je poussai un cri de douleur qui réveilla les deux délégués.

-Qu…Qu’est-ce qu’il se passe Asuna ? S’exclama Kagari, affolée.

Pour toute réponse, je tombai à genoux sur le sol, ma main cachant mon œil droit tandis qu’Ichigo cherchait frénétiquement la trousse de soin dans la salle.

Je fermai les deux yeux, n’ayant pas d’autre solution que d’attendre que la douleur ne cesse comme je l’avais toujours fait mais, alors que je pensais me retrouver dans le noir le plus total, mes yeux se rouvrirent tous seuls me laissant découvrir que je n’étais plus dans la salle de club mais dans un grand palais de glace.

Je tournai la tête, regardant attentivement autour de moi, totalement dépassée par la situation et mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Juste à côté de moi se trouvaient cinq personnes à terre et parmi elles se trouvait Drago…

J’écarquillai les yeux et je me mis à trembler. C’était bien mon ami qui était à terre, dans un sale état, un étrange dispositif au bras et en face de lui un gigantesque Dragon noir au corps serpentin faisait trembler le sol et les murs de la forteresse.

Mais, même si tout ce qui m’entourait semblait directement sorti d’un film, ce qui m’étonna le plus fut l’expression sur le visage de Drago : il n’avait plus ces yeux vides de vie et ce teint pâle. Au contraire, la détermination la plus profonde se lisait dans ses yeux et un léger sourire se dessinait sur sa bouche.

-Allons-y, Théa ! S’exclama-t-il.

Je n’eus pas le temps d’en voir plus car un instant plus tard, la douleur disparut et je revins dans la salle de club. Tout mon corps était en sueur, ma respiration était saccadée et j’étais allongée sur le sol tandis qu’Ichigo appliquait une compresse sur mon front brûlant.

-Oh, tu reviens enfin à toi ! S’exclama Kagari avec un air de soulagement.

Lentement, je tentai de m’asseoir mais Ichigo m’ordonna de rester allonger et j’étais bien trop épuisée pour le contredire.

-Ne fais pas de mouvement brusque Asuna, tu t’es déjà évanouie, je ne tiens pas à t’envoyer à l’hôpital ; grogna le délégué adjoint.

-J…J’ai vu Drago…Articulai-je.

Mes mots eurent l’effet d’une bombe et Ichigo lâcha la compresse qu’il tenait dans sa main tandis que Kagari ouvrit la bouche avant de la refermer aussitôt.

-Drago tu dis ? Tu as dû délirer Asuna, tu es encore brûlante ; rétorqua le grand gaillard.

-Non, je ne délirais pas…tout cela était réel…tout…Murmurai-je en essayant de me remémorer ma vision.

-Mais…Drago est mort, n’est-ce pas ? Comment…

-Drago n’est pas mort ! M’exclamai-je, coupant net la phrase de Kagari qui sursauta au ton de ma voix.

-Qu’est-ce que tu racontes Asuna ? Je sais que tu meurs d’envie de le revoir mais c’est fini ! Drago n’est plus là et il ne reviendra plus…Rétorqua Ichigo en serrant la compresse dans sa main.

-Non, vous vous trompez, il est vivant, je le sais !

Même si ce n’était qu’une vision alors que j’étais dans le coma, les mots d’Armageddon restaient gravés dans mon esprit et cette douleur était la preuve de leur véracité. Drago était vivant, et plus encore, il semblait avoir abandonné de lui-même cette carapace que je m’efforçais de briser depuis si longtemps.

Je n’avais aucune idée de ce qu’il avait vécu ni où se trouvait ce palais de glace et ce qu’étaient ces créatures mais j’étais certaine d’une chose : ce n’était pas grâce à moi qu’il avait changé.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Lorsque je réalisai cela, quelque chose se transforma en moi. Du plus profond de mon cœur, un nouveau sentiment naquit, plus fort et plus envahissant que tout ce que j’avais pu ressentir jusque-là : la haine.

Toutes ces années…toutes ces années, Drago avait passé son temps à fuir la réalité, à refuser l’aide que je lui proposais, à ignorer toutes les mains qu’on lui tendait et alors qu’il aurait dû s’enfermer encore plus sur lui-même, voilà qu’il avait retrouvé le sourire et une envie de vivre !

Toutes ces années n’étaient-elles donc que des façades ? Drago n’avait-il jamais changé mais faisait-il simplement semblant pour se débarrasser de moi pour une raison que j’ignorais ?

C’était la seule explication possible. Personne dans son état n’aurait été capable de se relever de la mort de sa famille qui était certainement la seule chose qui comptait pour lui.

Je fus prise soudainement d’un rire nerveux qui surpris mes deux amis. J’avais été bien naïve de croire à ses mensonges. Sans même m’en être rendue compte, je m’étais laissée embobiner jusqu’à consacrer tout ma vie à ce type, simplement par souvenir de l’amitié que j’avais pour lui avant tout ça.

Si c’était vraiment ce que Drago voulait, j’allais le faire, j’allais continuer à consacrer ma vie pour lui mais cette fois-ci, pas pour le changer mais pour le détruire.

Je venais de trouver un nouvel objectif, un nouveau sens à ma vie. Immédiatement, je sentis à nouveau cette chaleur de la vie parcourir mon corps et me donner de l’énergie.

Toujours en riant, je me relevai en titubant et un sourire mauvais s’inscrivit sur ma figure, sourire qui fit frissonner Kagari.

-T…Tout va bien Asuna ? Me demanda la petite fille, les yeux ronds.

-Oui, Kagari, tout va bien…Tout va même trop bien…Lui répondis-je dans un murmure. Mais vous avez raison, Drago est mort…

-Asuna, nous sommes tous tristes que…

-Non Kagari, tu n’as pas besoin de parler, la réalité est la réalité, je dois l’accepter, c’est tout. Drago est mort, il n’y a rien d’autre à dire.

Sans ajouter un seul mot, je sortis de la salle de club en claquant la porte derrière moi, laissant mes deux amis totalement désœuvrés face à mon attitude.

Contrairement aux autres soir, je ne pris pas la direction du manoir de Kagari mais je me dirigeai vers cet endroit que je connaissais si bien et où j’avais perdu tant d’heures de ma vie.

Lorsque j’arrivai devant la maison de Drago, je constatai que rien n’avait changé, tout était dans le même état que lorsque j’y étais entré le soir de la catastrophe. Personne n’avait dû oser saisir la mairie par crainte que Drago ne revienne mais je savais désormais qu’il ne reviendrait plus et j’allais m’en assurer personnellement.

Cependant, alors que je pensais être seule, je vis deux personnes portant des capes rouges et semblant tout droit sortis d’une foire devant la maison et ces derniers se retournèrent en m’entendant arriver, me laissant voir que leur visage étaient recouverts partiellement d’un masque pourpre.

-Vous là-bas, que faites-vous ici ? Les hélai-je alors qu’ils tentaient de s’enfuir.

Le premier ouvrit la bouche mais le second l’interrompit aussitôt et me pointa du doigt en hochant la tête. Mécontente, je croisai les bras sur ma poitrine et je commençai à taper du pied pour montrer mon impatience.

-Alors ? J’attends et n’essayez pas de me mentir, j’ai déjà assez donné.

L’homme ayant interrompu son camarade enleva alors son masque, me laissant voir son visage qui était celui d’un homme devant approcher de la quarantaine, aux cheveux noirs et coupés assez court, faisant ressortir les rides naissantes de son front. Ses yeux ébènes dégageaient quelque chose d’étrange mais je ne pouvais pas dire explicitement quoi mais j’étais mal à l’aise rien qu’en leur faisant face.

-Tu es des nôtres, n’est-ce pas ? Me demanda-t-il alors.

-Des vôtres ? Répétai-je en fronçant les sourcils. Je n’ai aucune idée de qui vous êtes et je m’en fiche, tout ce que je veux savoir c’est ce que vous faites ici.

-Nous sommes à la recherche d’un garçon nommé Drago Mio et nous avons eu vent qu’il habitait ici, le connaitrais-tu par hasard ?

-Cela fait un bon bout de temps qu’il n’est plus là et je n’ai aucune idée d’où il se trouve mais n’espérez pas le rencontrer, il va bientôt mourir je pense.

Un sourire mauvais se dessina sur le visage de l’homme lorsque je dis cela.

-Je le savais, tu es bien des nôtres, toi aussi tu veux l’avènement de maitre Hélios sur ce monde et pour cela, tu as besoin de tuer Drago, je me trompe ? N’essaie pas de nier, tu possèdes toi aussi ce pouvoir provenant de l’autre monde, le pouvoir d’un esprit de duel.

-Je n’ai aucune idée de quoi vous parlez ni même qui est cet Hélios et encore moins ce qu’est un esprit de duel mais oui, vous avez raison, je vais le tuer et je ne laisserai personne m’en empêcher.

-Et que dirais-tu d’accepter notre aide dans ce cas ?

Le penchai la tête sur le côté, intriguée par la proposition de cet homme. Tout me disait qu’il y avait une arnaque derrière et que je ne pouvais pas lui faire confiance mais j’avais ressenti de la sincérité dans ses paroles lorsqu’il parlait de tuer mon ami.

-Que je le tue ou que vous le fassiez, cela revient au même j’imagine donc vous me laissez faire le sale boulot, c’est ça ? Lui demandai-je froidement.

-Tu es perspicace jeune fille, alors, qu’en dis-tu ? Vas-tu accepter notre aide ?

-Que voulez-vous en échange ? Enchainai-je immédiatement.

-Simplement que tu ramènes Drago ici avant de t’en débarrasser, nous avons quelques questions à lui poser.

J’eus à mon tour un sourire mauvais sur les lèvres.

-Et qu’est-ce qui vous dit que je vous le ramènerai comme convenu ?

-Tu as l’esprit bien tordu pour quelqu’un de ton âge ; s’étonna l’homme.

-Je me suis assez faite avoir dans la vie, j’ai l’habitude des coups tordus ; répondis-je en haussant les épaules.

L’homme à la cape pourpre rit légèrement tandis que son camarade sortit quelque chose de sa poche, une sorte de paquet de cartes ainsi qu’un bout de papier qu’il me donna.

-Tu ne nous trahiras pas si tu as toi-même été trahie.

-Qui sait et aurais-je le droit de savoir à qui je parle au moins avant de m’allier avec vous ?

-Mon nom est Fujii Makoto, je suis le chef de l’avant-garde de maitre Hélios dans ce monde, notre but est de…

-Je me fiche de votre but, je veux simplement que vous me donniez ce dont j’ai besoin pour que j’aille faire ce que j’ai à faire ; le coupai-je.

-Un peu de patience, mademoiselle, nous réunissons encore des informations pour le localiser et…

-J’ai compris, je ferai mieux de chercher moi-même dans ce cas ; grognai-je en faisant demi-tour.

-La question n’est pas de le localiser dans ce monde mais dans une autre dimension.

Je m’arrêtai net et je le regardai comme s’il essayait de blaguer mais il avait l’air très sérieux.

-Tu peux le chercher autant que tu veux, tu ne le trouveras pas dans ce monde.

Tout à coup, un détail me revint en mémoire. Le père de Drago avait parlé d’ouvrir un portail avec Armageddon, était-ce de cela qu’il s’agissait ? Une sorte de passerelle permettant de passer de notre monde à celui contenant ce palais de glace ? Cela aurait expliqué la présence de ces monstres…

Un autre détail me revint ensuite. Le soir de la tragédie, les collègues de son père m’avait confié un dossier contenant les derniers travaux. Avais-je en main les clés pour retrouver Drago moi-même et lui faire payer pour toutes ces années ? Je devais y croire en tout cas.

-Ce n’est pas un problème ; continuai-je, ce qui surprit les deux hommes. Je trouverai moi-même un moyen de traverser les dimensions et je vous ramènerai Drago, parole d’Hoshino Asuna.

Le dénommé Fujii Makoto regarda son camarade avec étonnement et je m’éclipsai sur ces belles paroles mais cette fois-ci, ils n’essayèrent pas de me retenir davantage.

En arrivant chez moi, je ressortis immédiatement le vieux dossier que m’avaient confié les scientifiques et je ne pus m’empêcher de rire follement en lisant le titre : Projet Cerberus : Transporteur interdimensionel par Mio Arata.

-Apparemment nous allons bientôt nous retrouver mon cher Drago…


Les jours qui suivirent cette découverte, je passai énormément de temps à lire les documents du professeur Mio. Tous ses travaux étaient incroyablement compliqués et il me fallait faire attention au moindre détail pour trouver où se cachait l’erreur de calcul qui lui avait couté la vie.

Evidemment, je ne parlai de ce projet ni à Kagari ni à Ichigo qui, bien qu’ayant remarqué mon comportement étrange et distant à leur égard, ne se manifestèrent pas plus que d’habitude, pensant sûrement que j’avais encore besoin de temps pour me remettre.

Cependant, même si au bout de deux semaines j’avais pu comprendre la plupart des équations et j’étais capable de fabriquer la fameuse machine, je n’avais ni les moyens ni les éléments pour le faire et lorsque je proposai au laboratoire de retenter l’expérience, ceux-ci refusèrent catégoriquement.

Mais je n’avais pas dit mon dernier mot. J’étais prête à tout pour aller dans cet autre monde se cachait Drago et pour lui faire payer toutes ces années passées à se moquer de moi.

Ainsi, je repris contact avec mes parents pour la première fois depuis un an. Je savais que leur position au CERN leur permettait d’obtenir ce qu’ils voulaient, y compris d’utiliser le fameux LHC qui devait me permettre de fournir la puissance qui manquait au prototype du professeur Mio pour ouvrir le portail.

-Asuna, tu veux venir à Genève pour les prochaines vacances ? S’étonna mon père. Nous pouvons revenir au Japon si tu veux nous voir et…

-Non vraiment, j’ai très envie de visiter Genève ; le coupai-je en prenant une voix enjouée. Et puis, vous avez accès au LHC, je me suis dit que je pourrais peut-être le voir.

-Tu t’intéresses à la physique des particules maintenant ? Je croyais que tu voulais faire L l’année prochaine ; continua-t-il, une lueur d’espoir dans la voix.

-Rien ne m’empêche d’être intéressée par votre travail !

Mon père rit un bon coup comme le bon vivant qu’il était resté malgré son travail à plein temps. Même si je n’aimais pas qu’ils fassent passer leur travail avant le reste, rester auprès de Drago avait été mon choix et je devais maintenant en payer les conséquences.

Nous convînmes que je viendrais dès le premier jour des vacances de Noel, période pendant laquelle mes parents avaient le moins de travail et pouvaient s’occuper de mon voyage en Europe. Je profitai également de cet conversation pour leur envoyer les dossiers du professeur Mio et leur demander d’y jeter un œil s’ils avaient le temps et leur enthousiasme lorsque je leur parlai de la machine me dit qu’ils regarderaient même s’ils n’avaient pas le temps…

Une fois cela fait, je n’avais plus qu’à attendre un mois et demi. Mais cela ne me dérangeait pas, j’avais déjà attendu toute ma vie que Drago sourisse à nouveau, je pouvais bien attendre encore un mois avant de rattraper tout ce temps perdu. Cependant, les choses commencèrent à bouger bien avant le début des vacances.

Je rentrai comme tous les jours de l’école et passant devant l’ancienne maison de Drago qui se dégradait de jour en jour lorsque je vis un homme à l’air spécialement louche devant accompagné de deux jeunes qui devaient avoir à peu près mon âge. Mais, alors que ces derniers étaient habillés normalement, l’homme blond portait une armure dorée et une cape pourpre qui lui donnait l’air d’un fou échappé d’un cirque.

-Eh, vous trois là-bas, je peux savoir ce que vous faites ? Cette maison n’est pas à vendre ; les interpelai-je.

Les trois individus se retournèrent et je pus voir leur visage. Le guignol en armure avait les traits d’un homme d’une trentaine d’année, un visage assez carré ainsi qu’une barbe de trois jours qui s’accordait assez mal avec sa coiffure pour le moins…extravagante…

Le garçon qui l’accompagnait était brun mais son regard était froid, comme s’il ne ressentait aucune émotion, contrairement à la fille qui devait être sa sœur dont les yeux rayonnaient de malice et de curiosité à la vue de tout ce qui l’entourait.

-Oh mais je ne compte pas m’installer ici ; me répondit l’homme avec un léger sourire. Quoique j’ai vu que les loyers ne sont pas très chers…

-Hélios ! Râla le garçon qui l’accompagnait en croisant les bras sur sa poitrine.

-Désolé Satoshi, je sais que nous ne sommes pas venus pour ça ; s’excusa-t-il, gêné.

Je soupirai. Ces personnes n’étaient que des passants comme les autres, je n’avais aucune raison de rester plus longtemps ici. Mais, alors que je m’apprêtai à continuer mon chemin comme si de rien n’était, une voix féminine m’interpella :

-Attends, est-ce que toi aussi tu viendrais de notre monde ?

Je me retournai en fronçant les sourcils. La jeune fille avait bien parlé de l’autre monde ? Cela signifiait-il que la machine avait été construite plus tôt que prévu…ou bien ces gens étaient-ils de émissaires de cet autre monde pour explorer le nôtre ? Et plus important encore, pourquoi pensaient-ils que moi aussi je provenais de leur monde ?…

-Je sens…la présence d’un esprit de duel en toi ! continua la brune, étonnée.

-Un esprit…de duel ? Répétai-je, perdue.

Un souvenir me revint alors en mémoire. Fuji Makoto avait également parlé d’esprit de duel lorsque je l’avais rencontré. Se pouvait-il que ces personnes fussent d’autres de ses sbires ? Les deux jumeaux ne semblaient pourtant pas faire partie d’un groupe étrange comme celui-là…

L’homme de foire pencha la tête sur le côté, visiblement ennuyé.

-Posséder un esprit de duel dans ce monde…tu ne serais pas un de mes anciens subordonnés par hasard ?

-Q…Quoi ? Un subordonné ? M’étranglai-je.

-Oui, je suis venu trouver un certain Fuji Makoto dans ce monde. Tu ne le connaitrais pas par le plus grand des hasards ?

Je fis un pas en arrière. Ce type était donc bien le fameux maitre donc Fuji Makoto parlait ! Il venait forcément de l’autre monde et, puisqu’il semblait être venu de son plein gré, il devait certainement avoir un moyen d’y retourner !

Cependant, je doutais qu’il me lassât changer de monde simplement parce que je lui demandais. Il allait donc falloir que je joue avec cette histoire d’esprit de duel si je voulais le duper…

-Oui, je connais ce type et j’ai passé un marché avec lui il y a quelques temps.

L’homme soupira et se gratta la tête, l’air désolé.

-S’il te plait, oublie ce qu’il t’a dit. La domination du monde ne m’intéresse plus, j’ai d’autres démons à fouetter.

-De…démons ? Répétai-je, interdite.

-Une expression de notre monde ; me répondit aussitôt le garçon sans même tourner la tête dans ma direction. Et si tu veux bien nous excuser…

-Attendez une minute vous trois, est-ce que vous connaissez un garçon du nom de Drago Mio ?

Un large sourire fendit le visage de l’homme en armure, le rendant encore plus ridicule qu’il ne l’était déjà.

-Tu dois être Hoshino Asuna, je me trompe ?

-C…Comment le savez-vous ? bégayai-je, abasourdie.

-Tu faisais partie de la liste des personnes que j’avais à voir dans ce monde ; continua-t-il en haussant les épaules. Et comme prévu, tu es bien en possession d’un esprit de duel…Que dis-je, de cet esprit de duel !

-Est-ce que…vous pourriez être plus clair ?

-Il est très clair par rapport à d’habitude ; soupira la jeune fille. Mais il commence à se faire tard. Hélios, nous ferions mieux d’y aller maintenant si nous voulons avoir une chance de trouver votre ami.

-Une minute, vous n’allez quand même pas partir alors que vous vouliez me parler !

-Désolé Asuna, je repasserai te voir demain, une fois que j’aurais réglé ce problème avec Fuji Makoto, l’avenir de ton monde en dépend peut-être.

Avant même que je n’aie eu le temps d’ajouter quoique ce soit, l’homme claqua des doigts et disparut avec les deux jumeaux dans un épais nuage de fumée, me laissant plantée au beau milieu de la rue, avec mes interrogations plus brûlantes que jamais. Mais une fois de plus, j’étais totalement impuissante face à la situation et je n’avais d’autre chose que d’attendre le retour de cet homme si je voulais des réponses à mes questions…


https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8


Je passai la journée du lendemain totalement perdue dans mes pensées, me demandant bien qui pouvait bien être ce type, comment il me connaissait, quel était son lien avec Drago et surtout, s’il venait réellement du monde où se cachait Drago…

Une grande claque dans le dos me réveilla et je lançai un regard noir à Kagari qui paraissait affolée, tenant un journal dans sa main tandis qu’Ichigo faisait de son mieux pour la rassurer.

-Asuna, tu m’écoutes ou pas ! Je te dis que c’est grave, il y a eu une autre explosion hier en ville et on dit qu’un prototype d’arme secrète a été volé !

-Ce n’est ni la première fois ni la dernière que ça arrive ; lui répondis-je sans m’intéresser au problème. La police mettra bientôt la main sur ceux qui ont fait ça, il n’y a pas de raison de s’inquiéter.

-Mais Asuna !

N’ayant aucune envie d’écouter les protestations de Kagari à ce moment-là, je sortis de la salle du club pour rentrer chez moi dans l’espoir que le type à l’armure serait à nouveau là mais, à peine avais-je mis un pied à l’extérieur que la voix d’Ichigo retentit dans mon dos.

-Asuna, j’aurais à te parler ; lança-t-il d’un air menaçant.

-ça ne peut pas attendre ? Je suis pressée là.

-Justement, c’est de ça dont je veux parler Asuna ; continua-t-il d’une voix glaciale.

Je me retournai et je croisai les bras sur ma poitrine, attendant qu’il développe sa pensée.

-Que t’arrive-t-il Asuna ? Tu n’es plus toi-même depuis quelques temps ! Est-ce que la disparition de Drago t’inquiète tant que ça ? Tu penses réellement qu’il est en vie ?

-Je ne le pense pas, il l’est ; répondis-je d’un ton neutre. Et bientôt je le retrouverai.

-Mais qu’est-ce que tu racontes Asuna ? es-tu devenue complètement folle ? Personne ne sait où se trouve Drago, comment pourrais-tu le retrouver toi ?

-Il y a des choses que tu ne peux pas comprendre Ichigo mais sache que je vais bientôt partir pour une durée indéterminée et, lorsque je reviendrai, Drago sera avec moi.

Ichigo fronça à nouveau les sourcils et se rapprocha de moi.

-Apparemment, je ne suis pas le seul à ne pas pouvoir comprendre certaines choses ; déclara-t-il d’un ton menaçant.

-Si tu parles des nouvelles de Kagari, je ne vois pas ce qu’il se cache là-dessous.

-Ecoute Asuna, mon père est inspecteur de police et je sais que cet endroit contenait le prototype non pas d’une arme classique, mais d’une toute nouvelle machine de guerre et je sais aussi qu’elle n’est pas tombée entre les mains de n’importe qui.

-Si tu sais tout ça, pourquoi le problème n’est-il déjà pas réglé alors ? Rétorquai-je en haussant les épaules.

-Asuna, ouvre un peu les yeux ! Nous ne sommes pas dans un conte de fée, les problèmes ne se résolvent pas en claquant des doigts et les rêves ne deviennent pas réalité ! Drago est mort et nous sommes au bord de la guerre ! Si tu pars maintenant, tu ne pourras plus jamais revenir, est-ce que tu comprends ça ou ton aveuglement t’empêche-t-il de saisir une chose aussi simple !

-Je dois le faire Ichigo ; lui répondis-je d’une petite voix. Je dois retrouver Drago…pour que toutes ces années ne soient pas vaines et peu importe le reste…

-Et Kagari alors ? Tu vas la laisser seule ? Tu poursuis un mort mais en plus tu abandonnes les vivants ?

-J’ai déjà abandonné l’espoir et la raison il y a bien longtemps, il est trop tard pour faire marche arrière, Ichigo. Excuse-moi auprès de Kagari lorsque je serai partie.

-Attends, Asuna !

Je ne le laissai pas ajouter un mot de plus et je descendis les marches de l’escalier avant de franchir le pallier du cinquième étage qui fit disparaitre le déléguée adjoint de mon champ de vision. Je n’aimais pas me fâcher avec lui et encore moins avec Kagari mais je ne pouvais plus attendre davantage. Il était grand temps que je me délivre définitivement du joug de Drago pour pouvoir commencer une nouvelle vie.

En arrivant chez moi, je n’avais pas croisé le type en armure sur le chemin et je m’installai donc dans mon canapé, allumant la télévision pour passer le temps. Evidemment, aux informations, ils ne parlaient que de cet incident de vol sans pour autant dévoiler quel genre d’arme avait été volée ni qui en était l’auteur mais le fait que ces flash info passaient sur toutes les chaines prouvaient qu’il s’agissait d’un événement important.

Alors que je commençais à m’endormir devant ces informations dont je n’avais que faire, je sentis tout à coup un courant d’air souffler près de moi et, en me retournant, je vis l’homme à la cape, seul cette fois-ci, arborant toujours son air insouciant.

-C’est donc ici que tu vis…c’est plutôt joli, j’y penserai lorsque je referai ma décoration ; déclara-t-il en guise de salutation.

-Vous revoilà, ce n’est pas trop tôt ! M’exclamai-je. Et maintenant, est-ce que vous allez enfin m’expliquer ?

-Ah oui, c’est vrai, j’étais venu te poser une question : veux-tu sauver le monde, Hoshino Asuna ?



Asuna : L’amitié retrouvée



Spoiler :


« Veux-tu sauver le monde ? », ces mots résonnèrent dans mon esprit plusieurs secondes avant que je ne comprenne réellement leur portée et j’écarquillai les yeux de stupeur à ce moment-là.

D’abord, je pensai que l’homme se moquait de moi, après tout, il avait déjà l’apparence du parfait clown ainsi que la nonchalance qui allait avec mais subitement, son regard avait changé, affichant désormais un profond sérieux.

-S…sauver le monde ? Bégayai-je, interdite. De quoi parlez-vous ?

-Tu t’apprêtes à franchir une barrière au-delà de laquelle tout retour en arrière sera impossible, est-ce vraiment ce que tu veux, Hoshino Asuna ?

Je me figeai. Etait-il au courant de mes intentions envers Drago et essayait-il de me dissuader de le faire ? Mais quel était le rapport avec le reste du monde ? Il était encore trop tôt pour tirer des conclusions, je devais essayer de le faire parler plus avant de m’avance davantage.

-Le retour en arrière est toujours impossible ; répondis-je froidement. Rien ne peut effacer les actions passées, ce que vous dites n’a donc aucun sens.

-Je me suis mal fait comprendre on dirait ; continua l’homme en se grattant la barbe d’un air ennuyé. Ne prévois-tu pas par hasard de passer dans l’autre monde pour y retrouver Drago ?

-C…Comment le savez-vous ? Bafouillai-je, les yeux ronds.

-Des perturbations de l’espace ont été ressenties dans notre monde, j’en suis donc venu à la conclusion que tu avais confié les travaux de ce cher Solaris à un autre organisme pour qu’il te le construise, je me trompe ?

Je serrai les dents, frustrée d’avoir été percée à jour de la sorte. Cependant, cela m’épargnait les explications longues et sans intérêt et de plus, il ne semblait pas connaitre mes vraies motivations. Je pouvais encore me servir de lui pour changer de monde.

-En effet, c’est ce que j’avais prévu ; lui répondis-je en haussant les épaules.

-Et j’imagine que quoique j’en dise, tu ne renonceras pas à ce projet ? Me questionna-t-il en penchant la tête sur le côté.

-Pourquoi y renoncerais-je ? Ça sera non seulement une avancée primordiale pour la science mais aussi une occasion de revoir Drago, tout le monde est gagnant dans cette histoire.

-Tout le monde, je n’en suis pas si sûr ; dit l’homme d’une voix soudain menaçante.

Je le fixai en fronçant les sourcils tandis que ce dernier fit quelques pas dans la maison avant de s’asseoir sur mon canapé et m’invita à prendre place en face de lui.

-Avant tout, je vais me présenter formellement: mon nom est Hélios, je suis le seigneur soleil d’Héliopolis…

-Le quoi de quoi ? L’interrompis-je, déjà perdue.

-Le seigneur d’un royaume disparu si tu préfères, mais dans votre monde, je suis plus connu en tant que chef d’une armée dont le commandement est assuré en ce moment même par un homme du nom de Fujii Makoto.

-Vous voulez la mort de Drago et régner sur notre monde aussi ? Repris-je, sceptique face au décalage entre l’attitude du dénommé Hélios et les paroles de son sous-fifre.

-C’est assez compliqué à expliquer mais je vais faire court : j’ai changé d’avis.

-Vous…avez changé d’avis ? Répétai-je, à la fois confuse et désespérée.

-Tout à fait ! Mais malheureusement, je crois que Fujii Makoto l’a assez mal pris hier quand je lui ai annoncé la nouvelle ; grimaça l’homme se prétendant roi.

-Est-ce que je dois en conclure que vous étiez la cause de l’explosion d’hier qui se retrouve maintenant à la Une des journaux ?

-En grande partie oui, mais ne t’inquiète pas pour moi, je vais très bien comme tu peux le voir !

-Je m’inquiétais plus pour les armes qu’ils ont dérobées ; rétorquai-je, agacée.

-Oh, ça…oui ; me répondit-il en détournant le regard au plafond. En fait…

-Peu importe, je me fiche de ce qu’ils font, cela ne me concerne pas de toute façon. J’ai bien plus important à faire avant cela.

-Au contraire jeune fille, cela te concerne directement.

La voix d’Hélios s’était soudain faite plus grave et ce dernier fronçait les sourcils en me dévisageant d’un regard sévère.

-Fujii Makoto prévoit de faire de ton pays le sien avant de s’emparer du reste de votre monde, conformément au plan que j’avais élaboré.

-Vous voyiez les choses en grand je vois ; raillai-je. Mais je ne vois toujours pas en quoi ça me concerne ni comment je pourrais intervenir.

-Justement Asuna, n’interviens pas.

J’ouvris la bouche avant de la refermer aussitôt, ne trouvant rien à redire. Je ne comprenais déjà rien à ce que ce type racontait mais à présent, j’étais totalement perdue. J’attendis donc qu’il poursuive mais Hélios semblait préférer regarder ses ongles plutôt que de préciser sa pensée.

Au bout d’une minute, exaspérée, je décidai de briser le silence et de tirer son histoire au clair une bonne fois pour toute, même si pour cela je devais révéler mes plans explicitement.

-Comment ça ne pas intervenir ? Pourquoi me mêlerai-je de vos affaires de famille alors que tout ce que je veux, c’est retrouver Drago dans l’autre monde !

-J’ai entendu dire que tu n’allais pas simplement faire un aller-retour mais que tu comptais également ramener Drago avec toi dans ce monde, je me trompe ?

Je grimaçai. J’avais été trop confiante encore une fois mais ce n’était pas grave, je pouvais toujours tenter de lui donner des raisons bidon afin de le convaincre, ce qui n’allait pas être trop difficile. Il avait vraiment l’air du type croyant le premier mensonge.

-C’est vrai, je me suis servi de Fuji Makoto afin qu’il me donne les informations dont j’avais besoin pour retrouver Drago mais je ne compte pas le lui livrer pour autant ; déclarai-je sans même avoir besoin de mentir.

-Pourquoi veux-tu retrouver Drago à ce point ? Continua-t-il d’un air intrigué.

-Drago était le président de notre club d’astronomie, c’est lui qui nous a permis d’aller de l’avant et grâce à lui, mon amie Kagari a enfin pu voir son rêve se réaliser, nous lui devons beaucoup vous savez.

Malheureusement, Hélios ne sembla croire qu’à moitié ce que je lui racontai et je fus obligée d’enchainer aussitôt :

-Et puis, il était mon premier ami aussi, je ne peux pas le laisser se balader seul sans même savoir s’il va bien ! Ajoutai-je en me forçant à rire comme une idiote.

L’homme pencha la tête sur le côté et je me figeai, craignant qu’il m’ait une fois de plus percée à jour mais, au lieu de ça, il se leva et passa son regard à travers la fenêtre, me tournant le dos, les bras croisés derrière lui.

-Asuna, sais-tu pourquoi Fuji Makoto a besoin de Drago pour ses projets ?

-Je ne me suis même pas posé la question puisque je ne compte pas lui ramener !

-La réponse est pourtant bien simple : parce que je lui ai menti.

-Vous lui avez…menti ? Répétai-je sans comprendre.

-Il me fallait des alliés dans votre monde pour forcer Solaris à ouvrir à nouveau le portail, mon seul moyen était donc de faire croire à des hommes comme Fuji Makoto que Drago était une sorte de clé, qu’il détenait un pouvoir provenant d’une autre dimension, ce qui n’est pas totalement faux non plus. Mais j’ai amplifié les choses et à présent, Fuji Makoto est persuadé qu’il pourra s’approprier ces pouvoirs en tuant Drago.

-Ce type est réellement stupide à ce point ? Soupirai-je. Mais je ne vois toujours pas ce que je viens faire là-dedans, surtout si je ne fais que passer pour m’assurer qu’il est bien en vie !

-Tu ne feras rien directement, mais mon second attend un catalyseur avant de lancer son opération, et ce catalyseur, c’est toi Asuna. Dès lors qu’il saura que tu es partie chercher Drago, il lancera son plan en attendant que tu lui ramènes ton ami.

-Dans ce cas, il suffit de ne pas lui dire que je pars, c’est aussi simple que cela ; rétorquai-je en haussant les épaules.

L’homme rit légèrement et tourna la tête vers moi et me lança un regard amusé.

-Tu es bien téméraire pour une fille de ton âge pour te lancer vers l’inconnu la tête la première. Tu me rappelle ma femme tu sais ?

-Et qu’y aurait-il de si effrayant dans votre monde pour que j’aie des craintes avant de partir ? Vous vivez aux côtés de Dragons, de licornes et de démons ? Raillai-je.

-Entre autres oui, mais ils ne sont pas dangereux.

Je ne relevai même pas ses paroles, persuadée qu’il se moquait simplement de moi.

-Très bien, je ferai avec dans ce cas ; continuai-je sur le même ton moqueur. Si Drago a survécu jusque-là, il n’y a aucune raison que je ne le puisse pas moi aussi.

-Très bien, si tu insistes autant, je suis prêt à…

Au même moment, on frappa à la porte et, avant même que je n’aie eu le temps de tourner la tête pour regarder de qui il s’agissait, je vis les deux jeunes qui accompagnaient Hélios la veille s’engouffrer dans mon salon, des sac pleins les mains.

-Oh, Séréna, Satoshi, vous revoilà, vous avez pu faire ce que vous aviez à faire ? Leur demanda Hélios avec un sourire.

-Moi oui en tout cas, ils ont de bons gouts dans ce monde ! S’exclama la fille d’un air joyeux.

-C’est bon pour moi aussi ; ajouta son frère, le regard baissé et les bras croisés sur son torse. On peut partir maintenant.

-Parfait. Et nous allons avoir une invitée supplémentaire pendant notre voyage les enfants.

Les jumeaux se retournèrent vers moi et je sursautai, soudain mal à l’aise d’être fixée de la sorte.

-Ravie de t’avoir parmi nous Asuna, je m’appelle Serena, j’espère que nous nous entendrons bien ! Me salua la brune en s’inclinant respectueusement.

-M…moi de même ; lui répondis-je en lui rendant son salut.

Son frère se contenta d’un signe de la tête. J’avais vraiment l’impression d’avoir en face de moi les deux face d’une même pièce…

-Sur ce, il est temps d’y aller ! Asuna, tu es certaine que tu es prête à y aller ?

-Je n’ai plus rien à faire ici, j’ai déjà prévenu tout le monde que je partais.

Pour toute réponse, l’homme en armure claqua des doigts et le vent se mit à souffler à l’intérieur de la pièce puis une vive lumière m’aveugla pendant quelques secondes.

Lorsque je rouvris les yeux, je crus que mon cœur allait s’arrêter de battre. En face de moi, au milieu de mon salon, une sorte de trou s’était ouvert, me laissant voir une ruelle sombre de l’autre côté, exactement comme dans les films de science-fiction.

Presque effrayée, je me retournai vers Hélios et les jumeaux mais aucun d’entre eux ne semblait étonné face à un phénomène aussi étrange. Qui était réellement ce guignol en armure ?

Serena passa la première à travers le trou exactement comme si elle passait d’une pièce à une autre et son frère la suivit juste après. Puis, lorsque qu’Hélios s’apprêta à franchir le portail à son tour, ce dernier s’arrêta et se retourna vers moi.

-Asuna, quoiqu’il arrive, n’oublie pas qui est ton ennemi et qui est ton allié. Les gens ne sont pas toujours ce qu’ils prétendent être.

Je fronçai les sourcils. Essayait-il de me mettre en garde contre Drago en me disant subtilement qu’il s’était moqué de moi toute ma vie et que j’aurais mieux fait de renoncer à poursuivre cette chimère ? Si c’était cela, alors non, je n’allais certainement pas oublier qui m’avait menti pendant toutes ces années et qui m’avait donné la possibilité de me venger.

Hélios passa ensuite à son tour à travers le trou et, alors que je m’apprêtai à passer aussi de l’autre côté, je me retournai vers ma table et je vis le dossier du père de Drago.

Je savais bien que j’étais bien incapable de construire une telle machine mais il ne fallait pas que ces papiers tombent entre de mauvaises mains pendant mon absence.

Je le mis donc dans mon sac et je pris également quelques autres affaires personnelles auxquelles je tenais.

Lançant un dernier regard vers cette maison où j’avais grandi et vers ce monde où j’avais rencontré Drago, Kagari et Ichigo, je pris une grande inspiration et je ressentis un poids sur mon cœur.

-Ce n’est que temporaire, une fois que Drago aura payé, je reviendrai et je commencerai une nouvelle vie, alors attendez moi, Kagari, Ichigo ; murmurai-je.

Prenant mon courage à deux mains, je sautai à pieds joints à travers le trou pour me retrouver dans l’autre monde, le monde où se trouvait Drago, le monde d’Hélios, le monde où j’allais devenir une criminelle.


Lorsque je franchis le portail, je ne ressentis absolument rien contrairement à ce que je pensais. Si j’avais ouvert une porte pour sortir de chez moi, cela m’aurait fait le même effet.

L’air était le même que dans ma ville, quoiqu’un peu plus pollué, le ciel avait la même couleur grisâtre à cause des nombreux nuages cachant le soleil et les immeubles autour de moi ressemblaient à n’importe quel immeuble qu’on pouvait trouver dans une grande ville comme Tokyo. Vraiment, rien ne me permettait d’affirmer que j’étais réellement dans un autre monde.

A côté de moi, Serena s’étirait tandis que son frère semblait dormir debout, les bras toujours croisés sur son torse et Hélios se grattait la barbe en regardant le ciel d’un air pensif.

Encore un peu déstabilisée à l’idée d’avoir vraiment changé de monde, je fis un pas, légèrement tremblante mais il ne se passa rien. Même le sol goudronné était le même que chez moi, si bien que je commençais à me demander si Hélios disait vrai au sujet de ces mondes parallèles…

-Les lois de la physique sont les mêmes dans ce monde, Asuna ; déclara Hélios comme lisant dans mes pensées. Tu ne verras aucune différence si tu restes ici.

Sans ajouter un mot, Hélios se mit en route et Satoshi le suivit. Devant mon hésitation, Serena m’attrapa le bras et m’invita à venir aussi.

Nous marchâmes pendant plusieurs minutes dans cette longue ruelle sombre et vide sans croiser âme qui vive. Je n’étais pas très rassurée, je me serais crue dans ces films d’horreur où le protagoniste tombait nez à nez avec un monstre au détour d’une ruelle sombre…

Lorsqu’Hélios bifurqua enfin sur la droite, j’entendis un cri strident qui me glaça le sang et hérissa mes cheveux sur ma tête. Mais, au lieu de reculer et de s’enfuir, Serena se précipita vers l’endroit d’où provenait ce cri d’un air enthousiaste et son frère la suivit en soupirant.

Tremblante, je passai la tête au coin de la rue et je ne pus m’empêcher d’écarquiller les yeux devant le spectacle qui s’offrait à moi.

Sur une grande place, des dizaines de personnes étaient réunies et formaient un large cercle autour de monstres gigantesques qui s’affrontaient mais pas un seul ne semblait effrayé. Au contraire, ils arboraient tous le même air que Serena et poussaient des cris comme s’ils regardaient un match de foot.

Je ne comprenais rien. Pourquoi ces personnes ne s’enfuyaient-elles pas ? Il y avait quand même une sorte de Dragon mécanique crachant des nuages de fumée et dont les rouages faisaient un bruit du tonnerre en face d’un guignol en armure armé de cinq épées à la fois…

-Allez Dragon de ferraille, détruis Artorius le chevalier Noble, Gear Shift !

Le dragon gris fonça sur le chevalier qui disparut dans une multitude d’étoiles scintillantes sous mes yeux ébahis tandis qu’un compteur s’afficha dans les airs marquant le chiffre zéro. La foule applaudit l’homme qui semblait contrôler le dragon et ce dernier se dirigea vers son adversaire pour lui serrer la main.

Peu à peu, la foule se dissipa pour ne laisser que les deux combattants ainsi qu’Hélios et les jumeaux et, alors que j’étais encore sous le choc de l’incompréhension, Serena me fit signe de la rejoindre.

-Toru, tu as brisé ce petit cœur de moi, tu aurais pu laisser une chance à moi ! Se lamenta l’homme qui avait apparemment perdu une sorte de combat.

-Désolé Medraut, ça sera une prochaine fois !

Je m’approchai prudemment et lorsqu’ils me virent, les deux hommes tournèrent la tête vers moi et me sourirent d’un air bienveillant. Le vainqueur était un grand homme portant une veste de cuir rouge, à la coiffure assez spéciale qui devait demander beaucoup de gel. Il devait avoir la trentaine passée mais il semblait encore en pleine forme. L’autre était un guignol blond en armure dorée, comme Hélios mais avec un air encore plus stupide et qui, lui, tout droit sorti du moyen âge.

-Diantre, quelle est cette énergie madame, jamais dans ma mémoire je n’ai ressenti quelque chose de semblable ! S’exclama le perdant.

-Medraut, Toru, je vous présente Asuna, elle est à la recherche d’un ami ; déclara Hélios avec un clin d’œil.

-Tu as perdu quelqu’un ? Dans ce cas, je suis ton homme ! Continua le dénommé Toru. Je connais cette ville comme ma poche, on va le retrouver en moins de deux et…

-Non, il n’est pas dans cette ville ; l’interrompis-je immédiatement.

L’homme à la veste en cuir prit un air étonné en entendant cela mais je ne savais pas comment mieux expliquer les choses sans créer la confusion. Ils n’auraient certainement pas compris si j’avais parlé de mon pouvoir me permettant de ressentir la présence de Drago et, dans ce cas précis, ne pas la ressentir car il n’était pas là.

-Toru, la personne qu’Asuna cherche est Drago, tu ne l’aurais pas vu ces derniers jours par hasard ?

-Attends, tu es une amie de Drago ? S’étrangla-t-il. Ça veut dire que tu viens aussi de cet autre monde ?

-Euh…oui…Balbutiai-je, confuse. Mais comment le savez-vous ?

-J’ai simplement rencontré Drago il y a un an dans cette ville et il m’a expliqué qu’il venait d’un autre monde ; me répondit-il en haussant les épaules.

Mon poing se serra si fort qu’une goutte de sang perla de ma paume lorsque j’entendis cela. Ce que Toru venait de dire confirmait ce que je pensais. Le Drago que je connaissais aurait été incapable de raconter son histoire à un total inconnu, lui qui refusait même de me dire pourquoi il était toujours aussi renfermé sur lui-même. Cela prouvait bien qu’il s’était moqué de moi toutes ces années et que par-dessus tout, il s’était enfui dans ce monde pour commencer une toute nouvelle vie !

Cela renforça davantage mon désir de vengeance. Toru s’était certainement fait berner par Drago aussi mais il ne s’en était même pas rendu compte et l’avait aidé sans aucun doute, il fallait que je l’arrête avant qu’il ne fasse plus de victimes.

-Mais c’est étrange, Drago ne m’a jamais dit qu’il lui restait des proches, il semblait plus perdu que pressé de retourner dans son monde.

Evidemment qu’il n’avait pas parlé de moi ni de Kagari et encore moins d’Ichigo puisqu’il s’était joué de nous toutes ces années. Cela m’étonnait même qu’il ait mentionné notre monde mais il avait dû se retrouver contraint de le faire pour parvenir à quelque chose.

Devant les airs étonnés de Toru et des autres, je tentai de me calmer. Même si je brûlai d’envie de leur révéler la vérité, il ne fallait pas que je gâche mes seules chances de le retrouver en dévoilant des plans qu’ils n’auraient certainement pas compris.

-Il devait être totalement déboussolé, j’imagine qu’il a d’abord cherché un moyen de s’en sortir dans un monde inconnu et qu’il n’a pas pensé à moi, ce qui est normal ; leur répondis-je avec un léger rire qui se voulait naturel.

-Je vois. En tout cas, il a de la chance d’avoir des amis aussi dévoués qui sont prêts à aller jusque dans un autre monde pour le revoir !

-Vous ne semblez pas très étonnés par ici de savoir que des gens passent d’une dimension à l’autre en claquant des doigts ; ironisai-je.

-Pourquoi devrions-nous l’être ? Les monstres passent régulièrement du monde des esprits au nôtre, Medraut en est la preuve même.

Je me tournai vers le chevalier, les yeux ronds et ce dernier se frappa fièrement le torse d’un air satisfait tandis que j’entendis Hélios glousser derrière moi. Tout ça commençait à me donner vraiment mal à la tête, d’autant plus que je n’avais que faire de leurs histoires sachant que je ne comptais pas m’établir ici.

Mais il fallait avouer que ce monde avait quelque chose d’intrigant et de fascinant, quelque chose que le monde d’où je venais n’avait pas, quelque chose qui m’attirait malgré moi.

Le soir arriva et Hélios réserva deux chambres dans un hôtel dénommé « l’impérial ». C’était un grand bâtiment ressemblant à un ancien temple grec entouré d’un grand parc digne des plus grands chefs d’œuvres se trouvant dans mon monde et dans lequel de nombreuses personnes toutes mieux habillées les unes que les autres flânaient avant de diner.

Dans mon monde, un hôtel comme celui-là aurait couté plus d’un an de salaire à mes parents alors qu’ils faisaient partie des scientifiques les mieux payés au monde mais Hélios n’avait même pas l’air de se rendre compte de ce qu’il déboursait. Etait-il riche à ce point ou était-ce la vie qui était si peu chère ici ?…

Lorsque je découvris la chambre que je devais partager avec Serena, j’en restai bouche bée. En réalité, il s’agissait plus d’un immense appartement qu’une chambre d’hôtel. Tout semblait avoir été placé là de façon à recréer un château de la renaissance française, avec ses bergères, ses tapis de velours, ses tables recouvertes de dorures et la grande cheminée de marbre blanc.

Tout ce luxe me mettait mal à l’aise. Je n’aimais pas lorsque mes parents m’emmenaient dans des grandes réunions dans mon monde, mais ici, j’avais l’impression que le moindre de mes gestes aurait pu briser cette beauté de porcelaine.

-Alors Asuna, tu n’entres pas ? Me demanda Serena en me poussant à l’intérieur avec une grande tape dans le dos.

Lorsque j’ouvris la bouche pour répondre, la jeune fille m’interrompit aussitôt en ajoutant :

-Avant que tu ne râles, c’est la chambre la moins chère de l’hôtel, la fortune d’Hélios n’est pas infinie non plus. Et si tu te demandes pourquoi nous sommes ici, c’est une longue histoire mais nous sommes des habitués !

Je n’avais rien à redire là-dessus, elle venait littéralement de couper court à tout ce que j’avais à déclarer.

Nous nous installâmes donc dans cet appartement et la première chose que je fis fut de me faire couler un bain chaud dans la piscine faisant office de baignoire et j’en profitai pour faire le point.

Cela faisait moins d’une demie journée que j’étais arrivée dans ce monde et pourtant, tout me semblait naturel. Je n’étais pas déboussolée comme je le pensais et même ces histoires de monstres ne me faisaient rien, sûrement parce que je savais que je ne faisais qu’un saut avant de repartir et que toutes mes pensées étaient occupées par mon désir de vengeance.

D’après Hélios, Drago devait se trouver en France qui, apparemment, occupait la même partie du globe que dans mon monde. Plus généralement, les continents et les pays occupaient les mêmes places que chez moi, à croire que la seule différence entre nos deux mondes était la présence de ces monstres occupant chaque coin de rue.

Le reste de la soirée fut assez banal à part que je fus une nouvelle fois consternée par Hélios qui mangeait comme quatre au buffet à volonté alors que les jumeaux ne prenaient quasiment rien et, vers onze heures, nous remontâmes tous dans nos chambres.

Là, Serena commença à me parler un peu de ce monde, des légendes qui l’entouraient, de sa connexion avec le fameux monde des esprits dont Toru avait parlé un peu plus tôt et surtout, elle m’expliquer les règles du jeu régissant tout : le duel de monstres.

Il y avait énormément à assimiler et je n’avais pas spécialement envie de m’y mettre mais devant l’insistance de la jeune fille, je fus obligée de m’y intéresser afin de ne pas éveiller ses soupçons sur les réelles raisons de ma présence.

Finalement, après avoir passé deux heures à m’expliquer qu’un piège pouvait s’activer durant le tour de chaque joueur, nous décidâmes d’en rester là et nous allâmes nous coucher…

Du moins, Serena alla se coucher car je fus réveillée presque aussitôt par des ronflements qui m’empêchèrent de me rendormir et, n’ayant rien d’autre à faire, je décidai de prendre l’air sur le balcon.

La ville était paisible la nuit. Au loin, une grande tour semblait veiller sur ses habitants, comme un phare illuminant la nuit et guidant les navigateurs. De nombreuses autres lumières étaient allumées un peu partout, me laissant distinguer de hauts buildings et des immeubles plus modestes. Il y avait également un grand pont reliant la ville avec un endroit totalement dénué d’éclairage et plongé dans l’ombre.

En voyant cela, je ne pouvais m’empêcher de comparer une fois de plus ce monde au mien. J’avais souvent vu des paysages similaires lorsque je partais en vacances à Tokyo avec mes parents. Il n’y avait rien qui m’indiquait vraiment que ce monde n’était pas le mien puisque même la langue était la même. J’avais presque envie de rester ici et de ne pas remettre les pieds chez moi si je n’avais pas fait cette promesse à Kagari et Ichigo de revenir rapidement.

Le ciel s’était dégagé également et me laissait admirer une mer d’étoiles toutes plus scintillantes les unes que les autres, et juste au-dessus de moi, une lune d’un blanc immaculé. Quelles étaient les limites de cet univers ? Mon monde se trouvait-il au-delà des étoiles les plus lointaines que je pouvais discerner, ou se trouvait-il hors des frontières spatiales de ce monde ?

Tout en réfléchissant à cela, le souvenir de cette nuit passée tous ensembles à contempler les étoiles sur le toit de l’école me revint en mémoire. Même si tout n’était que mensonges, j’aurais préféré ne jamais le découvrir. Nous étions heureux tous les quatre dans ce club, innocents et simplement heureux de pouvoir réaliser nos rêves, heureux d’avoir pu remettre en état cette salle qui semblait condamnée, heureux d’être tous les quatre, alors pourquoi les choses avaient-elles du tourner de la sorte ?

Soudain, une fenêtre s’ouvrit à côté de moi et Satoshi sortit de sa chambre, arborant toujours cet air froid, les bras croisés sur son torse.

Avant même que je n’ai eu le temps de dire un mot, et sans me lancer un regard, le jeune garçon déclara de sa voix dénuée d’émotion :

-Serena t’a réveillée avec ses ronflements toi aussi ?

-Euh…O…Oui ; bégayai-je, surprise qu’il ait vu juste.

-Elle n’a pas changé depuis tout ce temps ; continua-t-il avec un très léger sourire, mais ce n’est peut-être pas plus mal…

Seul le sifflement du vent répondit à Satoshi, mais je ne pensais pas qu’il s’adressait à moi mais qu’il se parlait à lui-même.

Après plusieurs secondes de silence pesant, le frère de Serena tourna finalement la tête vers moi et ce qu’il me dit me glaça le sang, autant par le manque d’émotion dans sa voix que par le jugement qu’il émettait sur moi.

-Asuna, par quoi es-tu motivée ?

-Co…Comment ça ? Répétai-je, déconcertée.

-Drago, pour quelle raison essaies-tu de le retrouver ? Est-ce par amour…ou bien par vengeance ?


Pendant une seconde, je retins ma respiration mais je me gardai de faire tout mouvement. Je ne comprenais pas, rien de ce que j’avais dit ni fait n’aurait pu me trahir…Mais, lorsque je reportai mon attention sur Satoshi, son regard me sembla soudainement plus interrogateur qu’affirmatif.

-Une vengeance ? Mais qu’est-ce que tu vas chercher, je m’inquiète simplement pour Drago, voilà tout et…

-Je connais ce ton, c’est celui qu’ont les personnes dévorées par la vengeance ; m’interrompit-il.

Je grimaçai intérieurement mais je ne pouvais pas me permettre d’échouer maintenant, pas si proche de Drago ! Cependant, avant que je n’aie pu rétorquer quelque chose, Satoshi reprit la parole en détournant le regard vers l’horizon.

-Serena avait le même ton en parlant de satellite il y a encore peu.

-Satellite ? Répétai-je, voyant l’occasion de détourner la conversation.

Pour toute réponse, il me montra le point sombre au milieu des éclairages illuminant la nuit.

-C’est là-bas que nous avons grandi, Serena et moi, dans la rue, livrés à nous-mêmes, au froid, à la délinquance, au milieu de la violence, de la haine et du mensonge, et c’est pourquoi, je sais détecter quand quelqu’un est motivé par la vengeance, car j’ai moi-même failli sombrer.

-Et…qu’est-ce qui t’a fait renoncer finalement ? L’interrogeai-je, vraiment intriguée à présent.

-J’ai changé ma vision du monde ; se contenta-t-il de répondre.

-Tu as…changé ta vision du monde ?

-Le monde n’est pas noir ou blanc, il existe de nombreuses autres nuances de gris comme le répétait souvent la meneuse de Satellite il y a bien longtemps et il en va de même pour les hommes. Personne n’est fondamentalement bon ou mauvais. Mais, tant que j’étais prisonnier de ma haine, je n’ai rien pu voir et je me suis renfermé sur moi-même, rejetant mon monde et laissant Serena seule alors que j’avais juré de la protéger.

-Ce n’est pas parce que personne n’est fondamentalement mauvais que tu peux pour autant leur pardonner ! Quelles que soient les motivations, certaines choses restent impardonnables ! Il y a toujours des choses qui passent avant tout le reste ! M’exclamai-je en m’emportant soudain malgré moi.

-Ce n’est pas ce que j’ai dit ; reprit Satoshi de sa voix monocorde. Mais, j’imagine que tu ne peux pas me comprendre tant que tu n’auras pas réussi à sortir toi-même de ces ténèbres que sont la vengeance et la haine.

-Attends, je n’ai jamais dit que je voulais me venger de quoique ce soit ! Rétorquai-je. Et puis, parfois il n’y a rien à changer, les faits sont ce qu’ils sont, toutes les médailles n’ont pas deux faces !

Satoshi ne répondit rien et se contenta de tourner les talons pour retourner dans sa chambre, me laissant bouillonnante de colère sur le balcon, autant parce que je n’arrivais pas à le comprendre que parce qu’il avait découvert mon secret.

Juste avant de fermer la fenêtre, ce dernier tourna la tête dans ma direction et me lança :

-Asuna, je ne t’empêcherai pas de te venger tout comme Hélios n’est pas intervenu avec Serena, mais pose toi cette question : quel est le plus important pour toi ? La protection de ceux qui te sont chers, ou la satisfaction de tes propres désirs ?

Sans même me laisser le temps de répondre, il ferma la fenêtre, puis les rideaux et je me retrouvai seule dans le froid, avec mes pensées noires pour seules compagnes.

C’était ridicule. Ce que Satoshi disait n’avait aucun sens puisque les deux étaient liés ! Si je me débarrassais définitivement de Drago, Kagari et Ichigo n’aurait plus eu à s’inquiéter d’être à nouveau manipulés par lui, de même que toutes les autres personnes qu’il avait dû rencontrer depuis son arrivée dans ce monde. En éliminant Drago, je protégeai tout le monde, il n’y avait rien de plus à rajouter.

Cependant, je ne pus m’empêcher de tourner mon regard à nouveau vers ce point sombre dans la nuit portant le nom de Satellite. Satoshi avait raison sur un point : quelque chose m’échappait. Comment quelqu’un ayant grandi dans un taudis, seul et livré à lui-même aurait-il pu s’en sortir sans vouer une haine incommensurable à tous ceux ayant gâché sa vie ? A sa place, si j’en avais eu le pouvoir, j’aurais rasé tout jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des ruines et je n’étais sûrement pas la seule à penser de la sorte. J’étais persuadée que Serena avait dû ressentir cela d’après les dires de son frère. Alors, comment s’en étaient-ils sortis tous les deux ? Quelle autre raison de vivre avaient-ils trouvé pour renoncer à leur haine ?

Voyant que je n’arrivais à aucune conclusion, je décidai de retourner me coucher, espérant que la nuit me permettrait de trouver les réponses.

Malheureusement, le lendemain, je n’étais toujours pas plus avancée. Cependant, Satoshi n’afficha rien de notre conversation de la veille lors du petit déjeuner et Hélios ne semblait pas plus méfiant qu’auparavant, mangeant toujours comme quatre, ce qui me laissait croire qu’il n’était toujours pas au courant de mes projets.

-Asuna, si tu es d’accord, Serena et Satoshi aimeraient faire un saut chez des amis avant de gagner la France, j’espère que cela ne te dérange pas ? Me demanda Hélios, me sortant de mes pensées.

-Faites comme vous voulez ; répondis-je en jetant un coup d’œil furtif vers Satoshi.

Mais le jeune garçon buvait son chocolat chaud sans afficher la moindre émotion ni même prêter la moindre attention à ce que je disais. J’étais pourtant persuadée qu’il attendait le premier faux pas pour me faire une autre leçon de morale…

Nous nous rendîmes donc chez les fameux amis des jumeaux, qui n’étaient autres que Toru que j’avais vu la veille, sa femme, Misaki, leur petit garçon Daisuke et une petite fille portant le nom d’Hakaze qui se jeta dans les bras de Satoshi dès qu’elle le vit.

-Satoshi, Serena, ça faisait longtemps ! S’exclama-t-elle d’une voix remplie d’innocence et de pureté.

-Je sais bien, désolée ; s’excusa la brune. Mais nous t’avons ramené quelques cadeaux pour nous faire pardonner.

La jeune fille sortit un sac que je reconnus immédiatement puisqu’il venait d’un magasin se trouvant près de chez moi et les yeux de la petite fille s’illuminèrent lorsqu’elle découvrit un tee-shirt assez banal et que tout le monde avait dans ma ville. Et même pour ce monde, il n’avait rien d’exceptionnel à en juger par les vêtements que portaient les jumeaux ou même Toru mais pour Hakaze, c’était comme si on lui avait offert un trésor.

-Je sais que Toru et Misaki t’ont offert de nouveaux vêtements mais c’est un objet très rare, prends-en bien soin.

La petite acquiesça et fila dans sa chambre pour l’essayer. Lorsque je croisai le regard de Satoshi, un déclic se fit dans ma tête. Etait-ce de cela qu’il essayait de me parler sur le balcon ? Avait-il rencontré cette petite dans cette poubelle où il avait grandi et était-ce elle qui lui avait permis de changer ?

Si oui, alors son raisonnement à mon sujet était totalement erroné. Je comprenais ce qu’il essayait de me dire : il pensait que tout le monde était mauvais et corrompu jusqu’au jour où il a rencontré cette fille pure et innocente et qu’il s’était juré de la protéger, mais dans mon cas, il n’y avait que Drago et rien d’autre et Il m’était impossible de rencontrer un autre Drago.

Alors que les jumeaux étaient en grande discussion avec les parents adoptifs d’Hakaze, Hélios me fit signe de le suivre et m’entraina à l’extérieur de la maison.

-Bien Asuna, j’ai encore beaucoup de choses à faire ici donc je ne pourrais pas t’accompagner mais si tu es pressée, je peux t’envoyer en France dès maintenant.

-Allez-y, je saurai me débrouiller seule ; répondis-je immédiatement. Cela fait plusieurs années que je vis seule, ce n’est pas parce que je suis dans un autre monde que je ne pourrais plus.

Hélios prit un air étonné, pencha la tête sur le côté et croisa les bras sur son torse avant de reprendre.

-Au fait, je te repose la question mais es-tu certaine de ne pas vouloir sauver le monde ?

-Encore ces histoires ? Je vous ai déjà répondu que je ne comptais pas ramener Drago à votre petit copain ! Je veux simplement m’assurer qu’il va bien, et l’aider dans le cas contraire, rien de plus !

-Crois-en mon expérience, parfois il vaut mieux ne pas intervenir dans les conflits même si on a l’impression que notre présence pourrait tout régler.

-Vous en avez de bonnes vous, on ne peut pas toujours savoir à l’avance ce qui va arriver. Avec des raisonnements comme le vôtre, des dictateurs seraient encore au pouvoir par peur des conséquences qu’aurait leur chute ; ironisai-je.

-Je ne te contredirai pas ma chère, ça serait stupide de ma part de défendre mon point de vue, mais je sais que, même si j’ai pu reconstruire le royaume d’Héliopolis lorsque je suis arrivé, je l’ai également condamné à disparaitre.

Hélios, qui ce jour-là portait un costume des plus classiques, contrastant avec son armure de la veille, mit ses mains dans les poches et leva le regard au ciel d’un air nostalgique.

-Celestia voyait en moi ce sauveur, cet homme pouvant bâtir un empire à partir de ruines, celui n’ayant peur de rien et j’ai fini par le croire moi-même…Lança-t-il plus pour lui que pour moi.

Même si je n’avais que faire de ses histoires, je fus néanmoins impressionnée. Qui aurait cru que ce type farfelu et aux airs nonchalants ait pu accomplir d’aussi grandes choses ?

Hélios, Satoshi, Serena, tous avaient eu des vies bien remplies, que ce fût bâtir un royaume, sortir de la misère et commencer une nouvelle vie ou tout simplement prendre soin de quelqu’un qui en avait besoin. Et moi alors, qu’avais-je fait de ma vie à part courir après une chimère ? Même encore maintenant, je continuai à la poursuivre alors que j’aurais simplement pu l’oublier et enfin vivre pour moi-même, vivre pour accomplir quelque chose de ma vie…

Non, je devais me sortir ces pensées de la tête. Si je faisais tous ces efforts, c’était justement pour faire une croix sur toutes ces années gâchées et repartir de zéro ! C’était le seul moyen, et ni Hélios avec ses mises en gardes, ni Satoshi avec ses leçons de morale ne pouvaient me faire changer d’avis.

Tout comme il l’avait fait chez moi, Hélios claqua des doigts et un portail s’ouvrit devant moi, me laissant entrevoir une ruelle sombre.

-Bien, nous nous séparons ici Asuna, je te souhaite de retrouver Drago et si par la même occasion, tu pouvais me prévenir à ce moment, préviens-moi ; me dit Hélios avec une tape amicale dans le dos.

-Je n’y manquerai pas, merci de m’avoir amenée ici ; lui répondis-je en m’inclinant poliment.

Alors que je m’apprêtai à franchir le portail, les jumeaux sortirent de la maison, accompagnés de la petite fille et Serena fit de grands gestes en me souriant, sourire que je lui rendis. Malgré moi, même si cela ne faisait qu’un jour que nous nous connaissions, j’éprouvais de la sympathie pour la jeune fille. Si les circonstances avaient été différentes, j’étais persuadée que nous aurions été de bonnes amies, et peut-être même que j’aurais pu lui présenter Kagari et Ichigo…

Je ris de ma propre naïveté. Si les circonstances avaient été différentes, nous ne nous serions même pas rencontrées…

Je passai mon regard sur Satoshi mais ce dernier était toujours aussi inexpressif que d’habitude, il m’était impossible de savoir ce qu’il pensait. Par réflexe, je lui fis un signe de la main et contre toute attente, il décroisa un peu les bras et leva mollement la main pour me saluer à son tour, sous le regard exorbité de sa sœur.

Avec un léger sourire aux lèvres, je tournai le dos aux jumeaux et à Hélios pour franchir à nouveau le portail qui cette fois-ci, allait m’amener directement auprès de Drago. Mon cœur s’accéléra à la pensée que nous allions bientôt nous retrouver et mon poing se serra.

-A nous deux Drago, il est temps que nous ayons une petite conversation tous les deux ; murmurai-je en m’engouffrant à l’intérieur du cercle de lumière.





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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Hoshino Asuna : L’amour retrouvé



Spoiler :


Lorsque je passai de l’autre côté du portail, mon premier réflexe fut de me retourner mais ce dernier avait déjà disparu, ne laissant aucune trace d’Hélios ni des jumeaux et je me sentis soudain un peu perdue.

La ruelle dans laquelle je me trouvais était assez semblable à celle où j’avais atterri avec Hélios la veille, même si elle semblait beaucoup plus entretenue et habitée. L’architecture y était assez différente également puisque les immeubles ici étaient faits de pierre et non de tôle ou de verre. La plupart des façades étaient légèrement sculptées et à chaque étage, de petits balcons fleurit égayaient l’endroit mal éclairé par le soleil qui ne parvenait pas à percer.

Au coin de la rue, il y avait une inscription en français que je réussis néanmoins à déchiffrer alors que je n’en avais jamais fait de ma vie. Etait-ce une technologie propre à ce monde qui permettait de rendre les langues universelles ? Cela m’aurait bien aidé dans ma recherche.

Mais, même si j’avais le nom de la rue dans laquelle je me trouvais, je n’étais pas plus avancée pour le reste. Je n’avais ni endroit où dormir le soir, ni piste pour commencer à chercher Drago. De plus, même si je devais m’être rapprochée de lui, je ne ressentais toujours pas sa présence. Quelque chose ne tournait pas rond.

Voyant que je n’arriverais à rien en restant dans cette ruelle, je me commençai à déambuler dans les rues adjacentes, découvrant par la même occasion l’architecture française qui était décidément bien différente de tout ce que j’avais connu jusqu’ici, si bien je fus un peu déboussolée dans un premier temps, presque effrayée de me retrouver en territoire bien plus inconnu que je ne le pensais.

Je finis par arriver dans une grande avenue où j’avais enfin une vue d’ensemble sur la ville dans laquelle j’avais atterri, ville qui n’était autre que la capitale française : Paris qui, comme dans mon monde, se démarquait grâce la grande tour de métal surplombant la ville du haut de ses trois-cents mètres.

Drago se trouvait-il vraiment ici ? Et si oui, que fabriquait-il ici ? Il n’avait strictement aucune raison de venir à Paris, surtout s’il était passé par Domino City avant et par ce palais de glace. Définitivement, il me manquait une pièce du puzzle pour tout comprendre.

Je regrettai soudain de ne pas avoir demandé plus d’informations à Hélios et d’être partie aussi vite sans même avoir un plan mais il était trop tard pour revenir en arrière. Je devais me débrouiller seule désormais.

Tout à coup, je ressentis une étrange sensation dans mon œil. Ce n’était pas dû à la présence de Drago puisqu’il n’y avait aucune douleur, mais à celle d’une autre personne qui devait être toute proche. C’était la première fois que cela m’arrivait. Peut-être que ce monde altérait mon don ou peut-être étais-je en train de devenir folle mais, persuadée que cette présence était liée d’une façon à une autre à Drago, je me mis à regarder frénétiquement de tous les côtés.

C’était stupide. Les rues étaient bondées de monde et je ne savais même pas qui je cherchais exactement mais je ne pouvais pas laisser s’échapper une telle piste.

Je le sentais, cette personne se rapprochait de moi, mais il m’était impossible de savoir de qui il s’agissait. C’était frustrant, vraiment…

Mais alors j’étais sur le point d’abandonner, une mèche de cheveux blonds passa à côté de moi et attira mon attention. En me retournant, je vis une jeune fille et la sensation dans mon œil s’intensifia jusqu’à approcher la douleur liée à Drago. Il n’y avait aucun doute possible. Cette fille était la personne que je cherchais.

Discrètement, je me mis à la suivre, espérant trouver des informations. Intérieurement, je me trouvais ridicule. Je devais être folle à lier ou totalement désespérée pour faire ce genre de choses alors qu’il me suffisait de lui demander directement si oui ou non elle avait un lien avec Drago, mais quelque chose me bloquait.

Cette fille ne me semblait pas méchante ni même antipathique mais je ne savais pas comment elle aurait réagi si je lui avais dit la vérité concernant mon ami d’enfance et je ne pouvais pas prendre le risque de perdre ma seule piste me conduisant à Drago.

Je marchai derrière elle pendant une bonne dizaine de minutes à travers les rues de Paris, n’admirant que peu les bâtiments et les rues pour me concentrer uniquement sur ma cible.

J’eus tout le temps de l’étudier en détail pendant notre trajet : c’était une fille blonde, faisant approximativement la même taille que moi. Elle portait un uniforme bleu ciel, certainement celui de son école, ressemblant aux uniformes que nous avions nous aussi, ainsi pantalon beige assez serré. Lorsqu’elle tourna la tête en s’arrêtant devant un magasin, je pus également distinguer deux mèches de chaque côté de son visage enfantin ainsi que de magnifiques yeux bleu turquoise. Le sourire qu’elle affichait en regardant la boutique de chocolats possédait également une certaine pureté, le même que le mien lorsque je passais du bon temps avec Kagari, Ichigo et Drago…

Finalement, la jeune fille entra dans une grande maison, un hôtel particulier, et ma route s’arrêta là puisque je ne pouvais tout de même pas la suivre jusqu’à l’intérieur de chez elle. Je n’avais strictement aucune idée de l’endroit où je me trouvais ni même d’où je venais. Cependant, quelque chose me disait qu’en gardant un œil sur cette fille, elle me mènerait tout droit à Drago d’une façon ou d’une autre.

Cela ne me plaisait pas plus que ça de me transformer en stalkeuse, mais c’était nécessaire si je voulais arriver à mes fins au plus vite au lieu de tourner en rond indéfiniment.

Alors que je m’apprêtai à repartir, je remarquai que je n’étais pas seule à regarder fixement le portail que la jeune fille venait de passer. A côté de moi, un garçon qui devait avoir le même âge que moi et portant le même uniforme que la jeune fille, fronçait les sourcils tout en fixant l’hôtel particulier et en marmonnant des phrases incompréhensibles.

Soudain, il tourna la tête vers moi et j’eus de frissons en croisant son regard. Ce dernier était rempli de haine et la folie se lisait dans ses yeux. Rien que le fait de me tenir près de lui me mettait mal à l’aise.

-Toi…tu es comme moi n’est-ce pas ?

-Comme toi ? Répétai-je sans comprendre.

-Oui, je sens un profond sentiment de vengeance émaner de toi, est-ce que par hasard ta vie n’aurait pas été détruite par quelqu’un que tu croyais être ton ami ?

Mon cœur rata un battement. Qui était ce garçon pour pouvoir affirmer quelque chose avec une telle justesse ? De plus, c’est exactement ce que j’aurais dit de lui…

-Cela ne te regarde pas ; rétorquai-je, préférant ne pas me mêler à quelqu’un d’aussi louche.

-Bientôt, tu me le paieras Angéla, tu vas voir ce que c’est que l’humiliation, tu vas comprendre ce qu’il en coute de se moquer de moi, grâce à dystopie…Marmonna-t-il, m’ignorant royalement.

Il était fou à lier, il n’y avait certainement aucun moyen de discuter avec lui ni même de lui prélever des informations sur cette fille. N’ayant donc rien de plus à faire avec ce type, je tournai les talons, bien décidée à me trouver un endroit pour dormir dans le quartier pour pouvoir garder un œil sur cette fille.

Je réussis à trouver un hôtel pas trop cher dans la rue voisine et je décidai de prendre une chambre pour une durée indéterminée. Etrangement, ma carte de crédit semblait fonctionner lorsque je passais au distributeur, convertissant directement mes yens habituels en euros. Plus étrange encore, je n’arrivais pas à atteindre de plafond pour mes retraits alors que dans mon monde, mon compte était vide dès que j’achetais une nouvelle robe, comme si le distributeur reconnaissait ma carte sans pour autant reconnaitre le compte. Je n’allais pas m’en plaindre non plus…

Un mois passa ainsi, mois pendant lequel j’en profitai pour en apprendre un peu plus sur ce monde, les règles du jeu le régissant. Il y avait beaucoup de choses différant du mien mais de nombreuses coutumes, langues et même monnaies étaient les mêmes, si bien que je n’aurais même pas été étonnée de retrouver ma ville sur une carte de ce monde.

Je notai également sur un carnet les habitudes de la jeune fille ayant un lien avec Drago : ses heures de départ le matin, de retour le soir qui étaient pour le moins aléatoire, mais je notai aussi l’itinéraire pour se rendre à son école, chez ses amies et surtout, je notai ses déplacements étranges qu’elle faisait souvent hors de Paris pour se rendre dans un grand château en banlieue.

Mais plus le temps passait et plus je désespérais de trouver des informations sur Drago. Elle n’en parlait jamais avec ses amies et mon œil ne ressentait toujours pas sa présence même après un mois. Est-ce que je faisais fausse route depuis le début ? Avais-je perdu mon temps finalement ? N’aurais-je pas mieux fait de rentrer et oublier toute cette histoire ?

Je m’apprêtai déjà à ressortir les papiers du père de Drago lorsque je sentis quelque chose dans mon œil. C’était très faible, quasi inexistant, mais je la sentais, la présence de Drago.

D’un bond, je me levai de ma chaise et, prenant un couteau acheté spécialement pour cette occasion ainsi que les cartes qui pouvaient s’avérer tout aussi dangereuses que de vraies armes d’après mes lectures, je me précipitai à l’extérieur de l’hôtel. Puis, sans même savoir pourquoi, suivant simplement mon instinct, je pris la direction du château ou se rendait régulièrement la jeune fille.

Mon cœur battait la chamade à l’idée de revoir Drago. J’étais vraiment impatiente de le revoir, impatiente d’entendre ses explications, impatiente de pouvoir enfin rentrer chez moi, impatiente d’en finir une bonne fois pour toutes…

Le taxi que j’avais pris s’arrêta soudain au beau milieu de l’autoroute, coincé par des embouteillages qui n’en finissaient plus à cause d’une grande colonne de fumée s’élevant au loin. Mais je n’avais pas de temps à perdre et, voyant que j’étais presque arrivée, je descendis là et je me mis à courir jusqu’à arriver à destination. Cependant, lorsque je m’engageai sur la route de campagne menant au château, je ne m’attendais pas à trouver ce que je vis.

Devant moi se tenaient la jeune fille et ses amies tandis qu’en face, quatre personnes portant des capes multicolores leur faisaient face, accompagnées de monstres hideux et entourées d’étranges halo d’énergie.

Dans un coin, je reconnus également les jumeaux, Satoshi et Serena, ce qui me conforta sur une chose au moins : je n’avais pas fait fausse piste en suivant cette fille. Mais je me mis à pester intérieurement contre Hélios qui aurait pu m’envoyer directement chez cette fille au lieu de me laisser me débrouiller seule…

La femme portant une cape marron envoya soudain un rayon d’énergie en direction de Satoshi et j’écarquillai les yeux en reculant, effrayée. Que se passait-il ici ? Personne ne m’avait prévenue que les gens de ce monde possédaient des supers pouvoirs comme dans les manga…

Mon étonnement s’accrut encore lorsque, dissipant la fumée d’un geste ample, Satoshi réapparut sans une seule égratignure, sous les yeux exorbités de tous ceux qui observaient la scène, moi la première.

-Faible…Si faible…Lança Satoshi, les yeux rougeoyants qui me glacèrent le sang.

Le seul se mit à trembler lorsque la femme s’énerva et une grande ombre s’éleva au-dessus d’elle, une ombre effrayante, en forme de Dragon, possédant deux yeux luisant dans l’obscurité soudaine.

Dans quoi m’étais-je embarquée ? J’aurais vraiment mieux fait d’oublier Drago et de rester sagement dans mon monde au lieu de risquer ma vie en côtoyant de véritables monstres…Non vraiment, tout cela ne valait pas la peine. Drago pouvait bien rester où il était, dans un monde comme celui-ci, ses chances de survies étaient aussi faibles que les miennes. Si je ne m’occupais pas de son cas, quelqu’un d’autre comme la femme à la cape le ferait…

Au moment où j’allais m’enfuir loin de tous ces événements, une voix puissante retentit dans le ciel, une voix que je reconnus immédiatement, une voix qui me fit perdre la raison en me poussant à rester pour être sûre que je n’étais pas devenue folle.

-Dragon Eclipse Parfait !

Un éclair jaillit des nuages et tomba juste devant l’attaque de la femme, la stoppant net. Dans la lumière, un grand dragon violet aux ailes de lumière se tenait là, ainsi qu’une jeune garçon, blond comme le soleil, portant un simple jean et un tee-shirt rouge. Le dragon levait sa main devant lui comme pour absorber l’attaque, reproduisant le geste du garçon le chevauchant.

-Qui…Commença l’ennemie avant de se raidir.

Le garçon tourna la tête vers la jeune fille blonde que je suivais depuis un mois et lui lança un large sourire.

-Désolé pour le retard, Angéla.

Au même moment, mon poing se serra, mes sourcils se froncèrent, un sourire mauvais se dessina sur ma figure et je sortis de ma poche le couteau ainsi que les cartes de duel. Toutes mes envies de fuite disparurent d’un seul coup en voyant ce sourire hypocrite qu’il arborait sur sa figure, sourire qu’il ne m’avait jamais adressé à moi, son amie d’enfance, sourire que je m’étais efforcé de faire revenir, sourire cachant sa véritable nature.

-Te voilà enfin, Drago…


Malgré son apparition soudaine, je restai dans ma cachette, curieuse de voir le dénouement de ce combat, tiraillée entre le désir de voir Drago se faire écraser et le désir de lui régler moi-même son compte. Mais ma raison me poussa à ne pas intervenir, sachant pertinemment que je n’avais aucune chance face à de tels pouvoirs. Je ne pouvais que regarder et attendre mon heure.

Cependant, alors que Drago s’adressait à son Dragon mauve, mon œil me fit souffrir tout à coup et ma tête commença à tourner, si bien que je tombais à genoux sur le sol, incapable de rester debout.

Ma respiration devint de plus en plus difficile, mes poumons me brûlaient, tous mes membres me faisaient souffrir le martyr, comme si j’étais plongée dans un bain de feu.

Ne pouvant plus supporter la douleur, je finis par fermer les yeux, attendant simplement que cela cesse.

-Eguls, occupe-toi de lui !

Une voix résonna dans ma tête et un cri strident se fit entendre juste à côté de moi. Je rouvris les yeux, paniquée à l’idée que quelqu’un m’ait vue et m’ait prise pour cible mais, ce que je découvris était encore pire que tout ce que j’aurais pu imaginer.

Je me trouvais au haut dans le ciel, faisant face à un gros oiseau vert hideux…non, ce n’était pas moi…je voyais à travers les yeux d’un autre…et plus exactement, à travers les yeux du Dragon mauve de Drago qui cracha une rafale de flammes sur l’oiseau qui se désintégra aussitôt.

Je ne comprenais pas ce qu’il se passait…lorsque soudain, un souvenir, très ancien et très vague me revint en mémoire : le souvenir de ce qu’il s’était réellement passé ce jour-là, le souvenir de comment j’avais pu échapper à mes blessures, le souvenir du visage mon sauveur.

Ma vision se brouilla et je retrouvai aussitôt mon corps, haletante et encore tremblante à la vue de ces images dans mon esprit.

Timidement, je levai la tête pour apercevoir les ennemis de Drago disparaitre dans un tourbillon d’eau, ne laissant rien de leur passage tandis qu’un majordome accourut vers mon ami et la jeune fille, l’air affolé.

Cependant, même si la situation me paraissait propice pour accomplir ce pour quoi j’étais là, une nouvelle idée me tiraillait l’esprit. Ce n’était pas un miracle qui m’avait sauvée ce jour-là, c’était un dragon, le même que celui que j’avais vu le jour de la mort de la famille de mon ami d’enfance, un Dragon dont je n’avais que le nom : Ladd, le dragon violet qui accompagnait celui que je détestais en ce moment même.

Je tournai à nouveau mon regard pour voir Drago se prendre un coup de genou dans le ventre de la part de la blonde en pleurs.

Tout était si confus dans ma tête. Pourquoi aurait-il utilisé son monstre pour me sauver alors qu’il aurait pu me laisser là et prétendre qu’il n’était pas présent s’il se fichait de moi comme je le pensais ? Cela voulait-il dire que je me trompais depuis le début finalement ? Mais alors, pourquoi avait-il vécu une toute nouvelle vie dans ce monde en nous oubliant, nous, ses plus proches amis, si tel était le cas ?

Plus je réfléchissais à ce paradoxe et plus la solution me paraissait lointaine. Il n’y avait qu’un seul moyen d’en avoir le cœur net : demander directement à ce Ladd ce qu’il en était. Lui seul pouvait me dévoiler la vérité puisqu’il était à l’origine de ma guérison, à l’origine de mes pouvoirs, à l’origine de mes tourments. C’était lui qui avait mis une partie de sa nature d’esprit de duel en moi ce soir-là, me reléguant son rôle de protecteur de Drago, changeant ma vie à jamais…

Néanmoins, si j’avais bel et bien raison et qu’il me mentait depuis le début, je n’avais aucune chance face à lui dans l’état actuel des choses et tenter de me venger avec un simple couteau alors qu’il possédait un Dragon à ses côtés était du suicide, ni plus ni moins. Si je voulais accomplir ma vengeance, il allait falloir que j’utilise les mêmes armes que lui…

Je retournai donc à mon hôtel, laissant Drago là pour le moment, mais plus déterminée que jamais à apprendre la vérité, et ce, à n’importe quel prix.

Je n’abandonnai pas pour autant mes activités consistant à surveiller la jeune fille blonde, ce qui me permit de remarquer rapidement que Drago avait intégré la même école qu’elle, ce qui allait faciliter grandement mes observations.

Mais de mon côté, je me plongeai activement dans l’étude du duel de monstre, passant énormément de temps à la bibliothèque du quartier afin d’en apprendre toujours davantage.

Puis un jour, alors que je lisais comme d’habitude un livre d’histoire inintéressant, je finis par découvrir une chose qui attira mon attention. En effet, il était mention d’un monde appelé « monde des esprits » dans lequel les esprits des monstres de duel vivaient et ce livre mentionnait également de nombreuses légendes tournant autour de ce monde telle que la légende des démons originels, ou encore celle de la guerre des vers ayant marqué un tournant radical dans l’histoire du monde des esprits.

Sans m’en rendre compte, je me pris à me passionner pour ces histoires regorgeant de mystères, oubliant presque la raison première de ma venue ici. Je sillonnai les bibliothèques de la ville, à la recherche de toujours plus d’informations. La légende de Zorc l’obscur, des esprits de la terre immortels, des tribus légendaires, des prophéties à en pleuvoir annonçant la fin du monde, je m’étais fait une véritable encyclopédie regroupant toutes ces informations.

Parmi elles, il y avait l’évocation d’un peuple légendaire, perdu dans les contrées reculées du monde des esprits, les esprits de la prophétie, capable de prédire l’avenir et au service d’un certain Armageddon, une créature capable de manipuler le destin. Rien qu’à y penser, j’en frissonnai…mais ce nom ne m’était pas inconnu. C’était également le nom de la créature ayant rendu visite au père de Drago la veille de la tragédie.

Je sortis le paquet de cartes que m’avait remis Fujii Makoto. Il n’y avait aucun doute, les monstres que je possédais et ceux qui étaient évoqués dans ce livre ne formaient qu’un. Je me mis alors à réfléchir sur moi-même. Etait-ce un hasard si j’avais reçu ces cartes après avoir croisé la route d’Armageddon ? Il y avait peu de chance, mais il m’était impossible de comprendre mon rôle avec si peu d’informations. Je ne savais même pas si Drago m’avait réellement menti ou non…

Faisant néanmoins abstraction de ce détail pour le moment, je me remis à m’entrainer avec mon deck avant de remarquer que les pouvoirs des monstres commençaient à déteindre sur moi. C’était encore quelque chose qui se trouvait au-delà de ma compréhension mais je m’en accommodai plutôt bien, voyant là le moyen de lutter à armes égales contre Drago.

Les jours passèrent ainsi, et j’entendis parler d’un grand tournoi se déroulant en ville, une coupe junior apparemment. Je n’avais pas spécialement envie de perdre mon temps là-bas mais quelque chose me disait que Drago allait s’y trouver également et j’avais besoin de savoir si j’étais de taille contre lui après mes entrainements.

Je pris donc une place en tant que spectatrice. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait eu autant de monde mais le stade de France était rempli. Les duels de monstres étaient décidemment vraiment populaires dans ce monde, autant que le foot l’était chez moi…

Je vis de nombreux duels plutôt intéressants, notamment une équipe du nord possédant deux équipes pour elle seule. La plupart des duellistes n’auraient même pas passé mon Jowgen mais je sentais que cette équipe-là, et notamment la fille brune jouant une carte du nom de Trishula, aurait pu me tenir tête. Mais je concentrai mon attention sur Drago qui, contrairement à ce que j’attendais, ne jouait pas à son plein potentiel, ce qui eut pour effet de me frustrer.

Cependant, alors qu’il était en finale et que son équipe allait remporter la victoire, une grande ombre apparut au-dessus de nos têtes et mon sang se glaça dans mes veines. Dans le ciel, juste au-dessus du stade, planait une immense forteresse grise et menaçante. Mais cette forteresse ne m’était pas inconnue, je l’avais vue dans un livre mentionnant la légende des démons originelles et, si le livre disait vrai, j’étais dans un sacré pétrin…

A la vue de cette abomination, tous les autres spectateurs se mirent à paniquer et tentèrent de fuir le stade, m’entrainant avec eux dans leur course et je fus obligée de suivre le mouvement si je ne voulais pas me faire écraser par la foule…

En un rien de temps, je fus à l’extérieur, mais pas au bout de mes peines. En effet, même si la plupart des spectateurs s’étaient déjà échappés, je n’arrivai pas à détacher les yeux de cette forteresse volante, tout en repensant à la légende…

Mais, alors que j’étais perdue dans mes pensées, un grand cri me fit revenir à moi et j’eus tout juste le temps de rouler sur le côté pour esquiver l’attaque d’un monstre gluant. Avant même que je ne m’en rende compte, j’étais cernée par des dizaines d’hommes portant des capes et accompagnés de monstres tous plus hideux les uns que les autres.

Malgré la situation désespérée, je souris en sortant mes propres cartes. C’était l’occasion rêvée de tester mes talents d’assassin en combat réel.

-Dix contre une ? Vous n’êtes pas très galants messieurs ; lançai-je d’un air innocent.

Les hommes m’ignorèrent et lancèrent leurs monstres à l’attaque. Je soupirai et pour toute réponse, j’activai le livre de magie de la puissance, ce qui me permit de réduire en cendre le premier monstre d’une main tout en lançant un deuxième sort à l’aide du livre de magie du destin de l’autre, en détruisant un second.

Devant ma contrattaque, les hommes hésitèrent une seconde, seconde qui leur fut fatale car j’en profitai pour appeler à mes côtés ma carte maitresse : le monde de la prophétie qui détruisit d’une seule incantation les huit autres monstres restant.

J’étais un peu déçue à vrai dire. Moi qui pensais avoir un peu de résistance en affrontant dix monstres d’un coup, ils n’avaient pas été plus durs à éliminer que les sacs de farine contre lesquels je m’exerçais…

Mes adversaires vaincus, je tournai mon regard sur les autres combattants présents. La plupart des spectateurs avaient fui mais il en restait encore quelques-uns qui, comme moi, affrontaient les hommes avec leurs propres monstres.

Je ne pus m’empêcher de pouffer lorsque je reconnus parmi les défenseurs du stade un monstre du nom de Crimson Sunbird, monstre à l’attaque et l’apparence ridicules mais qui semblait malgré tout tenir tête aux ennemis.

Cependant, alors que je m’apprêtai à replonger dans la bataille, mon œil me fit souffrir et je sentis que le signe étrange était réapparu lui aussi. Mais pour la première fois, je décidai d’ignorer cette douleur et je restai à l’extérieur du stade. Si Drago avait des ennuis, ce n’était plus mon problème désormais. Tout ce dont j’avais besoin, c’était de parler à Ladd.

J’étais néanmoins réellement intriguée par l’issue de ce combat, c’est pourquoi, je pris un peu de hauteur dans un immeuble proche de la zone de combat. Mais alors que je pensais être seule, je découvris que quelqu’un d’autre se trouvait à côté de moi, un garçon brun, au visage sévère, les bras dans les poches et regardant la bataille en fronçant les sourcils.

Lorsqu’il me vit à son tour, il ne détourna pas les yeux du champ de bataille en contrebas mais s’adressa à moi d’une voix lente et posée malgré la situation dramatique à laquelle il faisait face :

-Et moi qui pensais que tous les spectateurs avaient fui et qu’il ne restait que nous, tu tiens si peu à la vie ? Me demanda-t-il d’une voix glaciale.

-Je pourrais te retourner le compliment ; rétorquai-je. Et surtout, que fais-tu caché là alors que tes camarades se battent en bas ?

-Je prends le rôle que je n’ai pas eu le courage d’exercer pendant la guerre ; me répondit le garçon, toujours impassible.

J’allais répliquer lorsqu’il sortit son téléphone de sa poche et donna une directive à quelqu’un. Une seconde plus tard, j’entendis une explosion en bas et je vis une dizaine d’hommes se faire projeter au loin par le fameux Crimson Sunbird.

-Je te conseille de fuir tant que tu le peux, je ne sais pas combien de temps nous tiendrons. Après tout, je ne suis pas Miyako, je ne peux que gagner du temps.

-Fuir ? Je comptais profiter un peu du spectacle tout de même mais je vois que tes camarades sont en difficulté, que dirais-tu d’un peu d’aide ? Lui proposai-je.

-Il est déjà trop tard, cette bataille est perdue, nous ne pouvons pas y arriver seuls, tout repose sur les épaules de Miyako et des autres désormais.

Sans me laisser ajouter quoique ce soit, le garçon sauta par la fenêtre et invoqua à ses côtés une petite grenouille ailée à laquelle il s’accrocha pour adoucir sa chute. J’eus un peu pitié de ce garçon, et c’est pourquoi, je décidai de lui prêter main forte tout en restant à ma place et j’activai mon couloir des étoiles. Avec ça, leur victoire était assurée.

Lorsque le garçon brun remarqua que tous ses monstres avaient gagnés en puissance, il lança un regard dans ma direction mais je me contentai de tourner les talons. Je n’avais plus aucune raison de rester là, l’issue ne faisait plus aucun doute.

Avant de partir, je jetai un coup d’œil au stade et je vis qu’un immense Dragon noir en émergeait. Ce dernier attaqua la forteresse et brisa ses défenses, créant une ouverture béante en sa base. Je souhaitais bien du courage à Drago pour se sortir de ce pétrin, mais j’espérai qu’il allait s’en sortir tout de même, sans quoi, je pouvais dire adieu à mes réponses.

Heureusement, le jour suivant, je ressentis à nouveau cette sensation dans mon œil, ce qui me prouvait qu’il avait survécu. Mais devant la situation étrange à laquelle je faisais face, je décidai d’abandonner mon poste d’observation à distance dans cet hôtel pour me rapprocher de Drago. Ce dernier ne bougeait pas beaucoup et restait dans ce grand château en banlieue, entouré en permanence de ses nouveaux amis, m’empêchant de l’approcher seul.

Finalement, au bout d’une semaine, ce dernier se décida à retourner au pied de la forteresse. Comme toujours, je restai en retrait par rapport aux combats et je vis qu’il avait du mal à s’approcher de la forteresse, à présent entourée de dizaine de milliers de monstres. Je l’aurais bien aidé afin de faire avancer les choses, trop lentes à mon gout, mais cela aurait trahi ma présence. Même si je portai en permanence une cape pour me dissimuler, je ne pouvais pas prendre un tel risque…

Après dix bonnes minutes de combats acharnés, ils réussirent tout de même à percer le bouclier fait de monstres et je ne perdis pas une seconde. Profitant de l’ouverture, je me précipitai à leur suite, utilisant les pouvoirs de la grande prêtresse pour voler.

J’entrai dans la forteresse peu après Drago et ses compagnons mais je ne perdis pas de temps à admirer l’architecture du bâtiment. En effet, le groupe se séparait et Drago prenait un chemin, seul. C’était ma chance ! Enfin j’allais pouvoir obtenir les réponses que je cherchais, enfin j’allais pouvoir me venger de lui, enfin j’allais pouvoir rentrer chez moi…


Discrètement, je longeai les murs de la forteresse alors que les deux filles restées là avaient les yeux tournés et je m’engouffrai à la suite de Drago dans le long couloir sombre dont je ne pouvais voir le bout. Néanmoins, je décidai de rester cacher encore un moment car, avec la pagaille qu’il y avait dehors, il devait certainement être sur ses gardes, prêt à riposter au moindre mouvement suspect.

Je me contentai donc de le suivre tout en gardant une bonne distance de sécurité, l’obscurité du couloir me dissimulant à la perfection.

Cependant, Drago semblait étrange. Sa démarche était lente et il tournait régulièrement la tête vers les parois nues de la forteresse, ce qui était tout sauf l’attitude d’une personne tentant d’infiltrer un bâtiment ennemi.

Soudain, ce dernier s’arrêta net au milieu du couloir et se mit à parler tout seul.

-Oui, désolé, c’est simplement que…j’ai l’impression de connaître cette forteresse ; déclara-t-il dans le vide d’un air nostalgique.

Je fronçai les sourcils, d’abord parce qu’il parlait seul, ce qui était déjà étrange en soi, mais surtout parce qu’il disait connaitre cet endroit…Je savais bien maintenant que Drago ne venait pas de notre monde mais quelle était la signification de tout cela ? Je l’avais connu alors que nous étions encore enfants, et je n’avais aucun souvenir d’avoir visité avec lui un tel endroit. Se pouvait-il que ce monde ne lui ait pas été inconnu finalement ? Se pouvait-il qu’il soit déjà venu ici par le passé ? Se pouvait-il qu’il m’ait caché bien plus de choses que je ne le pensais ?…

-Futilités ? Reprit Drago dans le vide en me tirant de mes pensées. Si ma mémoire me fait bien défaut, les démons sont bien la dernière de mes priorités dans ce cas !

J’écarquillai les yeux. Drago venait-il…de parler de sa mémoire ? Avait-il des troubles dans ses souvenirs comme j’en avais eu lors de cette nuit où j’avais été sauvée par Ladd ? Si oui, alors je faisais peut-être fausse route depuis le début…Non, je ne devais pas douter, Drago s’était moqué de nous, une amnésie ne pouvait pas changer sa personnalité à ce point !

-Quinze ans ! Un rêve de quinze ans, tu ne trouves pas ça un peu long Ladd ? Tu insinues que je suis né l’année dernière ? Que tout ce que j’ai vécu jusque-là n’a aucune importance ?

Lorsque Drago prononça ces mots, je ne retins qu’une seule chose dans cette phrase : il parlait à Ladd et ce dernier possédait bel et bien la réponse que je cherchais depuis mon arrivée ici : Drago nous avait-il menti toutes ces années ? Même si mes doutes ne faisaient que s’accroitre en entendant mon ami parler de rêve, comme si ce n’était pas la même personne ici et dans mon monde, il me fallait une réponse claire.

Le reste de la conversation de Drago avec cette personne invisible émietta le peu de détermination qu’il me restait, particulièrement lorsqu’il évoqua une modification de ses souvenirs. Même s’il m’était très dur de l’admettre, je savais désormais que je faisais fausse route depuis le début. Ce Drago, heureux et insouciant n’était pas la personne sombre que j’avais connue.

En un sens, j’étais soulagée. Il me restait un espoir que notre passé n’ait pas été un simple mensonge, un espoir d’avoir existé pour lui et ne pas m’être battue en vain pour le faire revenir…Mais d’un autre côté, si Drago possédait réellement deux visage…Quelle était la raison de ma présence dans ce monde ? Pourquoi avais-je voué presque un an de mon existence à courir après une chimère, une illusion que je m’étais moi-même construite ?

Je ne pouvais plus me le cacher : quelle qu’ait été la réponse, mes actions n’avaient aucun sens. Que Drago nous ait menti ou non, je revenais toujours sur mes pas, revoyant une vie dédiée à quelque chose qui n’existait que dans mon imagination…

Un sourire stupide s’inscrivit sur ma figure lorsque je réalisai cela. Il fallait vraiment que j’arrête de me faire des films…

Alors que je m’apprêtai à tourner les talons, préférant attendre que les événements se calment pour reparaitre devant Drago, mon ami d’enfance fit un geste qui me laissa perplexe et je m’arrêtai net. Il sortit deux cartes de son jeu, les regarda en fronçant les sourcils puis les jeta au sol avec colère avant de reprendre son chemin sans ajouter un mot de plus.

Intriguée, et lorsqu’il eut disparu de mon champ de vision, je ramassai les deux cartes et aussitôt, deux personnes apparurent à mes côtés.

Je fis un bond en arrière lorsque je reconnus la sœur de Drago, habillée exactement comme le monstre sur la carte que je tenais dans mes mains et un profond sentiment de malaise s’installa en moi lorsque je fis face à la deuxième personne : un chevalier aux yeux bicolores et à l’armure noire d’un côté et dorée de l’autre, exactement comme…

-Théa, Ladd ! M’exclamai-je interdite.

-Asuna, alors c’était bien ta présence que je sentais depuis tout ce temps ; me répondit le chevalier en croisant les bras sur son torse. Tu as bien grandi depuis la dernière fois que l’on s’est vus.

-A…Asuna ? Bégaya la sœur de Drago, tout aussi surprise que moi. Mais que fais-tu ici ? Tu n’es pas de ce monde !

-Et toi alors, je te croyais morte dans l’explosion ! Rétorquai-je.

-Il s’est passé…certaines choses ; me répondit-elle, évasive. Mais j’ai survécu, c’est le principal.

Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait mais j’avais enfin Ladd en face de moi. Même si toute ma motivation s’était écroulée, mon envie de réponses était restée intacte.

-Ladd, je n’irai pas par quatre chemins ; déclarai-je froidement. Que se passe-t-il ici ? Qu’est-il arrivé à Drago après l’explosion ? Et surtout, que m’as-tu fait ce jour-là ?

-Asuna, nous n’avons pas le temps…Commença la sœur de Drago avant de se faire interrompre par le chevalier.

-Je savais bien que c’était une mauvaise idée de te sauver ce jour-là ; marmonna Ladd. Te voilà maintenant impliquée dans des choses qui te dépassent largement. Tu aurais vraiment mieux fait de rester chez toi.

-Je n’ai rien demandé à personne moi ! Répliquai-je sur la défensive. Tout ce que je veux, c’est comprendre !

-Il fallait que Drago devienne ami avec la fille la plus butée de ce monde et qu’en plus il me demande de la sauver ; soupira l’esprit d’un air lassé.

-Qu’il te demande…de me sauver ? Répétai-je, perplexe.

-Puisque de toute façon tu ne bougeras pas avant d’avoir tes réponses, autant te dévoiler la vérité mais elle risque de ne pas te plaire ; me prévint-il.

-Si vous ne me révélez rien, je tuerai simplement Drago alors allez-y, j’écoute ; les menaçai-je.

-Tu n’es plus humaine, tu es contente ?

Je mis quelques instants à digérer l’information, ne comprenant même pas ce qu’il essayait de me dire mais, avant que je n’aie eu le temps de me remettre de la nouvelle, Théa reprit la parole :

-Rassure-toi Asuna, tu es toujours vivante, mais ce que Ladd veut dire, c’est que tu possèdes en toi des pouvoirs d’esprit de duel.

-Des pouvoirs…d’esprit de duel ? répétai-je sans comprendre.

-Oui, ton œil vert en est la preuve ; râla Ladd semblant s’impatienter. Crois-tu vraiment qu’un humain normal serait capable de ressentir le danger de la sorte ?

-Mais…Comment ? Que s’est-il passé ce jour-là ?

-La personne qui vous a attaqués Drago et toi dans cette ruelle n’était pas un homme ordinaire, c’était un disciple de Fuji Makoto qui nous traquait déjà à l’époque ; m’expliqua Théa. Et d’après ce que Ladd m’a dit, tu t’es interposée, protégeant Drago d’une attaque mortelle.

-Oui…je m’en souviens…mais après, Ladd est apparu dans mes rêves…et m’a demandé de protéger Drago…puis…

-Pourquoi tous les humains sont-ils si aveugles ; râla ce dernier. J’ai fait fuir cet homme et Drago a appelé à l’aide pour que quelqu’un vienne te sauver, en vain. Tu avais été touchée à l’œil par un poison du monde des esprits et j’ai été obligé de te prêter mes pouvoirs pour que tu puisses survivre, est-ce si dur à comprendre ?

-Je…Je suis donc à moitié esprit de duel ? Bégayai-je, cachant mon œil vert avec ma main, ayant du mal à accepter les faits.

-Oui, j’ai dû briser les limites séparant votre monde et celui des esprits pour te sauver. Tu te rends compte : j’ai mis en péril l’équilibre des trois mondes pour sauver une simple humaine !

-Mais…Mais si c’est vraiment Drago qui t’a demandé de me sauver…pourquoi m’a-t-il ignoré toutes ces années ? Continuai-je, ne voyant toujours pas la solution.

-Que veux-tu que j’en sache, tu as épuisé toutes mes forces pour briser cette barrière, je n’étais plus là pour veiller sur lui, c’était ton rôle ; cracha le Dragon.

-Mais…pourquoi le Drago actuel est-il si différent de celui que j’ai connu ? Que s’est-il passé pour le faire changer à ce point ?

Théa hésita avant de répondre et tourna son regard en direction de Ladd qui haussa simplement les épaules.

-Drago…ne peut pas voyager à travers les mondes comme toi ou comme Hélios ; me répondit-elle en grimaçant. Il y a dix ans, nous avons dû fuir notre monde à cause d’une créature du nom d’Armageddon et du Démon. Mais les voyages entre dimensions sont éprouvants et Drago, du haut de ses cinq ans, ne l’a pas supporté et a perdu la mémoire peu après notre arrivée dans votre monde. J’imagine que le même phénomène s’est reproduit lorsqu’il est revenu ici et qu’il se reproduira s’il décide de rentrer.

Je serrai les dents. J’avais certes des réponses à certaines de mes interrogations mais la principale question, celle qui justifiait la raison de ma présence dans ce monde, demeurait sans réponse et ni Ladd ni Théa ne pouvait me répondre. De plus, Drago lui-même n’avait certainement aucune réponse s’il était réellement amnésique…Mais ne restai-il en lui aucun souvenir de sa vie avec nous ?

En l’entendant parler seul quelques minutes plus tôt, il disait avoir un vague souvenir d’un château ressemblant à ce couloir, prouvant qu’il avait encore des souvenirs de la vie d’avant notre rencontre. Se pouvait-il qu’en lui forçant un peu la main, il se souvienne également de ce que nous avions vécu ?

Les chances étaient faibles, très faibles, infimes, mais si je partais sans même avoir de réponses, alors j’aurais vraiment perdu mon temps dans ce monde, ce que je ne pouvais pas accepter.

-Ladd, Théa, si j’ai bien compris, Drago essaie d’arrêter des démons pour sauver le monde, n’est-ce pas ?

-O…Oui ; bafouilla la sœur de mon ami, qui ne s’attendait visiblement pas à une telle réaction de ma part. Notre but est de les convaincre de ne pas attaquer la Terre et…

-C’est tout ce que j’avais besoin de savoir ; la coupai-je.

Sans même réfléchir un instant de plus, je me mis à courir dans ce long couloir afin de rattraper Drago. Mes objectifs avaient une fois de plus changé et je n’avais plus aucune raison de me cacher puisque désormais, j’allais rester à ses côtés jusqu’à obtenir les réponses dont j’avais besoin : quelles étaient les véritables intentions de l’ami que je connaissais et surtout, vivait-il encore quelque part au fond de l’inconscient du nouveau Drago ?

J’étais prête à tout pour découvrir la vérité.



Hoshino Asuna : La raison retrouvée



Spoiler :


Je courus dans ce long couloir morne et gris un bon bout de temps avant de sortir et faire face à un décor pour le moins déconcertant. Devant moi s’étendait tout sauf ce que j’aurais pensé trouver dans un tel endroit. En effet, sous mes pieds s’étendait un vaste port de plaisance, avec ses pontons de bois et ses bateaux amarrés, attendant que quelqu’un vienne les détacher pour naviguer sur la fausse mer intérieure. L’eau était d’un bleu azur, et le doux clapotis des vagues parvenait jusqu’à moi et m’apaisait. Etrangement, un léger vent soufflait également à l’intérieur de la forteresse et amenait des odeurs typiques des mers du sud, un mélange de sel, d’algues et de poisson.

Au plafond peint de façon à représenter un beau ciel bleu un jour d’été brillait une lampe aussi lumineuse que le soleil tandis que j’entendais quelques chants d’oiseaux marins sans pour autant en voir un seul.

Au milieu de la baie se trouvait un bateau, bien plus gros que les autres, une sorte de paquebot crachant une épaisse fumée grise mais qui n’avançait pas, comme s’il était échoué sur un récif.

Soudain, mon regard s’arrêta sur les deux seules personnes présentes dans la pièce : Drago et un vieil homme ridé, tous deux en pleine discussion. C’était la première fois que je voyais mon ami d’aussi prêt depuis arrivée dans ce monde et un détail me frappa : son regard n’était plus ce regard vide qu’il arborait autrefois en permanence mais un regard plein d’assurance et de détermination. Ladd et Théa disaient-ils vrai ? Drago avait-il réellement perdu la mémoire pour devenir une toute autre personne ? Il n’y avait qu’un seul moyen de m’en assurer.

Je pris mon élan et je sautais depuis le promontoire qui me séparait de lui pour atterrir quelques mètres plus loin.

-Encore un visiteur ? Je n’ai pas vu autant de monde dans mon sanctuaire depuis une éternité ; déclara l’homme surpris.

J’ignorai le vieil homme et je fixai Drago du regard, cherchant à détecter le moindre signe de mensonge ou de souvenir dans son regard mais il n’y avait rien d’autre que de la surprise, à tel point qu’il recula d’un pas, troublé.

-Qu…qui es-tu ? Bégaya-t-il, presque effrayé.

Ce fut à mon tour d’être troublée. Il n’y avait plus aucun doute, Drago n’avait plus aucun souvenir de sa vie passée. Même en m’ayant menti, il n’aurait jamais feint de m’avoir oubliée de la sorte. Je devais me faire une raison, le Drago que j’avais en face de moi n’était pas la personne que j’avais connue…mais cette personne-là était-elle toujours présente ? Il fallait que je sache, c’est pourquoi, j’enlevai mon écharpe et ma capuche et je lui lançai un léger sourire.

-Désolée, tu n’as pas dû me reconnaitre dans cet accoutrement ; déclarai-je d’une voix claire.

-Je suis désolé mais je répète ma question, qui es-tu ?

Non, je n’allais obtenir aucun résultat en procédant de la sorte. Je devais tenter de faire remonter ses vieux souvenirs à la surface…mais comment faire ? Je me mis à trembler et je lâchai mon écharpe tant j’étais désemparée par la situation. Le vieil homme n’arrangea rien en venant s’emmêler dans la conversation.

-Effectivement jeune fille, j’aimerais également savoir qui vous êtes. Vous avez pénétré dans mon domaine sans permission, donc la moindre des choses serait de vous présenter.

Mon regard passa successivement de l’homme à Drago sans savoir quoi dire. Il fallait que je fasse quelque chose, mais quoi ? Je ne pouvais pas simplement lui dire que je venais de son ancienne vie s’il n’en avait aucun souvenir, il m’aurait pris pour une folle mais si je ne faisais rien…

-Allons, calme-toi, aucun d’entre nous deux ne te fera de mal…enfin, moi du moins, lui je ne sais pas trop ; me lança mon ami d’une voix rassurante.

-Mais…mais…Tu es bien Drago Mio ? Lui demandai-je, toujours tremblante.

-Oui, effectivement, comment me connais-tu ?

-Tu…tu ne te souviens vraiment pas de moi ? Ce visage ne te dit donc rien ? Continuai-je en murmurant, me posant la question autant à moi qu’à lui.

-Tes yeux me disent effectivement quelque chose mais…

Les yeux de Drago s’écarquillèrent d’un seul coup comme si un souvenir revenait dans sa mémoire et voyant que ma méthode fonctionnait, je ne pus m’empêcher de sourire largement. Mon ami se trouvait encore là, quelque part, enfoui dans les souvenirs du nouveau Drago !

-Est-ce que par hasard…on se serait connu dans….

-Oui, tu te souviens maintenant Drago ? C’est moi, Hoshino Asuna, ton amie d’enfance ! Répétai-je espérant faire remonter d’autres souvenirs.

-Hoshino…Asuna…

Soudain, Drago se prit la tête dans les mains et grimaça de douleur. Ses yeux changèrent et devinrent vide de vie, comme si son esprit venait de quitter son corps et son visage devint blême. Tout son corps tremblait et il ouvrait et fermait la bouche sans qu’aucun son n’en sorte.

Affolée et ne comprenant pas ce qu’il se passait, je me précipitai vers lui mais avant même que je n’aie eu le temps de l’aider, tout redevint normal, à l’exception de sa respiration saccadée et de son expression perdue.

-Drago, tout va bien ? M’empressai-je de demander.

-Hoshino…Asuna…Répéta mon ami, totalement déconcerté.

Il se souvenait de moi, c’était déjà un grand pas en avant ! Mais…la personne que j’avais en face de moi n’était pas encore mon ami d’enfance. Je le voyais à son regard et son expression perdue. A ce moment-là, ses anciens souvenirs devaient essayer de refaire surface tout en étant confrontés à ceux qu’il s’était faits durant sa période d’amnésie. Si tel était le cas, il était de mon devoir de faire resurgir ces souvenirs, afin d’avoir enfin les réponses que je cherchais depuis si longtemps.

-J’ai eu tellement peur pour toi Drago ; continuai-je en le serrant dans mes bras.

-Mais comment…comment as-tu pu venir dans ce monde ? Bégaya-t-il.

-Tu ne me croirais jamais si je te disais que j’étais tranquillement assise dans mon canapé en train de regarder la télévision lorsqu’un type avec une cape et une couronne en or a surgit de nulle part et m’a demandé si je voulais le suivre pour sauver le monde ! M’exclamai-je, travestissant à peine la réalité.

-Ne me dit pas…que tu as accepté ? Me répondit-il de son ton las que je lui connaissais si bien.

-Bien sur que non mais il a ajouté que je pourrais te retrouver alors je n’ai pas hésité une seconde et j’ai fait le grand saut ! Embrayai-je, cachant au maximum mes motivations.

-Mais…et ta famille ?

-Idiot, je te rappelle que je vis seule à cause du travail de mes parents qui les a obligés à partir en ville.

Ses paroles confirmaient mes doutes. Sa mémoire était toujours altérée. Il n’avait que des bribes de souvenirs, et visiblement, il ne se souvenait que de moi. Mais c’était déjà un grand pas en avant, il me suffisait de continuer pour faire renaitre l’ami que je connaissais.

-Autre chose, comment m’as-tu retrouvé finalement, dans cette forteresse qui plus est ?

-Je te suis depuis ton retour dans cette ville qu’est-ce que tu crois ! Mais j’attendais le bon moment pour me montrer parce que je ne savais pas comment t’annoncer ma présence dans ce monde…

-Et donc…tu sais aussi ce que je suis en train de faire ? Continua-t-il d’un air inquiet.

-Oui, ces deux-là m’ont tout expliqué.

Je sortis de ma poche les deux cartes de Ladd et Théa et, lorsqu’il les vit, Drago serra les dents.

-Tu les as fait tomber de ta poche alors je les ai ramassées pour toi.

-Tu…Tu n’aurais pas dû…Grimaça-t-il.

Le vieil homme prononça quelques mots à l’attention de Drago que je ne compris pas vraiment. Tout ce que je réussis à saisir de leur conversation était que mon ami semblait avoir un lien particulier avec Ladd. Ce qui me faisait penser qu’il savait peut-être la vérité sur mon œil, ou bien l’avait-il oubliée…Dans tous les cas, ce n’était pas le moment de me poser cette question, ma priorité était de lui faire retrouver la mémoire coute que coute, même si cela impliquait de supprimer ses souvenirs dans ce monde.

-Asuna, ces cartes, garde-les ; déclara soudain mon ami en se tournant vers moi.


-Qu…quoi ? Tu n’es pas sérieux Drago ? Ces deux personnes sont vraiment attachées à toi, tu ne peux pas…

-Mais moi, je n’ai plus rien à faire avec ces deux-là !

Je fronçai les sourcils. Apparemment, une part de l’ancien Drago devait être encore présente en lui pour être aussi buté et fermé aux autres. Sans que je ne m’en rende compte, mon œil vert se mit à briller légèrement alors que j’essayai de fouiller dans son esprit pour trouver la cause de son refus mais le vieil homme se plaça entre nous deux, me déconcentrant et me faisant perdre le fil de mes pensées.

-Drago, tu veux combattre les démons, oui ou non ? Si tel est le cas, n’as-tu pas mieux à faire que de faire des caprices ? Lança-t-il à Drago d’une voix ferme.

-Des…caprices vous dites ? Je vous signale que ces deux-là m’ont caché la vérité pendant plus d’un an !

-Mais maintenant que tu la connais, ne penses-tu pas qu’il est temps de tourner la page ? Il s’agit des prémisses d’une guerre, la fin justifie les moyens, tu ne dois pas t’occuper de détails, seul le résultat doit compter à tes yeux.

En serrant les dents, et visiblement à contrecœur, Drago finit par prendre les deux cartes que je lui tendais, et je sentis tout lien avec Théa se rompre, mais je pouvais toujours sentir la présence de Ladd à travers mon œil.

-Allons bon, c’est trop tard pour les excuses, je ne fais ça que pour Angéla, Darksky et les autres, j’aviserai plus tard.

-Angéla ? Qui est-ce ? L’interrogeai-je en fronçant les sourcils tout en me doutant parfaitement de la réponse.

-Angéla m’a sauvé l’année dernière lorsque je suis arrivé dans ce monde, c’est une amie précieuse, c’est pourquoi, j’aimerais la sauver à mon tour. Mais pas qu’elle, tous ceux m’ayant accueilli alors que je n’étais qu’un inconnu.

-Je…je vois…Juste une amie…

A ce moment-là, je me rendis compte d’une chose : malgré tout, Drago existait dans ce monde et il devait certainement compter pour cette fille blonde et ses amis comme il avait compté pour Kagari, Ichigo et moi par le passé. Mes ambitions n’allaient-elles pas détruire cette amitié ? Etais-je vraiment prête à sacrifier cette personne qui se tenait en face de moi dans l’espoir d’en retrouver une autre que je haïssais du plus profond de mon cœur sans même comprendre exactement pourquoi ?

Une explosion venant de l’extérieur me tira de mes pensées et je vis Drago s’agiter, rangeant les cartes dans sa poche et se mettant à courir vers la porte au fond de la salle.

Mais, alors que ce dernier s’apprêtait à les franchir, je me plaçai juste devant lui, les bras croisés, bien décidée à ne pas bouger.

-Une minute Drago, tu ne comptais tout de même pas me laisser en plan une seconde fois j’espère ? Ironisai-je.

-Asuna, ce qui se trouve derrière cette porte n’est pas à prendre à la légère, nous pourrions bien mourir si nous échouons, tu devrais plutôt…

-Je devrais plutôt y aller avec toi et m’assurer que tu ne mourras pas, très bonne idée !

« Parce que nous avons toujours des comptes à régler nous deux » ; enchainai-je dans ma tête.

-Mais…

-Pas de « mais » qui tienne. J’ai déjà cru que tu étais mort pendant ces six derniers mois, et maintenant que je t’ai retrouvé, je refuse de te perdre à nouveau !

« Je refuse de devoir te chercher encore pendant des mois et perdre plus de temps à ne rien faire alors que Kagari et Ichigo m’attendent dans l’autre monde » ajoutai-je pour moi-même.

-Mais…est-ce que au moins…

-Est-ce que j’ai un deck ? Oui, l’homme en armure m’a demandé d’en prendre un avec moi avant de partir. J’ai acheté le tiers 0 du moment, je ne peux techniquement pas perdre !

Ce que je ne précisai pas, c’était les pouvoirs que j’avais acquis à force d’utiliser ces monstres, mais je ne devais pas révéler mes atouts dès maintenant. Si je devais effectivement me débarrasser de lui comme je l’avais prévu, seule la surprise allait être efficace contre la force qu’il avait acquise dans ce monde.


Mais pour preuve de ce que j’avançai, je sortis mon propre deck de ma poche et il écarquilla les yeux en voyant mes cartes et je ne pus m’empêcher d’avoir un sourire narquois.

-Alors, on peut y aller maintenant ?

-O…Oui, allons-y, je crois que tu n’as rien à craindre…Bégaya-t-il encore sous le choc.

J’avais enfin retrouvé Drago, et désormais, je ne comptais pas le lâcher avant que sa mémoire ne lui soit revenue ou que son ancien lui ne disparût totalement. Mais, peu importait l’issue de cette quête, je savais pertinemment que je passais mes derniers instants avec lui. Bientôt, mon passé avec lui allait aussi disparaitre définitivement.


C’est ainsi que commença ma nouvelle vie dans ce monde. Une fois la tragédie réglée par un étrange tour du sort, Drago et ses amis reprirent une vie ordinaire. Quant à moi, je restai à ses côtés, attendant jour après jour le retour de mon ancien ami.

Peu de temps après, à Noel, je fis la connaissance des nouveaux camarades de Drago : Angéla, Maya, Ambre et June. Même si ce dernier n’était revenu que depuis un mois, il semblait bien plus proche de ces filles qu’il ne l’avait jamais été avec le club d’astronomie.

Mais étrangement, je n’étais pas jalouse d’elles, comme si finalement, je m’étais fait à la raison que la personne que je côtoyais tous les jours désormais et celle que je connaissais par le passé étaient bel et bien distinctes. Après tout, nous n’avions aucun souvenir en commun puisqu’il avait tout oublié de moi à part mon nom…

Malgré mes réticences au début, je finis par m’intégrer assez bien au groupe. Je n’étais pas particulièrement motivée à faire connaissance avec des personnes que, de toute façon, j’allais quitter peu de temps après mais…j’avais passé tellement de temps seule et renfermée sur moi-même depuis la catastrophe que j’en avais presque oublié à quel point vivre sa vie sans soucis et dans la naïveté la plus totale, comme le faisait Angéla, pouvait être agréable et je finis malgré moi par me prendre au jeu.

En un sens, j’avais enfin l’impression de vivre le rêve que j’avais entrevu lorsque Kagari m’avait parlé pour la première fois de son projet, avec d’autres personnes certes, mais c’était ainsi que j’avais imaginé le club d’astronomie et c’est pourquoi, je me comportais comme j’aurais dû le faire si les choses avaient été autrement, abandonnant mon visage fatigué et morose pour faire place à la petite fille qui sommeillait en moi depuis trop longtemps…même si j’étais bien consciente que tout cela n’était pas destiné à durer. Une fois mes réponses obtenues, ma mission dans ce monde prendrait fin. Mais j’avais pris cette décision : tant que j’étais dans le doute, je préférais vivre chaque instant au maximum plutôt que de me morfondre comme je le faisais depuis plus d’un an.

Dans cette optique, je ne rejoignis pas le chemin de l’école immédiatement, n’ayant aucun dossier scolaire dans ce monde et c’est pourquoi je travaillai d’arrache-pied afin de passer les examens d’admission en terminale littéraire que je réussis haut la main.

Puis les vacances d’été arrivèrent, vacances pendant lesquelles j’en profitai pour louer un petit studio proche de celui qu’Hélios avait trouvé à Drago et de l’école. Ce n’était pas luxueux mais c’était moins suspect que de rester éternellement à l’hôtel.

Pendant toute cette période de tranquillité, jamais mon œil ne me fit souffrir. Le Drago que j’avais à mes côtés était décidément bien différent de celui que je connaissais. L’aura sombre qui l’entourait avait disparu et il était capable de se débrouiller totalement seul pour se défendre également, rendant mon rôle de protectrice totalement désuet, d’autant plus que dans ce monde, Ladd pouvait agir librement…

Mais grâce à cela, je pus profiter pleinement de l’été aussi qui était pour le moins original : entre visite impromptue d’une fille du nom de Miyako et de son amie Jessica, les oublis d’Angéla une fois arrivés à la gare, les plaintes de Maya contre tout ce qui bougeait, les regards amusés d’Ambre, le sérieux à toute épreuve de June et la gaité de Drago, nous n’avions pas le temps de nous ennuyer une seule seconde.

C’est pendant ces vacances également que je me fis une nouvelle promesse : une fois rentrée dans mon monde, j’allais perpétuer ce que j’avais vécu ici. Avec Kagari et Ichigo, j’étais persuadée que nous pouvions repartir de zéro et nous amuser de la même façon que s’amusaient Drago et les filles.

Puis l’été pris fin, laissant place aux premières feuilles mortes et à la rentrée des classes. C’était une sensation étrange que de me retrouver à nouveau comme une fille normale, me levant à sept heures du matin, seule dans ma chambre, pour prendre une route que j’allais emprunter chaque matin désormais.

En sortant, immédiatement un vent cinglant me fouetta le visage.

-Quel temps étrange ; pensai-je, un léger sourire aux lèvres. Il y a moins d’une semaine, tout le monde suffoquait…

Je m’arrêtai plusieurs fois sur le chemin de l’école, prenant le temps d’admirer la route. Après tout, nul ne savait quand Drago allait retrouver la mémoire, il fallait que je profite du temps passé ici…

Paris était décidemment bien différente de la ville de campagne où j’habitai. Ici, pas de petites maisons pittoresques, rien que de hauts immeubles de pierres aux façades sculptés pour la plupart. L’ambiance y était différente aussi. Alors qu’il n’y avait personne dans les rues avant dix heures chez moi, la ville semblait s’animer dès les premiers rayons de soleil. Les cafés, les magasins, les embouteillages et les travaux, tous les habitants étaient déjà levés et prêts à attaquer la journée.

Je traversai un parc dans lequel les coureurs du matin s’activaient au milieu des gardiens et des joueurs de tennis profitant de la fraicheur matinale. Ce type de parc était également bien différent de ce que je connaissais : une longue allée bordée d’arbres taillés au millimètre, surplombant de vastes étendues d’herbe sur lesquelles les passants pouvaient venir se reposer. Moi qui n’avais jamais rien vu d’autre que le jardin dans lequel nous jouions Drago et moi…

Lorsque je sortis du parc, je croisai enfin des élèves portant le même uniforme que moi et je me mis à les suivre, ne sachant pas très bien où je devais aller à partir de là.

A huit heures cinquante-huit, je finis par arriver devant les grilles de l’école et je m’arrêtai un instant. Avais-je vraiment besoin de faire ça ? Ne pouvais-je pas me contenter d’attendre le retour de Drago sagement au lieu de créer des liens voués à disparaitre une fois que je serais partie ?

Je chassai ces pensées de ma tête. Il ne fallait tout simplement pas que j’y pense. J’avais enfin l’occasion de vivre cette vie dont j’avais rêvé aux côtés de Drago, et cette occasion ne se représenterais pas une seconde fois !

J’inspirai un grand coup pour me détendre et, voyant Drago attendant devant la grille, je ne réfléchis pas une seconde de plus.

-Drago-chan !

Ce dernier se retourna et je fis semblant d’être essoufflée, mimant cette jeune fille fragile et naïve que j’aurais voulu être pendant ces années passées à m’inquiéter pour un autre.

-Désolé…Drago…Je me suis…Perdue…Sur le chemin ; haletai-je, appuyée sur mes genoux.

-Tu aurais pu m’appeler tu sais, je serais venu te chercher ; me répondit-il d’un air faussement mécontent. Et puis, arrête avec ces « chan » après mon prénom, c’est ridicule, nous ne sommes plus au Japon et même là-bas, ça serait ridicule.

-Pourtant je t’ai toujours appelé comme ça et tu n’as jamais protesté ; rétorquai-je en tentant de prendre un air déçu.

Du moins, c’est comme ça que j’aurais voulu l’appeler…

-Quoique tu me dises, de toute façon je le croirai, donc si ça peut te faire plaisir. Et maintenant, dépêche-toi, je préfère ne pas subir ce qu’Angéla subira lorsqu’elle arrivera.

Ce dernier m’attrapa par la main et m’entraina à sa suite à travers la cour de l’école et je me rendis à nouveau compte du fossé qui séparait le présent du passé. Cette énergie…jamais mon ami d’enfance n’aurait couru de la sorte pour arriver en cours…

Nous arrivâmes dans un grand amphithéâtre qui pouvait contenir plus d’élèves qu’il n’y en avait dans notre ancienne école et il était rempli rien qu’avec les terminales…je n’étais vraiment pas à l’aise, entourée par autant de monde, d’autant plus que j’avais passé les six derniers mois renfermée sur moi-même…

Une pensée me traversa l’esprit : se pouvait-il que Drago ait ressenti la même chose à l’école ? Se pouvait-il qu’il ait ressenti le même sentiment de malaise à nos côtés après avoir disparu des regards de tous pendant les mois qui avaient suivi mon accident ?

Soudain, le cri du directeur me tira de mes pensées et, en levant la tête, je vis que tous les regards étaient tournés vers Drago devenu rouge comme une pivoine. Je ne pus m’empêcher de sourire. Où qu’il aille, Drago attirait toujours l’attention de tout le monde malgré lui.

Angéla arriva quelques minutes plus tard avec June et recentra l’attention sur elle puis, lorsque tout se fut calmer et que mon ami reprit sa place à côté de moi, je ne pus m’empêcher de lui faire la remarque.

-Tu as beau avoir perdu la mémoire, il y a des choses qui ne changeront jamais j’imagine ; soupirai-je en repensant au jour où Drago était revenu en classe.

-Ne me dis pas que ce que je viens de faire est déjà arrivé par le passé ?

-Qui sait. Et maintenant, fais au moins semblant d’écouter, ça te sera utile pour connaitre ta classe.

Le reste de la cérémonie se passa sans autre désagrément et je me séparai du groupe pour rejoindre ma propre classe.

Me retrouver derrière un bureau de cours, entourée de mes nouveaux camarades de classe…c’était étrange, vraiment très étrange.

Bêtement, je me mis à chercher Kagari et Ichigo du regard mais évidemment, il n’y avait personne dans cette classe qui leur ressemblait de près ou de loin. Dommage, dans les films, tous les personnages avaient toujours des alter égo dans les autres mondes…

Il n’y avait rien de bien intéressant pour cette première heure de cour, rien que des papiers administratifs à remplir. Je cochais les cases au hasard, sachant bien que de toute façon, pour les gens de ce monde, je n’existai pas et je ne souhaitai pas exister. Ma place n’était pas ici.

Lorsqu’arriva l’heure de la pause, je surpris Drago et Angéla devant ma salle de classe qui m’attendaient. Lorsqu’ils me proposèrent de rejoindre leur club, je mis quelques instants avant de donner ma réponse. Après tout, avais-je vraiment besoin de ça ? N’était-ce pas suffisant de simplement passer du bon temps tous ensemble sans avoir besoin de faire partie d’un club ?

Inconsciemment, je craignais que l’échec de Kagari ne se reproduise par ma faute cette fois-ci. En acceptant de rejoindre leur club avant de le quitter au moment de repartir dans mon monde, j’allais laisser un grand vide si nous nous rapprochions trop…

Finalement, nous partîmes déjeuner avant que je ne donne ma réponse. A la cantine, j’avais encore une fois l’impression de revivre ces jours avec Kagari et Ichigo, à plaisanter pour rien, et, même si les personnalités d’Angéla et Drago étaient totalement différentes de celles de mes deux amis, la même joie se dégageaient d’eux…

A la fin du repas, je décidai néanmoins d’accepter leur proposition, pensant qu’en gardant mes distances, je pouvais éventuellement essayer.

Ainsi, dès que cette première journée de cours se termina, je demandai au surveillant général où se trouvaient les salles de club du lycée, puisque les explications d’Angéla étaient aussi claires que les grommèlements d’Ichigo, mais ce dernier ne dut pas comprendre ma question car je me retrouvai à déambuler au sous-sol, près des gymnases…

Drago m’envoya un message après quelques minutes et je lui expliquai la situation puis je décidai de regarder quelques matchs de foot qui se déroulaient là. Mais j’attendis une bonne dizaine de minute sans voir personne arriver…

Alors que je m’apprêtai à remonter et chercher par moi-même la salle, je ressentis une étrange sensation, comme si quelqu’un m’espionnait. Cependant, en me retournant, je ne vis personne…

Mon cœur s’accéléra tout à coup lorsqu’un vent glacial me traversa. Je n’étais pas seule ici, et je ne parlais pas d’autres élèves mais d’une présence bien plus…surnaturelle, une présence que j’avais l’impression de connaitre.

Instinctivement, j’activai les pouvoirs de mes cartes afin d’être prête à me défendre au cas où mais je ne voyais toujours personne.

Soudain, une explosion retentit à côté de moi et je vis Drago foncer vers moi à toute allure entre les bras de Ladd tandis qu’une sorte de…machine dorée ressemblant vaguement à un scorpion les poursuivait.

Mes yeux s’écarquillèrent lorsque je la reconnu. Je n’hésitai pas une seconde et j’activai le livre de magie du destin directement sur la créature. Un éclair jaillit de la paume de ma main et, sans même regarder si mon attaque avait eu un effet, j’agrippai Drago par le bras.

-Allez, dépêche-toi, ne trainons pas ici ! Ladd, est-ce que je peux compter sur toi ?

-Oui, mais tu ne devrais pas ; me répondit l’esprit de duel ayant perdu néanmoins son assurance.

Je courus aussi vite que je pus dans les escaliers, Drago juste derrière moi mais étrangement, tout semblait redevenu normal. Lorsque nous émergeâmes dans la cour, les derniers élèves rentraient tranquillement chez eux et eurent l’air étonné en nous voyant débarquer, essoufflés.

-Qu’est-ce que c’était que ça ? Me demanda Drago comme si je connaissais la réponse.

-Comment tu veux que je le sache moi ? Lui répondis-je, tentant de reprendre son souffle. Je me baladais tranquillement au sous-sol quand je t’ai vu arriver à dos de Dragon et poursuivi par ce…truc.

En vérité, je savais pertinemment ce qu’était ce truc. Je l’avais vu une fois durant mes lectures à la bibliothèque et je savais que sa présence était synonyme d’ennuis pour ce monde…

-Attends…tu veux dire que tu n’as rien remarqué d’étrange avant ? S’étrangla mon ami.

-Bah…Non. J’étais dans le gymnase et je regardais les échauffements quand tu m’as dit que tu arrivais.

Le regard de Drago se perdit au loin pendant quelques secondes et pendant un instant, il reprit ce visage dur et sérieux qu’il arborait en permanence dans notre monde.

-Toujours avec moi Drago ? Lui demandai-je aussitôt.

Mon ami tourna la tête et me regarda d’un air intrigué. Mais j’avais moi aussi quelques interrogations à présent sur la vie de Drago dans ce monde, interrogations qui auraient pu lever le mystère sur la différence entre mon ami d’enfance et mon ami actuel.

-Je te demandais, ça arrive souvent ce genre d’événements dans ce monde ?

-Euh…oui, très, très souvent, ne t’inquiète pas, c’est le quotidien ici de se faire attaquer par des vaisseaux fantômes au beau milieu d’un couloir sombre ; me répondit-il, amusé.

-Je vois, tu vis dangereusement quand même…

Je souris en prononçant ces mots. C’était justement après une attaque de la sorte que Drago avait changé du tout au tout et pourtant, dans ce monde, il semblait s’y être habitué. Pire, il semblait même apprécier ça, le danger, l’adrénaline du combat…Etait-ce ça qui lui manquait lorsque nous étions dans notre monde ? Ou au contraire, craignait-il justement de ne pas être assez fort pour se battre s’il en avait besoin un jour ?…

Mais une chose était sûre : dans ce monde, le Drago qui se tenait en face de moi était heureux à travers les combats qu’il menait et grâce aux aventures qu’il vivait avec Angéla et les autres…

-Non, ce n’est rien, je t’assure, j’ai déjà vu bien pire ; dit-il en riant.

-Je crois comprendre…pourquoi tu as l’air si heureux depuis que je t’ai retrouvé l’année dernière…Murmurai-je

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

Je secouai la tête, me demandant moi-même ce que j’étais en train de raconter puisque plus je me posai de questions sur mon ami et plus la réponse semblait s’éloigner.

-Rien, je ne faisais qu’analyser les faits ; continuai-je en souriant à l’idée qu’ici au moins, il ne mentait pas. Je sens que je vais me plaire ici moi aussi ! La grande aventure ne fait que commencer !

-Une aventure dont je me serais bien passé ; soupira-t-il d’un air lassé. Un peu de calme me ferait du bien…

-Oui, et quand tu es au calme, tu ne rêves que de partir à l’aventure ; répliquai-je, espérant titiller les souvenirs de Drago mais cela n’eut aucun effet.

-En attendant, j’en connais quatre qui vont commencer à s’impatienter si on ne revient pas très rapidement.

Je suivis Drago dans la salle de club mais, juste avant de partir, je me retournai une dernière fois vers le sous-sol et je vis une ombre furtive sur le mur mais, en me retournant, une fois de plus, je ne vis personne même si à présent, j’avais ma petite idée sur son identité. J’avais juste besoin d’une confirmation, confirmation que je comptais bien obtenir dès le lendemain…


Le jour qui suivit, je profitai donc du cours de sport pour m’éclipser quelques instants dans les couloirs du sous-sol. Evidemment, il ne restait plus rien de l’atmosphère pesante de la veille, ni même de l’étrange machine mais je continuai à ressentir une présence anormale dans les environs.

Après cinq bonnes minutes à arpenter les couloirs de fond en comble, je finis par remarquer une petite ouverte dans renfoncement du mur à peine visible.

Discrètement, je m’en approchai de cette fissure qui n’avait rien à faire là et ce que je vis me laissa bouche bée. Deux personnes se tenaient dans une pièce lumineuse mais il ne s’agissait pas de n’importe qui puisque l’une des deux n’était autre que Ladd sous sa forme humaine et l’autre était un homme dont je ne pouvais pas voir le visage mais dont l’identité ne faisait aucun doute.

-Ma faute ? Tu sous-entends que j’aurais dû désobéir à Drago ? S’étrangla l’esprit de duel.

-Au contraire, tu as bien fait mon cher Ladd parce que grâce à toi, je vais enfin pouvoir effacer ce qui entrave la bonne marche de ce destin ; répondit l’homme d’une voix sinistre qui me donna des frissons.

-As-tu perdu la tête Armageddon ? Tu serais prêt à détruire l’équilibre des mondes simplement pour te débarrasser d’une seule personne ? S’étrangla Ladd.

Armageddon se retourna et tourna le dos à l’esprit de duel.

-Je n’ai pas le choix. Un monde dont le futur est voilé par l’incertitude ne peut-être voué qu’à la disparition tôt ou tard.

Je déglutis. Cette créature, Armageddon…était-ce la même personne que j’avais rencontrée dans mon monde et qui était évoquée dans les livres ? Il semblait tellement différent de la dernière fois où je l’avais rencontré, comme s’il avait perdu la raison…

-Les démons sont bien incapable de comprendre cela, de même que la plupart des humains. Le hasard ne doit pas avoir sa place dans ce monde et la chance n’est qu’un mot que les gens utilisent lorsque ceux-ci refusent de croire au destin car je suis le seul à savoir ce qu’il se passera avant que cela n’arrive.

-Ou alors c’est ta propre suffisance qui t’empêche de voir que ton destin n’est qu’un mot que tu utilises pour expliquer ton propre échec. Même toi tu ne peux voir le futur de ce monde à présent ; rétorqua Ladd sans sourciller.

-L’avenir est déjà tout tracé.

Armageddon fit volte-face et je vis ses yeux s’illuminer d’un mauve inquiétant. Un spasme parcourut le corps de Ladd avant que ce dernier ne s’écroule au sol, inconscient.

-Pour l’avenir de ce monde, pour le futur que j’ai juré de protéger, le grain de sable dans les rouages du temps doit être détruit.

Je décidai de me montrer à ce moment-là, saisissant ma chance.

-Alors c’est donc vous qui avez envoyé cette chose hier ? L’interpelai-je d’une voix glaciale.

-Hoshino Asuna, cela faisait bien longtemps…Me répondit la créature. Ne t’avais-je pas dit de ne pas te mêler de ce qui ne te regardait pas ?

-Ne jouez pas à ça avec moi Armageddon ! M’exclamai-je. Expliquez-moi plutôt pourquoi vous avez chargé Fuji Makoto de me remettre ce deck !

Car oui, dans mes recherches, j’avais fini par comprendre quelque chose : depuis le début, tout faisait partie du plan d’Armageddon, même ces cartes que je possédais étaient en réalité ses plus fidèles alliés.

-Pour que tu puisses protéger ton propre monde évidemment.

-Protéger…mon monde ? Répétai-je, interdite.

-Oui, ou plutôt, réparer les bêtises que Ladd a commises en te sauvant.

-Vous ne pouvez pas être plus clair ? Râlai-je en commençant à m’impatienter.

-Retourne dans ton monde Asuna, ta place n’est pas ici contrairement à Drago.

Avant que je n’aie pu rétorquer quoique ce soit, Armageddon disparut de ma vue comme s’il n’avait été qu’une simple illusion. Mais je n’avais même pas le courage de m’énerver contre lui car toutes mes pensées étaient à présent occupées par ses paroles.

Lorsque j’avais quitté mon monde pour partir à la recherche de Drago, Ichigo m’avait prévenu que quelque chose se tramait dans l’ombre mais j’étais trop aveuglée pour l’écouter. Aurais-je du rester finalement ? Ma présence aurait-elle réellement changé quelque chose ?

Après tout, dans mon esprit, Fuji Makoto n’allait pas attaquer avant d’avoir Drago entre les mains mais se pouvait-il que, perdant patience, il ait décidé de ne pas tenir compte de ce détail ? Non, je ne devais pas penser à ça pour le moment. Si j’étais venue dans ce monde, c’était bien pour trouver des réponses sur Drago et me venger. Si je renonçais maintenant, ces deux années seraient perdues. Je devais continuer quoiqu’il arrive, jusqu’à ce que Drago me réponde.

Enfin, ma priorité pour le moment était de réveiller Ladd. Je sortis donc de la pièce pour aller trouver Drago mais je n’eus pas à chercher longtemps car ce dernier passa par-là au même moment, accompagné de June.

Comme d’habitude, je pris mon air innocent et détachée des bizarreries de ce monde pour n’éveiller les soupçons de personne et je me contentai d’écouter les théories que June échafaudait, intervenant de temps en temps pour faire semblant de m’y intéresser alors que je connaissais déjà la vérité mais je ne pouvais pas la révéler sans compromettre mon identité.

Puis, lorsque Ladd se réveilla, je fus un peu étonnée de voir qu’il ne parla pas d’Armageddon à Drago mais lui aussi devait avoir ses raisons, après tout, ce n’était pas la première chose qu’il lui cachait.

Lorsque la cloche sonna, nous décidâmes de cacher Ladd dans la salle de club en attendant d’avoir une meilleure solution. Cependant, j’avais de nouvelles questions à poser à ce dragon, particulièrement sur sa petite discussion avec Armageddon. Quelque chose me disait que ce combat d’idéologie risquait de s’étendre bien plus loin que je ne le pensais et que je n’allais pas pouvoir y échapper…

Après les cours, je me dirigeai donc immédiatement vers la salle de club dans l’espoir de pouvoir m’entretenir seule à seul avec Ladd. Cependant, alors que je franchissais la porte d’entrée, je tombai nez à nez avec une personne que je ne m’attendais vraiment pas à voir ici.

-Vous, ici ? M’exclamai-je en reconnaissant l’air ahuri d’Hélios.

-Oh, Asuna, ça faisait un bail n’est-ce pas ? Me répondit-il avec un sourire stupide.

Je lâchai mon sac sous l’effet de surprise. Qu’est-ce qu’Hélios fabriquait ici ? Etait-il venu pour me ramener dans mon monde ? Ou bien pire, avait-il fini par deviner mes véritables intentions et s’apprêtait-il a les révéler à tout le monde ? Il m’était totalement impossible de cerner ses motivations, camouflées derrière son masque d’insouciance, je ne pouvais qu’espérer que sa présence n’allait pas entraver mes projets…

-Les retrouvailles c’est très émouvant mais avant que tout le monde n’arrive, nous étions en train de discuter sérieusement de mon léger problème ; râla Ladd, m’interrompant dans mes pensées.

-De quoi tu parles ? Tu me disais justement que tu avais toujours rêvé de pouvoir revenir dans ce monde ; lui répondit le guignol en armure.

L’attention se centra sur l’esprit de duel et je me détendis. Je me faisais vraiment des idées. Il n’y avait aucune raison pour qu’Hélios ait découvert mes plans. Il devait simplement être venu à cause de Ladd, je n’avais aucune raison de m’inquiéter.

-Ladd n’a pas tout à fait tort cependant ; reprit Hélios avec un sérieux que je ne lui connaissais pas.

-Vous pouvez développer un peu ? Lui demanda Angéla en penchant la tête sur le côté.

-Même si je n’étais pas venu pour ça au départ, en attendant que vous arriviez, nous avons pu parler un peu avec Ladd. Drago, Asuna, vous avez vu des qliphort hier, n’est-ce pas ?

-Oui, effectivement, et quand nous en avons parlé avec June, cela ne m’a pas paru très bon signe ; lui répondit Drago avec une grimace.

-Dans ce cas-là, je vais passer les détails et en venir directement aux faits : si les choses ne s’améliorent pas rapidement, Ladd pourrait bien être le seul esprit de duel à survivre.

Un malaise envahit la pièce lorsqu’Hélios prononça ces mots et un silence pesant s’installa parmi nous. Même si je savais déjà tout ça, je fronçai également les sourcils. Je ne pensais pas que la destruction de son monde allait tuer le dragon. Et si Ladd mourait en même temps que le monde des esprits, qu’allait-il advenir de moi ? Ladd disait m’avoir sauvé grâce à ses pouvoirs et que j’étais à présent à moitié esprit de duel. Mais si cette partie de moi mourait, ma partie humaine allait-elle subir le même sort ?

-Dans ce cas-là, que devons-nous faire pour éviter cela ? Demanda Ambre d’une petite voix.

– Nous étions en train d’y réfléchir avec Ladd, mais aucune solution réalisable ne nous est venue…

Mon sang bouillonna dans mes veines à ce moment-là et je ne pus m’empêcher d’intervenir.

-Et alors, vous allez vous avouer vaincu sans même avoir essayé de vous battre ? M’exclamai-je soudain, ne pouvant plus me contrôler face à autant d’insouciance.

Tous les regards se tournèrent vers moi mais je les ignorai et je continuai à fixer Hélios droit dans les yeux, attendant une réponse.

-Je vais te répondre par une autre question ma chère Asuna : pourquoi nous battons-nous ?

-Ne changez pas de sujet Hélios ! Je croyais que vous étiez une sorte de sauveur, celui qui a reconstruit un royaume en ruines à partir de rien ! Tout cela, ce n’était que du flan ? N’était-ce que de la chance ? Ne pouvez-vous rien faire du tout ?

-Asuna…Calme-toi s’il te plait, ça ne sert à rien de…

Hélios interrompit Drago qui essayait de calmer le jeu.

-Je n’ai rien d’un sauveur Asuna. Je n’étais qu’un homme ordinaire, ne désirant que bâtir un monde meilleur pour celle qu’il aimait, un homme qui a dû tout sacrifier pour obtenir ce monde avant de le perdre, un homme qui n’avait plus rien d’autre qu’un profond désir de haine et de vengeance lorsqu’il se rendit compte de sa bêtise.

Ma colère retomba un peu lorsqu’il prononça ces mots. Disait-il vrai ? Son histoire ressemblait à la mienne, moi qui avais tout donné pour rendre le sourire à Drago avant de me rendre compte que ce que je faisais était vain. Mais dans ce cas, comment pouvait-il avoir l’air aussi insouciant à présent ? S’était-il vengé comme moi, ou alors avait-il trouvé autre chose pour combler le vide de sa vie ?

-Si j’ai pu faire tout cela, c’est bien parce que j’avais une raison de le faire, une raison me poussant à ne jamais abandonner, une raison qui, lorsqu’elle disparut, me détruisit de l’intérieur. Je n’avais plus rien qui me poussait à me battre, alors j’ai tout abandonné et j’ai cédé à la folie.

Hélios prit une des feuilles qui se trouvait sur la table et la regarda avec mélancolie.

-Cependant, j’ai trouvé une nouvelle raison de me battre, alors non, je n’abandonnerai pas. Je trouverai un moyen, parce qu’ils ne le supporteraient pas sinon…

-Une nouvelle…raison de vous battre ? Murmurai-je si bas que personne ne put m’entendre.

En étais-je capable moi aussi ? Pouvais-je tourner la page et commencer une nouvelle vie sans même avoir enterré mon ancienne ? M’était-il possible de repartir à zéro grâce à un nouvel objectif, une nouvelle raison de vivre ?

Hélios se dirigea d’un pas lent vers la fenêtre donnant sur la cour et commença à contempler la vue que nous avions, les bras croisés dans le dos.

-Les rêves de Celestia, des jumeaux, le tien, ceux de Laura, de Shadow ou même des démons sont les mêmes somme toute. Nous ne désirons tous que d’être heureux et pour c’est pour cela que nous nous battons. Celestia voulait instaurer une paix durable sans guerre, les jumeaux veulent simplement vivre comme tout le monde, les démons se sentent oppressés par Armageddon et Shadow pensait que son bonheur se trouvait ailleurs alors qu’il était sous ses yeux. Je suis sûr que tes rêves à toi aussi vont à l’encontre de ceux de quelqu’un d’autre Asuna.

Je ne pus m’empêcher de sourire tristement en entendant cela. Hélios avait raison. Même si au départ je pensais que personne n’allait être affecté par la disparition de Drago car je pensais être la seule personne ayant existé à ses yeux, depuis son arrivée dans ce monde, il s’était fait de nouveaux amis, de nouveaux souvenirs, une nouvelle personnalité.

Les mots de Satoshi me revinrent soudain en mémoire. Il m’avait dit qu’en changeant ma vision du monde, j’allais être capable de passer outre mon sentiment de vengeance. Je n’avais pas compris ce qu’il essayait de me dire à l’époque mais à présent, tout était clair.

Je n’avais toujours tout vu que de mon propre point de vue, mais mon rêve, celui de retrouver mon ami d’enfance ou de l’effacer définitivement, allait forcément à l’encontre du rêve de l’une des personnes présentes ici. Jusqu’où s’étendaient mes droits pour que je puisse réaliser mon rêve sans entraver ceux des autres ?…

Pendant que j’étais perdue dans mes pensées, je vis le roi s’éclipser dans le couloir, nous laissant seuls dans la salle du club. Cependant, j’avais perdu toute motivation pour ce soir et une seule phrase résonnait en boucle dans mon esprit.

-Mon rêve…aller à l’encontre…de ceux des autres…Continuai-je de murmurer inlassablement.






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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Hoshino Asuna : Rêves et Réalité



Spoiler :


Je ne rêvais pas cette fois, c’était bien Hajime Ichigo qui me faisait face. Moi qui pensais qu’il n’y avait plus aucun survivant en ville, mon visage s’illumina en découvrant que je m’étais finalement trompée.

-I…Ichigo…Bafouillai-je, les larmes aux yeux.

Dans un élan de joie et oubliant nos rivalités passées, je me précipitai vers pour le serrer dans mes bras, ne voyant là qu’une preuve que Fuji Makoto m’avait menti mais, alors que je n’avais fait qu’un seul pas, j’entendis le bruit d’une détonation et, utilisant mes réflexes décuplés par le pouvoir de mes monstres, j’attrapai une balle au vol entre mon pouce et mon index avant de m’arrêter aussi sec, écarquillant les yeux, interdite en constant que celui qui avait tiré n’était autre qu’Ichigo.


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


Ce dernier émit un grognement de colère et baissa son arme, sans abandonner son hostilité à notre égard pour autant.

-Je vois que tu t’es bien amusée pendant tout ce temps, Asuna ; déclara ce dernier d’une voix dans laquelle je pouvais discerner une haine sans pareille.

-Qu’est-ce que tu racontes Ichigo, j’ai simplement…

-Je me fiche de connaitre tes excuses Asuna ; me coupa-t-il en élevant la voix. Non seulement tu ignores mes avertissements et tu n’en fais qu’à ta tête mais en plus tu oses revenir ici après la bataille comme si de rien n’était. Explique-moi ce qui ne va pas chez toi, Asuna !

-Je…Je suis désolée Ichigo, mais je pensais qu’avec Drago…

-Et bien tu pensais mal ! Je t’avais prévenue que quelque chose allait se passer mais tu as préféré t’enfuir et partir à la recherche de Drago qui nous avait lui-même abandonnés !

-Non, ce n’est pas…

-Tu nous as laissés tomber Asuna. Tous tes grands discours sur l’amitié, sur l’importance que tu accordais à ce club et à nous, j’aurais dû me douter que rien de tout cela ne comptait pour toi.

-Ecoute moi Ichigo, je…

-T’écouter ? C’est bien le comble ça ma pauvre ! Me coupa Ichigo en se mettant à rire. Toi, tu me demandes de t’écouter alors que tu n’as pas écouté un traitre mot de ce que je t’ai dit il y a un an ! Tu es partie, loin, tellement loin qu’il nous était impossible de te contacter et tu nous as abandonnés à notre propre sort pendant que tu passais du bon temps avec ton Drago chéri !

-S’il te plait Ichigo…Explique-moi…Que s’est-il passé ici ? L’implorai-je.

-Allons bon, maintenant que tu es là après avoir disparu pendant toute la bataille, tu vas en profiter pour jouer à l’héroïne providentielle qui sauve le monde avant d’être acclamée par la terre entière ?

-Non, tu te trompes…

-De toute façon, qu’y aurait-il à raconter ? Ton bon ami, Fuji Makoto, a utilisé son arme, le robot qu’il avait volé la veille de ton départ, pour envahir le pays, clamant qu’il ouvrirait de nouvelles possibilités au-delà de l’imagination et tu connais la suite : bombardements, résistance, combats et…

La voix d’Ichigo se brisa et il détourna le regard en serrant le poing si fort que du sang perla de sa main.

-Tout ça…Tout ça…c’est de ta faute Asuna ! S’écria-t-il soudainement.

-Ma…Ma faute ? Bégayai-je, interdite en reculant d’un pas.

-Si tu n’avais pas donné cet espoir stupide à ce général de pacotille, jamais il n’aurait tenté son invasion ! Mais pour couronner le tout, tu lui ramènes ce qu’il demande !

Mon cœur rata un battement. Non…Ce n’était pas possible…Je n’étais responsable de tout ça…Il y avait Hélios au départ…puis ce robot…la présence de Drago dans ce monde…Comment pouvais-je avoir eu un réel impact dans une mécanique aussi complexe ?

-Mais après tout, cela n’aurait pas dû m’étonner.

-C…Comment ? Bégayai-je, tirée de mes pensées.

-Tes parents travaillaient sur la machine à franchir les dimensions, j’aurais dû me douter que votre famille n’était pas toute blanche dans cette histoire. Avoue-le Asuna, tu as toujours été du côté de cette ordure ! Tu nous as mentis, à Kagari et moi, pendant tous ces années, jamais tu ne nous as appréciés, jamais tu n’as été heureuse avec nous, jamais tu ne nous as accordé la moindre importance, jamais tu ne t’es soucié ne serait-ce qu’une seconde de ce que nous ressentions.

Je me mordis la lèvre. Voilà une chose pour laquelle j’étais vraiment fautive…C’était moi qui avais demandé à mes parents de travailler là-dessus…mais en aucun cas pour le compte de Fuji Makoto ! Mais comment expliquer à Ichigo mes intentions alors…alors qu’il était dans le même état que moi un an auparavant…

J’écarquillai les yeux lorsque cette pensée me traversa l’esprit. C’était ça…Ichigo, tout comme moi après la disparition de Drago, avait certainement élaboré toute une théorie sur mon départ avant d’en venir à une conclusion aussi stupide que la mienne !

-Non, pas du tout Ichigo ! M’exclamai-je, tentant de me défendre.

-Je dois avouer que je suis impressionné, j’ai rarement vu quelqu’un jouer aussi bien la comédie, à l’exception de Drago peut-être.

-D.…Drago ? Répétai-je, sentant qu’Ichigo était sur le point de me révéler un lourd secret.

-Vous faites bien la paire vous deux mais si vous aimez vivre dans le mensonge, je ne vais pas vous en empêcher.

Sur ces mots, Ichigo jeta son pistolet à mes pieds et je le dévisageai, interdite, tandis que ce dernier me tourna le dos et mit les mains dans les poches de son manteau déchiqueté.

-Asuna, s’il te reste ne serait-ce qu’un peu d’humanité ou si tu veux me prouver que toutes ces années ont vraiment compté à tes yeux, tu sais ce qu’il te reste à faire pour mettre fin à cette guerre.

Je ne répondis rien, abasourdie par les paroles de mon ancien ami et ce dernier fit quelques pas vers la porte avant que je ne trouve le courage de poser la question que me brûlait les lèvres depuis son retour.

-Et…Et Kagari, Ichigo…où est-elle ? Murmurai-je.

Ce dernier se retourna et me lança un regard noir et, sans ajouter un mot, reprit sa route avant de disparaitre de ma vue, seul le bruit de ses pas résonnant dans les escaliers en ruines de l’école.

Lentement, je me baissai pour ramasser l’arme qui trainait à mes pieds et je me tournai vers Drago qui n’avait toujours pas bougé d’un pouce.

Pourquoi…Pourquoi avais-je été si stupide ? Même si, sans mon passage dans l’autre monde et sans mes pouvoirs je n’aurais été d’aucune utilité pendant la bataille, au moins j’aurais été auprès de mes amis pour les épauler, pour combattre à leurs côtés, peut-être même pour mourir à leurs côtés mais au moins, nous aurions été ensembles et nos liens n’auraient pas été brisés pour quelque chose d’aussi stupide qu’une vengeance qui n’avait aucune raison d’être…

Et maintenant ? Etais-je encore en droit de les aider à recoller les morceaux malgré tout ce qu’Ichigo avait dit ? Pouvais-je réellement prétendre les sauver alors que j’avais fait passer mes propres envies avant leur protection ? Ne devais-je pas terminer ce qu’Ichigo avait tenté de faire, cinq minutes plus tôt ?…

Je regardai à nouveau l’arme. Elle n’était vraiment pas puissante, le genre de pistolet utilisé par les policier…Avec de telles armes, il n’était pas étonnant que personne n’ait fait le poids contre le robot de Makoto…

-Drago…Dis-moi…que dois-je faire ? Demandai-je alors au seul ami qu’il me restait.

Evidemment, ce dernier ne me répondit pas et se contenta de détourner le regard. Mais je n’avais pas besoin de lui pour prendre des décisions, j’avais suffisamment fait mes choix en fonction des siens, et voilà où cela m’avait menée.


https://www.youtube.com/watch?v=SgBqSEyCZBE&spfreload=1


Je regardai alors au loin à travers la vitre brisée et je vis une colonne de fumée s’élever haut dans le ciel tandis qu’un immense robot dominait la plupart des bâtiments de la ville en ruine et je pris ma décision.

Ichigo pouvait dire ce qu’il voulait, je ne pouvais pas laisser Fuji Makoto triompher. Oui, j’allais être l’héroïne providentielle et la déserteuse, oui j’allais être la source du problème selon Ichigo et sa solution, oui j’allais être celle qui avait provoqué la destruction de la ville et celle qui allait l’arrêter.

Drago, le monde des esprits, Armageddon, la fusion des mondes, les espoirs de Ladd, tout cela n’avait plus aucune importance car j’avais trouvé un nouvel objectif.

Revigorée, je lançai l’arme d’Ichigo au loin et, alors qu’elle était encore dans les airs, j’activai mes pouvoirs et je projetai une sphère d’énergie émeraude qui fit exploser le pistolet en plein vol.

-A nous deux, Fuji Makoto, je compte bien vous faire gouter à votre propre terreur !

Je m’apprêtai à sauter par la fenêtre pour me rendre directement sur les lieux où se trouvait mon ennemi lorsqu’une main agrippa mon bras et m’empêcha de bouger.


https://www.youtube.com/watch?v=Qud9yn9zmkQ


-Attends…Asuna…Me dit alors Drago de sa voix morne que je n’avais pas entendue depuis plus d’un an. Que comptes-tu faire ?

-Tu te réveilles enfin toi ? Ricanai-je. Désolée mais je n’ai plus aucun compte à te rendre mon pauvre Drago, tu vas devoir te débrouiller tout seul maintenant ; continuai-je en me dégageant.

-Et moi je répète ma question : que comptes-tu faire ?

Je grognai pour toute réponse. J’avais presque oublié à quel point l’ancien Drago pouvait être collant et agaçant quand il commençait à défier Ichigo en classe. Mais je n’avais pas le temps de me battre avec lui. Plus vite cette mission serait terminée et plus vite je pourrais passer à autre chose.

-Je n’ai aucun compte à te rendre ; rétorquai-je froidement.

-Dans ce cas, peut-être que tu écouteras les miens.

Je m’arrêtai net. Non, ce n’était pas le Drago que je connaissais non plus…c’était…je ne pouvais pas le dire mais il semblait avoir gagné une toute nouvelle personnalité. Il n’était plus l’élève joyeux que j’avais côtoyé ces derniers mois mais ce n’était pas non plus l’élève asocial que j’avais essayé d’aider pendant des années…Mais, étrangement, pour la première fois, je ne ressentais aucun mensonge ni aucune hésitation dans sa voix.

-Toi ? Me rendre des comptes ? Répétai-je, interdite.

-Oui, et je dois surtout t’avouer quelque chose : Ichigo dit la vérité, j’ai toujours vécu dans le mensonge.

Je fronçai les sourcils et je croisai les bras sur ma poitrine, attendant qu’il développe mais montrant mon impatience tout de même en tapant du pied sur le sol.

Drago se dirigea alors vers son matériel d’astronomie et se mit à le regarder avec un regard voilé par la tristesse.

-Tu vas peut-être être surprise, mais je n’ai jamais considéré Ichigo et Kagari comme des amis proches même si nous passions nos journées ensemble.

-Etrangement non, ça ne m’étonne pas ; grimaçai-je.

Drago se baissa et ramassa un bout de son télescope et je vis la lentille se détacher avant de se briser en heurtant le sol mais mon ami ne s’en préoccupa pas.

-En réalité, je n’ai jamais pu apprécier le temps que nous avons passé ensemble, non pas parce que je n’aimais pas mais parce que je ne voulais pas.

-Est-ce que tu peux être plus clair ? Le priai-je.

Drago sourit légèrement et tourna la tête dans la direction.

-Tu as toujours été mon fardeau, Asuna, celle qui m’empêchait d’avancer, celle qui me rendait craintif au point de me renfermer sur moi-même, celle qui s’emmêlait de choses qui la dépassaient de loin, celle qui s’accrochait à un espoir qu’elle détruisait elle-même.


https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No


Je restai bouche bée devant sa déclaration et j’écarquillai les yeux, interdite. D’un seul coup, je sentis toutes mes forces me quitter et même mon halo d’énergie disparut, me laissant totalement désemparée, incapable de prononcer le moindre mot.

Drago disait-il la vérité ? Etait-ce là ce qu’il pensait vraiment de moi ? Finalement, avais-je eu raison de commencer cette quête qui me paraissait maintenant stupide et insensée ? M’avait-il…toujours menti depuis que nous nous connaissions ?…

Celui qui avait prétendu être mon ami reposa délicatement son bout de télescope au sol et se saisit d’un autre bout qu’il tenta de réparer, sans grand succès.

-Lorsque j’ai accepté de former ce club avec vous, je pensais que vous m’excluriez dans la semaine. Après tout, personne n’aurait pu me supporter…mais il a fallu que tu viennes encore te mêler de ce qui ne te regardait pas, Asuna ; continua-t-il sans me regarder.

Je tentai de répondre quelque chose mais aucun son ne sortit de ma bouche, comme si j’étais soudainement devenue muette.

-Tu m’as confié la tâche de président du club en pensant qu’ainsi, j’allais pouvoir changer j’imagine, je me trompe ?

-Je…

Ma voix se brisa aussitôt. Je ne comprenais pas…Je pensais bien faire…Je pensais que Drago s’était renfermé sur lui-même par ennui du monde extérieur…Je pensais qu’en agissant ainsi, j’allais pouvoir lui redonner gout à la vie…me trompai-je sur toute la ligne ? Faisais-je exactement le contraire de ce qui était bénéfique pour lui ?…

-Je ne voulais pas empiéter sur vos activités au départ. Après tout, Kagari et Ichigo n’avaient rien à voir avec tout ça, mais en tant que président, j’étais bien obligé de choisir sans quoi, tu m’aurais harcelé pendant des jours. Je savais qu’une salle était inoccupée dans ce lycée et c’est pourquoi j’ai choisi l’astronomie, pour être certain que vous alliez vous orienter vers quelque chose d’autre en voyant les travaux de réaménagement.

-Mais…Mais tu avais l’air de t’amuser avec nous pourtant pendant la reconstruction ! Rétorquai-je, comprenant de moins en moins.

Drago se tourna vers le mur sur lequel était autrefois accroché la télévision et mit ses mains dans ses poches, penchant la tête sur le côté d’un air nostalgique.

-Oui…Je me suis amusé…amusé de voir votre acharnement et c’est alors que j’ai compris que, quoique je fasse, vous ne lâcheriez pas l’affaire et j’ai fini par me prendre au jeu.

-Tu…Tu t’es pris au jeu ? Répétai-je, une lueur d’espoir me traversant.

-Oui. Malgré moi, j’ai fini par apprécier cet endroit mais c’était justement ce que je redoutais le plus…

Je penchai la tête sur le côté et Drago se retourna vers moi, me lançant un regard froid dont lui seul avait le secret, le même genre de regard qu’il lançait à Ichigo lorsqu’il était en colère.

-Asuna, sais-tu au moins pourquoi je refusais tout contact avec les autres ?

-J’ai…J’ai toujours pensé que c’était parce que tu t’étais lassé du monde et…

Drago émit un petit rire amusé et me fit un sourire sincère cette fois-ci.

-Tu me prenais donc pour un asocial ? Au moins, j’ai atteint mon objectif en agissant de la sorte je vois.

-Mais alors…pourquoi as-tu changé Drago ? Pourquoi cet ami que je chérissais a-t-il disparu du jour au lendemain ? Pourquoi as-tu décidé de rejeter tout ce qui t’entourait ?

-Ne te l’ai-je pas déjà dit ? Tu étais mon fardeau Asuna et…

-Non ! M’exclamai-je en le coupant.

Drago prit un air étonné en me voyant réagir de la sorte mais je ne pouvais pas l’accepter. Je sentais à nouveau des mensonges dans sa voix et ce n’était pas ce que je voulais entendre. Je voulais la vérité et uniquement la vérité. Même si j’aurais préféré qu’il ne m’ait accordé jamais aucune importance pour que ma quête n’ait pas été vaine, au fond de moi, je croyais encore en lui, je savais que l’ami que je m’étais fait dans l’autre monde…n’était pas différent de mon ami d’enfance…

-Arrête de me mentir Drago, je sais que ce n’est pas vrai ! Si j’avais été un fardeau, tu m’aurais simplement rejetée et pourtant, tout ce que tu as fait, c’est de m’ignorer comme si tu voulais que je parte de moi-même ! Est-ce là l’attitude d’une personne devant supporter un fardeau ?

Le jeune garçon marqua une pause dans son discours, ne s’attendant visiblement pas à ce que je décèle cette faille mais je l’avais toujours remarqué. Drago ne m’avait jamais dit un seul mot pour me blesser ou pour briser nos liens. Il se contentait d’agir en s’éloignant de moi progressivement.

Finalement, ce dernier baissa la tête en souriant, s’avouant vaincu.

-Tu es tellement têtue Asuna ; déclara-t-il en riant. Mais je ne mens pas, tu étais mon fardeau parce qu’avec toi à mes côtés, je me condamnais à vivre dans la crainte de te perdre un jour.

-Comment ça Drago ? Que veux-tu dire ? Murmurai-je, déconcertée.

Drago reporta son regard sur le plafond autrefois si bien décoré et maintenant envahi de fissures.

-Le jour où nous avons été attaqués, avant d’être mis en fuite par cette chose que j’avais invoquée, l’homme m’a dit quelque chose…Il m’a menacé de s’en prendre à mes proches si je ne coopérais pas et t’a pris pour exemple alors que tu avais pris un coup de couteau dans l’œil.

Par reflexe, je mis ma main devant mon œil vert. Ladd ne m’avait jamais parlé de ça…Etais-je réellement celle qui avait changé Drago ?

-Comprends-tu maintenant, Asuna, pourquoi tu étais mon fardeau ? A cause de toi et de ton entêtement, je savais que je ne pourrais jamais vivre serein, je savais que, quoique je fasse, tu serais quelque part dans les environs, je savais que, tant que tu serais avec moi, aucun d’entre nous deux ne serait en sécurité.

-Mais pourquoi ? Pourquoi ne m’avoir rien dit ? Pourquoi avoir gardé tout cela pour toi ? Pourquoi avoir essayé de gérer cela seul alors que nous aurions pu trouver une solution, pourquoi…

-Tu viens de répondre toi-même à tes questions ; m’interrompit-il. Si je te l’avais dit, tu aurais cherché une solution à un problème qui te dépassait largement et tu aurais gâché ta vie. Mais je n’avais pas prévu que tu t’acharnes de la sorte.

Drago marqua une pause et vint se placer à côté de moi, plongeant son regard vers la ville détruite à travers le trou béant de la salle.

-Je t’aimais Asuna, autant que je te détestais. Tu étais incapable de comprendre ce que j’essayais de te dire et tu faisais même le contraire en me trainant de force dans tes activités. Parce que je t’aimais, j’ai vécu dans la peur et je me suis renfermé et parce que tu t’acharnais à te mettre en danger en me faisant sortir de ce cocon, je te détestais.

-E…Et tu crois que je n’ai pas gâché ma vie alors ? M’écriai-je soudain, une colère indescriptible montant en moi en entendant ses paroles.

-Tu n’aurais pas voulu vivre ce que j’ai vécu, crois-moi ; rétorqua Drago d’une voix glaciale.

-Je ne sais pas ce que tu as vécu exactement mais comment peux-tu croire que tu m’as épargnée de la sorte ? Tu le voyais, je passai mes journées à prendre soin de toi, pensant que tu allais mal, pensant que je pourrais te guérir, pensant agir pour le mieux ! J’ai passé ma vie à me préoccuper de toi, et maintenant j’apprends que j’étais condamnée à échouer, comment peux-tu dire que je n’ai pas gâché ma vie ainsi !

-Aurais-tu préféré passer ta vie à fuir des types qui veulent ta peau à chaque coin de rue ? Aurais-tu préféré vivre dans la peur que dans la vanité ? Aurais-tu préféré perdre la vie plutôt que de la gâcher ?

C’était donc ça…les douleurs que je ressentais alors que Drago était absent…il se battait seul face aux hommes de Makoto…

-Oui, j’aurais préféré ; affirmai-je sans hésitation. Toute ma vie…Toute ma vie n’a été que mensonge, rêve et illusion…Tout ce que je faisais…était destiné à n’aboutir à rien et même lorsque je suis allée te chercher dans l’autre monde, j’ai sacrifié ce qui était important et maintenant tu m’affirmes qu’une fois de plus, tout cela ne servait à rien !

-Dans l’autre monde ? Répéta Drago en fronçant les sourcils.


https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0


-Oui, dans cet autre monde où au moins, nos relations étaient vraies, cet autre monde où tu n’avais plus peur du premier cinglé qui passait dans la rue, cet autre monde où tu avais des amis, cet autre monde dans lequel j’ai vraiment vécu, cet autre monde qui finalement n’était qu’une illusion maintenant que tu as encore tout oublié…

Je soupirai, dépitée. J’avais été tellement stupide…J’avais réellement couru toute ma vie après une chimère…Et le seul moment de vérité, je l’avais simplement balayé en un clin d’œil en entrainant Drago avec moi dans ma folie…Celui que je pensais être mon ami n’avait pas totalement tort, j’étais seule fautive dans l’histoire. Toute autre personne aurait lâché l’affaire avec Drago au bout d’un mois mais moi, je m’étais acharnée, ne me rendant même pas compte que, plus j’avançai et plus il me repoussait…

-Finalement, nous sommes tous les deux perdants dans cette histoires…Murmurai-je. Tu n’as pas réussi à me tenir éloignée des problèmes et par mon entêtement, j’ai perdu tout ce que je possédais…

-Oui, nous avons tous les deux échoué ; me confirma Drago mais, même si je ne pourrai jamais retrouver ce que j’ai perdu, il n’est pas trop tard pour toi.

-Qu’est-ce que tu racontes ? Notre ville est détruite, Ichigo me déteste, ces dix dernières années n’ont servi qu’à me faire du mal et Kagari…

Ma voix se brisa. Ichigo n’avait pas répondu à ma question mais son regard voulait tout dire…Kagari n’était certainement pas la seule à avoir succombé par ma faute…

-N’étais-tu pas sur le point de régler son compte à Fuji Makoto avant que je ne t’arrête ? Me demanda-t-il sans quitter la colonne de fumée des yeux.

-Je ne sais même pas si tout ça à encore un sens puisque je n’ai jamais rien fait de bien dans ma vie…Lui répondis-je en secouant la tête.

-Cette ville…est aussi la mienne, Asuna et même si j’ai l’impression que ma place n’est pas ici, j’ai le sentiment que si je ne m’oppose pas à la destruction, quelque chose de bien pire encore pourrait arriver.

Le monde des esprits, l’invasion de Fuji Makoto, Armageddon, les démons, tout cela me paraissait bien lointain maintenant que je connaissais la vérité. Mais en un sens, je n’étais pas la seule à avoir gâché ma vie. L’action de Drago était vouée à l’échec également à cause du pouvoir confié par Ladd. Tout comme j’allais à l’encontre de la volonté de Drago en essayant de l’aider, Drago allait lui-même à l’encontre de la volonté de Ladd en me tenant à l’écart.

-Tu ne me pardonneras jamais ce que j’ai fait j’imagine ? Me demanda-t-il alors d’une voix chargée de regrets. Sans ma présence dans ce monde, Fuji Makoto n’aurait jamais causé autant de destruction.

-Non, jamais en effet ; lui répondis-je en fronçant les sourcils. Je reste persuadée que si tu m’en avais parlé, nous aurions pu éviter tout ça mais il est trop tard pour se lamenter. Et puis, j’ai ma part de responsabilité, c’est ma folie qui a engendré cela.

-Dans ce cas, puisque nous sommes tous les deux fautifs pour ce qui arrive maintenant, que dirais-tu d’arrêter cela ensemble ?

Je réfléchis une seconde. Drago de ce monde n’avait certainement aucun pouvoir ni même l’idée qu’il ait pu en avoir un jour, il n’aurait fait que me gêner et puis, l’idée même de m’allier à lui à présent ne me plaisait pas plus que ça.

-J’aimerais vraiment réparer mes erreurs, Asuna. Je ne te le demande pas en ami, ni même en partenaire, simplement en compagnon d’infortune.

-Qui te dit que je ne vais pas te tuer dans ton dos pour me venger ? Rétorquai-je en montrant l’arme que j’avais dans la main.

-Tu le feras, je le sais, mais une fois que Fuji Makoto sera hors d’état de nuire ; répliqua-t-il sans sourciller.

Ce fut à mon tour de sourire. Finalement, le Drago de ce monde et le Drago d’Angéla étaient bien les mêmes, tous les deux prêts à affronter les pires dangers sans se soucier des conséquences pour eux-mêmes. Ils avaient simplement emprunté des voies différentes, l’une menant au mensonge et à la crainte pour les autres, l’autre au courage et à la force de défendre ceux qu’il aimait…

Je lâchai l’arme et je fermai les yeux une seconde avant de les rouvrir, à nouveau entourée de ce halo d’énergie émeraude, mon œil vert scintillant avec plus d’intensité que jamais puis je lui tendis la main qu’il serra en me rendant mon sourire.

-Tu sais très bien que j’en serais capable ; le prévins-je.

-Oui, mais je sais aussi que si tu le fais, c’est que je le mérite. Tu es têtue mais tu ne prends pas tes décisions sans raison, Asuna, et c’est aussi pour ça que je devais te tenir à l’écart.

-Qui sait si je n’ai pas changé moi aussi au fil des années à cause de toi ; répliquai-je d’un air malicieux.

Sur ces mots, nous tournâmes tous les deux à nouveau nos regards vers la haute colonne de fumée s’élevant au loin et vers l’abomination de Makoto. Même si cela devait être mon dernier combat, même si je devais perdre le peu de choses qu’il me restait, même si ma raison devait s’envoler en même temps que mes dernières forces, je ne pouvais pas ne pas réparer les erreurs. Fuji Makoto allait payer pour ses actes.


Nous ne perdîmes pas une seconde après avoir pris notre décision. Nous n’avions aucun plan mais le temps pressait. De tout façon sans carte des environs ni connaissance de la vraie puissance de la machine, tout plan était inutile. Nous ne pouvions nous fier qu’à notre instinct.

Nous redescendîmes les escaliers de l’école en courant avant de débarquer dans la cour. Il n’y avait personne, même Ichigo avait disparu sans laisser de trace mais nous ne nous attardâmes pas sur ce détail et nous continuâmes notre course à travers les rues dévastées de la ville en ruine.

Pendant quelques minutes, je crus discerner à nouveau le regard qu’avait Drago dans l’autre monde alors que nous filions comme le vent, comme si faire face à un danger imminent faisait ressortir sa nature téméraire qu’il avait oubliée.

Finalement, nous arrivâmes à quelques mètres du robot géant en moins de dix minutes et nous nous arrêtâmes derrière un mur tenant à peine debout pour évaluer la situation.

Nous n’étions pas seuls sur les lieux. Tout autour de la machine infernale je voyais des ombres se mouvoir lentement, et j’entendais régulièrement des bruits de canon suivis de grésillements métalliques et parfois quelques cris de douleurs.

Cette observation prolongée me confirma deux choses. La première était que Makoto mentait bel et bien, il restait une résistance active et la deuxième était que les mouvements de la grande machine étaient entravés par tous les débris autour d’elle.

Mais un autre détail me sauta aux yeux : je ne voyais les soldats de Fuji Makoto nulle part. Il n’y avait que le robot, la résistance et nous ici.

Je me mordis la lèvre. Evidemment, ce lâche ne devait pas être souvent sur le terrain, ne sortant que pour de rares occasions. Ça allait être un calvaire pour dénicher son repaire mais pour le moment, il fallait se concentrer sur ce robot.

-Drago, je crois que j’ai…

J’entendis au même moment des pas juste devant moi et je lâchai un cri de stupeur en le voyant se précipiter droit sur le robot alors qu’un homme était à terre, juste devant l’un des canons braqués sur lui et je jurai intérieurement.

J’avais oublié que ce Drago là n’avait aucune expérience du combat. Non seulement il n’avait aucun pouvoir mais en plus il n’avait aucune arme, aucune technique de défense. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était…

J’écarquillai les yeux lorsque je réalisai cela et je concentrai mon énergie jusqu’à réussir à créer une épée émeraude que je saisis à deux mains puis je me précipitai à sa suite.

Au moment où la détonation du canon retentit, je lançai mon arme de toutes mes forces et miraculeusement, lorsque l’épée heurta la balle, cette dernière fut simplement coupée en deux et les deux bouts restants allèrent anéantir ce qu’il restait de deux murs en ruine.

Drago se plaça alors entre l’homme et le robot et étendit ses bras comme pour faire une barrière et je m’arrêtai net, choquée par ce qu’il essayait de faire.

-Je m’appelle Drago Mio ! S’exclama-t-il d’une voix forte.

-Drago Mio ? Répéta une voix grave provenant du robot. Tu as décidé de te rendre finalement ?

-Je suis venu imposer mes conditions à Fuji Makoto ! Cessez le combat et je me rendrai à lui !

-Tu n’es pas en position de négocier ! Rétorqua notre ennemi.

Le robot pointa à nouveau son canon sur Drago et je fis apparaitre une nouvelle sphère d’énergie dans ma main, prête à intervenir mais ce dernier ne bougea pas d’un pouce.

-Tu n’as pas peur de la mort toi ; ricana l’homme à l’intérieur du robot.

-Vous semblez avoir peur de la mort vous au contraire puisque vous ne me tirez pas dessus ; rétorqua Drago, impassible.

Je m’étranglai. A quoi jouait-il ? Je pensais qu’il allait simplement se rendre pour mettre fin aux combats dans la zone avant d’attaquer directement Fuji Makoto mais son attitude me laissait entrevoir un autre plan, comme s’il…essayait de gagner du temps…

Comprenant cela, discrètement, je fis le tour du pâté de maison pour me retrouver derrière le robot, dans son angle mort, là où il n’y avait aucun canon ni aucune visibilité et je projetai la sphère d’énergie sur ce qui semblait être le générateur.

Mais, alors que je pensais que mon attaque allait atteindre sa cible, elle fut déviée à la dernière seconde par une créature que je reconnus immédiatement.


https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY


-Un…Un monstre de duel, ici ! M’exclamai-je, abasourdie.

-Un monstre ? Non, il n’y en a pas qu’un…Dit une voix éteinte à côté de moi.

Je me retournai dans la direction d’où provenait la voix et je vis un autre homme à terre, une profonde entaille sur flanc, comme si un tigre ou un lion lui avait lacéré la peau.

Une seconde plus tard, le ciel s’obscurcit non pas de nuages mais d’une nuée de créatures volantes. Puis la terre se mit à trembler et en instant nous étions encerclés de milliers de monstres plus affreux les uns que les autres. Aucun d’entre eux n’était très grand ni très menaçant mais leur nombre était considérable.

Drago ne s’attendait pas à cela et il écarquilla les yeux à son tour tandis qu’un rire grave s’éleva, rire que je reconnus immédiatement.

-Alors, vous aimez mon comité d’accueil, Drago, Asuna ? Déclara Fuji Makoto d’un endroit d’où je ne pouvais pas le voir. Voilà ce qui arrive à ceux qui décident de s’opposer à moi ! Je n’ai pas besoin de Drago pour conquérir ce monde après tout, j’ai déjà tout ce dont j’ai besoin !

Sans attendre un mot de plus, les monstres nous sautèrent dessus tous en même temps tandis que le robot pris de la hauteur, se préparant certainement pour un unique tir.

Tout autour de moi se trouvaient les corps des résistants blessés par les combats et j’entendis de nombreux cris de terreur à l’intérieurs de ruines alors que les monstres se rapprochaient de nous. Si je voulais gagner ce combat, je ne pouvais plus me contenter de simples sphères d’énergies. Il me fallait plus de pouvoir, le pouvoir de mes propres monstres !

La lumière autour de moi s’intensifia et je sentis une énergie nouvelle m’envahir. Dans ma main se matérialisa une nouvelle épée mais ce n’était pas ce dont j’avais besoin. Je ne pouvais pas me battre seule contre toutes ces créatures.

-Apparaissez, monstres de la prophétie !

De dix lumières vertes jaillirent les monstres de mon deck avec lesquels je me mis en formation. Notre nombre était ridiculement faible par rapport à nos ennemis mais c’était tout ce que j’avais pour le moment.

Je tournai la tête vers Drago qui, malgré son manque de force, était prêt à se battre.

-Drago, attrape ça ! Lui criai-je.

Ce dernier me regarda et je lui lançai une autre épée d’émeraude qu’il attrapa au vol, juste à temps pour trancher la gorge de l’un des monstres qui était sur le point de ne faire qu’une bouchée de lui.

-Une épée ? Tu n’as rien de mieux Asuna ? Me dit-il tout en esquivant une autre attaque avec une facilité déconcertante et se plaçant juste à côté de moi.

Pour toute réponse, je projetai une sphère d’énergie devant moi qui envoya au tapis trois autres créatures…trois parmi des milliers d’autres…

J’ordonnai alors à mes monstres de se séparer, leur laissant les monstres volants pendant que Drago et moi nous nous occupions de la vermine au sol.

-Avoue que tu n’étais pas préparé à ça ; lançai-je à mon camarade tout en plantant mon arme comme une broche sur plusieurs monstres à la fois.

-Peut-être que j’aurais mieux fait de t’écouter oui ; grimaça-t-il alors qu’il para l’attaque d’une créature qui tentait de lui lacérer le cou.

Nous étions dos à dos, combattant chacun pour notre survie mais également pour celle de l’autre. Si l’un d’entre nous deux pliait, c’en était fini.

Je me baissai pour découper en deux un ennemi plus petit que les autres et au même moment Drago en profita pour reculer et trancher une sorte de mille-pattes géant puis, vifs comme l’éclair, nous échangeâmes nos places dans valse sanglante qui emporta avec elle tous les monstres à moins de deux mètres de nous.

Mais, même si j’avais encore de l’énergie à revendre, je voyais que Drago s’épuisait bien plus rapidement que moi. Nous ne pouvions pas continuer ainsi.

Lâchant mon épée, je frappai le sol avec une sphère d’énergie de toutes mes forces, créant un tremblement de terre qui ébranla les ruines déjà chancelantes mais surtout, déstabilisa tous les monstres autour de nous, nous laissant une seconde de répit pendant laquelle j’en profitai pour projeter une vague d’énergie tout autour de moi qui anéantit tout ce qui se trouvait dans un rayon de dix mètres avant de mettre un genou à terre, haletante.

J’avais donné tout ce que j’avais mais c’était loin d’être suffisant. J’avais tué à peine quelques centaines de monstres et il en restait encore plusieurs milliers. A ce rythme-là, cette bataille était perdue d’avance…

-Asuna, est-ce que tout va bien ? S’affola Drago.

-Fuji…Makoto…comment peut-il contrôler autant de monstres à lui seul…Haletai-je.

Je levai la tête au ciel. Mes monstres ne semblaient pas en meilleure posture que moi et certains avaient même déjà été vaincus. Il ne restait plus que la grande prêtresse, le monde et le destructeur…Je devais me rendre à l’évidence, nous ne pouvions pas gagner cette bataille…


https://www.youtube.com/watch?v=SgBqSEyCZBE


-Toujours aussi minable je vois ; déclara soudain une nouvelle voix à côté de moi.

-I…Chigo ? Bafouillai-je, interdite.

Je tournai la tête vers le bâtiment devant lequel nous nous trouvions et je vis Hajime Ichigo armé d’une arme d’un calibre bien plus gros que son pistolet et accompagné d’une dizaine d’hommes dont certains que je reconnus comme étant d’anciens camarades de classe.

-Alors comme ça, la sauveuse a besoin d’être sauvée ? Tu pensais donc vraiment être en mesure de rétablir la paix par tes propres moyens ? Je ne te pensais pas aussi stupide ma pauvre.

-Ichigo, ce n’est pas le moment de se disputer ; l’interrompit Drago.

-Vous n’êtes que des imbéciles toi et Asuna ; rétorqua-t-il. Vous auriez mieux fait de rester là où vous étiez, cela vous aurait évité de mourir.

-Nous n’allons…pas mourir…Articulai-je tout en essayant de me relever.

Ichigo ferma les yeux et braqua son arme sur une créature s’étant approchée un peu près de nous.

-Kagari…disait la même chose il y encore un mois.

Sans ajouter un mot, il tira une rafale de balles sur les monstres et plusieurs tombèrent juste avant que d’autres ne prennent leur place. Les compagnons du délégué firent de même et abattirent ainsi une nouvelle centaine de monstres en moins d’une minute avant d’être à court de minutions.

-Et voilà…C’est ainsi que la résistance s’achève ; soupira Ichigo en jetant son arme à terre.


https://www.youtube.com/watch?v=Y8sQu1N406c


Dans le ciel, un long cri retentit et je levai la tête juste à temps pour voir le monde de la prophétie périr dans les flammes d’un grand dragon doré. Ichigo avait raison, c’était terminé. Je n’avais plus de monstre, plus de forces pour combattre, nous n’avions plus d’armes et Drago n’avait en lui aucune mémoire du combattant qu’il était autrefois.

Soudain, les monstres autour de nous s’écartèrent et un cliquetis métallique se fit entendre. Je devinai sans difficulté que le robot avait certainement fini de charger son tir.

-Canon à photons paré ! Feu !

Dans le ciel, une explosion retentit et je vis un rayon de lumière blanche fuser vers nous.

Non…Je refusai que tout se termine ainsi, je refusais de perdre mes dernières attaches dans ce monde, je refusais que tout ce que j’avais fait soit une fois de plus voué à l’échec !

Une immense énergie afflua du plus profond de moi et mon halo émeraude qui s’était terni, resplendit de plus belle. Si les monstres de la prophétie étaient les serviteurs d’Armageddon, alors ils ne pouvaient pas être vaincus par un stupide robot !

Le halo d’énergie se solidifia et forma une armure autour de moi, une armure noire parcourue de fentes rouges comme le sang et couvrant tout mon corps de la tête au pied tandis que derrière moi, une cape pourpre volait légèrement.

-Qu…Qu’est-ce que…Bégaya Ichigo.

-L’armure D’Armageddon ; répondis-je spontanément.

Je levai la main vers le ciel et le halo d’énergie verte qui m’entourait auparavant s’étendit tout autour de nous, formant un bouclier protecteur repoussant les assauts des monstres. Lorsque l’attaque du robot le percuta, je grimaçai. Je n’avais pas encore retrouvé toutes mes forces et le bouclier se couvrit de fissures sans se briser pour autant. Je crus plusieurs fois que j’allais m’évanouir mais je refusai de céder à l’inconscience.

Enfin, après plusieurs secondes qui me parurent une éternité, l’intensité de l’attaque diminua jusqu’à disparaitre complètement et je m’effondrai aussitôt sur le sol, l’armure disparaissant en même temps que mon bouclier, vidée de mes forces.

Drago me rattrapa juste avant que ma tête ne heurte le sol mais je me dégageai, refusant toujours d’abandonner. Après tout…j’étais bien trop têtue pour m’avouer vaincue…

-Il est trop tôt pour se réjouir ; grimaça Ichigo. Tu aurais mieux fait de laisser cette lumière nous détruire, Asuna. Ca aurait été moins douloureux que de se faire dévorer par ces créatures.

A ce moment-là, je sentis mon œil me démanger et une seconde plus tard, Drago me reposa délicatement au sol et se plaça en première ligne, devant Ichigo et ses hommes.

-Qu…Qu’essaies-tu de faire…Drago ? Murmurai-je.

-Asuna, te souviens-tu de quelle manière je t’ai sauvée il y a dix ans ? Me demanda-t-il en regardant la masse de monstres qui fonçait vers nous sans trembler.

-L…Ladd ? Articulai-je avec difficulté.

-Oui…j’ai appelé désespérément à l’aide et cette créature est apparue.

-Mais…Tu ne pas peux pas…Ladd est…

Avant que je n’aie eu le temps de terminer ma phrase, le corps de Drago rayonna d’une intense lumière blanche et je sentis que mon œil réagissait à cela.

-S’il te plait…Viens nous en aide aujourd’hui encore…Ladd !


https://www.youtube.com/watch?v=DCP7f3UtbPg


La lumière émanant de Drago s’intensifia encore jusqu’à en devenir aveuglante à tel point que je fus obligée de fermer les yeux.

La terre se mit à trembler à nouveau, mais pas à cause des pas des milliers de créature la foulant, mais à cause d’une onde de choc provenant du ciel.

Je rouvris les yeux et mon cœur rata un battement lorsque je vis que, juste au-dessus de nous, une brèche s’était ouverte, exactement comme celle m’ayant permis de traverser les dimensions avec Drago.

-Qu…Quelle est cette chose ! S’exclama Ichigo, tétanisé.

De la brèche sortit alors un immense dragon, plus noir que la nuit d’un côté et plus blanc que la pureté de l’autre. En l’apercevant, toutes les créatures volantes se dispersèrent et s’écartèrent, elles aussi terrifiées tandis que les monstres au sol reculèrent prudemment. Seul le robot de Fuji Makoto resta en place et tenta de tirer sur le dragon qui renvoya le boulet de canon d’une seule main sur la machine qui s’écrasa au sol, dix mètres plus loin.

Mais j’étais certainement celle qui était la plus déconcertée et stupéfaite par ce qu’il se passait. Drago…avait réussi à appeler Ladd sans aucune mémoire de ce dernier et alors qu’il était bloqué dans l’autre monde.

-L…Ladd…Murmurai-je tandis que la brèche se refermai au-dessus du dragon et que ce dernier émit un rugissement qui suffit à faire s’effondrer les dernières ruines encore debout.

Puis sans autre sommation, Ladd passa à l’attaque, crachant une rafale de flammes sur les monstres au sol et plus d’un tiers d’entre eux périt d’un seul coup, me laissant totalement bouche bée, de même qu’Ichigo et ses compagnons.

Ce qu’il restait de l’armée de Fuji Makoto continua à reculer et même le robot garda ses distances cette fois-ci.

Lorsque les créatures volantes s’écartèrent de Ladd, je vis un rayon de soleil traverser l’épaisse couche de nuage et éclairer Drago qui se tenait désormais debout, seul, au milieu de ruines fumantes.



Hoshino Asuna : La fin du rêve



Spoiler :



Je n’en croyais pas mes yeux. Ladd était vraiment apparu dans ce monde. Mais pourquoi ? Pourquoi s’était-il embêté à créer une machine capable de traverser les dimensions s’il pouvait déjà le faire lui-même ? Et comment Drago avait-il pu l’appeler sans aucune mémoire du temps passé avec le dragon ? Mais plus important encore…était-il capable de nous sauver à lui seul ?…

J’eus ma réponse un instant plus tard lorsque Ladd se mit à rayonner avant de projeter un cercle d’énergie sombre qui décima tous les ennemis autour de lui. Mais il n’en resta pas là car une seconde plus tard, ce dernier fonça vers les ennemis au sol et s’abattit sur eux telle une météorite.

Je me protégeai la tête des débris de bitume et de terre qui volèrent dans toutes les directions tandis qu’autour de Ladd, il ne restait plus qu’un vaste cratère fumant, vide de toute vie.

Néanmoins, une fois la surprise passée, les monstres repassèrent à l’attaque, se concentrant désormais sur le dragon, ce qui laissa le champ libre à Ichigo et ses hommes pour se replier à l’intérieur du bâtiment. A l’extérieur, il ne restait plus que moi qui étais trop faible pour bouger et Drago, toujours debout, entouré de ce halo doré.

Malheureusement, la bataille était encore loin d’être gagnée car, même si Ladd avait pu se débarrasser d’une bonne moitié de l’armée de Fuji Makoto, l’autre moitié ne semblait pas prête à abandonner si facilement. Je le voyais, Ladd avait beau être puissant, il avait beau pouvoir esquiver la plupart des attaques et il avait beau être capable de créer une ouverture d’une seule rafale de flammes, il ne pouvait pas vaincre une armée à lui seul…

Ce dont nous avions besoin pour gagner cette bataille, ce n’était pas de la puissance, mais du nombre et compte tenu de notre état à tous, notre victoire semblait être un lointain mirage…

Si seulement j’avais été capable de me lever, j’aurais pu prêter main forte à Ladd mais c’était inutile, plus aucun de mes membres ne me répondait et le moindre effort me faisait aussi mal que si on me plantait un couteau dans la peau.

Soudain, alors que Ladd était totalement encerclé par des monstres au sol tout en étant assiégé par les airs, ce dernier, tout comme je l’avais fait, frappa la terre de son poing et je vis une large fissure se créer dans le sol qui se prolongea jusqu’à moi. De cette fissure émana une étrange lueur émeraude, la même qui m’entourait quelques minutes plus tôt et, immédiatement, je sentis mes forces revenir tandis que Ladd posa un genou à terre…comme s’il me donnait son énergie.

Ne cherchant pas à en savoir d’avantage, je me relevai d’un bond et je recréai l’épée d’énergie…non, cela n’allait pas être suffisant, il me fallait quelque chose de bien plus radical…

Je reconcentrai mon énergie qui m’entoura et en un instant, je fus de nouveau recouverte par l’armure d’Armageddon et mon retour soudain dans la bataille sembla attirer l’attention des monstres qui oublièrent Ladd pendant un instant, instant qui couta la vie d’une centaine d’entre eux lorsque le dragon cracha une nouvelle rafale de flammes, créant également par la même occasion un passage qui lui permis de me rejoindre.

-Je crois que tu me dois des explications toi ; lui lançai-je alors qu’il se plaçait aux côtés de Drago.

-Je ne suis pas le seul dans ce cas ; rétorqua-t-il en regardant mon armure d’un air mauvais.

Nous fûmes interrompus par le bruit sourd du canon du robot qui revenait subitement dans la bataille mais une fois de plus, Ladd arrêta le boulet pour le renvoyer à son expéditeur qui s’écroula à nouveau en soulevant un épais nuage de poussière.

-Vous n’auriez pas dû faire appel à moi ; reprit le Dragon en crachant des flammes sur le sol tout autour de nous pour l’enflammer et nous faire gagner un peu de temps.

-Ce n’est pas comme si nous avions d’autre solution ; rétorquai-je tout en m’occupant de quelques oiseaux s’approchant un peu trop près de nous.

-Il existe toujours une autre solution…surtout quand celle que tu as choisi amène des problèmes encore plus gros…

Je m’apprêtai à lui demander plus de précision lorsque soudain, l’air autour de nous devint étrange et je commençai à voir les choses de distordre, comme si j’étais prise de vertiges d’un seul coup. Cependant, je n’étais visiblement pas la seule car tous les monstres volants tombèrent au sol sans réussir à atterrir correctement et ceux déjà à terre se mirent à tituber.

-Q…Que se passe-t-il ? Bégayai-je, affolée.

-Les dimensions ont été brisées une fois de trop ; me répondit Ladd en reprenant sa forme humaine.

-Les dimensions ? Répéta Drago qui semblait sur le point de tomber lui aussi.

Tout à coup, dans le ciel, je vis la brèche par laquelle Ladd était arrivé se rouvrir sans aucune raison et un puissant vent se leva sur le champ de bataille, commençant à emporter avec lui quelques monstres qui disparurent dans le trou béant pendant que les autres détalèrent comme des lièvres effrayés, sans réussir à échapper à l’attraction de cette chose.

C’était comme si une tornade s’était levée, emportant tout sur son passage…même si le mot trou noir aurait été plus approprié face au spectacle que nous avions sous les yeux.

Devant cela, le chevalier grimaça, l’air vraiment effrayé pour une fois.

-Asuna, fais quelque chose ! Me hurla-t-il.

Instinctivement, j’érigeai à nouveau le bouclier qui nous avais protégés de l’attaque du robot et je l’étendis pour englober avec moi le bâtiment dans lequel se trouvait Ichigo et aussitôt, je sentis l’attraction diminuer.

Ce à quoi j’assistai me laissa bouche bée. En moins d’une minute, tous les monstres de duel invoqués par Fuji Makoto, y compris le robot, disparurent, aspirés par la brèche sans pouvoir échapper à son emprise, ne laissant derrière eux qu’un tas de ruines mais le trou noir ne se calma pas pour autant et continuer à emporter des débris de roches, de plastique, des voitures et même des morceaux entiers d’immeubles en ruines.

Finalement, après dix minutes d’effort intense, je sentis l’air se calmer autour du bouclier et, ne pouvant le maintenir plus longtemps, je le laissai disparaitre, de même que mon armure, avant de tomber à genoux, essoufflée, en sueur et tremblant de tous mes membres.

-Qu…Que vient-il de se passer ? Bégayai-je encore sous le choc.

-A cause de vos petits jeux, j’ai à nouveau dû briser les limites des mondes pour vous rejoindre et Voltanis a tenté de me ramener on dirait ; me répondit Ladd, l’air vraiment mécontent.

-Je suis désolé, c’est de ma faute mais je ne voyais aucune autre solution ; s’excusa alors Drago qui était lui aussi redevenu normal.

-Aucune autre solution ? Tu te fiches de moi ? Ne me fais pas croire qu’avec le pouvoir d’Osiris, tu n’aurais pas pu t’en sortir ! Rétorqua l’esprit au bord de la colère.

-Osiris ? Répéta Drago, dubitatif.

Ladd s’arrêta net et écarquilla les yeux, interdit et se tourna vers moi.

-Asuna…ne me dis pas…

-Si, c’est exactement ça Ladd, notre bon vieux Drago est de retour.

L’esprit se prit la tête dans les mains en marmonnant des phrases incompréhensibles avant de reprendre la parole.

-Il ne manquait plus que ça. Et puis, je peux savoir ce que vous fabriquez ici ? Je croyais qu’on s’était mis d’accord pour commencer par le monde des esprits Asuna !

-J’allais justement te poser la même question. Je pensais que tu avais finalement changé d’avis et que tu avais trafiqué la machine en mon absence.

-Pourquoi ferais-je quelque chose d’aussi stupide ? S’étrangla Ladd.

Ce dernier soupira et leva les yeux vers la brèche qui ne s’était toujours pas refermé et qui planait dans le ciel, sombre et menaçante, prête à se réactiver à n’importe quel moment.

-Finalement, ce n’est peut-être pas si mal que vous ayez détraqué les mondes en m’appelant ; déclara-t-il en fronçant les sourcils. A présent, les trois mondes sont reliés, ce qui devrait nous faciliter la tâche…sauf si Voltanis s’en mêle une nouvelle fois…

J’allais demander plus de précisions à Ladd mais Ichigo et ses compagnons sortirent au même moment de leur refuge, encore tremblants pour certains, interdits pour d’autre en voyant que toute menace avait été écartée.

-Qu…Que s’est-il passé ?

-C’est une longue histoire Ichigo ; lui répondis-je. Pour le moment, accepte simplement le fait que nous devrions être hors de danger pour le moment.

Ce dernier fronça les sourcils, peu convaincu par mon affirmation et à vrai dire, je ne l’étais pas moi-même. Fuji Makoto, même s’il avait perdu toute son armée et sa meilleure arme, était certainement toujours dans ce monde, prêt à repasser à l’attaque. Nous ne pouvions pas nous reposer sur nos lauriers, il fallait nous préparer à un éventuel assaut et nous n’étions tout simplement pas en état de nous battre…

-Y a-t-il encore un bâtiment en bon état dans cette ville ? Demandai-je alors au délégué.

-Attends un peu Asuna, crois-tu vraiment que je vais t’aider simplement parce que tu nous as sauvés ? N’oublie pas que c’est de ta faute si nous sommes dans cette galère !

-Raison de plus pour l’aider, Ichigo ; déclara Drago avant que je puisse répondre. Et je suis aussi fautif qu’elle, c’est donc à nous de réparer nos erreurs.

-Vous deux…Grogna-t-il en serrant les dents. Vous disparaissez du jour au lendemain, juste avant que ce cinglé n’arrive, puis vous revenez en sauveurs, comment voulez-vous que je j’aie encore confiance en vous après tout ça !

-Ichigo, si tu ne le fais pas pour nous, fais-le pour Kagari au moins !

Ce dernier sursauta lorsque je prononçai le nom de mon amie et détourna le regard désormais voilé par la tristesse.

-Tu oses parler de Kagari après tout ça Asuna ? Sais-tu au moins tout le chagrin que tu lui as causé en disparaissant ainsi ? Jusqu’au bout…Jusqu’au bout elle n’a pensé qu’aux autres, oubliant sa propre peine, oubliant qu’elle n’était plus qu’une coquille vide, oubliant sa propre vie !

-Elle a toujours été comme ça, elle a toujours fait passer les autres avant elle ; lui répondis-je en baissant la tête à mon tour. Mais c’est aussi pourquoi, si elle avait eu une chance de sauver tout le monde, elle ne l’aurait pas laissé passer, peu importe les risques qu’elle aurait encourus.

Sans ajouter un mot, Ichigo se précipita sur moi et m’attrapa par le col mais je ne réagis pas. Son regard était comme fou et son visage était rouge de colère.

-Tu ne sais rien d’elle Asuna ! Kagari a été la seule à m’accepter à l’école ! Elle a été la seule à avoir le courage de se dresser contre cette ordure de Makoto ! Elle a été la seule à lutter jusqu’à la fin ! Elle a été la seule à croire en vous…jusqu’à son dernier souffle…

Ichigo relâcha sa prise, ses forces l’abandonnant et je vis des larmes couler sur les joues du grand gaillard qui tomba à genoux et tous ses compagnons baissèrent les yeux au sol. Je sentis moi aussi quelques larmes monter à mes yeux mais je les retins. Kagari n’aurait certainement pas voulu que je pleure. Elle s’était certainement sacrifiée afin qu’à mon retour, il y ait encore quelque chose à sauver…

-Ichigo…s’il te plait…Murmurai-je, la voix chargée de peine.

-Va-t’en Asuna…disparais de ma vue et ne reviens jamais.

Tristement, voyant qu’il était inutile de continuer cette conversation, je décidai de lâcher l’affaire et je tournai les talons, reprenant la direction de l’école, la tête basse, accompagnée de Drago et Ladd lorsque soudain, j’entendis à nouveau la voix d’Ichigo dans mon dos.

-Kagari…a toujours cru en vous et à votre retour. Elle était persuadée que vous n’étiez pas responsables pour ce qu’il se passait…

-Et toi Ichigo ? Lui demandai-je sans me retourner, sans oser lui faire face.

-Pourquoi poser la question ? Evidemment que j’ai voulu y croire aussi ; me répondit-il avec un petit rire amusé.

-Et maintenant ?

Ichigo ne me répondit rien et je l’entendis se relever derrière moi puis s’éloigner lentement dans la direction opposée, accompagné de ses camarades d’infortune.

Je ne pus m’empêcher de sourire face à la situation. Voilà que celui que j’espérais retrouver dans ce monde me tournait le dos tandis que je m’alliais avec celui ayant causé tous les problèmes…Je devais vraiment avoir vécu dans un rêve toute ma vie pour n’avoir même pas réussi à anticiper la réaction d’Ichigo…

Je balayai la ville d’un regard mais mon ancien ami avait raison. Il ne restait plus rien à sauver ici à part les quelques résistants qui s’y trouvaient encore comme Ichigo et ses compagnons. La brèche dans le ciel et l’attaque des monstres n’avaient rien arrangé, rendant le paysage encore plus dévasté qu’il ne l’était avant.

Ne connaissant d’autre abri, nous retournâmes dans la salle de club de l’école qui avait également souffert de l’ouverture de la brèche et qui était maintenant à ciel ouvert, le plafond s’étant certainement fait aspiré en même temps que de nombreux autres objets à l’intérieur…

A bout de forces, je m’endormis presque immédiatement sur l’une des chaises brisées de la salle dans un sommeil sans rêve.

Lorsque je me réveillai, Ladd n’était plus là et il ne restait que Drago, toujours devant son matériel d’Astronomie, tentant de le réparer, en vain.

Les membres encore engourdis et endoloris, je vins m’asseoir sur le plancher à côté de lui et je le regardai assembler les barres de fer ensemble sans dire un mot pendant cinq bonnes minutes et ce dernier finit par prendre la parole.

-Tu sais Asuna, Ladd m’a raconté ce qu’il s’est passé dans cet autre monde dont tu me parlais ; déclara-t-il sans lever les yeux de son travail.

-Et tu n’as pas retrouvé la mémoire pour autant j’imagine…

-Non et, même si j’ai l’impression d’avoir quelques bribes de souvenirs, tout reste très flou. Mais toi Asuna, tu étais avec moi dans ce club de duel, n’est-ce pas ?

-Oui, j’étais avec toi, mais uniquement dans le but de trouver des réponses à mes questions. J’attendais que tu retrouves la mémoire pour savoir pourquoi tu étais si différent dans ce monde de celui que j’avais connu.

-Donc Ladd ne me mentais pas ? Ai-je réellement été cette personne bienveillante et attentionnée, prête à sa sacrifier pour les autres et n’ayant peur de rien ?

J’hésitai une seconde. Je n’aurais pu mieux décrire le Drago de l’autre monde et pourtant, quelque chose me gênait dans cette description…

-Tu as toujours été cette personne, Drago ; finis-je par répondre avec un léger sourire.

Ce dernier tourna la tête dans ma direction, intrigué.

-As-tu déjà oublié ce que je t’ai dit ? Je…

-Non, je n’ai pas oublié ; le coupai-je. Mais j’ai réfléchi et je pense que le Drago de ce monde et celui que j’ai maintenant en face de moi ne sont qu’une seule et même personne. Seuls tes souvenirs diffèrent mais au fond de toi, tu restes le même. Tu as simplement emprunté deux voies différentes.

Drago s’arrêta dans son travail et baissa la tête en soupirant.

-Alors pourquoi la personne dont m’a parlé Ladd me parait-elle si étrangère ?…

Je n’avais aucune réponse à cela. Le Drago de l’autre monde avait également fait mention de cela le jour de l’attaque du Qliphort. Lui aussi disait ne pas comprendre d’où venait son ennui et sa peur dans l’autre monde.

Mais évidemment, lorsqu’on empruntait deux routes aussi différentes de l’une de l’autre, on pouvait presque considérer qu’elles donnaient naissances à deux personnes différentes, même si j’étais persuadée que chacune aurait pu emprunter l’une ou l’autre voie…

Nous restâmes dix autres minutes dans le silence sans que Ladd ne revienne mais je n’osais pas demander où il était parti et je me contentai de regarder Drago assembler les pièces d’un des télescopes qui avait miraculeusement survécu.

Lorsqu’il eut enfin terminé, mon partenaire se releva et plaça le télescope devant la fenêtre brisée pour s’en servir comme une longue vue et ce qu’il dit à ce moment-là me laissa sans voix.

-Asuna, j’aurais une requête à te faire.

-Une requête ? Répétai-je, intriguée.

-Si jamais…nous n’arrivons pas à mettre fin à cette guerre…pourrais-tu me tuer ?

Je ne trouvai rien à redire à cela et j’écarquillai les yeux, interdite mais une fois la surprise passée, je me levai d’un bond.

-Te…Te tuer ? Mais pourquoi ? M’écriai-je. Fuji Makoto n’a plus besoin de toi, ta mort ne résoudra rien !

-Au moins, tu auras accompli ça. N’était-ce pas pour cela que tu m’as cherché dans cet autre monde ? Ne vivais-tu pas dans le simple but de te venger de moi pour t’avoir fait souffrir toutes ces années ?

-Si mais…

Je me mordis la lèvre. Oui, j’avais poursuivi Drago pour me venger, oui je n’avais vécu que pour lui faire la peau, oui je m’étais jurée d’en faire le point de départ de ma nouvelle vie…mais maintenant…quel aurait été le sens d’une vengeance ne menant à rien d’autre que la solitude ? Parce que, j’étais obligée de l’admettre mais Drago était mon seul soutien dans ce monde…

Une minute…dans ce monde…mais pas dans les autres mondes ! Maintenant que les mondes étaient connectés d’après Ladd, il devait être possible de retourner là-bas sans déployer une quantité d’énergie phénoménale ! Et si par chance, le laboratoire du père de Drago avait été épargné…Oui, ça valait le coup d’essayer.

-Avant ça, j’aurais moi aussi une requête à formuler Drago. Que penses-tu d’aller au laboratoire de ton père ?

-Justement, j’en reviens ; dit soudainement Ladd qui rentrait au même moment dans la pièce.

Nous nous retournâmes et j’écarquillai les yeux en voyant le chevalier couvert de bleus, l’armure cabossée et la cape déchirée par endroit et se tenant le bras en grimaçant.

Nous nous précipitâmes pour l’épauler et l’asseoir sur l’une des chaises qui manqua de s’écrouler sous son poids puis Drago alla chercher une compresse de fortune qu’il lui appliqua sur le front.

-Où étais-tu passé encore Ladd ? Le sermonna Drago.

-Je suis parti à la recherche de ce Fuji Makoto ; articula le guerrier en serrant les dents. Ce lâche a trouvé refuge dans le laboratoire de ton père et se sert de l’énergie du réacteur pour empêcher quiconque d’approcher.

Ce fut à mon tour de grimacer. De tous les endroits de cette ville, il avait fallu que ce type se terre exactement là où je voulais me rendre…Mais c’était vraiment notre seule alternative sur ce coup-là, il me fallait cette machine pour appeler des renforts.

-Il n’y a vraiment aucune ouverture ? Repris-je, déterminée.

-Aucune, sinon je ne serais pas dans cet état ; rétorqua le chevalier grincheux.

Je cherchai alors une autre solution mais rien ne me vint à l’esprit. Je n’avais jamais été à ce laboratoire, je ne connaissais pas d’éventuels passages secrets ou d’entrées annexes et vu l’état de Ladd, je préférais ne pas m’approcher trop près du bâtiment pour chercher.

Soudain, on frappa la porte et nous nous retournâmes tous en sursautant et mon cœur rata un battement en reconnaissant les deux personnes qui attendaient sur le palier.

-Présidente Chizuru, Vice-président Hinata ! M’exclamai-je, consternée.

-Alors Ichigo ne mentait pas, vous êtes réellement de retour tous les deux ; me répondit froidement la présidente.

Je n’en croyais pas mes yeux mais les deux étaient réels. Certes ils étaient squelettiques, leurs uniformes étaient en lambeaux et ils semblaient sur le point de craquer mais ils étaient vivants !

-Vous en avez du courage pour revenir à un moment pareil ; continua Hinata en remettant ses lunettes brisées sur son nez, un léger sourire aux lèvres.

-Mais…Vous n’êtes pas…

-Morts ? Termina la présidente. Non, nous sommes encore là, même si la mort aurait été une douce délivrance, mais trêve de bavardages, nous ne sommes pas venus pour nous plaindre.

-C’est Ichigo qui vous envoie ? Leur demanda alors Drago, sceptique.

-Non, nous sommes venus de nous-mêmes ; lui répondit le vice-président. Et nous avons deux messages pour vous également.

-Deux…messages ? Répétai-je. Mais de qui ?

-Le premier est de la part de la résistance qui vous remercie pour votre intervention tout à l’heure ; déclara Chizuru. Et le deuxième est de la part de tes parents, Asuna.

-Mes parents ? M’étranglai-je.

-Oui, lorsque tu as disparu, ces derniers ont bien entendu essayé de te contacter et, n’y arrivant pas, ils se sont adressés à l’école et donc à nous. Ils ont dit qu’ils avaient laissé quelque chose chez toi. Je n’ai pas très bien compris de quoi il s’agissait mais d’après eux, c’était quelque chose que tu attendais.

-Que…J’attendais ?

Un déclic se fit soudain dans ma tête et l’espoir revint en moi. Je n’avais demandé qu’une seule chose à mes parents avant de partir, et c’était de construire la machine interdimensionelle !

Je voulus sauter dans les bras des deux compagnons mais je me ravisai, craignant de leur casser quelque chose vu leur état et je me contentai de les remercier longuement puis, sans donner d’avantage d’explications, je me précipitai à l’extérieur, laissant Drago et Ladd dans l’incompréhension.

En moins de cinq minutes, je fus chez moi et je me mis à chercher frénétiquement dans les décombres quelque chose qui aurait pu ressembler à une version miniature de la machine.

Je finis par trouver près de la table de la salle à manger, sous plusieurs épaisseurs de débris, un paquet cadeau à mon nom accompagné d’un petit mot de mes parents dans lequel ils disaient espérer me revoir rapidement et me demandaient si ce présent était conforme à mes attentes.

Comme je le pensais en déchirant le papier, il s’agissait bien d’une version vraiment miniaturisée de la machine, le genre de prototype utilisé pour les essais à échelle réduite et qui avait certainement dû ouvrir une brèche microscopique lors des tests.

Mais je ne me souciai pas des détails, pensant que, compte tenu des perturbations, la machine aurait eu les mêmes effets qu’un modèle à taille réelle.

Je réglai donc les paramètres sur ceux de la chambre d’Angéla, priant pour qu’elle soit chez elle et j’appuyai sur le bouton de mise en marche.

La machine grésilla un peu au début et émit quelques étincelles avant de rayonner d’une forte lumière blanche, créant des éclairs de chaleur et je vis l’espace commencer à se distordre devant moi tandis que, à la place du mur en ruine de ma maison commençait à apparaitre une chambre en désordre et j’entendis des cris de surprise de l’autre côté.

Sans même attendre la fin du processus, je m’engouffrai à l’intérieur de la brèche pour me retrouver directement dans la chambre d’Angéla. Malheureusement, elle n’était pas là et il n’y avait que June qui me regardait, les yeux exorbités en me voyant sortir de nulle part.

Je jurai intérieurement. Angéla et les autres devaient certainement être dans une autre pièce mais je n’avais pas le temps d’attendre leur retour, et comme je sentais que la machine était sur le point de craquer, sans donner une seule explication, je pris la blonde par le bras et je l’entrainai de l’autre côté du portail juste avant qu’il ne se referme et que le prototype ne commence à émettre une épaisse fumée noire qui marqua la fin de sa vie.

-Qu…Qu’est-ce que…marmonna June en tentant de se remettre du choc.

Cette dernière fit un bond de trois mètres en découvrant les alentours et me dévisagea, le regard interrogateur et perdu.

-A…Asuna, c’est toi ? S’exclama-t-elle. Ou sommes-nous ? Tu n’étais pas censée aller dans le monde des esprits ? Et où est Drago ? Et que s’est-il passé ici ?

-Je n’ai pas vraiment le temps de t’expliquer June. Pour le moment, j’ai besoin que tu me prêtes main forte !

-Te prêter main forte ? Mais pourquoi ? Je vois bien que ce n’est pas la joie par ici mais aurais-je droit à un minimum d’explications avant de m’engager ? Si je ne sais même pas ou je suis et encore moins ce qu’il se passe, je crains de ne pas être d’une grande aide.

Malgré le manque de temps, je me mis à raconter ce qui était arrivé dans ce monde depuis notre retour : le problème de paramétrage, l’amnésie de Drago, l’attaque de Makoto, notre fuite puis l’invasion de monstre, la brèche dans le ciel et ma décision de prendre possession du laboratoire, tout en passant sous le silence toute la partie vengeance ayant amené à cette situation…

Lorsque j’eus terminé mon récit, June resta à regarder dans le vague pendant quelques secondes puis croisa ses bras sur sa poitrine et commença à réfléchir en faisant les cents pas devant moi.

Enfin, après deux bonnes minutes de réflexion, la blonde reporta son attention sur les ruines et ses yeux s’illuminèrent.

-Je crois que j’ai saisi le principal ; déclara-t-elle, et la situation me semble désespérée.

-Merci Captain Obvious, je n’avais pas vraiment besoin de toi pour le savoir ça ; rétorquai-je, perdant patience.

-Heureusement, j’ai appris avec le temps qu’il existe toujours une solution.

June se tourna vers moi et fronça les sourcils d’un air déterminé.

-Ton Fuji Makoto là, je crois avoir la solution pour le vaincre.

-V…Vraiment ? Bégayai-je.

-Si Makoto se renferme de la sorte à l’intérieur, c’est qu’il n’a plus d’autre option maintenant que sa meilleure arme a disparu. Il est comme une tortue dans sa carapace, voyant sa fin arriver et tentant de se protéger coute que coute.

-Et…tu as un plan pour le faire sortir de là ? Demandai-je d’une voix chargée d’espoir.

-J’ai même mieux : le moyen de remporter cette guerre.

Un immense sourire éclaira mon visage lorsque j’entendis cela et je me relevai pour conduire June à l’école où se trouvaient toujours Drago et Ladd. Je n’avais peut-être pas pris la meilleure guerrière de l’équipe mais June était certainement la seule à être capable de nous sortir de ce pétrin sans provoquer davantage de dommages collatéraux.

Pour la première fois depuis mon retour dans ce monde, je pouvais entrevoir une lueur d’espoir pour ce monde au milieu de ce champ de ruines et de désolation…


Sans perdre une seconde, j’entrainai June à ma suite et nous courûmes à travers les rues de la ville pour rejoindre l’école. Ma nouvelle alliée ne put s’empêcher de froncer les sourcils de nombreuses fois alors que nous passions devant des bâtiments tenant à peine debout mais nous n’avions pas le temps de nous arrêter et rechercher d’éventuels survivants dans les décombres. Plus vite cette guerre serait terminée, et plus vites les secours arriveraient ; pensais-je…

Lorsque nous arrivâmes enfin à la salle de club, nous retrouvâmes Ladd et Drago mais également Hinata et Chizuru qui étaient restés là pendant tout ce temps et ces derniers me regardèrent, consternés, en me voyant revenir avec June.

Mais la réaction la plus significative fut celle de Drago qui tressaillit légèrement à l’arrivée de son amie. June pencha également la tête sur le côté en remarquant la présence de Ladd dans ce monde alors qu’elle l’avait certainement vu moins de quelques heures plus tôt.

-Tiens, tu n’étais pas coincé chez nous toi ?

-C’est une longue histoire ; grogna l’esprit.

-On…On se connait tous les deux…n’est-ce pas ? Demanda alors Drago d’une voix tremblante.

-Oui, en effet, on se connait même très bien Drago mais l’heure n’est pas aux retrouvailles. D’après ce que m’a dit Asuna, nous n’avons que très peu de temps pour agir.

-Et tu es ? S’interrogea Hinata, sceptique.

-June Wheeler, mais mon nom importe peu dans ce monde. Sachez simplement que je suis une amie d’Asuna et Drago et que je suis ici pour vous aider.

-Allons bon, et comment une personne sortie de nulle part, ne connaissant rien à ce qu’il se passe ici, pourrait nous être d’une quelconque utilité ? Ricana Chizuru.

-Oh mais détrompe-toi, j’en sais bien assez ; répondit la blonde d’un air malicieux.

Nous focalisâmes tous notre attention sur June qui se mit devant la fenêtre brisée par laquelle s’infiltrait un puissant vent et croisa à nouveau les bras sur sa poitrine, tout en tournant son regard vers le laboratoire au loin, seul bâtiment ayant survécu aux attaques répétées de ces dernières semaines.

-Alors, quel est ton plan pour prendre le laboratoire ? Lançai-je.

-Je n’en ai pas.

Je m’étranglai et un « quoi ? » général s’éleva dans la pièce mais, avant que quiconque n’ait pu émettre une protestation, June lâcha un petit rire amusé.

-Je n’en ai pas, parce que nous n’en avons pas besoin.

-E…est-ce que tu peux préciser ta pensée ? La pria Hinata, déconcerté.

-Si j’ai bien compris la situation, l’armée de Fuji Makoto a été vaincue et il ne lui reste plus que quelques hommes à disposition.

-Oui, mais il a toujours ce laboratoire imprenable et attaque dès que l’on s’approche un peu trop près, j’en ai fait les frais tout à l’heure ; protesta Ladd en montrant ses blessures.

-Certes, mais à part ce laboratoire, que lui reste-t-il ? Continua June, toujours impassible.

-Dans ce monde, rien ; reprit Hinata qui ne voyait toujours pas où elle voulait en venir.

Pour toute réponse, June déplaça son regard vers la grande brèche qui flottait dans le ciel et tout devint clair dans ma tête et je poussai un cri d’exclamation.

-Ne me dis pas…

-Asuna, sache que tu n’es pas la seule à pouvoir profiter de cette brèche dans le ciel ; me répondit mon amie. Sauf que, contrairement à toi, Fuji Makoto a besoin de beaucoup plus de puissance pour faire revenir son armée mais il ne sait ni où elle se trouve, ni si elle est encore en un seul bloc.

-Attends, donc si j’ai bien suivi, tu es en train d’affirmer que Fuji Makoto est train de…s’enfuir vers un autre monde pour réunir son armée, c’est bien cela ? Demanda Drago en fronçant les sourcils.

-Oui, tu as bien résumé. Ce à quoi Ladd a eu droit, ce n’était pas une attaque mais une défense. Ce laboratoire est la dernière chance pour Fuji Makoto de mener ses projets à bien et il le défendra corps et âme.

Je déglutis. Sans le savoir, nous venions d’échapper à une mort certaine car, sans elle, il ne faisait aucun doute que nous aurions tenté d’attaquer le laboratoire jusqu’à ce qu’il cède…

June se retourna subitement et nous lança à tous un regard rempli de détermination.

-Si vous voulez arrêter Fuji Makoto, ne cherchez pas à prendre le laboratoire d’assaut mais détruisez son armée avant qu’il ne la retrouve ; déclara-t-elle gravement.

-Mais…nous ne savons même pas où se trouve cette armée ; fit remarquer Hinata.

-Non mais nous pouvons facilement le deviner puisqu’elle ne se trouve ni dans ce monde, ni dans le mien, alors il ne reste que le monde des esprits.

Sa déclaration jeta un froid. Evidemment, personne ne s’attendait à une telle conclusion mais malgré tout, je n’étais pas plus rassurée. Cela ne faisait que déplacer le problème ailleurs car nous ne pouvions pas attendre simplement que Makoto réunisse son armée mais nous ne pouvions pas non plus prendre sa forteresse d’assaut puisque même Ladd avait échoué. Ce qui faisait de la conclusion de June notre dernière option…

-Le monde des esprits…Répéta Chizuru, sceptique. C’est de la que viennent toutes ces créatures, n’est-ce pas ?

-Oui, mais j’ai bien peur que nous ne puissions pas nous occuper de ça ; rajouta Ladd.

-C…Comment ça ? S’étrangla Drago. Il s’agit du monde dans lequel j’ai grandi dont il est question je te signale Ladd !

-Le monde des esprits a déjà bien assez de problèmes comme ça et Fuji Makoto n’est qu’une goutte d’eau dedans.

-Tu dis ça uniquement parce qu’il s’agit de ton monde qui est en jeu mais si nous ne faisons rien, celui-ci va disparaitre également, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons négliger ! Renchérit Drago.

Cependant, Ladd resta impassible et ne changea pas sa position. Evidemment, je ne pouvais pas être d’accord avec les propos de l’esprit puisqu’il s’agissait de mon monde également qui était en jeu mais…Drago n’avait aucune idée de ce qu’il se passait réellement. Sans sa mémoire, il ne pouvait pas comprendre la menace que représentait la fusion des mondes et la guerre entre les Démons et Armageddon…

Je reportai mon attention sur la salle et tout le monde y allait de ses arguments en faveur ou contre Ladd. Evidemment, la présidente et son adjoint ne comprenaient pas un traitre mot de ce qu’il se disait puisqu’ils n’avaient aucune connaissance du monde des esprits mais ils sentaient bien qu’ils mettaient les pieds dans quelque chose qui les dépassait largement.

-Laissez-moi m’occuper de Fuji Makoto ; déclarai-je alors, interrompant toutes les discussions. Je suis la seule fautive pour ce qui arrive et je suis donc la seule à pouvoir réparer mes erreurs.

-Attends Asuna, non seulement tu n’es pas la seule mais tu ne pourras pas y arriver seule ! Répliqua Drago. Je suis tout aussi…

-Oui, je le sais ; le coupai-je. Mais ma réponse est non, j’irai seule cette fois-ci. Je détruirai Fuji Makoto de mes mains, de même que son armée.

-Asuna, tu te rends compte que ce que tu prévois est impossible pour une personne seule ? Me fit remarquer June. Prends au moins le temps d’y réfléchir…

-J’ai déjà bien assez réfléchi comme ça. Même si Fuji Makoto ne représente aucune menace pour le monde des esprits, sa présence dans mon monde en est une. J’ai déjà suffisamment tourné le dos à ce qui était réellement important, me laissant guider par mes émotions et voilà où ça m’a mené. Cette fois-ci, je compte bien mettre fin aux agissements de Fuji Makoto une bonne fois pour toute et libérer mon monde.

-Tu prétends donc que tu ne te laisses pas aveugler par la rage cette fois Asuna ? Rétorqua Ladd. Regarde-toi, tu répètes exactement ce que tu as fait il y a un an. Je te préviens que, si on ne fait rien, Fuji Makoto sera le dernier de nos problèmes et tu fonces tête baissée, guidée par la vengeance !

-Non, ce n’est pas pareil ; intervint alors Drago, gardant son calme. La dernière fois, tu n’agissais que pour toi, tu te fichais des conséquences de tes actes tant que tu aurais le sentiment d’avoir vengé une injustice. Est-ce que je me trompe ?

-Non, c’est exactement ça Drago ; lui répondis-je en souriant tristement devant ma propre bêtise.

-Mais cette fois-ci, tu fais un choix : le choix de sacrifier ton rôle dans cette guerre dont Ladd m’a parlée afin de protéger notre monde d’un fléau d’une ampleur égale. Tu as conscience des deux menaces mais tu sais que tu ne pourras n’en écarter qu’une, et tu choisis celle qui est la plus proche de toi, ce que je ne peux qu’approuver.

-Co…Comment ? S’étrangla l’esprit.

-Je suis d’accord avec Drago, Asuna ; compléta June. Nos deux mondes courent peut-être à leur perte si on ne fait rien, mais si tu as l’occasion de sauver le tien, fonce. A ta place, c’est ce que je ferais en tout cas.

-Vous deux…Est-ce que vous vous rendez compte de la portée de vos paroles ? S’indigna Ladd. Si nous réglons la crise des démons, Fuji Makoto ne sera plus qu’une formalité, qui sait même s’il ne sera pas vaincu avant cela !

-Justement, personne ne peut le dire, Ladd. Mais c’est aussi pourquoi, je ne peux pas laisser Drago m’accompagner, son rôle est bien trop important dans cette guerre ; repris-je, plus déterminée que jamais.

Je crus que l’esprit de duel allait m’attaquer à ce moment-là mais il se contrôla se contenta de me tourner le dos en grognant. A présent, tout était en place. Drago et June allaient retourner dans le monde des esprits comme le prévoyait le plan de départ tandis que moi, j’allais devoir retrouver l’armée de Makoto avant lui et la décimer.

Je soupirai. Tout paraissait si simple dit comme ça mais je ne doutai pas que cela n’allait pas être une partie de plaisir.

-Hinata, Chizuru, je pense que pour vous, le danger est écarté. Retournez voir Ichigo et dites-lui que tout est fini.

-Asuna, je n’ai pas tout compris…mais n’y a-t-il aucune autre solution ? Dois-tu forcément y aller seule ? Me demanda Hinata, inquiet pour moi.

-Je ne peux pas vous embarquer avec moi dans cette histoire et Drago a déjà d’autres chats à fouetter. C’est donc quelque chose que je dois faire seule.

-Dans ce cas, reviens nous vite.

Je serrai les deux amis dans mes bras avant de leur dire au revoir. Le voir s’éloigner me rendit un peu triste. J’aurais bien aimé pouvoir profiter un peu plus de nos retrouvailles mais je me dis qu’une fois cette histoire terminée, j’aurais tout mon temps pour ça…

Il ne restait que June, Drago, Ladd et moi dans la pièce et un silence pensant y régnait. Personne n’osait prononcer le moindre mot, de peur de ne relancer le débat qui semblait clôt quand soudain, je vis une lumière illuminer le ciel au loin et je reconnus la lumière caractéristique marquant l’ouverture d’un portail. Fuji Makoto, comme l’avait prévu June, était parti de ce monde et il ne tenait désormais plus qu’à moi de préserver la paix.

-Bien, je crois qu’il est temps de partir nous aussi ; finis-je par déclarer en mettant mes mains dans les poches de ma veste. Ladd, si tu veux bien.

Ce dernier se leva et me décocha un regard noir.

-Je continue à penser que cette solution n’est pas la bonne Asuna ; me répondit-il d’une voix glaciale. Mais tu es bien trop butée pour le comprendre.

-Et une minute ; nous interrompit June. Je viens d’y penser mais, que va-t-il se passer pour la mémoire de Drago ?

Je fronçai les sourcils. Il était vrai que je n’avais pas pensé à cela mais à chaque fois qu’il changeait de monde, ses souvenirs étaient modifiés. Cependant, le monde des esprits allait-il avoir cet effet également sur lui ? …Et puisqu’il n’avait aucun souvenir là-bas…cela signifiait-il qu’il allait perdre tous ses souvenirs, ceux concernant mon monde mais également ceux concernant le sien ?

-June, il y avait une raison pour laquelle je voulais envoyer Drago dans le monde des esprits avant tout le monde ; lui répondit simplement Ladd. Mais nous y penserons une fois arrivés.

Ne nous laissant pas le temps de protester, ce dernier reprit sa forme originelle et nous agrippa tous les trois avant de s’envoler en direction de la brèche.

Plus nous nous rapprochions et plus je ressentais son attraction sur nous et mon cœur s’accéléra. Une fois de l’autre côté, je serais seule et livrée à moi-même. Mon aventure avec Drago et les autres était sur le point de toucher à sa fin…




Hoshino Asuna : A la recherche du futur illusoire



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=iyG7tkTG5bg


Une douce brise me réveilla. J’étais allongée dans l’herbe humide du matin tandis qu’un soleil faible commencer à émerger dans le ciel et à projeter ses rayons dorés sur un monde qui m’était inconnu.

En me relevant, je pus voir qu’à côté de moi, June était encore inconsciente. Cependant, Ladd et Drago n’étaient pas là. Certainement avaient-ils dû se réveiller avant nous et partir en reconnaissance. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Je n’avais vraiment pas le cœur à leur dire adieu. Mieux valait-il que je parte sans me perdre dans des adieux interminables.

Je me mis à observer le monde qui s’offrait alors à moi. A première vue, il n’y avait rien d’extraordinaire : une vaste praire couverte d’herbe et de fleurs, des arbres, un petit lac, au loin quelques montagnes, un vent frais et un soleil en tout point identique à celui que je connaissais. Si je n’avais pas su que je me trouvais dans le monde des esprits, rien ne m’aurait indiqué que j’avais réellement changé de monde. J’aurais pu être simplement à un endroit ayant échappé aux bombardements, voire même dans le monde de Drago.

Cependant, je n’avais aucune piste de recherche, pas le moindre indice pour commencer à chercher quand soudain, j’entendis un bruissement derrière moi et, lorsque je me retournai, je vis Drago sortir d’un fourré, chargé de toutes sortes d’objets que nous ne possédions pas en partant.

-Oh, Asuna, tu es réveillée ; déclara-t-il joyeusement en me voyant. J’avais peur que tu ne sois déjà partie à mon retour.

Quelque chose dans son intonation me surprit néanmoins et je ne mis pas longtemps à comprendre que la mémoire de Drago avait une fois de plus été chamboulée.

-Non, mais j’allais partir ; lui répondis-je en regardant au loin.

-Tu es certaine que tu ne veux pas rester avec nous ? Au moins le temps d’obtenir quelques pistes ?

-C’est gentil de le proposer mais non. Ne vous embêtez pas avec moi, vous avez déjà assez à faire comme ça, je saurais me débrouiller.

Drago soupira et lâcha son fardeau puis vint se placer à côté de moi, exactement comme il l’avait fait dans la salle de club et se mit lui aussi à regarder au loin dans ce monde inconnu.

-Tu n’es pas obligée de faire ça, seule Asuna ; déclara-t-il alors. Angéla, June, ou même Darksky, je suis persuadé que nous pouvons régler ces deux conflits en même temps.

-Alors comme ça, tu as vraiment fini par retrouver toute ta mémoire ? Murmurai-je avec un léger sourire.

-Il semblerait, oui. Même si…j’ai encore du mal à accepter d’avoir agi comme ça avec toi et de t’avoir blessée sans même m’en rendre compte.

-Qu’est-ce que tu racontes ? Il y a moins d’un jour, tu me tenais encore responsable pour t’avoir rendu ainsi ; ris-je devant l’ironie de la situation.

-C’est vrai, et je n’ai pas changé d’avis, je te tiens toujours pour responsable au fond de moi mais, maintenant que je me souviens de comment j’ai agi aux côtés d’Angéla et Darksky, je regrette vraiment de ne pas avoir choisi cette voie là avec toi aussi.

-Il est trop tard pour regretter. Le passé est passé et de toute façon, si tu n’avais pas agi de la sorte avec moi, alors tu l’aurais fait dans l’autre monde. Je ne peux que m’estimer d’heureuse de connaitre enfin la vérité.

-Et maintenant que tu la connais, vas-tu essayer de me tuer comme tu te l’étais promis ? Me demanda Drago sans oser croiser mon regard et se concentrant sur les montagnes au loin.

Je ris à nouveau avant de lui répondre.

-Je ne t’ai pas pardonné mais je ne te tuerai pas pour autant. Ton monde a besoin de toi autant que le mien a besoin de moi. Mais ne t’avise pas de te mettre en travers de mon chemin où je n’aurais aucune pitié ; le prévins-je en reprenant mon sérieux.

-Dans ce cas, je ferai de mon mieux pour ne pas me mêler de ce qui ne me regarde plus.

Mon ami se tourna alors vers moi et me tendit son poing avec un sourire.

-Asuna, même si nous devons un jour nous opposer pour une quelconque raison, j’aimerais que, quoiqu’il arrive, aucun d’entre nous ne renonce à son objectif. Est-ce que tu peux me promettre ça, de te battre jusqu’au bout pour sauver ton…non, notre monde ?

-Je compte sur toi pour faire de même dans ce cas, Drago ; déclarai-je en lui rendant son sourire.

Nos deux poings s’entrechoquèrent, scellant ainsi notre promesse et, au même moment, j’entendis June se réveiller derrière nous.

-Je crois qu’il est temps pour toi de partir, Asuna. Ladd ne devrait pas tarder à revenir lui aussi.

-Je crois bien aussi ; lui répondis-je, la gorge nouée. Prends soin d’Angéla et des autres pour moi en mon absence.

-Je n’y manquerai pas et toi, rétablis la paix dans notre monde et même si je ne m’y suis jamais senti comme chez moi, je sais que notre club comptait beaucoup à tes yeux, alors, redonne le sourire à Ichigo, tu es la seule à pouvoir le faire.

En y repensant, j’en avais vécu des choses aux côtés de Drago. Mon accident, la création du club, sa disparition, mon voyage et ma vengeance, puis notre nouveau club de duel, notre combat contre Makoto…Toute ma vie avait été rythmée par sa présence ou son absence. Cela me faisait bizarre de me dire que nos chemins allaient finalement se séparer à partir de maintenant pour peut-être ne plus jamais se recroiser.

Mais malgré tout ce qu’il s’était passé, je ne regrettai pas de l’avoir rencontré. J’avais pu grandir à ses côtés, découvrant des facettes de moi-même que je n’aurais jamais pu trouver autrement et, même s’il m’avait causé de la peine et occupé toute ma vie, j’avais également passé de bons moments grâce à lui…

-Qui sait s’il me pardonnera un jour. La vie n’est pas noire ou blanche mais colorée de milliers de couleurs plus flamboyantes les unes que les autres ; finis-je par lui répondre en fermant les yeux.


https://www.youtube.com/watch?v=scUyXaWMyAk


Sur ces mots, je tournai les talons et, les mains dans les poches, je pris un petit chemin marqué dans l’herbe menant à l’inconnu et partant dans la direction opposée à celle d’où était arrivé Drago. Je ne savais pas où j’allais, ni même ce que je recherchais exactement mais une chose était certaine : cette fois-ci, j’allais tenir ma promesse et faire tout rentrer dans l’ordre.

Rapidement, je perdis Drago et June de vue pour me retrouver sur un sentier bordé d’arbres et délimité par une clôture, exactement comme celles existant dans mon monde. Il n’y avait personne sur ce chemin, ni homme, ni esprit de duel et seul le chant de quelques oiseaux inconnus résonnait jusqu’à mes oreilles.

Je marchai ainsi plusieurs minutes dans le calme le plus total, ne pensant à rien d’autre qu’à une façon de vaincre le plus rapidement l’armée de Fuji Makoto dans ce monde et j’en étais venue à la conclusion que le plus simple était encore de retrouver sa meilleure arme, c’est-à-dire le robot, et de le détruire.

Enfin, c’était plus facile à dire qu’à faire une fois de plus puisqu’il pouvait se cacher n’importe où dans ce monde…


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Soudain, alors que j’étais perdue dans mes pensées, j’entendis une voix à côté de moi et je sursautai, ne m’attendant pas à trouver quelqu’un sur cette route. Je fus d’autant plus surprise lorsque je vis qu’il s’agissait d’un humain, un garçon brun aux yeux verts qui devait avoir approximativement la vingtaine, habillé d’une singulière cape noire et qui était adossé sur le tronc d’un arbre, les bras croisés sur son torse. Ce dernier me dévisageait d’un regard dans lequel je n’arrivai pas à déchiffrer la moindre émotion mais je sentis mon œil vert réagir à la présence de ce garçon.

-Hoshino Asuna je présume ? Me demanda-t-il d’une voix dénuée de vie.

-A qui ai-je l’honneur ? Répliquai-je sur mes gardes, prête à me défendre en cas de piège de Fuji Makoto.

-Mon nom est Arthur Garden. Je suis envoyé par mon maitre, Armageddon, pour te faire une proposition.

J’écarquillai les yeux en entendant cela. Que me voulait-il ? Etait-il en colère que j’aie utilisé ses pouvoirs à son insu ? Voulait-il me punir pour cela ? Ou bien faisais-je totalement fausse route et voulait-il simplement renouveler ses avertissements sur mon implication dans les mondes ?

Devant ma confusion, le dénommé Arthur reprit la parole.

-Plus exactement, il voudrait t’aider dans ta quête.

-M’aider…dans ma quête ? Répétai-je.

-Oui, voici sa proposition : joins-toi à lui et Armageddon te donnera les informations pour localiser et détruire l’armée que tu cherches et je peux t’assurer que, dans le futur que nous tentons de protéger, ton monde est en paix.

-ça sent l’arnaque à plein nez ; déclarai-je, sceptique. En quoi lui serais-je utile en éliminant Makoto ?

-Tout simplement parce que Makoto représente une menace pour mon maitre également.

-Allons bon, je croyais qu’il ne s’agissait que d’un problème mineur ; ricanai-je. Voilà que maintenant le maitre du destin s’inquiète d’un simple humain.

-Il y a de quoi se poser des questions en effet, sauf si je te dis que Fuji Makoto est un allié de Gariatron, le démon originel qui tente de s’opposer à mon maitre.

Je m’étranglai. Alors comme ça, Fuji Makoto n’agissait pas de son propre chef ? En réalité, cela ne m’étonnait qu’à moitié. Il était impossible pour une personne comme lui de détenir un pouvoir assez grand pour invoquer des milliers de monstres en même temps, mais de là à le lier directement à Gariatron…Mais si c’était effectivement le cas, je n’avais certainement aucune chance de le vaincre seule.

Je me mordis la lèvre. Cela me coutait de l’admettre mais si je voulais anéantir cette ordure, il allait falloir que je trouve un allié…un allié aussi puissant qu’Armageddon…

Une pensée folle me traversa alors l’esprit. Armageddon était le maitre du destin, ce qui signifiait qu’il pouvait certainement agir à sa guise sur le passé et sur le futur…alors peut-être…peut-être qu’avec ses pouvoirs, il m’aurait été possible de changer le cours du temps, de me dire de retourner dans mon monde et combattre aux côtés d’Ichigo et Kagari au lieu de suivre une vengeance vide de sens…

Je souris lorsque je pensais à cela. Oui, avec Armageddon, non seulement je pouvais mettre fin aux agissements de Fuji mais j’avais peut-être même une chance de sauver Kagari…Il me suffisait simplement de me rapprocher suffisamment de lui et lui voler ses pouvoirs après avoir gagné sa confiance et, comme il le disait si bien lui-même, il ne pouvait prévoir mes agissements comme je ne venais pas de son monde, ce qui l’empêcherait certainement de voir clair dans mon jeu…

Galvanisé par cette pensée, je me tournai vers le serviteur d’Armageddon pour lui donner ma réponse, non sans quelques réticences pour ne pas paraitre trop suspecte :

-Ta proposition me parait honnête, Arthur. Mais j’aimerais voir ce futur en paix de mes yeux tout de même avant d’accepter. Qui me dit que ton maitre n’essaie pas de me manipuler parce que je contrarierai ses projets en combattant Fuji Makoto ?

-Evidemment, Armageddon ne s’attendait pas à ce que tu acceptes sans douter.

Le garçon s’approcha de moi et plaça sa main devant mon front et aussitôt, tout autour de moi devint flou. Ma tête se mit à tourner et je sentis mes membres perdre toute leur force d’un seul coup. Cette sensation désagréable ne dura que quelques microsecondes mais c’était comme si j’avais dû l’endurer pendant plusieurs heures, voire plus…


https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I


Lorsque je recouvrai la vue, je n’étais plus dans cette vaste prairie mais j’étais pas non plus à un endroit inconnu. J’étais de retour dans mon monde, mais mon monde tel qu’il était avant la catastrophe…non, tous les bâtiments me semblaient flambant neufs et je ne reconnaissais personne dans les rues.

A côté de moi se trouvait Arthur, les bras croisés dans son dos qui observait lui aussi cette scène banale qu’était une rentrée des classes en un beau jour de printemps.

Soudain, une voix attira mon attention derrière moi et en me retournant, mon cœur s’arrêta de battre. Il y avait une femme et sa fille qui se dirigeait dans notre direction mais…il n’y avait aucun doute. Cette femme devant avoir la quarantaine, aux cheveux presque bleus et aux yeux vairons…C’était…

-Tu désirais voir le futur, Asuna ; déclara Arthur devant ma stupéfaction.

Mon regard s’arrêta sur mon double du futur. J’étais accompagnée d’une petite fille, blonde, qui ne devait pas avoir plus de sept ou huit ans et qui me souriait en me tenant la main.

-Sois bien sage à l’école Miki et sois gentille avec tes camarades aussi ; déclara mon double.

Je l’embrassai avant de la laisser rejoindre ses camarades et, dans la cour remplie de vie et de rires, je reconnus la présidente Chizuru habillée du classique uniforme de proviseur appelant au calme alors que les élèves se ruaient sur les panneaux pour savoir dans quelle classe ils étaient.

La vision s’arrêta là et je revins d’un seul coup à la réalité, dans cette prairie du monde des esprits, le souffle coupé et l’esprit plus embrouillé que jamais.

Etait-ce réellement ça, le futur qui m’attendait si je mettais fin aux ambitions de Makoto ? Tout cela me paraissait tellement irréel mais…je devais y croire. Si je me battais, c’était pour qu’un futur tel que celui que je venais d’entrevoir voit le jour.

-Alors, quelle est ta décision Asuna ? Vas-tu te battre pour défendre les idéaux d’Armageddon et préserver ce futur, ou bien vas-tu foncer vers l’inconnu au risque de le sacrifier.

-Je…

Je ne pouvais pas laisser cette occasion me filer entre les doigts. Le risque d’échec était beaucoup trop important en l’absence de toute aide extérieure et, même si en m’alliant à Armageddon, je devais m’opposer à Drago et aux autres, je lui avais aussi fait une promesse : celle de rétablir l’ordre dans mon monde, et ce, à n’importe quel prix. J’étais persuadé que, si Drago avait été présent lui aussi, il n’aurait pas hésité et m’aurait ordonné de saisir ce futur qui me tendait les bras.

Ce n’était ni une illusion, ni un rêve. Ce futur était la réalité, une réalité menacée par les démons et Makoto, une réalité fragile et prête à se briser, une réalité que je me devais de protéger coûte que coûte.

-Très bien Arthur, j’ai fait mon choix. Je protégerai ce futur.





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le bon temps…

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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Chapitre 8 : Réunion de Famille



Spoiler :


Une douce mélodie emplissait l’espace de la salle du club de duel en cette belle soirée de fin d’automne. Miyako continuait à réviser ses contrôles hebdomadaires, Saya et Darksky s’affrontaient et Nagisa faisait l’arbitre tandis que mes doigts dansaient lentement sur les touches du piano. Qui dans cette salle aurait cru que nous étions proches d’une catastrophe en nous voyant ainsi ?

Cela faisait maintenant une semaine qu’Hélios nous avait prévenu de la menace pesant sur le monde des esprits et sur le nôtre, une semaine qu’il ne s’était rien passé, une semaine que je cherchais désespérément un moyen d’entrer en contact avec mon père…

Depuis la disparition de la forteresse, je n’avais eu aucune nouvelle de lui et, même si je ne m’en étais pas vraiment préoccupé jusque-là, cela m’étonnait que Gariatron n’ait toujours rien tenté. A vrai dire, tout était trop calme et toutes les menaces qui pesaient sur nous ne semblaient être qu’une vaste blague…

Mon doigt dérapa soudain, me faisant jouer une fausse note qui cassa toute l’ambiance et tous les regards se tournèrent vers moi.

-Désolée ; m’excusai-je, gênée.

-Tu as vraiment l’air ailleurs ces derniers temps Laura ; me fit remarquer Darksky. C’est cette histoire de monde des esprits qui te tracasse ?

-N…non…Enfin si mais pas que ça ; bégayai-je en détournant le regard.

Je ne pouvais pas leur avouer que je cherchais mon père. Il avait fait bien trop de mal et causé beaucoup trop de problème à tout le groupe pour qu’ils acceptent que je parte à sa recherche sans s’y opposer…

Avant qu’ils aient pu ajouter quoique ce soit, je me remis au piano, jouant un air beaucoup plus sonore cette fois afin de couvrir leur voix. J’étais seule. Je ne pouvais me confier à personne, pas même pas Darksky. Lui aussi se serait opposé à ce plan et aurait cherché une autre solution là où il n’y en avait pas. Seul mon père était capable de raisonner Arthur…du moins s’il lui restait encore quelque chose de notre ancienne vie…

Cependant, nous ne continuâmes pas beaucoup plus longtemps nos activités, ma remarque ayant jeté un froid dans la pièce et tout le monde finit par partir et je restai la dernière dans la salle, continuant à jouer pour tenter de penser à autre chose que mon père.

Mais, alors que je pensais être seule, j’entendis des bruits de pas derrière moi et en me retournant, je fis sursauter Saya qui essayait visiblement de s’introduire dans la salle discrètement, sans que personne ne la remarque.

-Tu as oublié quelque chose ? Lui lançai-je.

-On peut dire ça oui ! Me répondit-elle avec un grand sourire qui ne me disait rien de bon. J’ai oublié de te dire que Iori voulait te voir après les cours.

-Iori ? Répétai-je intriguée. Qu’est-ce qu’elle peut bien avoir à me dire ?

-Je ne sais pas, peut-être qu’elle veut rejoindre le groupe, elle se débrouille bien tu sais ; hasarda la blonde en haussant les épaules.

Je fronçai les sourcils, plus que sceptique. Je doutais fort que la jeune fille ait soudainement eu une envie folle de chanter avec Saya, surtout compte tenu de sa timidité et de son malaise permanent quand elle était en groupe. Mais j’avais beau me creuser la tête, impossible de deviner ses motivations et je finis donc par accepter.

A peine eussé-je dit cela que Saya m’attrapa par le bras et me traina à l’extérieur, me laissant à peine le temps de prendre mes affaires et de refermer le piano qui émit un bruit dont je ne préférais ne pas connaitre l’origine.

A force de protester, la blonde finit néanmoins par me lâcher et ralentit le rythme ce qui me permit de constater que je connaissais assez mal ce coin de la ville et je réalisai que, depuis qu’elle habitait ici, nous n’étions jamais allés chez elle.

Sur le chemin, nous parlâmes de tout et de rien…enfin, Saya parla de tout et de rien puisqu’elle ne me laissait pas placer un mot. Son énergie et son entrain demeuraient un mystère pour moi. Comment faisait-elle pour être survoltée à chaque instant de la journée et jamais fatiguée ?

Finalement, après dix minutes de marche, nous arrivâmes chez elle. Comparée au manoir de Darksky ou la maison que nous avions en Angleterre, la sienne faisait vraiment pâle figure mais elle avait néanmoins un certain charme.

Lorsque nous entrâmes, je fus immédiatement choquée par la propreté des lieux. Lorsque je voyais le casier et le bureau de Saya à l’école, je ne me doutais pas une seule seconde qu’elle ait eu la notion de rangement chez elle…

-Iori, je suis rentrée ! S’exclama-t-elle une fois la porte passée.

Lorsqu’elle prononça ces mots, le ton de sa voix changea, passant de stupide à celui d’une mère rentrant du travail…

Personne ne lui répondit et la blonde reprit aussitôt son ton naturel en se contentant de hausser les épaules avant de jeter son sac par terre et m’inviter à prendre quelque chose dans la cuisine.

C’était assez étrange de me retrouver chez Saya où je pouvais voir deux facettes totalement opposées de sa personnalité cohabiter : celle de la jeune fille joyeuse et nonchalante que nous connaissions tous à l’école et celle de la jeune fille ayant dû grandir seule et ayant pris ses responsabilités.

-J’y pense Laura, mais on n’a jamais eu l’occasion de se retrouver toutes les deux seule à seule ; me fit soudain remarquer la blonde alors qu’elle préparait une grenadine.

-Non, en effet ; admis-je.

-Ça tombe bien, j’avais plein de questions à te poser ! S’exclama-t-elle en retrouvant sa gaité. Comment tu as rencontré Darksky exactement ? Il s’est passé quoi pour que tu le quittes ? Pourquoi tu as essayé de le tuer ? Comment vous avez fini par vous remettre ensemble ?

-Je…Tentai-je avant d’être à nouveau interrompue.

-Est-ce que tu l’as déjà fait avec lui ?

Je m’empourprai aussitôt et je détournai les yeux, ne pouvant supporter le petit regard malicieux de Saya qui avait l’art de mettre mal à l’aise et qui ricanait tout en commençant à siroter…Cependant…elle n’était pas la seule à pouvoir faire ça et je comptais ne pas la laisser se moquer de moi comme elle le désirait…

-Bah oui, pourquoi ? Lui dis-je en haussant les épaules d’un ton se voulant naturel.

La blonde s’étouffa aussitôt et recracha toute sa gorgée avant d’écarquiller les yeux, interdites et ce fut à mon tour d’éclater de rire devant son air ahuri.

-Ce n’est pas sympa ça Laura, j’aurais pu mourir ! se plaignit-t-elle en toussotant.

-Tu n’avais qu’à pas poser une question aussi bizarre ; rétorquai-je, l’œil brillant, satisfaite de moi-même.

-J’étais juste curieuse moi ! Continua-t-elle. Et puis, je ne suis pas la seule à me poser la question tu sais.

-Comment ça… « Pas la seule » ? Répétai-je, suspicieuse.

-Bah, Iori se le demandait aussi quand je lui ai dit que vous habitiez ensemble et Angéla m’a posé la question à Noel…

-La vie privée, vous connaissez ou ça vous est totalement étranger ?

Pour toute réponse, la blonde éclata à nouveau de rire et je ne pus m’empêcher de la suivre tellement notre conversation était stupide et banale et je me rendis compte à quel point des conversations comme celles-là m’avaient manquées ces derniers temps.

Cela dura une bonne minute avant de pouvoir nous arrêter et reprendre un semblant de sérieux, même si je sentais que nous aurions pu repartir à la moindre parole déplacée.

-Vraiment, faudrait que vous passiez au niveau supérieur, je ne vous ai même jamais vu vous embrasser alors que vous êtes censés être en couple ; déclara Saya en me donnant un coup de coude dans les côtes.

-Je ne pense pas que sortir avec Darksky soit ma priorité pour le moment ; lui répondis-je sérieusement.

-Tu devrais vraiment prendre exemple sur Hélios et te détendre un peu plus, Laura. A force de froncer tout le temps les sourcils, tu vas finir aussi grognon que Miyako. Tu sais, moi aussi j’avais tendance à tout prendre au sérieux il y a longtemps.

-Vraiment ? M’exclamai-je, ne pouvant même pas imaginer cela.

Le sourire de Saya changea et elle regarda son verre avec nostalgie.

-C’était il y a quelques années…lorsque j’ai rencontré Darksky pour être exacte, et on ne peut pas dire que j’aie été la meilleure partenaire qui soit. Nous avions une mission et j’étais uniquement focalisée dessus, oubliant tout le reste alors que lui, tentait avant tout de former une vraie équipe avec moi. Ce qu’il s’est passé n’est pas très important, mais c’est en restant à ses côtés que j’ai compris ce que j’essaie de te dire aujourd’hui.

-C’est amusant…J’ai l’impression de lui avoir dit exactement la même chose il y a bien longtemps…Murmurai-je en me remémorant notre rencontre. Il ne pensait qu’à protéger sa sœur et, pendant ce tournoi, je lui ai dit de s’amuser simplement…

-Donc j’imagine que je ne t’apprends rien aujourd’hui si c’est toi qui l’as appris à celui qui me l’a appris ; me sourit la jeune fille. Et j’imagine aussi que je dois te remercier dans ce cas. Sans toi, je ne serais peut-être même pas là à l’heure actuelle !

-Ce…Ce n’est rien…Bafouillai-je. Je n’ai fait qu’enseigner ma façon de vivre de l’époque à Darksky…Et puis, après tout, je devrais peut-être te remercier aussi pour me l’avoir rappelé aujourd’hui.

-Parfait, on est quitte dans ce cas ! S’exclama la blonde avec un large sourire que je lui rendis.

Ne voyant toujours pas Iori, nous nous assîmes dans le salon et je me mis à lui raconter ma rencontre avec Darksky, comment nous étions devenus inséparables puis le départ de mon père pour l’Angleterre. Saya ne put s’empêcher d’éclater à nouveau de rire quand je lui expliquai quelle était la raison de ma jalousie et je me sentis immédiatement stupide en apprenant la vérité.

-Ah mais non, je ne dormais pas, j’étais évanouie, ce n’est pas pareil ! Je crois que je m’étais pris un coup d’épée dans la jambe ou quelque chose du genre ! S’exclama Saya en pouffant.

-Et comment j’aurais pu deviner moi ; grommelai-je en gonflant les joues.

Au même moment, un fracas infernal provenant du premier étage retentit dans la maison et, alors que je me levai d’un bond, affolée, Saya se contenta de lever les yeux au plafond et de mettre un doigt devant sa bouche.

-Ah, mais elle était là finalement ; déclara-t-elle alors que de la poussière tombait des murs.

Sans me donner davantage d’explications, la blonde m’entraina à sa suite au premier étage et ouvrit la première porte, me laissant découvrir ce qui ressemblait à un vaste champ de bataille…du moins, c’était l’impression que j’avais en voyant la chambre de Iori couverte de livres trainant partout, de feuilles volantes entassées au sol et sur les murs, trois immenses tableaux étaient parsemés de calculs incompréhensibles. C’était à peine si j’arrivais à distinguer le lit et la table de chevet dans ce bazar sans nom…

Iori était là aussi, au milieu de la pièce, une craie dans une main, un énorme livre dans l’autre et une pile renversée à côté d’elle qu’elle ne semblait même pas avoir remarqué.

-Iori, tu pourrais répondre quand je t’appelle ! La sermonna Saya.

La jeune fille sursauta en entendant la voix de mon amie et fit tomber son livre qui toucha le sol dans un vacarme insupportable.

-Hein, q…quoi ? C’est…C’est toi Saya ? Désolée, j’étais absorbée par ma nouvelle théorie sur l’application de la quatrième dimension à la médecine ; s’excusa Iori en ramassant son livre.

-Certainement, je n’y comprends rien de toute façon mais je crois que tu voulais aussi voir Laura donc je l’ai amenée ici.

Le regard de sa colocataire s’éclaira immédiatement en me voyant et, laissant à nouveau tomber son livre, se précipita sur moi.

-Enfin te voilà, ça fait presque une semaine que je dis à Saya de te faire venir mais tu es toujours occupée !

Je lançai un regard interrogateur à l’intéressé que se contenta de siffloter tout en s’éclipsant discrètement, nous laissant toutes les deux seules dans la pièce.

-Bon, passons ; soupirai-je. Pourquoi avais-tu besoin de me voir moi en particulier ?

La fille aux cheveux d’ébène s’assura que son amie était bien sortie de la pièce et ferma la porte à clé avant de fouiller dans la masse de papiers au sol et d’en extraire un petit boitier pas plus gros qu’un miroir de poche et revint se placer devant moi, l’air bien plus sérieuse.

-J’ai fait quelques recherches depuis la semaine dernière à partir de ce que vous a dit Hélios et avec un peu d’aide, j’ai pu créer ça : un transporteur interdimensionel.

Je restai bouche bée devant sa déclaration et mon regard passa successivement de la petite boite à la jeune fille. Je ne savais pas ce qui était le plus impressionnant : qu’une fille de mon âge ait pu réaliser quelque chose d’aussi complexe…ou tout simplement l’existence de cette chose…Mais ce qui était certain, c’était que grâce à Iori, nous allions pouvoir prendre une longueur d’avance sur Armageddon et rejoindre Hélios dans le monde des esprits !

Je m’apprêtai déjà à féliciter la jeune fille et prévenir tout le monde mais cette dernière prit les devants.

-S’il te plait, n’en parle pas aux autres pour le moment mais je n’ai pas construit cette machine pour me rendre dans le monde des esprits…Murmura-t-elle.

-Mais…Pourquoi alors ? Lui demandai-je, confuse.

-J’ai…Comment dire…reçu un message provenant d’un autre monde…Un message provenant de ton père…


Je fixai la jeune fille sans dire un mot, interdite. Pourquoi était-elle en contact avec mon père ? Certes, Iori était très mystérieuse depuis que nous la connaissions mais…se pouvait-il qu’elle fût un espion de Gariatron dans nos rangs ? Non…ce n’était pas possible, je devais me faire des idées. Iori était tout sauf quelqu’un jouant un double jeu. Mais une question planait toujours au-dessus d’elle : quelles étaient ses véritables motivations dans ce combat ? Aucun d’entre nous n’arrivait à le dire avec précision. Nous savions juste qu’elle avait pris part à cette bataille dans le but d’éliminer Armageddon…

Devant mon manque de réactions, Iori s’affola et fit de grands gestes avec les mains pour se défendre :

-Ce… Ce n’est pas ce que tu crois Laura ! Je ne travaille pas avec Gariatron ou ton père ! C’est juste que…je suis entré en contact avec quelqu’un dans l’autre monde et il s’agissait de ton père par le plus grand des hasards, rien de plus !

-Ne t’inquiète pas Iori, aucun d’entre nous ne te soupçonne de quoique ce soit ; la rassurai-je. Par contre, s’il y a bien quelque chose que je me demande, c’est pourquoi mon père n’est pas dans ce monde actuellement…

-Je n’en sais pas plus que toi mais il m’a dit qu’il devait te parler de quelque chose d’important…

Quelque chose d’important…Peut-être était-il lui aussi au courant du retour d’Arthur en tant qu’agent d’Armageddon et qu’il avait des explications…Si c’était le cas, je n’avais pas une seconde à perdre…Même si Gariatron n’avait pas rejoint Luminion dans la bataille, je savais que mon père ne me voulait aucun mal et, compte tenu de mes propres forces, je ne risquais certainement rien.

-Iori, est-ce que tu peux me conduire à lui ? Demandai-je alors, bien décidée à éclaircir cette affaire.

-Tu…Maintenant ? Sursauta Iori. Je ne sais pas si ce prototype est tout à fait au point. Il est possible que nous ne puissions pas revenir tout de suite…

-Si nous n’agissons pas maintenant, il se peut que mon père disparaisse à nouveau de la circulation ! Rétorquai-je. Et j’ai confiance en tes compétences Iori, si tu as construit ce cube, c’est qu’il n’y a aucun risque ; ajoutai-je avec un clin d’œil.

La jeune fille détourna le regard, gênée et je ris de bon cœur. C’était vraiment facile de mettre Iori mal à l’aise, d’autant plus qu’elle était certainement bien plus douée que n’importe lequel d’entre nous sur le plan scientifique, accentuant le contraste entre la fille timide et peu sûre d’elle avec le génie qu’elle cachait.

-Laisse-moi une minute dans ce cas, je dois juste régler les paramètres.

Iori s’éclipsa dans un coin de sa chambre et commença à fouiller dans la liasse de papiers qui trainait au sol et j’en profitai également pour rédiger un petit mot à l’attention de Saya et des autres leur annonçant qu’on partait pour le week-end afin de ne pas les affoler s’il y avait un dysfonctionnement.

Lorsque je posai le stylo, j’entendis derrière moi le bruit d’un moteur qui chauffait et je vis la machine de Iori s’illuminer en même temps qu’un éclair traversa l’espace de la chambre puis, une seconde plus tard, un trou s’ouvrit, donnant directement sur le toit d’un immeuble, exactement comme avec les portails d’Hélios si bien que je n’étais pas vraiment surprise. Iori n’hésita pas une seconde et passa de l’autre côté et je pris sa suite.

Cependant, je m’attendais à tout trouver dans l’autre monde…mais pas ce que j’avais sous les yeux. En effet, alors que je pensais me retrouver dans une ville ordinaire pleine de vie et de monde, seules des ruines se dressèrent devant moi, à perte de vue. La plupart des façades avaient été arrachées, les immeubles étaient même parfois réduits à un ou deux murs tenant en équilibre par un miracle et dans les rues, une épaisse neige rouge s’amoncelait sur les épaves des voitures et des objets laissés.

-Que s’est-il passé…Murmurai-je, abasourdie.

-Alors c’était donc vrai, ce monde a réellement été détruit…Déclara Iori, tout aussi choquée que moi.

-Et ce n’est que le début ; affirma une voix derrière nous.

Je me retournai en sursaut, ayant immédiatement reconnu cette voix grave et lente et, comme je le pensais, à l’autre bout du toit se trouvait mon père, nous tournant le dos, les mains dans les poches de son long manteau noir que ma mère lui avait acheté longtemps avant et qu’il n’avait jamais abandonné depuis.

Lui, cependant, ne se retourna pas et continua à fixer les ruines, immobile alors qu’un vent glacial soufflait sur nous et nous glaçait les os.

-C’est en voyant des scènes comme celles-ci que mon envie de façonner un nouveau monde me submerge à nouveau ; continua-t-il de sa voix dénuée d’émotion. L’envie de pouvoir d’un seul homme a mené le monde à sa perte. L’humanité n’a pas du tout évolué depuis l’époque d’Hélios…

-C’est donc pour ça que tu te bats encore avec Gariatron, papa ? Rétorquai-je d’une voix tout aussi froide. Tu désires encore et toujours te venger, même après tout ce temps ?

Mon père marqua un temps d’arrêt et tourna légèrement la tête dans ma direction. Cependant, son regard était dissimulé derrière ce masque noir qu’il portait sur l’œil gauche, si bien qu’il m’était impossible de discerner ses émotions.

-ça faisait bien longtemps, Laura. Tu as grandi depuis le temps.

-Ce n’est pas comme si tu ne savais pas où me trouver, ne fais pas semblant de t’être inquiété pour moi l’année dernière ; répliquai-je froidement, agacée par son attitude désinvolte.

-Pourquoi me serais-je inquiété ? Je savais que tu étais entre de bonnes mains ; continua-t-il. Et puis, c’est faux, je suis venu, une fois, mais Darksky n’avait pas l’air ravi de me voir alors j’ai gardé mes distances avec vous deux.

-Est-ce que je dois en conclure que maintenant que tu as contacté Iori, tu t’inquiètes pour moi et que tu n’avais plus d’autre option ? Ou bien Gariatron t’aurait-il demandé de me recruter ?

-Iori…Je t’avais pourtant demandé de ne surtout pas en parler à ma fille ; rit mon père légèrement.

La jeune fille se crispa immédiatement mais mon père ne lui laissa pas le temps de s’excuser et reprit la parole.

-Enfin, cela n’a plus vraiment d’importance. J’imagine que si tu as accepté de venir, c’est que tu as quelque chose à me dire toi aussi, Laura.

-En effet, ça fait un moment que je te cherche pour te parler d’Arthur.

-J’arrive donc déjà trop tard ? Soupira mon père en baissant la tête.

-Explique toi papa, tu m’as affirmé que mon frère était mort, alors pourquoi combat-il aux côtés d’Armageddon maintenant ? Pourquoi ne se souvient-il plus de moi ? Pourquoi veut-il me tuer ? Que s’est-il vraiment passé ce jour-là ? A quel moment m’as-tu menti ?

Mon père ne me répondit pas immédiatement et reporta son regard au loin, vers un bâtiment ressemblant à un laboratoire, la dernière construction encore en état dans ce champ de désolation. Cependant, si mon père croyait qu’il pouvait simplement ignorer mes questions en détournant la conversation, il se trompait lourdement. Si j’étais venue ici, c’était pour avoir des réponses et je ne comptais pas repartir sans.

-Alors, j’attends ; répétai-je en croisant les bras sur ma poitrine et commençant à taper du pied pour montrer mon impatience.

Mon père soupira et se tourna enfin vers moi et je pus finalement voir son visage. Il n’avait pas changé en un an à l’exception de son regard dans lequel la folie semblait avoir fait place à la lassitude et la fatigue, soulignée par quelques rides commençant à se creuser sur son front.

-Je ne t’ai pas menti Laura. Quand cet homme, Sayer, est venu nous attaquer, j’ai échoué à protéger ta mère et ton frère. Je n’ai rien pu faire à part regarder notre maison brûler, impuissant et dévasté…

-Alors comment ? Comment Arthur a-t-il pu survivre alors qu’il était dans le coma ? Comment aurait-il pu échapper aux flammes alors que maman n’a même pas pu se sauver ? Comment se fait-il que tu aies admis leur mort sans même en avoir la confirmation !

J’avais élevé la voix en prononçant ces mots et mon père grimaça puis détourna le regard pour ne pas à avoir à affronter le mien mais je ne cédai pas. Quelque chose n’allait pas dans cette histoire et je comptais bien le découvrir.

-Laura…il y a des choses que tu ne peux pas comprendre sans les avoir vécues ; murmura mon père d’une voix éteinte. Crois-tu vraiment que j’ai eu le choix ? Crois-tu que j’aie tout abandonné derrière moi de bon cœur ? Crois-tu que réellement que je n’ai pas regretté de n’être jamais revenu ?

-Dans ce cas, n’affirme pas des choses que tu ne sais pas ! Rétorquai-je, la colère me gagnant peu à peu. Lorsque j’ai relâché ma rage et cédé à la malédiction pour me venger, c’était uniquement parce que tu m’avais dit qu’Arthur et maman étaient morts alors que tu ne le savais même pas toi-même ! Je suis certaine que ta propre haine provenait de cette fiction que tu t’étais toi-même inventée et que tu refusais de vérifier pour te trouver une raison de combattre Hélios alors que tu aurais pu sauver notre famille !

-L…Laura…je ne pense pas que…Tenta Iori voyant que tout cela risquait de dégénérer avant de se faire interrompre par mon père.

-Tu as raison Laura, je n’ai pas fait ce que j’aurais dû faire. Je sais que je n’aurais pas dû agir de la sorte…mais n’as-tu pas fait exactement comme moi ? N’as-tu pas caché quelque chose d’autre sous cette malédiction t’ayant poussé à te venger de Darksky ?

-N…N’essaie pas de détourner la conversation papa, je parle de toi ! Répliquai-je en serrant les dents.

-Tu peux me blâmer, Laura, je le mérite, j’ai fait de nombreuses erreurs, mais c’est aussi mon devoir de père de te remettre sur le droit chemin.

-Comme si tu avais assuré ce rôle ces dernières années…Marmonnai-je suffisamment bas pour qu’il ne m’entende pas.

Il pouvait dire ce qu’il voulait, si j’avais agi de la sorte et si je m’étais laissée dévorer par la malédiction sans opposer de résistance, ce n’était pas simplement par jalousie mais c’était aussi parce que je pensais qu’en le suivant, j’aurais pu le faire revenir à la raison, que nous aurions pu repartir de zéro tous les deux, que nous aurions pu surmonter ensemble la mort de ma mère et Arthur, que nous aurions pu former la famille que nous n’avions jamais pu être.

Certes, je n’étais pas toute blanche dans cette histoire non plus, n’ayant pas vu non plus le danger que représentait Gariatron à l’époque et me laissant aveugler, mais…c’était à ce moment-là qu’il aurait dû jouer son rôle de père et me prévenir et pas à présent que tout était passé. C’était trop facile de s’excuser à postériori.

-En y repensant, j’ai été stupide d’essayer de te ramener à la raison puisque tu ne m’as jamais écoutée, pas même avant…Murmurai-je en serrant le poing.

-Je n’ai toujours voulu que votre bonheur à ta mère, Arthur et toi ; me répondit mon père en levant les yeux vers le ciel grisâtre.

-Ne me fais pas rire…Tu étais toujours absorbé par ton travail si bien que je passais plus de temps avec Darksky qu’à la maison pour échapper à cette ambiance étouffante…

Un souvenir me revint alors en mémoire, un souvenir que j’avais éclipsé de mon esprit car trop douloureux, un souvenir que je préférais dissimuler derrière une idéalisation de mon passé, un souvenir ayant permis ma rencontre avec Darksky.

Si j’avais commencé à jouer au duel de monstres, à rester sur la falaise à contempler le paysage et à défier Dan dans le parc, c’était parce que je ne me sentais pas à ma place chez moi. Et, même si je ne prenais aucun plaisir à jouer à ce jeu et que j’étais mauvaise, au moins j’avais une échappatoire à cette vie morne et monotone. Au début, je pensais pouvoir trouver ce salut dans le piano mais en réalité j’étais encore plus oppressée par l’envie de briller pour que mon père et ma mère oublient pendant un temps leur travail pour voir mes progrès…

En vérité, je ne détestais pas mon père à cette époque, mais je n’étais pas non plus une fille à papa, nous étions même assez distants. Ce dernier travaillait tout le temps, ma mère faisait de son mieux pour concilier la vie de famille et son travail et Arthur avait fui cette ambiance avant moi en passant le plus clair de son temps avec ses amis.

C’était peut-être d’ailleurs pour ça que j’avais pu tomber amoureuse de Darksky, parce qu’il était le seul à m’accepter, à m’accorder de l’attention. Il était le seul avec qui je pouvais être franche et le seul en qui je pouvais avoir pleinement confiance. Il était le seul à ne pas savoir quel était le poste de mon père et à ne pas me juger là-dessus. C’est pourquoi j’avais été si jalouse en le voyant avec Saya ce jour-là. J’avais eu ce sentiment qu’il m’avait déjà oubliée, que pour lui, je n’étais qu’une amie comme une autre alors qu’il était bien plus que ça pour moi…

-Si je travaillais autant, c’était pour vous permettre de vivre à tous les trois ; rétorqua alors mon père en fronçant légèrement les sourcils.

-Est-ce que tu veux réellement me faire croire que tu as pensé une seule seconde à nous lorsque tu as accepté ce poste en Angleterre ? Répliquai-je en élevant la voix à nouveau. Tu nous as annoncé du jour au lendemain qu’on partait, le sourire aux lèvres sans même te demander ce que nous avions ressenti ce jour-là Arthur et moi !

-Je pensais que vous aviez besoin de changer d’air Arthur et toi, que vous prendriez cela comme de longues vacances ; me répondit mon père d’un air désolé. Vous sembliez toujours distants à la maison.

-Peut-être parce que c’était toi qui avais besoin de changer d’air ! M’exclamai-je au bord de la rupture. C’est exactement ce que je disais, tu étais tellement absorbé par ton travail que tu étais incapable de comprendre quoique ce soit !

-Parce que je pensais que c’était le seul moyen pour vous d’avoir une vie heureuse. Avec cette malédiction que nous possédons tous, qu’auriez-vous eu d’autre si j’avais disparu du jour au lendemain ? Comment auriez-vous pu survivre sans tout cela ?

-Et pourtant, tu n’as pas cherché une seule seconde à me rattraper lorsque je me suis enfuie de la maison ! M’écriai-je. Etait-ce de cette sorte que tu voulais me protéger ? Ne jouais-tu ton rôle de père que tant que nous étions présents à la maison ? T’es-tu même inquiété de savoir ce que je devenais ?

J’allais continuer à rajouter d’autres couches mais Iori mit sa main sur mon épaule et me lança un regard me suppliant d’arrêter tandis que mon père baissait la tête, les yeux fermés et un sourire triste aux lèvres.

-Alors même à cette époque, je faisais tout de travers…Murmura mon père comme résigné à accepter son sort.

Ma colère retomba subitement lorsque j’entendis cela. Sa voix était sincère et chargée de regrets et je ne pus m’empêcher de m’en vouloir d’avoir été aussi dure avec lui. Après tout, qui étais-je pour le juger alors que j’étais pareille, voire même pire que lui pour comprendre les autres…

-Je…Désolée, je ne voulais pas dire ça ; m’excusai-je en détournant le regard, honteuse.

-Tu n’as pas à t’excuser Laura ; me répondit-il. Ta mère me disait souvent que j’étais incapable de comprendre les autres et elle avait raison on dirait.

Mon père sortit alors le médaillon qu’il portait autour du cou, le même que je gardais précieusement dans ma chambre et dans lequel se trouvait une photo de nous quatre à notre arrivée à Viridian et il le regarda longuement d’un regard vide.

-Comment aurais-je pu ne pas m’inquiéter ; soupira-t-il. Mais je ne pouvais pas partir, pas avec ton frère dans le coma…Crois-moi Laura, chaque matin, je me réveillai avec cette angoisse que tu n’aies pas réussi à atteindre notre but où qu’il te soit arrivé malheur mais j’étais obligé de rester, pour ta mère et pour Arthur…Tu as du certainement me détester autant que je me déteste actuellement pendant tout ce temps…

-Même en le voulant…J’en étais incapable…Murmurai-je à mon tour en serrant le poing.

Au même moment, l’immeuble sur lequel nous nous trouvions se mit à trembler et je vis le portail vaciller derrière nous, comme s’il était sur le point de se refermer. Iori écarquilla les yeux de stupeur tandis que mon père tourna à nouveau son regard au loin et ce que je vis me laissa sans voix.

Des entrailles de la terre surgirent des monstres de duel…des milliers de monstres de duel, presque autant que lorsque nous avions combattu les démons l’année passée et tous étaient réunis en un seul endroit.

-Je crois qu’il est temps pour vous de partir. La grande bataille de ce monde est sur le point de débuter ; déclara mon père sereinement en remettant les mains dans ses poches.

-La grande bataille ? Mais qu’est-ce que tu racontes papa ? Tu ne vas quand même pas rester ici ! Rétorquai-je, affolée.

-Laura, je sais que je n’ai pas fait ce qu’il fallait par le passé mais je compte bien me racheter. Une fois que cette guerre sera terminée et Armageddon vaincu, notre famille sera réunie, je t’en fais le serment.

Mon père se retourna une dernière fois et me sourit comme il ne l’avait pas fait depuis si longtemps et je ne pus rien faire d’autre que d’ouvrir la bouche sans qu’aucun son n’en sorte, interdite en entrevoyant l’homme que je pensais avoir disparu.

-Nous nous reverrons plus tard, Laura. Iori, prends soin de ma fille.

Sans autre sommation, mon père fit un geste de la main et un puissant vent se mit à souffler et me propulsa en arrière, directement à travers le portail pour me retrouver dans la chambre de Iori qui me rejoignit juste avant que sa machine n’explose et que le trou ne se referme sur mon père disparaissant à travers les ruines de la ville.

-L…Laura, est-ce que ça va ? S’inquiéta la jeune fille en me voyant à terre.

Cependant, j’étais encore bien trop choquée par les mots de mon père pour lui répondre. Reformer notre famille…Y pensait-il vraiment cela possible ? Moi-même, je voulais y croire de toutes mes forces mais je n’entrevoyais aucune solution. Arthur était amnésique et ne désirait que me tuer, mon père combattait aux côtés de Gariatron et j’étais dans le camp d’Hélios. Il y avait beaucoup trop d’obstacles empêchant mon père de tenir cette promesse…et pourtant…au fond de moi, il restait un espoir.

De plus, j’avais remarqué un changement chez mon père. Depuis la défaite de Gariatron, il semblait non seulement avoir retrouvé la raison mais en plus il me semblait même plus…lucide qu’avant, comme si quelqu’un lui avait montré ses erreurs et qu’il les avait comprises.

-Tu sais, tu ne dois pas en vouloir à ton père Laura, il tient à toi plus qu’à n’importe quoi ; continua Iori en me voyant froncer les sourcils.

-C’est une question que je me suis longtemps posée Iori, lui répondis-je en baissant les yeux. Et, même si mon père à l’air d’avoir ouvert les yeux, j’ai toujours du mal à admettre ce qu’il a fait…Tu penses qu’il disait la vérité ? Tu penses qu’il n’agissait que pour notre bien ?

La jeune fille réfléchit une seconde avant de me répondre.

-J’ai connu quelqu’un comme ton père. Cette personne avait perdu sa fille et se pensait seul responsable de sa mort. Cet homme était convaincu que, s’il avait été un meilleur père, tout cela ne serait jamais arrivé. Puis un jour, quelqu’un lui a donné l’occasion de tout effacer et il n’a pas hésité une seconde.

Iori marqua une pause et me regarda droit dans les yeux et je vis dans son regard une assurance et une détermination qui lui étaient inhabituels, comme si elle parlait d’elle-même.

-Ce que je veux te dire Laura, c’est que ton père tiendra sa promesse, quels qu’en soient les sacrifices nécessaires, il fera tout pour que ton frère et toi puissiez à nouveau être réunis, exactement comme cet homme que j’ai connu qui a dépassé toutes les limites pour sauver sa fille.

Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant cela. Iori avait raison, c’était exactement le genre de mon père et en y repensant. Même dans sa folie destructrice, il n’avait en tête que de se venger de ceux ayant détruit notre famille, allant même jusqu’à s’allier avec Gariatron pour arriver à ses fins et j’étais persuadée qu’il n’avait pas changé sur ce point.

-Souvent…je me demande ce que nous serions sur les choses avaient été autrement ; finis-je par dire en passant mon regard par la fenêtre. Que se serait-il passé si je ne m’étais pas sentie enfermée ? Si je n’avais pas fait ce tournoi durant lequel j’ai rencontré Darksky ? Si la malédiction n’avait pas existé ? Si j’avais été vaincue par Zorc lors de la guerre ?

La jeune fille tiqua légèrement lorsque je prononçai ces mots mais se reprit aussitôt. Néanmoins en prononçant moi-même ces mots, je me rappelai de quelque chose d’autre : de ce sentiment de malaise après la défaite des démons et des rêves de Darksky me voyant morte et une idée folle me traversa l’esprit. Se pouvait-il que ce monde ait vraiment existé ?

Iori m’interrompit dans mes réflexions en reprenant la parole.

-Je…Je pense qu’il ne vaut mieux pas penser à cela Laura ; s’exclama-t-elle, mal à l’aise. De toute façon, une théorie voudrait que chacune de nos actions crée un monde différent qui pourrait soit être meilleur, soit être pire. Il existe certainement un monde où ton père a fait les bons choix, un monde où tu n’as pas rencontré Darksky ou même un monde où tu es morte mais quelle importance ? Ce n’est pas ta réalité ! Tu es bien vivante, aux côtés de pa…de Darksky et des autres, tu n’as pas besoin de te torturer l’esprit pour imaginer chaque possibilité existante !

-Tu dois certainement avoir raison ; lui répondis-je en riant. Ça ne sert à rien de vivre dans un rêve après tout…même si j’ai parfois l’impression que certains rêves sont plus réels que la réalités…

Iori grimaça et détourna le regard vers sa machine ayant explosé et se mit à l’observer attentivement, cherchant visiblement à détourner cette conversation pour une raison que je ne pouvais expliquer.

Saya arriva peu de temps après, n’ayant visiblement pas remarqué nos actions et n’ayant entendu qu’une explosion dont elle ne s’était même pas inquiété et elle se contenta de sermonner Iori pour l’état de sa chambre, ce qui était assez ironique quand on voyait son propre casier à l’école.

Devant l’heure tardive, les deux filles me proposèrent de rester diner et, n’ayant pas la force de refuser, je prévins Darksky de ne pas m’attendre et nous nous installâmes dans la salle à manger. Je ne fus pas vraiment étonnée de voir que Iori s’occupait de la cuisine même si j’en venais à me demander comment Saya faisait avant l’arrivée de la jeune fille…

A table, nous parlâmes de tout et de rien, même si la conversation se centra rapidement sur le nouveau travail de Iori au CERN et ses recherches sur l’antimatière, ce qui la mit extrêmement mal à l’aise tout en faisant le bonheur de son amie qui s’amusait à la voir rougir et détourner le regard.

Je ne restais pas longtemps après cela puisque nous avions tout de même cours le lendemain, malgré les supplications de Saya pour faire un karaoké jusqu’à minuit et Iori, non contente de pouvoir échapper à cela, insista pour faire un bout de chemin avec moi.

Nous marchâmes en silence dans la nuit, chacune trop absorbée par nos pensées. La ville était calme à cette heure tardive. Les lampadaires éclairaient faiblement la longue allée bordant une mer calme dominée par une lune presque pleine entourée de milliers d’étoiles scintillant dans un ciel sans nuage.

Je me demandais ce qu’il s’était passé dans cette ville de l’autre monde. Pourquoi y avait-il autant de monstres réunis en un seul endroit ? Pourquoi était-elle en ruine ? Pourquoi mon père semblait si impliqué dans ce conflit ? Y avait-il des survivants ? Toutes ces questions restaient sans réponses…

Soudain, un vent violent souffla sur nous et je fermai les yeux pour éviter les grains de sable et, lorsque je rouvris les yeux, Iori s’était arrêtée sur le bord de la plage et regardait le ciel, tremblante. Intriguée, je levai moi aussi le regard et je me figeai.

Au-dessus de nous, masquant la lune, apparu dans un silence le plus total, un immense trou s’était ouvert, exactement comme celui créé par la machine de Iori. Il était sombre, presque noir et seul un mince filet de lumière s’en échappait nous permettant de détecter sa présence avec certitude.

-Qu…Qu’est-ce que c’est que ça ? Murmurai-je, interdite.

-Un portail ; me répondit Iori d’une voix presque éteinte. Un portail vers le monde des esprits…




Chapitre 9 : Le monde des Esprits



Spoiler :


Alors que je regardai mon amie d’enfance s’éloigner au loin à travers les herbes de la prairie du monde des esprits, un énorme poids me serrait la poitrine. Asuna…Je l’avais aimée autant que je l’avais détestée dans le passé mais, lorsqu’elle était réapparue, nous avions pu redevenir de bons amis faute de souvenirs d’elle.

A présent que j’avais retrouvé la mémoire, c’était comme si deux parties de moi s’affrontaient, l’une me criant de retenir Asuna et l’autre me conseillant de régler son compte à l’homme ayant détruit notre ancienne vie.

Mais plus loin que ce conflit intérieur, j’avais l’impression de ne plus savoir qui j’étais vraiment. Quelle était ma vraie personnalité : celle s’étant renfermée pour préserver Asuna et l’ayant détestée pour son acharnement ou celle ayant cherché à protéger Angéla et les autres au prix de ma propre vie ?

Une chose était certaine : les deux vies que j’avais vécues, mes deux personnalités et les choix que j’avais faits étaient totalement incompatibles et je savais que, tôt ou tard, l’un des deux Drago serait voué à disparaitre, que je rejetterais moi-même l’une de mes personnalités, que je finirais par oublier à nouveau l’une de mes deux vies…

Je frissonnai à cette idée. Je ne voulais oublier ni ma vie dans le monde d’Asuna ni celle avec Angéla, Darksky et les autres. Et même si chacune possédait son lot de tristesse et de blessures, j’avais malgré tout vécu des moments inoubliables autant avec le club d’astronomie qu’avec le club de duel. Pourquoi avais-je agi si différemment alors que les situations étaient similaires ? Je n’avais moi-même aucune réponse à cela…

A côté de moi, June ouvrit les yeux, l’air un peu perdue et je sortis de mes pensées pour revenir à la réalité.

-Bonjour June, bien dormi ? Lui demandai-je avec un sourire et en lui tendant une main chaleureuse pour l’aider à se relever.

-Ah, ma tête…je ne pensais pas que changer de monde serait aussi douloureux ; râla-t-elle en attrapant ma main.

Une fois sur pieds, la jeune fille regarda rapidement les alentours avec l’air d’analyser la situation et pencha la tête sur le côté, intriguée.

-Tiens, Ladd et Asuna ne sont plus là ? Me demanda-t-elle.

-Ladd est parti faire un tour en ville quant à Asuna…je ne sais pas. Lorsque je me suis réveillé, elle était déjà partie ; mentis-je.

Pendant un instant, j’eus peur que June ne décèle mon mensonge mais elle se contenta de croiser les bras sur sa poitrine et de regarder le paysage qui nous entourait.

-Dommage, j’aurais bien aimé lui dire au revoir mais bon, on la reverra certainement une fois cette histoire terminée ; déclara-t-elle d’une voix nostalgique. Mais pour le moment, puisque nous sommes dans le monde des esprits, notre priorité doit être de retrouver Hélios.

-Et ma sœur ; ajoutai-je. Depuis le jour de l’attaque des Qliphort, je n’ai plus aucune nouvelle d’elle et si je suis venu ici, c’est avant tout pour la retrouver.

Avant qu’Asuna et June ne se réveillent, nous étions allés en ville avec Ladd pour obtenir quelques informations sur la situation actuelle dans le monde des esprits mais la vie semblait avoir continué normalement, en dépit de cet énorme trou dans le ciel et la plupart des esprits n’avaient même pas remarqué qu’ils ne pouvaient plus sortir de ce monde.

Quant à ma sœur…j’espérais la trouver en ville ou que quelqu’un aurait pu me donner des informations sur elle mais non, je n’avais aucune piste et cela commençait sérieusement à m’inquiéter étant donné son implication avec les démons et Armageddon…

-J’imagine que ta sœur et Hélios sont au même endroit en ce moment ; continua June après une minute de réflexion.

-Et…qu’est-ce qui te permet d’affirmer ça ? Lui demandai-je, dubitatif.

-Simple esprit de déduction logique ; me répondit-elle en haussant les épaules. Mais par contre, j’ai beau réfléchir, je ne comprends toujours pas comment vous vous êtes retrouvés dans l’autre monde alors que vous auriez dû arriver directement ici.

-Je ne sais pas non plus ; soupirai-je. Même Asuna n’avait pas l’air de comprendre ce que nous faisions là.

-Si je me souviens bien, Satoshi est celui qui a réglé la machine, n’est-ce pas ? Continua June comme si elle avait une piste.

-Tu penses qu’il se serait trompé dans les réglages ? Pourtant il nous a affirmés que tout était en marche…M’étonnai-je.

-Je ne sais pas…Je ne pense pas non plus qu’il ait délibérément décidé de vous envoyer là-bas mais il y a quelque chose dans cette affaire qui m’échappe et je déteste ça…

Au même moment, j’entendis les branches bruisser derrière nous et Ladd en émergea, l’air aussi mécontent qu’à l’ordinaire, voire même plus alors que quand je l’avais laissé derrière moi pour revenir voir June et Asuna, il ne semblait pas spécialement mécontent…

-Ces esprits stupides ; cracha-t-il, j’étais presque mieux coincé dans l’autre monde…

-Un problème Ladd ?

-Si seulement il n’y en avait qu’un seul, Drago, mais ces monstres sont encore plus butés et aveugles que des humains !

-Et est-ce que tu peux nous expliquer ce qui ne va pas exactement Ladd ? Le pria June.

-Les jeux olympiques ! Hurla l’esprit.

Un vent souffla sur la prairie et visiblement passa entre mes deux oreilles sans rencontrer d’obstacle tant j’étais abasourdi par l’improbabilité de la phrase que Ladd venait de sortir et je restai figé, les yeux ronds, pendant plusieurs secondes. June, qui avait côtoyé Angéla plus longtemps que moi et qui devait donc être habituée à des déclarations fracassantes, ne semblait cependant pas plus étonnée que ça et tira même un léger sourire en entendant cela.

-Tiens, j’ignorai qu’il y avait des jeux olympiques dans ce monde également ; déclara-t-elle, l’œil brillant. Quand mon père va apprendre ça…

-Personne ne va apprendre ça parce qu’il n’y aura pas de jeux cette année ! Rétorqua-t-il en tapant du pied, furieux. Entre Armageddon, les démons et la fusion des mondes, nous n’avons vraiment pas le temps pour ce genre de divertissement !

-Mais une minute : qu’est-ce que c’est que cette histoire de jeux olympiques ? Et en quoi serait-ce gênant pour nous ? Le questionnai-je, sortant de ma torpeur.

-Comme dans votre monde, pour célébrer la fin de la guerre contre les vers et préserver la paix, Voltanis organise des jeux olympiques réunissant toutes les nations de ce monde ; commença Ladd tentant visiblement de se contrôler. Sauf qu’à cause de leur caractère sacré et du mauvais caractère de Voltanis, tout le monde est sommé d’y participer, ce qui signifie un affaiblissement considérable des défenses de ce monde en cas d’attaque !

-Tu insinues que les démons et Armageddon ne tiendraient pas compte de la trêve imposée et commenceront leur guerre quand même ?

-Je ne l’insinue pas Drago, j’en suis persuadé mais aucun n’esprit ne croit à une nouvelle guerre, pas même avec ce qu’il s’est passé l’année dernière au temple de Sophia !

Même si je n’avais pas tout saisi de son explication, je pensais avoir compris le principal qui n’était pas si différent d’une crainte commune dans mon monde lors des périodes de jeux olympiques et des grands tournois…Cependant, si les jeux étaient aussi populaires que ceux que je connaissais, Ladd n’avait aucune chance de convaincre les habitants du danger qui les guettait.

Face à cette situation, j’étais tiraillé entre mes deux personnalités : mon ancienne me conseillant de ne pas mettre au courant les esprits de la menace d’Armageddon et des démons et de combattre par nous-mêmes, loin de tout regard comme je l’avais fait avec Asuna, mais l’autre m’incitait à impliquer un maximum de personne afin de constituer une garde solide sur place au cas où les combats atteindraient les zones habitées.

Mais dans mon combat intérieur, je pouvais également discerner les failles de chaque plan, l’un reposant uniquement sur notre force et notre capacité à tenir les combats par nous-mêmes, ce qui me semblait utopique et l’autre brisant un moment sacré du monde des esprits et comportant un plus grand risque d’être la risée générale que d’être crus…

-Et si nous participions à ces jeux nous aussi ? Suggéra soudain June.

-Co…Comment ? M’écriai-je d’une seule voix avec Ladd, tous les deux abasourdis.

La blonde soupira devant notre manque de réflexion mais daigna quand même nous expliquer son plan qui me semblait plus qu’obscur…

-Réfléchissez un peu, nous ne pouvons pas briser ce moment sacré mais nous ne pouvons pas non plus affronter Armageddon et les démons par nous-mêmes avec notre force actuelle. Profitons donc de ces jeux pour nous entrainer et par la même occasion, garder un œil sur la situation.

-Mais…participer à ces jeux…à quoi bon si nous nous faisons éliminer dès le premier tour ? Rétorqua Ladd qui, visiblement, n’adhérait pas du tout à l’idée.

-Dans ce cas, nous n’avons aucune chance contre Armageddon et les démons si nous ne sommes même pas capables de tenir contre de simples athlètes ; lui répondit June en haussant les épaules.

-Mais…et ma sœur alors ? Et Hélios ? Nous devons les retrouver ! Répliquai-je.

-Comme je te l’ai dit, ils doivent être au même endroit en ce moment, et connaissant Hélios, quelque chose me dit qu’on le retrouvera aux jeux.

Même si je n’étais pas convaincu, j’étais tout de même impressionné par les raisonnements de June. Elle arrivait à assembler tous les éléments apparemment sans aucun lien en une seule théorie cohérente à défaut d’être probable, à une vitesse affolante. Je comprenais mieux comment elle pouvait être première de classe, loin devant Ambre…J’étais bien content qu’elle ait été de notre côté et non avec Armageddon ou les démons sans quoi je n’aurais pas donné cher de notre peau avec les plans d’Angéla…

-Donc, vous êtes d’accords pour vous inscrire aux jeux ? Répéta la blonde commençant à s’impatienter.

-Pas vraiment mais puisque nous n’avons pas de meilleur plan, pourquoi pas ; soupirai-je.

Ladd jura dans son coin mais ne s’opposa pas à l’idée et le regard de June s’illumina alors. Je sentais que ce que je venais d’accepter risquait de me couter ma dignité et bien plus encore. Qui savait de quoi June était réellement capable, elle qui paraissait normale aux premiers abords pour se révéler être encore plus tordue que Maya…

Sans grande conviction, je ramassai les affaires que Ladd m’avait fait acheter, c’est-à-dire des vêtements de ce monde, des vivres et quelques autres babioles dont je ne discernai pas l’intérêt et, suivant les pas de June, nous nous dirigeâmes vers la ville afin de déposer notre candidature pour cet événement qui promettait d’être…instructif…

Ainsi, après cinq minutes de marche en race campagne, la capitale de la région fut finalement en vue. Ce n’était cependant pas une ville moderne, voire futuriste comme je l’imaginais au départ mais une sorte de village mêlant plusieurs styles, faisant se côtoyer de la sorte les auberges médiévales, les grands temples grecs et les buildings américains, le tout dans un rendu très spécial mais ayant son charme.

En arrivant aux abords de la ville, sur la route principale, nous commençâmes à croiser quelques esprits de duels de tous types et tous attributs, des dragons, en passant par des poissons hors de l’eau à côté des colosses de pierre et des insectes géants qui firent frémir June.

-Ce monde est vraiment surprenant ; déclara June joyeusement en découvrant avec un large sourire ce que j’avais moi-même découvert quelques minutes plus tôt avec le même enthousiasme.

Plus nous avancions dans la ville et plus les rues étaient bondées mais je remarquai rapidement que tous les esprits se dirigeaient vers un même point de la ville et Ladd soupira lorsque je lui demandai de quoi il s’agissait.

-Une des équipes participant au tournoi j’imagine…Dit-il, lassé.

En tant que futurs participants nous aussi, June réussit à convaincre l’esprit de se frayer un chemin à travers la foule pour aller observer ses concurrents de plus près. Il s’agissait d’une dizaine de chevaliers tous plus bruyants les uns que les autres, encourageant celui qui semblait être leur champion : un grand blond portant un foulard pourpre et à l’armure dorée comme le soleil. Ce dernier restait immobile, imperturbable pendant que ses camarades l’encourageaient, vantaient ses mérites et défiaient la foule de venir l’affronter.

-Alors c’est donc eux les participants aux tournois…je n’en attendais pas moins ; dit June, l’œil brillant de malice.

-Il n’est pas trop tard pour renoncer, il m’a l’air coriace…grimaçai-je devant l’impassibilité du blond qui me mettait vraiment mal à l’aise.

-Bof, pas vraiment, il m’a l’air d’un abruti fini surtout. Je me demande s’il est vraiment aussi fort que ses amis le laissent entendre…

-Tu n’as qu’à aller le défier puisque c’est ce qu’ils demandent ; soupirai-je.

-Très bonne idée, j’y vais de ce pas !

Je n’avais même pas eu le temps de rétorquer quoique ce soit que June était déjà montée sur le ring et que Ladd avait tourné et le dos et était allé s’asseoir sur un banc.

Au moment où la blonde entra sur scène, les cris des chevaliers se turent, de même que la foule qui resta sans voix devant l’audace de mon amie qui arborait un air de confiance totale. Angéla avait vraiment une mauvaise influence sur elle…

-Vous cherchez un challenger il me semble ? Dans ce cas, je suis prête à relever le défi ! S’exclama-t-elle d’une voix puissante qui résonna sur la place.

Tout le monde attendit avec anxiété la réponse du champion en titre mais ce dernier ne bougea pas d’un pouce, ne daignant même pas répondre, ce qui surprit même ses compagnons.

-Euh…temps mort les gars, je crois que Medraut a un problème…déclara le chevalier à la couronne et à la cape.

Ce dernier s’avança sur le ring et se passa sa main plusieurs fois devant le visage du champion qui n’eut toujours aucune réaction et le roi grimaça, gêné avant de donner un bon coup dans le dos de Medraut qui, sans aucune explication, sursauta et brandit son épée devant lui, manquant de transpercer son camarade.

-Tu as osé briser ce petit cœur de moi manant et tu as mis la main sur dame Hakaze, je ne te pardonnerai jamais !

-Attends Medraut, tu dors enc…

Le roi des chevaliers fut éjecté du ring d’un revers de la main tandis que le blond fonça sans autre sommation en direction de June, le regard fou mais cette dernière ne recula pas et esquissa même un sourire tout en prenant une position de combat.

-Comme dirait Angéla : ramène-toi, je t’attends ! S’exclama-t-elle.


Je me mordis la lèvre en voyant que mon amie ne faisait rien pour esquiver l’attaque du chevalier et je lui criai de bouger de là mais elle ne m’écouta pas et ferma même les yeux. A quoi jouait-elle ? Pensait-elle vraiment qu’elle allait être capable d’esquiver une lame aussi tranchante que l’épée du chevalier simplement en écoutant le bruit du vent ou une autre bêtise de manga ?

Alors que son adversaire n’était plus qu’à deux mètres d’elle et levait son arme, prêt à l’abattre sur la blonde, je ne compris pas comment ni pourquoi mais elle disparut instantanément du ring sous les yeux ébahis de la foule et de Medraut qui semblait enfin s’être réveillé, laissant le chevalier donner un coup d’épée dans le vent.

-Co…

Je n’avais même pas fini de m’étrangler que June réapparut derrière le chevalier et, d’un coup de pied fulgurant dans le dos, l’envoya valser hors du ring et ce dernier alla s’écraser, face contre sol, inconscient tandis que tous ses camarades se précipitèrent pour le sortir de là.

-Vous avez brisé ce petit corps de lui ! S’écrièrent-ils tous en chœur comme des supporters de foot.

Sans ajouter un mot, June sauta du ring et atterrit devant la foule d’esprits qui s’écarta vivement pour la laisser passer.

-J’ai vu ce que je voulais voir Drago, on peut y aller ; me dit-elle avec un petit sourire moqueur.

-Euh…D’accord…Lui répondis-je, sans voix.

Nous laissâmes donc les chevaliers et les monstres pour rejoindre Ladd qui attendait sur un banc en se tenant la tête dans les bras, l’air las et désespéré.

-C’est bon, tu as fini de t’amuser June ? Râla-t-il.

-Je ne m’amusais pas Ladd, je confirmais ma théorie, nuance ; lui répondit-elle d’un air narquois.

-Si tu pouvais les confirmer un autre jour, ça nous ferait gagner du temps ; soupira-t-il.

-Et quelle était cette théorie ? L’interrogeai-je, intrigué.

-Je t’expliquerai quand nous serons au calme.

Je la regardai, dubitatif et craignant déjà le pire mais je n’insistai pas. Tous les regards étaient tournés vers June qui sortait de nulle part et battait un champion local en un seul coup…moi qui voulais passer inaperçu avant le début des jeux, cela me semblait compromis…Mais d’un autre côté, je devais avouer que cela m’avait bien amusé de voir le chevalier se faire sortir de la sorte.

Je chassai ces deux pensées contradictoires de ma tête. Mes deux personnalités étaient vraiment en train de me rendre totalement schizophrène, il fallait que je me contrôle si je ne voulais pas finir fou à lier avant même d’avoir affronté Armageddon…

Nous déambulâmes dans la ville encore une bonne dizaine de minutes à la recherche de la mairie pour nous inscrire aux jeux comme le voulais June mais on ne pouvait pas dire que Ladd était très coopératif. Lui qui aurait dû connaitre la ville comme sa poche se contentait de marcher derrière nous en grommelant et en foudroyant du regard tous les passants qu’il croisait.

Quant à moi, plus je me promenai et plus j’étais impressionné par ce monde mêlant à la fois tradition et modernité. Il semblait y avoir de l’électricité et de l’eau courante à en juger par les lampadaires et les fontaines qui parsemaient les rues, tandis que, juste à côté, des charrettes de bois et des chevaliers parcouraient la ville.

Finalement, commençant à fatiguer à force de tourner, nous nous arrêtâmes devant une sorte d’auberge, « la taverne de Maximus le sixième » qui semblait être un endroit propice pour passer la nuit, le soleil étant déjà en train de décliner.

La maison ne payait pas de mine. C’était une simple chaumière médiévale aux murs de pierre nue, aux vitres sales et au toit de paille, ne comportant qu’un seul étage mais à en juger par le décorum de la vitrine affichant des dizaines de photos de monstres avec un étrange personnage possédant six bras qui devait être le propriétaire, cet endroit devait largement fréquentable…

Nous passâmes la porte qui s’ouvrit en grinçant et une petite clochette annonça notre arrivée. L’intérieur était digne de l’extérieur : quelques tables de bois, des tabourets, un comptoir derrière lequel le barman essuyait mécaniquement des verres et au fond de la pièce, un escalier menant au premier étage ainsi que plusieurs clés disposées les unes à la suite des autres.

Dès que nous posâmes le pied à l’intérieur, tous les regards se tournèrent vers nous et je déglutis. Je ne connaissais pas grand-chose à ce monde mais les monstres qui se trouvaient là ne me semblait pas si fréquentables tout compte fait…

June les ignora royalement et se dirigea directement vers le comptoir pour s’adresser à l’esprit à six bras qui semblait être le réceptionniste, barman, patron et propriétaire du lieu.

-Excusez-moi, nous voudrions deux chambres. Vous reste-t-il de la place ?

Ce dernier tourna la tête vers mon ami et fronça les sourcils…du moins ce qui semblait être des sourcils mais June ne tressaillit pas et resta impassible, comme si elle s’adressait à n’importe qui.

-Désolé mais nous sommes complets ; lui répondit le barman d’une voix rauque et peu amicale.

-Vraiment ? Et ces clés sur le mur alors ? Rétorqua mon amie, sceptique.

Le monstre violet posa violemment le verre qu’il était en train d’astiquer et se pencha vers June, lui lançant un regard assassin mais elle garda son sang-froid, même avec en plus tous les regards des clients posés sur elle.

-Vous n’êtes pas du coin vous, je me trompe ? Continua-t-il, une pointe de mépris dans la voix.

-Ça se voit tant que ça ? S’étonna-t-elle.

-Un conseil ma belle, ne reste pas ici si tu ne veux pas avoir d’ennui. Les étrangers ne sont pas les bienvenus ces derniers temps.

-Allez June, on s’en va ; râla Ladd, exaspéré.

L’esprit de duel tournait déjà les talons et s’apprêtait déjà à sortir lorsque, frustré de voir ce monstre s’adresser ainsi à mon amie et laissant mon ancien moi prendre le dessus, je m’approchai du comptoir et je le fixai d’un regard mauvais.

-Un problème le blondinet ? Railla-t-il.

-Moi non, mais vous, vous semblez en avoir un avec nous ; rétorquai-je froidement.

-Pas spécialement, mais vous feriez mieux de suivre vote ami et de partir, c’est tout ; me répondit l’esprit en posant ses six bras sur le comptoir.

Je ne sourcillai pas et je tins tête au monstre qui faisait au moins trois têtes de plus que moi et également quatre bras de plus. Je savais que c’était stupide, pourquoi vouloir rester dans un endroit pareil alors qu’il y avait certainement une multitude d’autres auberges dans le coin ? Si je n’avais pas retrouvé la mémoire, j’aurais certainement suivi Ladd et entrainé June à ma suite mais mon ancien moi refusait que quelqu’un nous traitât de la sorte.

-J’ai vu du monde dans ma carrière petit mais j’ai rarement vu des esprits aussi têtus que vous ; grogna-t-il.

-Des esprits de duel ? Je suis humain et June aussi ; lui répondis-je, légèrement surpris qu’il ait pu penser cela.

Au moment même où je prononçai cela, des murmures s’élevèrent dans la salle et le monstre violet eut un mouvement de recul avant de devenir livide. Etait-ce si étonnant de voir des humains dans ce monde alors que croiser un esprit de duel dans le nôtre était chose courant ?

-D…Des humains ? Bégaya-t-il. Mais que venez-vous faire dans un endroit pareil ?

-Et bien, nous cherchons juste un endroit où dormir ; reprit June en haussant les épaules. Je l’ai dit il y a moins de cinq minutes.

-Mais…vous êtes certains de vouloir rester ici ? S’étrangla le monstre, abasourdi. Il y a des auberges bien plus adaptées dans le coin, je ne pense pas que…

-Donc il y a des chambres oui ou non ? Le coupai-je, commençant à être lassé de ses sautes d’humeur.

-O…Oui ! Tout de suite monsieur !

L’esprit se précipita vers le tableau de clés et nous en donna deux, l’air vraiment désolé mais, alors que je ne comprenais plus grand-chose, June ne semblait nullement étonnée et lui prit les deux clés avec un sourire avant de me faire signe de monter à l’étage avec Ladd.

Lorsque je passai devant le propriétaire, ce dernier s’inclina presque devant moi.

-S’il y a la moindre chose que je puisse faire pour vous, n’hésitez pas.

-J’y penserai ; lui répondis-je, ne trouvant rien d’autre à dire.

A contrecœur, Ladd prit notre suite et nous nous retrouvâmes dans les chambres de l’auberge qui étaient identiques. Elles n’étaient pas fameuses mais elles étaient néanmoins fidèles à ce que nous aurions pu trouver dans un tel endroit donc je n’étais ni déçu, ni enthousiaste.

Chaque chambre devait faire approximativement une vingtaine de mètres carrés et se composaient de lits en bois recouverts de couvertures en laine. A côté, il y avait une petite table de chevet avec une lampe qui se voulait à huile mais qui visiblement fonctionnait avec l’électricité et au sol se trouvait un tapis imitant une fourrure d’animal que je n’arrivais pas à reconnaitre. Au fond de la pièce, une grande table couvrait le mur, juste en dessous de la fenêtre qui donnait directement sur la rue mais cette dernière était assez calme en comparaison avec le reste de la ville. Enfin, une salle de bain rudimentaire mais convenable était cachée derrière la porte, peu visible et qui, malgré l’aspect rustique, était plaquée de carrelage et d’autres caractéristiques typiques des salles de bain modernes.

-Ça va, je m’attendais à pire ; dit June joyeusement. Je prends la chambre seule évidemment, vous deux, vous vous débrouillez pour savoir qui dormira par terre.

-Comme si j’allais rester dans cette bicoque minable ; pesta Ladd. Je retourne chez moi.

-Tu as un chez toi ? M’étonnai-je en profitant pour me moquer un peu de lui.

-Evidemment ! Grogna-t-il, vexé. Mais puisque vous semblez aimer les taudis, restez ici. Je passerai vous prendre demain.

Sans ajouter un mot, mon esprit de duel redescendit et, en passant le regard par la fenêtre, je le vis reprendre son apparence originelle et s’envoler avant de disparaitre dans le ciel rougeâtre du soir. Etrangement, je n’avais jamais pensé à quelle vie pouvait avoir un esprit de duel et je ris à l’idée que Ladd ait pu avoir un travail tout à fait banal dans ce monde.

-Bien, maintenant qu’il est parti, j’aimerais te parler de quelque chose Drago ; reprit alors June, bien plus sérieuse.

-Je t’écoute, il y a un problème ?

-Est-ce que tu as remarqué à quel point ce type, la, Maximus, a eu peur de nous lorsque tu lui as dit que nous étions humains ?

-Oui, et je n’ai pas vraiment compris pourquoi…Je n’avais quand même pas l’air si effrayant que ça, si ?

-Là n’est pas la question ; me corrigea June. Et si tu veux savoir, oui, tu faisais peur mais passons. Ce que je veux te dire, c’est qu’il y a évidemment une raison pour laquelle il a réagi de la sorte et c’était pour confirmer cela que j’ai affronté Medraut tout à l’heure également.

-Une raison…Murmurai-je en me creusant la cervelle pour tenter de la trouver, en vain.

Sans ajouter un mot, June ferma les yeux et je la vis disparaitre progressivement, comme si elle n’avait été qu’une illusion et je fis un pas en arrière, abasourdi avant de sursauter lorsque je me cognai à quelque chose. Mon cœur s’arrêta lorsque je me retournai et vis June.

-Co…Comment as-tu fait ça ? Bafouillai-je, les yeux ronds.

La blonde croisa les bras sur sa poitrine et commença à faire les cents pas dans la pièce.

-Au moment où Asuna m’a amenée dans votre monde, j’étais en train de faire des recherches sur le monde des esprits, et plus particulièrement ses propriétés sur nous, humains. Mon père était persuadé qu’il y avait un lien entre les pouvoirs qu’avaient les esprits dans notre monde et la différence existant entre le monde des esprits et le nôtre.

-Leurs pouvoirs ne viennent pas simplement de leur nature d’esprit ? M’étonnai-je.

-C’est ce que je pensais aussi mais non, sinon, comment expliquer les pouvoirs d’Hélios qui est tout, sauf un esprit. J’ai donc mené mes propres recherches dans mon coin et j’en étais venue à cette conclusion : Tout comme les esprits lorsqu’ils sont dans notre monde, nous pouvons posséder des pouvoirs dans leur monde.

Mon cerveau bogua une seconde et l’expression que je fis à ce moment-là devait montrer toute mon incompréhension car June s’arrêta et reprit ses explications.

-En clair, nos deux mondes sont tellement différents l’un de l’autre que cela altère nos capacités. Par conséquent, un humain lambda comme Aymeric ou Lareine deviendrait dans ce monde l’égal d’un monstre de duel faible dans le nôtre.

-Mais attends une seconde June, je ne comprends pas. Soit, admettons que nous ayons des pouvoirs dans ce monde, mais je ne vois pas le rapport avec le fait qu’Hélios en ait dans le nôtre.

-En un mot : la fusion parfaite. Que ce soit Laura, Hélios, Angéla, Asuna, Shadow ou même toi, vous possédez un lien incroyablement fort avec un esprit de duel : Gariatron, Athéna, Atum, Darkness Shadow et Ladd et, grâce à la fusion parfaite, vous n’avez fait plus qu’un avec eux, et vous avez donc hérité d’une partie de leur nature d’esprit de duel.

Je fronçai les sourcils, légèrement dubitatif. Je pensais avoir saisi l’idée de June même si j’imaginai que, dans sa tête, tout était bien plus compliqué et qu’elle ne m’avait dit qu’un dixième de ce qu’elle avait elle-même compris.

-Pour faire simple, grâce à la fusion parfaite, vous avez pu obtenir les pleins pouvoirs de vos esprits de duel dans notre monde tout en combinant ceux que vous auriez eu dans le monde des esprits et c’est pourquoi elle est si puissante.

-Et toi alors June ? Qu’est-ce que c’était que cette téléportation tout à l’heure ? Tu arrêtes le temps ou quelque chose comme ça ?

-Mon esprit de duel est le dragon fantomatique de Harpie ; continua-t-elle. Par conséquent, tout comme dans notre monde il est considéré comme un fantôme, je peux faire de même dans son monde et c’est ce que je voulais confirmer en affrontant Medraut.

Je me mis à réfléchir. Si June disait vrai, alors en entrant dans ce monde, je devais avoir également récupéré les pouvoirs de Ladd qui était le dragon de la lumière et des ténèbres…Mais tout ce que j’avais récupéré c’était ma mémoire pour le moment. Est-ce que je devais alors considérer mon passé comme la partie sombre de moi-même et mon présent comme la partie lumineuse ? Ou alors avais-je gagné quelque chose d’autre que je n’avais pas encore saisi ? Seul Ladd devait avoir la réponse à cela…

-Mais donc, j’imagine que Maximus sait cela et c’est pourquoi il a eu peur de nous ?

-Très certainement. Tout comme les esprits de duel sont craints chez nous et même révérés à l’égal de dieux comme obelisk ou slifer, certains esprits voient les humains de la même façon ; me répondit June, l’air attristée. Même si la plupart des esprits conservent une partie de leurs pouvoirs ici, ceux-ci ne sont rien en comparaison avec ceux que nous pouvons avoir nous.

Je frissonnai. J’avais vu les pouvoirs d’Asuna dans notre monde et ils étaient déjà immenses. Je n’osais même pas imaginer son potentiel maintenant qu’elle se trouvait dans le monde des esprits. De même qu’Hélios ou Shadow. Tous deux étaient terrifiants en temps normal mais dans ce monde, ils devaient certainement égaler Luminion et Gariatron eux-mêmes…

-Enfin, si j’ai voulu participer aux jeux, c’est aussi pour connaitre notre vrai potentiel puisque dans ce monde, les compteurs sont remis à zéro pour la plupart d’entre nous et aller affronter Armageddon et les démons sans même savoir de quoi nous sommes capables serait du suicide.

-Tu calcules vraiment tout à l’avance, c’est incroyable…

-Que veux-tu Drago, il faut bien être un peu prévoyant, surtout quand on côtoie Angéla tous les jours.

Nous éclatâmes de rire tous les deux sans savoir pourquoi mais rien qu’évoquer Angéla et penser à ce qu’elle aurait fait dans cette situation suffisait à chasser toute la pression. C’était vraiment une qualité que j’enviai chez elle : être capable de se détacher de la réalité lorsque la situation devenait intenable, qualité que je n’avais pas réussi à obtenir ni dans mon passé, ni dans mon présent.

Sur ces belles paroles, nous rangeâmes rapidement nos affaires avant de descendre prendre un diner rudimentaire pour nous mais dans lequel Maximus semblait avoir mis toute son énergie. Le monstre me faisait un peu pitié à présent tant il avait l’air de nous craindre et, même lorsque je lui dis d’être moins solennel, il n’en fit rien.

Heureusement, de nombreux autres esprits n’étaient pas comme lui et nous adressaient la parole normalement à présent, comme si nous étions des habitués et nous passâmes finalement une soirée agréable malgré le départ bancal que nous avions eu en arrivant et nous obtînmes même l’adresse de la mairie devant laquelle nous étions certainement passés plusieurs fois sans la remarquer…

Après le diner, June proposa de sortir faire un tour en ville, histoire de ne pas avoir à chercher encore la mairie le lendemain avec la foule.

La soirée était calme et fraiche et dans le ciel brillaient des milliers d’étoiles autour d’une lune blanche comme la neige et je me mis à rêvasser. Etait-ce les mêmes étoiles que celles illuminant nos mondes qui scintillaient ? Etrangement, je reconnus certaines constellations mais d’autres ne me disaient rien, même en ayant retrouvé la mémoire. Et il y avait ce trou béant également d’où émanait un mince filet de lumière bleutée descendant sur le monde des esprits comme un fil infiniment fin reliant nos trois mondes. Il allait falloir penser à ramener Angéla et les autres qui ne devaient certainement pas comprendre l’origine de ce phénomène dans le ciel et qui ne devaient donc certainement pas comprendre qu’il s’agissait d’un portail.

Je reportai mon attention sur la ville endormie. Il n’y avait plus personne dans les rues et seul le bruit de nos pas résonnait entre les chaumières, éteintes pour la plupart. Je me serais vraiment cru dans un petit village de campagne de notre monde mais deux ou trois siècles plus tôt.

Nous marchâmes ainsi tranquillement sous le clair de lune et la lumière des lampadaires sans vraiment nous soucier d’où nous allions, découvrant simplement ce monde si similaire et en même temps si différent du notre…

Finalement, nous arrivâmes sur la place que nous avaient indiqué les esprits. Il n’y avait pas grand-chose à part le grand bâtiment de la mairie qui ressemblait à tous les autres bâtiments à l’exception de l’inscription sur la façade, et au centre de la place se dressait une petite fontaine sur laquelle était sculptée un petit ange crachant de l’eau.

Avec June, nous nous assîmes sur le rebord pour faire une pause et, après quelques minutes dans le silence à regarder le ciel noir, cette dernière me posa une question qui me déconcerta sur le moment.

-Dis-moi Drago, ce Fuji Makoto que vous combattiez dans l’autre monde, connais-tu ses véritables intentions ?

-Je n’en ai aucune idée ; répondis-je sincèrement. Tout ce que je sais, c’est qu’il travaillait pour Hélios auparavant et qu’il a envoyé plusieurs fois des hommes de main pour me tuer. J’imagine qu’il a dû être galvanisé par les promesses d’Hélios.

-C’est ce que je pensais aussi mais…j’y ai réfléchi et je penche plutôt vers autre chose.

-Vraiment ? M’étonnai-je.

-Je n’en suis pas certaine mais je pense qu’il n’est pas simplement mu par un désir de conquête. Son but était de prendre possession de votre ville mais…pourquoi la vôtre ?

-Et bien…parce que j’habitais là et que j’étais sa cible ; hasardai-je.

-Entre autres oui, mais il n’y avait pas que ça. Je suis persuadée que son but premier était de prendre possession du laboratoire de ton père et c’est pourquoi il avait besoin non seulement de t’éliminer mais en plus de prendre possession de la ville suffisamment longtemps pour reconstruire la machine.

Je fronçai les sourcils. Il était vrai que jusque-là, j’avais cru qu’il ne s’agissait que d’un simple mégalomane avide de pouvoir mais maintenant que June le faisait remarquer, c’était vraiment étrange qu’il ait continué à attaquer la ville après mon départ.

-Donc pour toi, son but premier était d’utiliser le transporteur interdimensionel pour se rendre dans le monde des esprits ?

-Oui, c’est ce que je pense mais je serais incapable d’en donner la véritable raison. Peut-être est-ce bien par avidité de pouvoir, peut-être est-ce autre chose, nous ne le saurons que lorsque nous recroiserons sa route.

Le raisonnement de June me laissa une fois de plus bouche bée. Même si elle n’agissait que rarement et laissait plutôt Angéla se battre, elle était certainement celle qui était la plus à même de débloquer des problèmes insolubles sans même avoir à lever le petit doigt et ce qu’elle avait dans notre monde le prouvait. Je ne pouvais le nier : j’admirais vraiment son intelligence.

Nous rentrâmes peu de temps après et nous nous séparâmes chacun dans nos chambres puis je m’endormis rapidement, lessivé par cette journée. Et dire que moins d’un jour avant nous étions en train d’affronter Fuji Makoto…tout cela me paraissait déjà si lointain…


Le lendemain, je me réveillai aux aurores et, après une douche froide, je descendis au rez-de-chaussée de l’auberge qui était déjà bien animée à cette heure matinale. Les habitués étaient déjà là et Maximus servait des petits déjeuners dans tous les sens à l’aide de ses six bras. Cependant, lorsque je le saluai, ce dernier s’arrêta immédiatement dans sa tâche pour se concentrer sur moi, oubliant d’un seul coup tous ses autres clients.

-Bonjour Monseigneur, j’espère que vous avez passé une bonne nuit ! S’écria-t-il tellement fort que je dus me boucher les oreilles pour ne pas devenir sourd.

-Monseigneur ? M’étranglai-je. Qu’est-ce que c’est que ces bêtises encore ?

-Je cherchais simplement un titre pour mon client le plus prestigieux, mais si cela ne convient pas, je peux…

-Drago ira très bien ; le coupai-je, commençant à laisser mon ancien moi reprendre le dessus.

-O…Oui, compris !

Je soupirai et je me contentai de commander un petit déjeuner local qui ressemblait à des céréales de mon monde, un peu plus sucrés mais pas mauvaises. June descendit quelques minutes plus tard et une fois de plus, Maximus fit des courbettes jusqu’à ce que je lui décoche un regard noir qui le stoppa net.

-Bon, Drago, j’ai réfléchi un peu cette nuit pour les jeux olympiques ; déclara-t-elle à peine assise.

-Tu ne t’arrêtes donc jamais de penser, pas même la nuit ? Raillai-je.

-Quand je n’arrive pas à dormir, il faut bien que je m’occupe ce n’est pas ce qui nous intéresse. Je pense qu’il vaut mieux éviter de crier partout que nous sommes humains. Inscrivons-nous en tant qu’esprit de duel sinon cela risque de provoquer des confusions chez les autres participants.

-Des esprits de duel ? Répétai-je, étonné. Et comment veux-tu que nous fassions croire un truc pareil avec nos vêtements ?

-Tu as bien acheté d’autres vêtements hier non ? Il suffit de les mettre et tu ressembleras à n’importe quel monstre guerrier ; me répondit-elle en haussant les épaules.

Je n’étais pas spécialement emballé à l’idée de porter une armure ou un autre accessoire farfelu mais…je n’avais pas vraiment le choix. Le raisonnement de June se tenait…

J’acquiesçais donc et, après avoir fini nos céréales et retrouvé Ladd à la sortie qui était d’une humeur massacrante comme toujours. Moi qui pensais que le fait de retrouver son monde allait le calmer un peu, je me trompais lourdement apparemment.

-Bon, avant de nous inscrire aux jeux, il faudrait que nous ramenions Angéla et les autres parce que je doute qu’une équipe de trois soit acceptée ; déclara joyeusement June en regardant le trou béant dans le ciel.

-De deux ; rectifia Ladd d’une voix glaciale.

-Tiens, vous vous inscrivez aux jeux vous aussi, les grands esprits se rencontrent on dirait ; Lança une voix ironique dans notre dos. Et je dis cela sans mauvais jeu de mot évidemment.

Nous nous retournâmes et j’écarquillai les yeux en reconnaissait la personne qui se tenait en face de moi. Il s’agissait de l’ancienne présidente du club de duel de Darksky, une grande fille aux cheveux rouges comme les flammes et aux yeux turquoise portant un long manteau vermillon.

-Enfin, je ne sais pas si c’est flatteur que vous ayez eu la même idée que Saya ; railla la rousse.

-Mi…Miyako…Bégayai-je, ayant encore du mal à en croire mes yeux.






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[Fic]L'achèvement du Destin posté le [18/07/2016] à 21:07

Chapitre 10 : Les jeux Olympiques



Spoiler :


Les discussions allaient bon train dans le salon en cette heure tardive de la nuit. Miyako était accoudée sur la table, les yeux à moitiés fermés et se demandant visiblement ce qu’elle faisait là, de même qu’Hiroki à sa droite qui, bien que réveillé, semblait avoir été tiré du lit de force à en juger par les cernes creusant son visage. De l’autre côté se trouvaient Nagisa et Sunohara en pleine discussion sur l’aménagement du futur appartement du jeune homme en ville. Apparemment, avoir été convoqués à minuit ne semblait pas les intriguer plus que ça. Enfin Saya et Darksky se chamaillaient comme à leur habitude tandis que Marie observait la scène avec amusement.

Je soupirai. Seule Iori était préoccupée par ce qu’il se passait et jetait régulièrement des petits coups d’œil inquiets par la fenêtre en direction du trou qui s’était ouvert dans le ciel. Je n’étais vraiment pas rassurée non plus. Je sentais que quelque chose de très grave était en train de se tramer dans l’ombre et les paroles de mon père n’arrangeaient rien…

-Est-ce que vous pourriez vous concentrer cinq minutes ? Finis-je par râler en abattant mon poing sur la table, exaspérée.

-Et est-ce que tu pourrais nous expliquer ce qu’on fait là avant ? Répliqua Miyako en baillant. Et j’espère que vous avez un motif valable toutes les deux pour réveiller les gens à minuit.

-Tu n’as pas vu le trou dans le ciel en venant ? S’étonna Iori.

-Ah, ce truc là…En effet, c’était bizarre mais on a vu tellement de choses bizarres ces derniers temps que plus rien ne m’étonne tu sais ; soupira la rousse.

-Et donc, vous savez ce que c’est ? Reprit Nagisa, d’un air perdu. Est-ce que ça a un rapport avec les démons ou Armageddon ?

-On ne peut pas le dire pour le moment avec certitude mais ce que nous savons, c’est qu’il s’agit d’un portail vers le monde des esprits.

Toutes les personnes présentes dans la pièce recentrèrent immédiatement leur attention sur nous à ces mots et écarquillèrent les yeux.

-Un…Un portail vers le monde des esprits ? S’étrangla Hiroki. Qu’est-ce que tu nous chantes là Laura ? Et comment peux-tu le dire avec certitude ?

-On ne peut pas le dire avec certitude ; lui répondit Iori. Cependant, il dégage la même énergie que les portails qu’utilise Hélios pour se déplacer.

-Mais ces portails n’étaient-ils justement pas condamnés d’après ce que j’ai compris ? Intervint Sunohara, légèrement déconcerté.

-Je…Je n’ai pas plus d’information que vous ; s’excusa mon amie. A vrai dire, je ne sais même pas combien de temps il restera ouvert.

-Dans ce cas-là, qu’est-ce qu’on attend ? On saute dedans et on va chercher Hélios et Armageddon pour mettre une bonne fin à toutes ces histoires ! S’exclama Saya en levant le poing d’un air enthousiaste, ce qui lui valut une tape de la part de Darksky.

-Bonne idée, comme ça on saute dans l’inconnu sans même savoir ce qui nous attend ; railla-t-il.

-C’est peut-être notre seule chance ! Protesta la blonde. Prêt ou pas, parfois il ne faut pas réfléchir et simplement foncer !

-Enfin, « parfois » est un grand mot pour toi ; rétorqua Miyako avec sa bonne humeur habituelle. Même si je serai de son avis pour une fois. Il faut saisir notre chance.

-Mais Ma…Saya a raison ; rajouta Iori déterminée. Il se peut que demain le portail se soit refermé, condamnant tout accès au monde des esprits.

-Même en sachant cela, je ne pense pas qu’il soit raisonnable de foncer tête baisser alors que Darksky est en pyjama et qu’Hiroki a des cernes plus gros que ses yeux ; lui répondit Sunohara, tentant de parler rationnellement.

-Mais…comme le dit Iori…c’est peut-être notre seule chance de nous rendre dans le monde des esprits ; lança Nagisa d’une petite voix.

-Et toi Laura ? Qu’en penses-tu ? Me demanda Hiroki qui avait réussi à garder son calme. Personnellement, je m’en fiche tant que je peux arriver à mes fins mais j’ai fait une promesse donc je ne peux que m’aligner sur Miyako.

Pour être franche, j’étais pour partir immédiatement dans le monde des esprits mais pour une raison différente de celle des autres. Je savais que mon père et Arthur étaient là-bas et il fallait que je les rejoigne.

Même si mon père était aussi mauvais que moi pour exprimer ses sentiments, je savais qu’il était sincère en me disant qu’il allait reconstruire notre famille. Après tout, comme il l’avait dit lui-même, il n’avait toujours œuvré que pour notre bien à tous les quatre et je le savais même si je refusais de l’admettre. La moindre des choses que je pouvais faire à présent pour le remercier et m’excuser, c’était de l’aider, tout comme je l’avais aidé à accomplir sa vengeance deux ans plus tôt.

J’allais m’exprimer à mon tour et déclarer que je m’alignais sur Saya lorsque Marie, qui n’avait pas encore dit un mot de la soirée, prit la parole.

-Et est-ce que je peux savoir pourquoi on tergiverse de la sorte ? Gémit-elle. Ceux qui veulent attendre pour partir s’épuisent et ceux qui veulent partir perdent du temps en ce moment.

-Et qu’est-ce que tu proposes alors ? De nous séparer en deux groupes ? Ricana Hiroki.

-Oui…Mais non. Je pensais simplement que vous pourriez tous rester dormir ici pendant qu’Arnold surveillera le trou et nous préviendra s’il détecte un changement ; lui répondit-elle en haussant les épaules.

-Arnold ? Répéta Darksky, sceptique. Nous ne pouvons quand même pas le faire veiller toute la nuit, il faudrait instaurer des tours de garde et…

-Laissez-moi m’en occuper monsieur ; déclara soudain mon majordome sortant de la cuisine, faisant sursauter tout le monde.

-Tu es sûr que ça ira ? M’inquiétai-je pour le vieil homme.

-Ne vous fiez pas à mon apparence mademoiselle Laura, je suis encore capable de faire des nuits blanches même à mon âge.

Personne ne trouva d’objection à cela, pas même Hiroki qui semblait très peu enthousiaste à cette idée. Saya, au contraire, poussa un cri de joie et prit Iori et Nagisa dans ses bras en criant qu’elle allait pouvoir faire sa soirée pyjama toute la nuit tandis que Miyako soupira et se leva sans ajouter un mot. Sunohara regarda Darksky, un peu perdu, ce à quoi mon ami ne répondit qu’en levant les yeux au ciel pendant que sa sœur souriait bêtement, visiblement fière d’avoir organisé cette fête impromptue.

C’est ainsi que tout le monde resta à la maison ce soir-là. Heureusement que le manoir de Darksky comportait de nombreuses chambres que je doutais fortement que la mienne, celle de Marie et celle de Darksky aient pu accueillir tout ce beau monde.

Nous ne trainâmes cependant pas beaucoup après la fin de la réunion et chacun gagna la chambre qui lui était attribué à l’exception de Saya qui avait déjà entrainé Iori et Nagisa dans ses délires mais je n’avais plus la force de leur crier dessus et visiblement Miyako non plus, si bien que nous les laissâmes là, espérant simplement qu’elles seraient encore vivantes le lendemain.

A peine fussé-je arrivée dans ma chambre que je m’écroulai sur mon lit, encore toute habillée, lessivée par les événements de la journée et je m’endormis presque instantanément.

Le lendemain, quelques rayons matinaux vinrent me réveiller en me chatouillant le visage. Il faisait beau à l’extérieur et le trou dans le ciel, bien que peu visible à cause de quelques nuages, était heureusement toujours là et je fus tout à coup contente que Marie ait été là, sans quoi nous aurions foncé tête baissée dans l’inconnu.

Après une douche rapide et m’être habillée d’une simple chemise blanche et d’un jean noir pour la journée qui promettait une fois de plus d’être longue, je descendis dans le salon et je Sunohara qui tentait tant bien que mal de réveiller Saya qui dormait sur le canapé. Iori et Nagisa avaient dû profiter de la première occasion pour filer.

-Laisse-la dormir, c’est déjà impossible de la réveiller en cours, alors là tu perds ton temps ; lui lançai-je en guise de salutation.

-Ah, Laura, c’est toi. Je ne t’avais pas entendue arriver ; sursauta-t-il.

Je ris légèrement, d’assez bonne humeur en ce début de journée qui commençait plutôt bien en comparaison avec le cinéma de la veille.

-Nous sommes les premiers levés ? Lui demandai-je en prenant quelques céréales dans la cuisine.

-Non, Nagisa est partie expliquer la situation à l’oncle et au vieux de bonne heure et tu viens de manquer Miyako qui est aussi allée prévenir sa mère. J’ai aussi vu Hiroki partir mais je ne sais pas où il est allé par contre.

-Et Arnold ? Toujours en train de faire le guet ?

-On dirait bien ; me répondit le blond en souriant. Mais j’imagine que c’est bon signe si rien n’a changé.

Darksky descendit quelques secondes plus tard, la tête dans les choux comme chaque matin et fut rapidement suivi de Iori, bien plus fraiche que lui malgré sa fête improvisée. Marie, quant à elle, émergea du second salon où elle s’enfermait pour s’entrainer au violon.

Nous prîmes un petit déjeuner consistant, tout en évitant soigneusement de parler du trou dans le ciel pour ne pas raviver les débats sans fin puis, vers onze heures, après avoir préparé quelques affaires comme de la nourriture, des vêtements et des médicaments pour la route et réveillé Saya, nous nous dirigeâmes tous vers la falaise, laissant la garde de la maison à Arnold.

-Au fait Laura, pourquoi allons-nous là-bas ? Me demanda alors Sunohara.

-Histoire d’être discrets ; lui répondis-je. Je ne pense pas que disparaitre au milieu de tout le monde soit très rassurant pour les habitants, déjà qu’il y a ce trou dans le ciel…

En vérité, ce n’était pas la seule raison. Lorsque j’étais partie en Angleterre, j’étais venue sur cette même falaise, comme à chaque fois que je devais affronter l’inconnu, si bien que, pour moi, retourner là-bas avant un grand voyage était devenu une sorte de porte bonheur. Darksky devait certainement penser la même chose que moi. Après tout, ce lieu était le symbole de notre rencontre à tous les deux.

Lorsque nous arrivâmes au sommet, je vis que Miyako était déjà arrivée et fixait l’horizon en nous tournant le dos, les bras croisés, son long manteau cramoisi flottant élégamment dans le vent, se confondant avec ses cheveux de feu. Apparemment, elle avait également fait ses provisions à en juger par le petit sac posé à ses pieds.

Lorsqu’elle nous entendit arriver, la rouquine tourna légèrement la tête dans notre direction et nous lança un regard noir.

-Ça ne se fait pas de donner un rendez-vous à quelqu’un et de le faire attendre, vous savez ?

-Content de faire le voyage avec toi aussi ; lui répondit Darksky, ignorant sa pique.

L’ancienne présidente soupira et ramassa son sac pour venir se mettre à notre niveau.

-J’espère que tout cela sera vite réglé. J’ai réussi à obtenir une permission de la part du président du conseil mais le connaissant, d’ici deux jours il aura oublié.

Je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire. Miyako était peut-être la seule à avoir les pieds sur terre dans le groupe, tous les autres avaient totalement oublié de prévenir le lycée…

Nagisa arriva quelques secondes plus tard, essoufflée par la montée et accompagnée d’Hiroki qui avait l’air aussi aimable qu’à son habitude.

-Bon, qu’est-ce qu’on attend ? Grogna ce dernier, les mains dans les poches.

-Avant de partir, j’aimerais faire une annonce ; déclara Iori.

Nous nous tournâmes tous vers la jeune fille, intrigués. J’étais d’autant plus étonnée en connaissant son aisance à l’oral lorsqu’elle parlait à une ou deux personnes, alors la voir prendre la parole d’elle-même pour s’adresser à un groupe signifiait soit qu’elle avait pris un coup sur la tête pendant la fête avec Saya et Nagisa, soit la situation était plus grave que je ne le pensais…

-Il y a quelque chose que vous devez savoir avant de partir dans le monde des esprits, cela concerne vos aptitudes physiques.

-Nos…aptitudes physiques ? Répéta Nagisa sans comprendre.

-Oui, j’ai fait quelques études et j’ai cru comprendre que dans ce monde, nous serons capables d’utiliser les pouvoirs de nos monstres comme s’ils étaient les nôtres.

Tout le monde – part moi qui le savais déjà – s’étrangla en entendant cela et même Miyako sourcilla mais Iori reprit avant que quiconque n’ait pu demander quoique ce soit.

-Pour faire simple, nous posséderons tous les mêmes pouvoirs qu’Hélios à quelques variations près. Ne me demandez pas de vous expliquer, ça serait trop compliqué et nous n’avons pas le temps.

-Des pouvoirs d’esprit de duel…intéressant ; marmonna Hiroki avec un léger sourire.

-Je n’ai pas vraiment de lien avec le jeu mais j’imagine que même un humain lambda doit posséder un potentiel caché au fond de lui ; se demanda Sunohara, sceptique.

-Mais nous parlerons de cela une prochaine fois, il est temps de partir.

Iori sortit de sa poche une petite boite semblable à celle que nous avions utilisée pour nous rendre dans l’autre monde et demanda à tout le groupe de s’écarter puis posa sa machine au sol. A peine celle-ci fut-elle en contact avec la pierre qu’elle se mit à clignoter et un puissant jet de lumière fusa vers le ciel, droit vers le trou. Un éclair nous éblouit lorsque le faisceau entra à l’intérieur et la falaise devant nos yeux commença à se déformer lentement puis une sorte de déchirure apparut et Nagisa sursauta lorsqu’elle put apercevoir une sorte d’arbre de l’autre côté.

-La…la falaise…elle disparait ! Bégaya-t-elle.

-Non, elle ne disparait pas ; lui répondis-je calmement. C’est le monde des esprits qui apparait.

La fente s’élargit progressivement en projetant quelques éclairs jusqu’à être assez grande pour nous laisser tous passer et se stabilisa.

De l’autre côté se trouvait l’endroit où tout allait se jouer, l’endroit où j’allais retrouver Arthur et mon père, l’endroit où les démons allaient affronter Armageddon, l’endroit où tout allait se terminer.

-Il est temps d’y aller ; déclara Iori.

Mon amie traversa le portail sans aucune hésitation et nous la vîmes de l’autre côté, exactement comme si elle avait passé une simple porte. Miyako prit sa suite sans hésiter, accompagnée d’Hiroki. Sunohara et Nagisa se lancèrent des regards inquiets mais furent obligés de travers lorsque Saya lui poussa avec une grande tape dans le dos.

Il ne restait plus que Marie, Darksky et moi sur la falaise et je me retournai une dernière fois pour regarder la ville en contrebas. Je me souvins alors de ma dernière venue ici, avant mon départ en Angleterre et ma gorge se noua. Non…j’allais définitivement revenir. Il était hors de question d’échouer.

Devant mon inquiétude, Darksky prit ma main et me lança un sourire rassurant comme lui seul en avait le secret.

-Ce paysage va me manquer à moi aussi ; déclara-t-il. Mais à notre retour, nous aurons toute les occasions que nous voudrons de revenir ici.

J’allais lui répondre mais Marie vint briser ce moment en lui donnant un grand coup de pied dans le dos qui l’expédia de l’autre côté et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Pour une fois que Darksky tentait de dire quelque chose d’intelligent, voilà que Marie cassait ce moment et qu’il finissait encore le nez dans la poussière. J’avais un peu pitié pour lui quand même.

-Je te rappelle qu’on a un duo à terminer pour la fin de l’année donc non, vous devrez attendre un peu avant de perdre votre temps ici ; s’exclama sa sœur en gonflant les joues.

-Je n’ai pas oublié ; la rassurai-je avec un large sourire.

Marie fronça les sourcils, visiblement peu convaincu et franchit le portail à son tour. Jetant un dernier regard vers la mer scintillante sous les rayons du soleil de midi, je rejoignis le groupe de l’autre côté.


Une vaste prairie s’étendait à perte de vue tandis qu’à l’horizon se dessinaient les sommets de quelques montagnes traversant une fine couche de nuages. Le ciel était bleu dans le ciel et un fort soleil en tout point similaire au notre tapait sur nos têtes. Derrière nous, il y avait une petite forêt d’arbres ressemblant vaguement à des chênes mais je ne pouvais pas le confirmer à cette distance. Enfin, derrière la forêt, je pouvais distinguer une sorte de ville, à quelques centaines de mètres de notre position.

Le monde des esprits n’était pas, comme beaucoup le pensaient, un monde étrange et mystérieux. Il possédait les mêmes caractéristiques que le nôtre, le même ciel, le même soleil, les mêmes étoiles et la même terre. Seuls les habitants et la végétation différaient.

Tous mes amis s’étonnaient de cela et regardaient les alentours avec des yeux ronds de surprise. Quant à moi, je me sentais un peu nostalgique en revenant ici. La dernière fois que j’étais venue, c’était avec Hélios, alors que je craignais encore la malédiction d’Ouroboros, un an auparavant.

Et puisque je pensais à cette malédiction…en mettant les pieds dans ce monde, j’avais immédiatement senti mes forces se décupler et la présence de Trishula dans mon esprit était bien plus forte également. Comme l’avait dit Iori, et comme j’avais pu le constater moi-même, ce monde altérait nos capacités et nous conféraient les pouvoirs de nos esprits de duel.

J’avais néanmoins toujours quelques appréhensions, pas à cause de la malédiction mais au contraire, parce que j’avais peur de ne pas maitriser mes nouveaux pouvoirs. Après tout, à peine avais-je obtenu la fusion parfaite que j’étais repartie dans mon monde. Allais-je être capable de déployer toute ma puissance si la situation l’exigeait alors que je n’en connaissais pas moi-même les limites ?

Je fus interrompue dans ma réflexion par le cri de surprise de Nagisa derrière moi et, me retournant, je sursautai et je reculai vivement en voyant une boule de feu dans sa main, en lévitation.

-Euh…Iori, est-ce que c’est normal ça ? Demanda la brune d’une petite voix.

-Je…je crois oui ; lui répondit notre spécialiste néanmoins tout aussi étonnée que moi.

-Et…Comment est-ce que je l’éteints ? Continua Nagisa, d’un air ennuyé.

Sans laisser le temps à Iori de répondre, je m’approchai de la jeune fille et je pris sa main dans la mienne, étouffant sa flamme avec le froid émanant de ma propre paume. Lorsque je desserrai ma prise, tout était redevenu normal.

-Co…Comment as-tu fait ça ? S’étrangla Darksky.

Miyako soupira à ma place et Darksky la regarda, toujours sans comprendre. Parfois, je me demandai s’il le faisait exprès ou s’il était simplement très long à la détente mais nous n’avions pas vraiment le temps de nous attarder avec lui.

-Bon, et bien maintenant que nous sommes là, que faisons-nous ? Demanda alors Hiroki, agacé par tant de remue-ménage pour pas grand-chose.

-Nous sommes venus pour trouver Hélios il me semble, non ? Lui répondit Sunohara en croisant les bras sur son torse. Dans ce cas, c’est la première chose que nous devrions faire avant d’envisager autre chose.

-Parce que tu as une idée de par où commencer les recherches ? Railla Marie. Ce monde est aussi grand que le nôtre.

-Il doit se trouver au temple de Sophia ou à l’arbre des Naturia ; répondis-je spontanément.

Tous les regards se tournèrent vers moi. Evidemment, ils devaient se demander comment je pouvais posséder une telle information mais leur expliquer aurait été trop long et je me contentai de continuer sur ma lancée.

-Je pense qu’un tour en ville ne nous ferait pas de mal, histoire de savoir où nous nous trouvons précisément pour ensuite nous diriger vers ces endroits-là.

-Bah dis-donc Laura, tu as l’air d’en connaitre un rayon sur ce monde ! S’exclama Saya, presque impressionnée. C’est toi le chef, nous te suivons !

Sur cette intervention spécialement pertinente de Saya, nous nous mîmes en route vers la ville. Le groupe ne parla que peu en marchant, préférant admirer le paysage assez singulier qui s’offrait à nous, même si Hiroki semblait préférer marcher la tête baissée et les mains dans les poches et que Miyako regardait droit devant elle, comme perdue dans ses pensées. Sunohara et Nagisa quant à eux s’étonnaient de tout et s’arrêtaient régulièrement pour observer de plus près, comme deux enfants faisant leur première balade en forêt. Je souris en pensant que ces deux-là étaient vraiment bien assortis, contrairement à Miyako et Hiroki qui étaient comme le jour et la nuit.

Saya s’amusait avec Marie à l’arrière, testant au passage leurs pouvoirs sur les arbres et je vis deux trois rayons de lumière blanche exploser dans le ciel et de nombreuses branches tomber au sol, découpées Marie.

Avec Darksky et Iori, nous marchions devant. La jeune ne semblait néanmoins pas sereine et regardait constamment à droite et à gauche, comme si elle sentait qu’un danger nous guettait mais Darksky marchait nonchalamment, profitant du paysage. Quant à moi, j’essayais d’imaginer la suite des événements mais, j’avais beau faire fonctionner mon imagination, je n’arrivai pas à prédire ce qui allait nous tomber dessus ensuite et je pense que jamais je n’aurais pu prédire ce qui arriva réellement…

Lorsque nous arrivâmes en ville après cinq minutes de marche, nous tombâmes sur de nombreux esprits de duel sortant et rentrant dans un flux continu et nous nous arrêtâmes un instant en voyant une troupe de chevaliers portant l’un des leurs qui était visiblement inconscient.

Evidemment, il fallut que Saya se mêle une fois de plus de ce qui ne la regardait pas et la blonde alla aussitôt à leur rencontre, car « ils avaient l’air amusants » disait-elle et nous n’eûmes d’autre choix que de la suivre. Au mieux, ils pouvaient nous renseigner sur notre position…

Cependant, lorsque la blonde leur adressa la parole, ces derniers reculèrent vivement et laissèrent tomber le blond dans le coma sur le sol.

-Diantre, encore des gens bizarres ! S’exclama celui qui semblait être le chef avec sa cape et sa couronne. Que voulez-vous à ces petits chevaliers de nous ?

-Seigneur Artorigus, j’ai le regret de vous annoncer qu’on dit « que nous voulez-vous » ; le corrigea un de ses camarades.

-Diantre Bedwyr, ce n’est pas à moi que tu vas apprendre à parler, je suis ton ainé ! Rétorqua le roi.

-Dites les gars, est-ce que je peux savoir pourquoi votre ami est dans le coma ? Il y a de la bagarre en ville ? Les interrompit Saya.

-Parbleu, non mais hier il y en avait ! Une blonde et un blondinet qui ont défié ce petit champion et qui ont brisé ce petit corps de lui !

-Ils ont brisé ce petit corps de lui ! Reprirent en cœur tous les autres chevaliers.

Je restai bouche bée devant un spectacle aussi ridicule. Je n’avais juste rien à redire tant ce tableau était caricatural des supporters de foot alcoolique et je n’étais pas la seule dans le groupe à ne pas savoir où se mettre en présence de ces chevaliers.

-Champion ? Répéta Saya intriguée. Quel genre de champion ?

-Medraut doit concourir pour les jeux olympiques de cette année et c’est notre champion.

Je serrai les dents dès que j’entendis les mots « jeux olympiques » et Darksky sursauta, ayant pensé visiblement à la même chose que moi tandis que les yeux de Saya commencèrent à se remplir d’étoiles. Evidemment les chevaliers n’en restèrent pas là et en rajoutèrent une couche.

-La concurrence risque d’être rude cette année, il parait qu’il y aura des adversaires très puissants mais nous n’abandonnerons pas, pour l’honneur de dame Hakaze !

-Pour l’honneur de Dame Hakaze ! Répétèrent-ils tous en chœur et en levant leurs épées.

Seul le dénommé Bedwyr ne se prêta pas au jeu et se prit la tête dans les mains d’un air fatigué. Voyant qu’il était le seul à avoir l’air un minimum intelligent, je lui demandai où nous nous trouvions exactement, espérant une réponse plus intelligente que celle qu’auraient pu apporter ses camarades.

-La tribu des Naturia ? Vous en êtes très loin ; s’étonna-t-il. Nous sommes sur le continent xyz. Ce dont vous nous parlez se trouve sur le continent Synchro.

Je grimaçai. Je n’imaginai pas une seconde que nous ayons pu être aussi loin de notre objectif et, sans carte de ce monde, c’était peine perdue pour retrouver Hélios. Il allait falloir nous débrouiller seuls…

-Si ce n’est pas indiscret, pourquoi avez-vous besoin de vous rendre là-bas ? Ils n’aiment pas beaucoup les étrangers vous savez.

-Nous sommes à la recherche d’un ami et nous pensions le retrouver là-bas ; répondis-je honnêtement.

-Si vous voulez mon avis, venez aux jeux, il y sera sûrement, c’est le plus grand rassemblement de ce monde et cela se passe en terre neutre donc vous serez à égale distance de tous les continents ; continua le chevalier en souriant.

-Bonne idée, on s’inscrit aux jeux ! Montrez-moi où on s’inscrit, je vous suis ! S’exclama Saya qui avait tout suivi. Je sens qu’on va bien s’amuser !

-Attends une minute Saya…commença Darksky avant de se faire interrompre.

-Ils participent aux jeux ! S’écria le roi, suivi de ses compagnons.

Les chevaliers s’élancèrent dans la ville en criant, accompagnés de Saya et prenant Bedwyr sur leur passage, nous laissant dans l’incompréhension la plus totale. Personne ne semblait avoir suivi l’affaire et, même en ayant suivi, je n’avais pas vraiment compris comment nous en étions arrivés là…

-Euh…Laura…qu’est-ce que c’est que cette histoire de jeu ? Me demanda Nagisa.

-Ne me demande pas, je n’en sais pas plus que toi mais j’imagine que ça doit être comme chez nous…

-Vous comptez vraiment vous amuser alors que nous sommes au bord du gouffre ? S’étrangla Hiroki.

-Personne n’a dit oui, Saya participera seule à ses jeux et se fera éliminer dès le premier tour ; rétorqua Miyako d’un air fatigué. En attendant, je vais trouver un endroit où attendre que toutes ces bêtises passent.

La rousse pénétra dans la ville, rapidement suivie de tout le groupe, n’ayant pas vraiment d’autre option. Nous ne pouvions tout de même pas prendre le risque de nous séparer à peine arrivés…

Heureusement, les chevaliers n’étaient pas très durs à suivre car, partout où ils passaient, tous les esprits s’écartaient et restaient figés quelques minutes tant ils étaient surpris par leur stupidité. Nous marchâmes donc une bonne dizaine de minutes dans la ville et j’en profitai pour admirer l’architecture du monde des esprits. Elle était assez rudimentaire puisque beaucoup de maisons étaient, soit en terre cuite, soit en pierre, mais étrangement il y avait aussi des bâtiments modernes en béton et en verre, donnant un mélange assez étrange, d’autant plus lorsque l’on croisait à deux minutes d’intervalle un chevalier et un cosmonaute du futur…

Soudain, Miyako s’arrêta et regarda dans une rue plus étroite que celle dans laquelle nous nous trouvions et haussa légèrement les sourcils sous l’effet de la surprise avant de s’engouffrer dans la ruelle.

Lorsque j’arrivai à mon tour au coin de la rue, j’eus un mouvement de recul lorsque je vis ce qui avait attiré l’attention de Miyako. Darksky, qui arriva après, poussa un cri de surprise, Iori ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit, Nagisa écarquilla les yeux et Marie esquissa un sourire amusé. Seuls Hiroki et Sunohara n’eurent aucune réaction mais c’était normal puisqu’aucun d’entre eux ne connaissait les deux personnes à qui Miyako faisait face.

-Drago ? June ? M’exclamai-je, attirant leur attention.


Nous rejoignîmes rapidement nos deux amis mais étrangement je n’étais pas vraiment étonnée de les voir dans ce monde et eux non plus ne semblaient pas être surpris de nous rencontrer. Il y avait également un homme en armure à leurs côtés que je ne reconnus pas immédiatement mais je pouvais facilement deviner qu’il s’agissait de l’esprit de duel de Drago.

-Tiens, tiens, on dirait que nous ne sommes pas les seuls à avoir profité du portail dans le ciel je vois ; déclara June d’un air amusé. Vous venez chercher Hélios vous aussi ?

-Plus ou moins ; lui répondit Darksky légèrement déconcerté. Mais vous n’êtes que deux ? Ou sont Angéla, Ambre et Maya ?

-Dans l’autre monde. On a dû partir en vitesse sans elles à cause d’un léger contretemps ; lui répondit Drago en grimaçant.

-Quoiqu’il en soit, d’après ce que vient de nous dire Miyako, il parait que vous participez aux jeux vous aussi ? Reprit June qui n’avait visiblement pas envie d’aborder ce sujet.

-Il paraitrait oui : soupira Miyako d’un air lassé. Comme si on n’avait rien de mieux à faire que de nous amuser…

-Je voyais plus ça comme un entrainement personnellement ; lui répondit la jeune fille.

-Laisse-moi en douter ; rétorqua Hiroki de mauvaise humeur. Avec l’autre aux commandes, tout ce qu’on va réussir à faire, c’est terminer bons derniers et perdre notre temps ! J’aurais vraiment mieux fait de faire cavalier seul…

-Mais Drago, June, vous êtes déjà inscrits vous ? Leur demanda alors Nagisa.

-Non, nous y allions justement, ça vous dirait de nous accompagner ? Vous pourriez surveiller Saya comme ça ; proposa Drago.

-Puisqu’il faudra bien y passer, on vous suit ; lançai-je, déjà fatiguée de toutes ces histoires.

Notre groupe, maintenant constitué de trois personnes de plus, reprit son chemin vers la mairie de la ville. Sur le chemin, nous prîmes quelques nouvelles de Drago et des autres mais étrangement, ces derniers ne semblaient pas très disposer à en parler, comme s’il s’était passé quelque chose de grave mais qu’ils nous le cachaient. Finalement, toute la conversation tourna autour de nous et de nos activités depuis la fin de l’attaque des démons.

Nous arrivâmes devant la mairie après dix minutes de marche. Elle n’avait rien d’exceptionnelle comparée à celles que l’on pouvait trouver dans notre monde mais elle avait un certain charme dans ce paysage rempli de chaumières médiévales.

Lorsque nous entrâmes, nous nous séparâmes en deux groupes : d’un côté partirent Drago, June, l’esprit de duel, Iori et Darksky pour faire les inscriptions et accessoirement, récupérer Saya, et le reste du groupe resta dans le hall d’entrée, assez peu motivé pour courir dans tous les sens dans le but remplir des papiers à n’en plus finir.

Miyako prit immédiatement place sur l’un des bancs et sortit un livre de poche pour patienter tandis qu’Hiroki commença à faire les quatre cents pas dans la pièce, ne pouvant tenir en place. Sunohara et Nagisa sortirent pour visiter la ville d’un air enthousiaste et je fis de même avec Marie, faute d’avoir autre chose à faire.

Dès que nous fûmes à l’extérieur, la sœur de Darksky prit une grande inspiration et s’étira en baillant.

-Pourquoi courir dans tous les sens dès le matin ? Vous êtes tous bien trop stressés ; déclara-t-elle en se frottant les yeux.

Je ne trouvai rien répondre car elle avait raison. Tout le monde était sur les nerfs depuis que nous étions arrivés. Et pour cause, nous ne savions ni dans quoi nous nous étions embarqués, ni même vraiment pourquoi. Personnellement, j’avais mes propres raisons : retrouver mon frère et le faire revenir à la raison, et faire en sorte que mon père retrouve une vie normale, ce qui impliquait vaincre Armageddon une bonne fois pour toutes, mais les autres, pourquoi combattaient-ils ?

-Si tu veux savoir Laura, j’ai mes raisons également ; déclara soudain Marie, ce qui me fit sursauter.

-Arrête de faire ça Marie ! Râlai-je en rougissant à l’idée qu’elle puisse lire en moi comme dans un livre ouvert.

-Je n’y peux rien, c’est ce monde qui amplifie mes pouvoirs ; me répondit-elle en haussant les épaules.

-Quand même, évite de répondre si on ne te pose pas de question, ça évitera les crises cardiaques…

La jeune fille me regarda d’un air malicieux qui ne me disait rien de bon mais je ne pouvais rien faire pour l’en empêcher…

-En réalité, nous avons tous nos raisons ; reprit-elle. Mais c’est amusant de voir que personne dans le groupe ne se bat pour la même chose.

Je m’apprêtai à lui poser davantage de questions mais ayant déjà sûrement lu dans mes pensées, elle m’interrompit.

-Laura, ça te dirait d’aller t’entrainer un peu ? J’ai vu une sorte de stade sur le chemin ?

-Si…Si tu veux ; bafouillai-je, surprise par une telle proposition.

Marie sauta les quelques marches et reprit la route en sens inverse et je la suivis. Cependant, sur tous le trajet, je ne pus m’empêcher de réfléchir à ce qu’elle m’avait dit. Si les motivations de chacun étaient différentes, se pouvait-il que nous nous opposions un jour ou l’autre ? Cela ne m’aurait pas étonné qu’Hiroki veuille se venger de mon père en le rencontrant, ce qui allait faire de lui mon ennemi mais les autres ? Pourquoi Sunohara continuait-il le combat ? Qu’est-ce qui poussait Miyako à risquer son avenir en combattant au lieu de travailler ? Quel était le but de Marie en nous accompagnant alors qu’elle n’avait même pas participé à la bataille contre les démons ? Je n’avais aucune réponse à ces questions…

Je remarquai alors, comme l’avait dit la jeune fille, qu’il y avait sur l’une des places de la ville une sorte d’arène où s’affrontaient une espèce de minotaure et une bête ailée, sous les regards de quelques curieux.

Nous nous arrêtâmes pour regarder le combat qui ressemblait vaguement à un mélange de duel de monstres et d’arts martiaux. Le minotaure prit rapidement le dessus sur l’oiseau et le jeta hors du ring avec un cri de guerrier sous les applaudissements de la foule.

-Allez, à notre tour maintenant ! S’exclama Marie en montant sur la plateforme.

-Hein quoi ? Devant tous ces gens ? M’exclamai-je, perdant soudain l’envie de me battre.

-Et pourquoi pas ? Tu as l’habitude de livrer des duels dans des stades non ? Une petite scène comme celle-là ne devrait pas te faire peur.

Je serrai les dents. Certes, elle avait raison mais…en réalité, j’avais quelques appréhensions à combattre dans ce monde sous les yeux de tous lorsque je me rappelai de l’accueil peu chaleureux qui m’avait été réservé l’année précédente. Cependant, devant l’insistance de la jeune fille et les regards interrogateurs des spectateurs, je finis par céder et je la rejoignis.

-Bon, et maintenant ? Lui demandai-je. Qu’est-ce qu’on fait ?

Pour toute réponse, une longue épée se matérialisa dans la main de Marie et je reconnus immédiatement l’arme de son monstre favori, leyvaten puis la jeune fille m’invita à faire de même.

Je concentrai alors mon énergie en moi et j’appelai Trishula dans mon esprit. Aussitôt, une vague de froid se créa autour de ma main et je vis de la glace s’accumuler jusqu’à former une longue épée blanche que je que brandis devant moi.

-Mais…tu es certaine qu’on ne va pas se blesser en faisant ça ? M’inquiétai-je en voyant l’arme que je tenais dans la main.

-Ne t’inquiète pas Laura, j’ai simplement besoin de faire quelques exercices ; lança-t-elle avec un grand sourire.

Tout cela ne me disait rien de bon. Je n’avais vraiment pas envie de blesser la sœur de Darksky par inadvertance à cause du pouvoir de Trishula qui était décuplé dans ce monde, d’autant plus que je ne l’avais jamais vue combattre auparavant…Mais elle semblait tellement sûre d’elle que je me mis à douter de ses véritables capacités et je finis par passer à l’attaque.

Je m’élançai droit sur Marie, l’épée pointée en avant mais elle ne bougea pas d’un pouce et resta en position, comme un escrimeur attendant son adversaire. Je tentai alors de lui donner un coup en abattant mon épée sur elle mais, alors que le plat de ma lame fonçait sur sa tête, la jeune fille para mon attaque avec une facilité déconcertante.

Mon arme rebondit sur la sienne dans un bruit de métal assourdissant et je perdis l’équilibre. J’écarquillai les yeux, choquée par sa vitesse de réaction et la sœur de Darksky esquissa un sourire tout en se remettant en position alors que je titubai.

-Ca alors…Tu m’avais caché que tu savais te battre, Marie ; lui dis-je, impressionnée.

-Oh non, je ne sais pas, je te rassure. Je voulais simplement tester mon pouvoir dans ce monde.

-Je vais peut-être devoir y aller un peu plus sérieusement dans ce cas.

Mon cœur s’accéléra dans ma poitrine. Tout à coup, j’étais totalement remotivée et j’oubliai l’appréhension que j’avais à montrer mon pouvoir devant autant de spectateurs. Cela faisait longtemps que je n’avais pas combattu et pour être franche, cela m’avait un peu manqué. Savoir qu’en plus aucune d’entre nous ne risquait sa vie dans ce combat le rendait d’autant plus palpitant.

Sans prévenir, je repassai à l’attaque, visant cette fois-ci le côté gauche, là où elle était sans défense mais une fois de plus, elle réussit à parer mon attaque avec une vitesse incroyable et sans même bouger les jambes.

A partir de là, j’enchainai les feintes, les attaques frontales, aériennes et je projetai même quelques éclats de glace sur elle mais il n’y avait rien à faire, je n’arrivai qu’à ricocher sur son épée et donner des coups dans le vent alors que la sœur de Darksky n’avait pas fait un seul pas et se contentait de bouger le bras.

Après cinq minutes d’attaque sans interruption, épuisée, je plantai mon épée dans le sol et je m’appuyai dessus pour reprendre mon souffle.

-Tu es…Plutôt forte…dis-moi…Haletai-je.

-Toi aussi Laura ; me lança-t-elle amusée. Tes stratégies sont vraiment bien pensées, je comprends comment tu as pu vaincre Zorc l’année dernière.

A ces mots, je compris ce quel était le but de Marie à travers ce combat improvisé et je souris à mon tour. Elle voulait tout simplement voir si, dans ce monde, son pouvoir était assez rapide pour lui permettre d’esquiver les coups sans même lever le petit doigt et visiblement, la réponse était oui.

-Zut, je suis démasquée…Ronchonna-t-elle alors.

-Pas besoin de savoir lire dans les pensées pour te démasquer ; répliquai-je en riant. Mais je dois dire que je ne m’y attendais pas, je suis impressionnée.

-Je ne m’y attendais pas non plus, rassure-toi, je voulais simplement m’amuser un peu.

Nous éclatâmes de rire en même temps sans vraiment savoir pourquoi et la foule nous applaudit chaleureusement. Finalement, ces jeux n’allaient peut-être pas être si désagréables que ça si je pouvais ressentir cette sensation tout au long des épreuves. Et puis, Saya avait raison sur le fond, nous avions tous besoin de nous détendre un peu et quelle meilleure occasion que des jeux pour cela ?




Chapitre 11 : Le Juge



Spoiler :


La mairie était plus grande qu’elle n’en avait l’air vue de l’extérieur. Nous nous trouvions dans un long couloir comportant des milliers de portes d’où allaient et venaient des esprits de duel mais nous n’avions aucune idée de laquelle prendre. Darksky ne semblait aussi perdu que moi et ce dernier haussa les épaules lorsque je lui demandai s’il avait une idée. Iori quant à elle, demandait aux esprits de duels qui passaient là mais aucun d’entre eux ne fut capable de nous répondre. Evidemment, Ladd n’y mettait pas du sien, lui qui n’avait aucune envie de participer aux jeux alors que j’étais persuadé qu’il savait où nous devions nous rendre…

Et après tout, que cherchions nous exactement ? Un bureau ? Une sortie ? Des chevaliers et une blonde faisant du bruit ? Je n’en n’avais pas la moindre idée et June non plus à en juger par son expression qu’elle affichait en général lorsqu’elle n’arrivait pas à résoudre une énigme.

-Bon, je crois qu’on est perdu ; déclarai-je après dix minutes à tourner en rond.

-Dans ce cas, faisons demi-tour et oublions ces jeux stupides ; grogna le chevalier de mauvaise humeur.

-Attendez, je sens qu’on se rapproche ; répliqua Darksky qui n’avait pas plus envie que Ladd de participer mais qui voulait tout de même récupérer son amie.

-Et qu’est-ce qui te fait dire ça ? Lui demanda June, sceptique.

-Ça fait dix minutes qu’on tourne, ce couloir ne peut tout de même pas être infini ! On va bien finir par les retrouver !

-En continuant ainsi, non, on ne les retrouvera pas ; intervint Iori qui nous rejoignit après avoir questionné un autre esprit.

-Hein ? Comment ça ? Il n’y a qu’un seul moyen de s’inscrire aux jeux et c’est de passer par la mairie, non ? S’étonna son ami, les yeux ronds.

-Non, je viens de me renseigner et nous devons nous rendre au sanctuaire céleste. Il nous faut l’approbation du juge de ce monde pour participer.

Le juge…Ladd avait parlé de ce monstre de duel. Il s’agissait de l’esprit ayant rappelé tous les monstres de Fuji Makoto dans le monde des esprits et à entendre le chevalier, il n’était pas très tendre. J’imaginais donc mal le plan de June consistant à nous faire passer pour des esprits de duel fonctionner avec quelqu’un comme ça…

Toute cette histoire sentait mauvais et j’avais un très mauvais pressentiment sur la suite des événements et je commençai à me dire que Ladd n’avait peut-être pas tort de vouloir éviter ces jeux même si je pensais qu’il avait surtout peur du juge en réalité pour avoir brisé la barrière par ma faute…

-Je ne vois pas le problème. Il suffit d’aller voir ce juge et le tour est joué, non ? Reprit Darksky, perdu.

-Le problème est que le juge vit au sanctuaire céleste, donc on peut toujours chercher dans cette mairie, on ne le trouvera pas ; lui répondit June d’un air embêté.

-Enfin, un problème, pas vraiment puisque je viens d’obtenir la carte pour nous y rendre ; continua Iori en montrant un bout de carton qu’elle tenait dans la main.

Nous écarquillâmes tous les yeux et Ladd grogna une nouvelle fois. Iori avait peut-être l’air timide et maladroite lorsqu’on la voyait de loin mais elle pouvait se montrer vraiment intelligente et efficace en situation…

Sans ajouter un mot de plus, la jeune fille brandit la carte au-dessus d’elle et une vive lumière nous aveugla tandis que je vis une porte apparaitre en plein milieu du couloir. Sans hésiter, Iori l’ouvrit et passa de l’autre côté puis nous prîmes sa suite, ne comprenant pas vraiment ce qu’il se passait.

Lorsque je fus passé, je découvris devant moi un immense bâtiment de pierre blanche dont la façade ressemblait à celle d’un temple grec avec ses hautes colonnes soutenant un impressionnant toit triangulaire et ses sculptures somptueuses. Derrière, je pouvais distinguer plusieurs parties dont une arène, une pièce surmontée d’une haute coupole et enfin une sorte de cour dans laquelle s’élevait une colonne dominant tout le sanctuaire. Il y avait également plusieurs bâtiments annexes, tous dans le même style grec antique.

Toute l’infrastructure semblait flotter dans le ciel à en juger par les nuages en contrebas et le soleil faisait scintiller les murs et les façades comme du diamant.

Il n’y avait pas un seul bruit dans le temple à l’exception du sifflement du vent s’infiltrant entre les colonnes et rebondissant sur la pierre et chacun de nos pas résonnait comme dans un vaste canyon.

Je n’avais jamais rien vu de tel dans toute ma vie et j’étais tout simplement subjugué par tant de majesté. Darksky était également bouche bée devant le sanctuaire et n’arrivait pas à articuler un seul mot. June quant à elle, étudiait la structure comme l’aurait fait un archéologue et semblait prendre des notes dans sa tête. Ladd avait croisé les bras sur sa poitrine et ne disait plus un mot, comme craignant d’être entendu. Seule Iori restait indifférente face à cette merveille d’architecture et regardait vers le sommet en fronçant les sourcils d’un air déterminé.

Après être restés cinq bonnes minutes, figés, à contempler le bâtiment, nous montâmes les grandes marches menant au sanctuaire. J’avais vraiment l’impression de me rendre dans un endroit sacré, voire interdit à de simples personnes comme nous en me rendant compte de la taille réelle du temple qui était au moins aussi haut qu’un immeuble de cinq étages et je me sentis tout à coup très vulnérable.

Lorsque nous arrivâmes au sommet, je pus discerner la silhouette de quelqu’un, un ange à la peau violette portant une longue tunique blanche surmontée de bijoux dorés sur les bras et le cou. Son visage était totalement androgyne, portant à la fois des traits masculins et féminins.

Dès qu’il nous vit arriver, l’ange nous lança un regard froid qui fit tressaillir Darksky et Ladd.

-Encore des visiteurs ? Le sanctuaire est bien actif aujourd’hui ; déclara-t-il d’une voix lente et grave résonnant tout autour de nous.

-Nous venons pour obtenir une consultation auprès de Voltanis afin de nous inscrire aux jeux ; lui répondit Iori sans sourciller devant la puissance de l’ange.

-Voltanis est en ce moment-même occupé, revenez plus tard pour…

Notre interlocuteur se fit interrompre dans sa phrase par un bruit de porte s’ouvrant derrière lui et ce dernier se retourna, intrigué. Un grand homme sortit alors du temple, habillé d’un simple bermuda blanc, d’une chemise grande ouverte et de sandales bleues. Son visage était celui d’un homme fort, au menton carré et aux dents blanches scintillant au soleil. Ses longs cheveux blonds étaient attachés en une queue de cheval tandis que ses yeux étaient cachés par d’épaisses lunettes de soleil noires. Il ne lui manquait que la planche de surf mais hormis cela, son apparence était totalement celle du surfer telle qu’on l’imaginait.

-Allons Saturne, qu’avons-nous là ? demanda-t-il alors d’une voix chantante et enjouée.

-Mai…Maitre Parshatt, depuis quand êtes-vous là ? Bégaya l’ange, abasourdi.

-Je passais simplement dire bonjour à cette vieille branche de Voltanis avant les jeux, qu’est-ce que tu crois ! La compétition cette année risque d’être intéressante avec la blonde là. Je sens qu’elle et son équipe ont un grand potentiel !

-Une…une blonde ? Intervint Darksky. Est-ce que par hasard elle était accompagnée de dizaines de chevaliers bruyants ?

-Bien vu ! Vous êtes le reste de son équipe je suppose ?

-Plus ou moins. Nous sommes des amis et nous souhaiterions nous inscrire nous aussi aux jeux, est-ce que cela est possible ? Demanda June, tentant de faire preuve de diplomatie.

-Evidemment que c’est possible mes enfants ! S’exclama le blond en se mettant à rire sans raison. Suivez-moi, je vais vous conduire à Voltanis !

Le grand homme nous invita à le suivre et, d’abord hésitants, nous passâmes finalement devant Saturne dont les yeux avaient triplé de volume et qui affichaient un air totalement déconcerté. A vrai dire, je n’avais pas compris grand-chose non plus mais au moins nous étions rentrés sans encombre, c’était le principal.

Lorsque les portes s’ouvrirent dans un grincement sourd, je pus distinguer l’intérieur du temple et je m’arrêtai net au moment de mettre un pied à l’intérieur et mes compagnons firent de même.

Moi qui m’attendais à trouver tomber sur une vieille pièce poussiéreuse éclairée avec des torches et décorée de statues, je tombai de haut. En effet, le hall d’entrée ressemblait plus à l’accueil d’un hôtel quatre étoiles qu’à un temple antique.

Au sol, un immense tapis rouge recouvrait les dalles de pierre blanche tandis qu’au bout, une sorte de réception accueillait les quelques esprits de duels présent dans la grande salle rectangulaire. De chaque côté de cette réception se trouvait une porte où d’autres esprits allaient et venaient en permanence.

Tout près des portes, quelques fauteuils, tables et journaux étaient disposés en libre-service, juste en-dessous d’un panneau sur lequel était affiché des nombres, comme dans les files d’attente des grands magasins.

A droite et à gauche de nous, deux escaliers menaient aux étages supérieurs et surplombaient deux autres portes menant vraisemblablement aux jardins et à l’arène que j’avais aperçus depuis l’extérieur.

Je levai mon regard vers le plafond et je découvris une grande fresque sur laquelle étaient peint les visages des différents juges du sanctuaire et je reconnus notre guide parmi eux.

-Heureusement que mon père n’est pas avec nous, sinon on en aurait eu pour la journée ; ricana June.

-Ce n’est que du décorum, rien de plus ; grogna Ladd, nullement impressionné.

-C’est un bien bel endroit, n’est-ce pas les enfants ? Lança Parshatt avec entrain. C’est moi qui ai eu l’idée de le faire rénover il y a quelques années ! Si vous l’aviez vu avant, il tombait en ruine, c’était triste à en mourir !

-D…Désolé de vous interrompre Parshatt, mais où se trouve le tribunal de Voltanis ? Le coupa Iori, l’air soudainement impatiente.

-Une petite visite n’a jamais fait de mal à personne mais puisque vous insistez, allons-y.

Notre guide reprit son chemin et salua la réceptionniste qui rougit lorsqu’il lui adressa un sourire. Ce type était vraiment le portrait typique du surfer même dans son attitude…

Nous passâmes la porte de gauche au fond de la salle et nous nous retrouvâmes dans un long couloir tapissé de velours, un peu comme dans un théâtre et aux murs étaient accrochés divers textes que je n’arrivais pas à déchiffrer mais qui semblaient être des extraits d’une sorte de code civil à en juger par la mise en page.

-J’espère qu’il n’est rien arrivé à Saya ; murmura Darksky, inquiet.

-Qu’est-ce que tu voudrais qu’il lui arrive ? Elle est accompagnée des chevaliers nobles.

-C’est bien ça qui me fais peur Drago. Elle a toujours l’idée pour nous mettre dans des situations pas possibles et avec ces types à ses côtés…Je préfère ne pas y penser.

Sur le moment, je ne compris pas très bien ce qu’il voulait me dire mais un déclic se fit immédiatement dans ma tête lorsque Parshatt toqua à la porte au bout du couloir et qu’un rugissement de colère se fit entendre pour toute réponse.

-Oh, il semblerait que Voltanis ne soit pas de bonne humeur ; s’amusa l’ancien juge.

-Peut-être devrions-nous repasser plus tard dans ce cas ; suggéra June avec sagesse.

-Ne vous inquiétez pas, cette vieille branche crie beaucoup mais il a un bon fond. Allez, entrons.

Parshatt ouvrit les portes et nous nous retrouvâmes dans une sorte d’immense tribunal, exactement comme ceux que l’on pouvait trouver dans notre monde avec ses bancs pour le public, les places des accusés, du jury et le pupitre des témoins ainsi que le fauteuil et le bureau du juge faisant face à une grande statue d’un monstre en toge romaine tenant une balance et une épée.

Voltanis, un grand homme à la carrure imposante, portant une robe noire, au visage carré et à la barbe bien développée, était derrière ce bureau et devant lui se trouvaient les chevaliers nobles, toujours aussi bruyants ainsi que Saya, assise sur l’une des tables.

-Sa…Saya ! S’exclama Darksky, abasourdi.

La blonde se retourna et cela focalisa immédiatement toute l’attention sur nous et je reculai, impressionné par le regard du juge.

-J’avais pourtant dit à Saturne que nous étions occupés ; s’exclama Voltanis, de mauvaise humeur. Repassez plus tard une fois que j’en aurais fini avec ces cinglés !

-Allons vieille branche, détends-toi un peu, je t’ai amené le reste de l’équipe de ta nouvelle amie ; lança Parshatt d’un ton enjoué.

-Génial…soupira le juge en se prenant la tête dans les bras, désespéré. Déjà, les chevaliers nobles, dehors !

-Eh ! Vous n’avez toujours pas répondu à ces questions ! Protesta Bedwyr.

-Faites ce que vous voulez mais dégagez d’ici, je ne veux plus vous voir dans ce tribunal !

Un « hourra » général s’éleva de l’assemblée des chevaliers tandis que Voltanis se boucha les oreilles, à bout de nerfs. J’avais presque pitié pour lui qui semblait très bien connaitre les chevaliers nobles…un peu trop même à en juger par ses réactions.

Une fois que tous les guignols en armure furent sorti du tribunal, le silence revint enfin et le juge reprit un air sérieux.

-Bien, maintenant que ceci est passé, reprenons depuis le début et formulez votre requête ; déclara-t-il solennellement.

-Je te l’ai déjà dit mon vieux, ils viennent pour s’inscrire ; lui répondit Parshatt, désormais adossé contre un mur, les bras croisés sur son torse.

-Ce n’est pas à vous que j’ai posé la question maitre ! Râla le juge, ce qui eut pour effet de faire rire à nouveau notre surfer.

-Donc je vais me répéter ; reprit Saya en sautant de son pupitre pour atterrir juste devant Voltanis en le dévisageant d’un air sérieux. Moi, Yuiko Saya, désire participer aux Jeux Olympiques du monde des esprits avec mon équipe !

-Ce n’est pas ce que je demande ! Rétorqua Voltanis, prêt à exploser. Quel est ton équipe ? Je ne peux pas inscrire quelqu’un sans même connaitre son nom !

-Peut…peut-être vaut-il mieux que je m’en occupe ; intervint Iori voyant la catastrophe arriver.

Sans laisser le temps à Saya de répondre, la jeune fille s’avança et sortit un papier de sa poche qu’elle tendit à Voltanis.

-Voici notre demande d’inscription ; continua-t-elle. Normalement tout est en règle.

-Quand…Quand as-tu pris le temps de rédiger ça ? S’étrangla Darksky.

-Ce…Ce n’est pas important ; s’affola Iori. Disons que…puisque je savais que c’était la période, je me doutais que Ma…Saya allait vouloir y participer donc j’ai pris de l’avance, c’est tout…

La voix de la jeune fille trahissait son malaise et il était facile de discerner un mensonge dans ses mots mais Voltanis se contenta de froncer légèrement les sourcils avant d’acquiescer, ce qui coupa court à la réponse de Darksky.

-Tout est en règle. Votre requête est acceptée jeune fille. Vous pouvez disposer à présent.

Iori s’inclina poliment et entraina Saya et Darksky à sa suite malgré les protestations de la blonde et l’air perdu de son ami. Il ne resta plus que June, Ladd, Parshatt et moi dans le tribunal face à Voltanis qui semblait désormais préoccupé par quelque chose mais qui reporta rapidement son attention sur nous, et plus particulièrement sur mon esprit de duel qui détourna aussitôt le regard.

-A nous deux maintenant Ladd, il est temps d’avoir une petite discussion toi et moi.


Mon esprit de duel se crispa et je me souvins tout à coup de ce que Ladd avait dit lorsqu’il était apparu pour nous sauver, Asuna et moi et si j’avais bien compris, il n’était pas vraiment dans les bonnes grâces de Voltanis…

-Alors, qu’as-tu à dire pour ta défense ? Gronda le juge.

-Absolument rien, je n’ai fait que mon devoir ; se défendit-il sans oser regarder son interlocuteur.

-Votre honneur, c’est entièrement de ma faute si Ladd a fait cela ! Intervins-je pour protéger mon ami.

Lorsque Voltanis posa son regard froid sur moi, mon sang se glaça mais je ne reculai pas. Comme il le disait, il n’avait fait que suivre mes ordres et je refusais qu’il paie à ma place.

A ce moment-là, mon ancienne personnalité reprit le dessus et, oubliant totalement à qui je faisais face, ma peur disparut et je dévisageai le juge d’un regard assassin.

-Juge Voltanis ; continuai-je d’une voix plus lente et plus grave qui surprit tout le monde. Vous reprochez à Ladd d’avoir brisé la barrière entre les mondes, n’est-ce pas ?

-C’est exact. Cet esprit a mis en péril l’équilibre des mondes en sachant pertinemment ce qu’il faisait ; me répondit le juge tout aussi froidement.

-Cependant, son acte ne vous a-t-il pas permis de récupérer tous ces monstres invoqués par Fuji Makoto ? Grace à lui, un monde a pu être sauvé.

-Là n’est pas la question jeune homme ; rétorqua Voltanis. Nos trois mondes sont déjà en crise, je ne peux pas gérer cela si un esprit comme Ladd s’amuse à défier les lois du sanctuaire en brisant les barrières séparant les mondes.

-Objection votre honneur ; intervint soudain June. Je peux affirmer sans aucun doute que l’action de Ladd a été bénéfique.

-Ah…Ah oui ? S’étonna l’intéressé, les yeux ronds.

Mon amie s’avança d’un air confiant et fit face au juge sans trembler, avec même un léger sourire aux lèvres tandis que Parshatt observait la scène avec intérêt.

-A présent que les mondes sont reliés entre eux, ils ont arrêté de s’éloigner ou de se rapprocher pour le moment, ce qui laissera plus de temps afin de trouver une solution.

-Mais…

-De plus ; le coupa-t-elle, lancée dans son argumentation, ces portails ont toujours existés. Ils étaient certes plus petits mais Ladd n’a fait qu’en ouvrir un nouveau là où ils s’étaient tous refermés.

Voltanis fronça les sourcils et croisa les bras pour réfléchir. Mon cœur battait fort dans ma poitrine. Est-ce que ces arguments allaient être suffisants ? June semblait sûre d’elle mais je n’étais vraiment pas rassuré, et Ladd ne l’était pas plus à en juger par son visage livide.

Au bout d’une minute qui me parut interminable, le regard de Voltanis passa successivement de June à moi puis à Ladd et, au moment où il allait reprendre la parole, Parshatt, qui était resté muet, prit la parole.

-Allons mon bon Voltanis, ce n’est pas si grave que ça après tout et la petite a raison, il faut boire le verre à moitié plein ; déclara-t-il d’une voix enjouée.

-Mais ce n’est pas la première fois que Ladd défie les règles du sanctuaire…

-Tu le puniras une autre fois, ce n’est pas grave !

-Est-ce que vous avez réellement été juge, maitre Parshatt…Soupira Voltanis. Mais soit, je n’ai plus la force de débattre après avoir vu les chevaliers nobles aujourd’hui, donc je vais fermer les yeux pour cette fois.

Je lâchai un soupir de soulagement en entendant cela et Ladd se détendit également tandis qu’un léger sourire fendit le visage de June. Je n’étais certain d’avoir très bien compris comment nous nous en étions tirés mais Voltanis avait gracié Ladd, c’était le principal.

-Maintenant, reprenons si vous le voulez bien. Vous désirez vous inscrire vous aussi aux Jeux, c’est bien cela ?

-Oui ; répondis-je immédiatement.

-Votre équipe ne comporte que trois membres ?

-Deux ; rectifia Ladd.

-Allons, ce n’est pas parce que tu as été disqualifié la dernière fois que tu dois renoncer mon brave Ladd ; lui lança Parshatt avec un large sourire.

-Disqualifié ? Ladd a déjà participé aux jeux ? M’étonnai-je.

-Ne…Ne l’écoute pas Drago, il fabule, je n’ai jamais pris part à de telles bêtises !

Voltanis frappa la table de son marteau pour demander le silence et tout le monde se tût dans la salle mais je ne comptais pas en rester là.

-Je suis désolé mais deux ou trois membres, ce n’est pas suffisant pour constituer une équipe.

-Mais nous ne sommes pas que trois. Nous sommes huit actuellement ; déclara mon amie, en s’avançant vers l’estrade.

-Huit ? Répéta le juge, sceptique.

Pour toute réponse, June sortit un petit boitier de sa poche et le posa par terre, juste aux pieds du juge puis appuya sur l’un des boutons. La machine se mit à clignoter et un faisceau de lumière s’éleva dans la salle pour ouvrir une sorte de brèche.

Je fus à peine étonné lorsque de l’autre côté, je reconnus la chambre d’Angéla, toujours aussi bien rangée que d’habitude. Après tout, il fallait bien aller les chercher un jour où l’autre.

June nous pria de l’attendre quelques secondes et passa de l’autre côté avant de sortir de la chambre et de sortir de notre champ de vision.

-Allons bon, voilà pourquoi j’ai toujours détesté les portails ; grogna Voltanis. On entre et on sort du sanctuaire comme dans un moulin…

-C’est plutôt amusant je trouve moi.

-Avec tout le respect que je vous dois maitre Parshatt, cessez d'être amusé par tout ce qui se trouve sous vos yeux et vos oreilles. Reprit le juge, dépité.

Quelques instants plus tard, June revint dans la chambre, cette fois-ci accompagnée d’Angéla, Ambre, Maya, Serena et Satoshi qui écarquillèrent tous les yeux en nous voyant de l’autre côté du portail.

-Tiens, mais qui voilà. Je croyais que tu n’avais pas besoin de nous ; railla Maya.

-June nous a dit que tu avais besoin d’un peu d’aide, qu’est-ce que vous mijotez d’amusant sans moi encore ? Me demanda Angéla en me donnant son habituelle tape dans le dos.

-Content de te revoir moi aussi…Toussotai-je comme à chaque fois.

-J’ai cru comprendre qu’on allait s’amuser un peu. Vous comptez réellement participer aux jeux ? Nous demanda Serena, enthousiaste.

-J’imagine que ça ne doit pas différer de ceux de notre monde…du moins, pas beaucoup ; lui répondit Ambre, intriguée elle aussi.

-On vous envoie sauver le monde et vous participez à de stupides jeux…vous êtes tous désespérants ; grogna Satoshi qui s’apprêtait déjà à retourner dans notre monde lorsque je le portail se ferma brutalement devant lui.

Je fronçai les sourcils lorsque Satoshi dit cela. Je n’avais pas oublié qu’il était notre principal suspect pour le dysfonctionnement du transporteur dimensionnel et, même s’il ne semblait pas étonné de nous voir dans ce monde – comme si tout avait fonctionné comme prévu – il pouvait très bien cacher sa surprise. Je devais rester sur mes gardes en attendant de lui demander directement quelles étaient ses intentions.

-Avec une équipe pareille, c’est sûr que vous avez toutes vos chances ; ricana Ladd.

Voltanis se boucha les oreilles et serra les dents devant tant de vacarme dans son tribunal qui, d’ordinaire, devait être très calme.

-C’est bon, j’ai compris, June Wheeler, tu restes ici pour formalisez les inscriptions, tous les autres, dehors et plus vite que ça !

Nous nous exécutâmes sans faire d’histoire et Parshatt nous raccompagna jusqu’à la sortie. Les nouveaux arrivants s’étonnèrent rapidement de l’architecture du sanctuaire, surtout Angéla qui semblait totalement dans son élément. Après tout, son deck était constitué des monstres peuplant cet endroit, quoi de plus normal.

Lorsque nous repassâmes devant Saturne qui n’avait pas bougé d’un pouce depuis notre entrée, mon amie se précipita vers lui, des étoiles dansant dans ses yeux et ce dernier eut l’air surpris de la voir également.

-Oh, Saturne, ça faisait une éternité que je ne t’avais pas vu !

-An…Angéla ? Bégaya le gardien, interdit.

-Dis, est-ce que les autres sont là aussi ? J’aimerais bien voir Athéna !

-Angéla, nous n’avons pas le temps pour ça…L’interrompit Ambre, voyant le malaise de l’agent.

-Mais ce n’est pas tous les jours qu’on peut rencontrer les monstres de son jeu ! Gémit la blonde qui n’était pas prête à lâcher l’affaire.

Devant son obstination, Maya la saisit par le col et la traina derrière elle de force, devant le regard exorbité de Saturne qui ne comprenait plus rien à la situation et sous les rires de Parshatt qui s’amusait vraiment d’un rien.

Ce dernier nous renvoya ensuite devant la mairie en un claquement de doigt. Evidemment, Satoshi et Serena qui vivaient avec Hélios dans ce monde, n’eurent aucune réaction en retrouvant ce monde qu’ils connaissaient déjà mais pour le trio, ce fut un choc.

-C’est…c’est ça le monde des esprits ? Bégaya Ambre.

-Un problème avec mon monde ? Grogna Ladd.

-Aucun…simplement, je pensais qu’il serait plus différent du nôtre que ça.

-Tous les mondes se ressemblent et possèdent leurs différences ; grommela Satoshi en regardant vers le ciel.

-Arrête de faire ton ronchon toi. Avoue que tu es content de revenir ici ; le taquina Serena.

Je ris de bon cœur devant cette scène banale de notre quotidien. Même si la dernière fois que nous avions été réunis de la sorte ne remontait qu’à quelques jours, j’avais l’impression qu’une éternité s’était écoulée avec toutes ces histoires dans mon monde avec Asuna et Fuji Makoto. Je devais avouer que cette ambiance bon enfant m’avait manquée.

-Au fait Drago, Asuna n’est pas avec vous ? Fit remarquer Satoshi.

Je me raidis. Pouvais réellement lui dévoiler maintenant ce qu’il s’était passé dans l’autre monde ? Son regard ne trahissait aucune expression ni émotion, si bien que je ne pouvais pas deviner s’il se posait vraiment la question ou s’il espérait que quelque chose lui soit arrivé…pour une raison ou pour une autre…

-Non…Elle avait quelques détails à régler…Elle nous rejoindra peut-être quand elle aura fini…Mentis-je pour éclipser le sujet.

-Je vois…Dans ce cas, si elle est allée chercher June, c’était simplement pour la remplacer en attendant son retour, c’est bien cela ?

-Plus…Plus ou moins…oui…

Je n’étais vraiment pas à l’aise avec Satoshi à ce moment-là. Quelque chose dans sa voix, son attitude ou même son regard me dérangeait et j’aurais mis ma main à couper qu’il savait pertinemment tout ce que nous avions vécu.

Sa série de question fut interrompue par une exclamation d’Angéla lorsque cette dernière aperçut au loin les chevaliers nobles en pleine bataille pour je ne sais quoi et je pris ce prétexte pour mettre fin à la conversation en allant empêcher Angéla de prendre part au combat elle aussi.

Finalement, après cinq minutes passées à batailler avec elle, je réussis à la convaincre d’abandonner en lui parlant de la taverne de Maximus à laquelle elle voulut se rendre immédiatement.

Ainsi, lorsque nous rentrâmes à l’intérieur de la modeste échoppe, le propriétaire devint livide en voyant autant d’humain dans sa boutique d’un seul coup et il faillit même tomber dans les pommes lorsqu’Angéla se précipita vers lui, des étoiles dans les yeux.

-Ma…Maximum six ! Je me souviens d cette carte, je la jouais quand j’étais petite ! S’exclama la blonde devant les regards ébahis de tous les clients.

-Je…euh…merci…enfin je crois…Bafouilla Maximus en me lançant des regards de détresse.

-Patron, est-ce qu’il vous reste des chambres de libre pour mes amis ?

-C…Certainement !

-Quoi ? Vous logez ici ? Mais elle est minable cette taverne ! Le monde des esprits n’a rien de mieux ? Râla Maya.

-Je…je suis désolé, madame, que mon modeste établissement ne soit pas à votre gout ; s’excusa le propriétaire, des gouttes de sueur lui perlant du front.

-Allez, ne fais pas ta difficile. Si Drago et June ont choisi cet endroit, c’est qu’il ne doit pas être si mal ; lui répondit Ambre d’un ton enjoué.

-Et puis, l’ambiance a l’air sympathique, j’approuve ! Renchérit Séréna avec un large sourire.

Satoshi n’eut pas son mot à dire et à l’unanimité, ou presque, nous décidâmes d’établir notre campement chez Maximus.

Comme il n’y avait pas assez de chambres pour accueillir tout le monde, Angéla vint squatter celle de June tandis que Maya et Ambre occupèrent celle d’à côté. Evidemment, Serena et Satoshi ne prirent une chambre pour deux si bien que j’étais le seul à n’avoir personne à mes côtés puisque Ladd refusait toujours de venir.

Nous nous installâmes rapidement dans la taverne et nous passâmes l’après-midi suivant à faire les boutiques de la ville comme nous l’avait conseillé June, afin de ressembler davantage à des esprits de duel…même s’il était difficile de passer inaperçu avec Angéla qui s’étonnait dès qu’elle reconnaissait un monstre dans la rue…

June nous rejoignit dans la soirée alors que nous dinions à l’auberge, l’air épuisée et se plaignant d’avoir rempli des dizaines de papiers sans aucun intérêt mais cette dernière semblait tout de même contente de retrouver tout le groupe.

-Alors, raconte-nous Drago, qu’est-ce que tu as fait pendant ces quelques jours après être parti ? Me demanda Ambre. Vous avez pu avancer dans ces histoires de fusion des mondes et de démons ?

Avant de répondre, je lançai un regard interrogateur à June pour lui demander s’il fallait que je dévoile tout maintenant alors que Satoshi était là mais cette dernière se contenta d’hausser les épaules et je pris donc la résolution de tout leur raconter.

-En vérité, nous avons eu un problème avec la machine ; déclarai-je. Nous ne sommes pas arrivés dans le monde des esprits comme prévu mais dans mon monde, celui où Asuna et moi avons grandi.

Cette simple phrase jeta un froid dans le groupe et tout le monde arrêta ses activités pour focaliser son attention sur moi.

Je commençais donc à leur raconter ce qu’il s’était passé depuis notre départ, ma perte de mémoire puis notre monde dévasté, l’attaque de Fuji Makoto et l’apparition de Ladd pour enfin terminer sur notre séparation et le plan de June concernant les jeux olympiques.

Pendant tout mon récit, je surveillai l’attitude de Satoshi mais ce dernier n’eut aucune réaction significative qui aurait pu me confirmer sa culpabilité dans cette affaire.

Lorsque j’eus terminé, il y eut un moment de silence et mes amis se regardèrent, ne sachant pas très bien comment réagir. Angéla fut finalement la première à briser le silence.

-Eh bien, tu as l’air d’avoir fait plein de choses pendant ces quelques jours Drago ! S’exclama-t-elle. Ambre, tu peux me rappeler ce qu’on a fait nous ?

-Euh…je crois que tu as passé ton temps à dormir…

-Eh, je cherchais quelque chose de cool à dire et c’est tout ce dont tu te souviens ?

-Que veux-tu mon Angie, il n’y a que la vérité qui blesse ; lui répondit Maya en sirotant sa boisson.

-Franchement, pour le soutien, on repassera vous deux…Se lamenta Angéla sous les éclats de rire du groupe. Enfin, on peut dire que vous avez eu de la chance que Satoshi se soit trompé dans le paramétrage de la machine.

Je retins ma respiration. Sans le savoir, Angéla venait de mettre le doigt sur ce qui me tourmentait depuis leur arrivée quelques heures plus tôt. Cependant, le garçon ne perdit pas son sang-froid comme je l’aurais pensé et répondit très calmement :

-C’est une chance, en effet.

-Tu crains Satoshi tu sais ! Le rabroua sa sœur d’un air désespéré. Quand tu ne sais pas faire fonctionner une machine, tu n’y touches pas, tout simplement !

Le frère ne répondit rien à cela et continua simplement son diner sans ajouter un seul mot de plus. Cependant, plus le temps passait et plus mes doutes sur Satoshi grandissaient. Quelque chose ne tournait pas rond. Même s’il n’était pas directement responsable de notre arrivée dans ce monde, il semblait savoir quelque chose à ce sujet, quelque chose qu’il refusait de nous dire…

Le reste du diner tourna principalement sur nos activités des prochains jours. D’après June, les jeux ne commençaient qu’une semaine plus tard, ce qui nous laissait tout le temps de nous entrainer un peu avant. Mais plus important, cela nous laissait également le temps d’investiguer.

En effet, d’après Serena, Hélios était revenu dans ce monde avant nous principalement pour enquêter sur ce qu’ils appelaient « l’arbre des Naturia », un arbre renfermant les fameux qliphort m’ayant attaqué dans l’école et il n’était pas exclus que d’autres de ces monstres soient déjà en liberté dans ce monde également.

Ainsi, nous nous mîmes d’accord pour aller recueillir des informations auprès des habitants de cette ville et éventuellement dans les environs.

Nous contactâmes également Darksky et les autres pour leur faire part de notre plan mais de leur côté, chacun semblait avoir déjà ses projets personnels, si bien que nous ne pûmes pas compter sur eux malheureusement…

Vers onze heures du soir, tout le monde remonta dans sa chambre en prévision du lendemain mais les événements de la journée continuaient à me trotter dans la tête, si bien que je décidai de sortir prendre l’air pour me changer les idées.

Alors je m’éloignai de la taverne, j’entendis un bruit de pas derrière moi et en me retournant, je vis qu’Angéla me suivait…plus ou moins discrètement.

-Je peux savoir où tu vas en pleine nuit comme ça ? Me lança-t-elle d’un air malicieux. Tu vas affronter tout seul Armageddon ou un truc du genre ?

-J’ai vu qu’il y avait l’antre de l’Arachné Souterraine dans le coin. Ça te dit de m’accompagner là-bas ?

-Je…Je vais m’abstenir je crois…bafouilla la blonde en frissonnant.

J’éclatai de rire aussitôt et la jeune fille gonfla les joues en comprenant que je me moquais d’elle.

-Non, je sortais simplement prendre l’air ; lui avouai-je alors. Tu veux venir aussi ?

-Pourquoi pas. Je n’arrive pas à trouver le sommeil donc autant me balader un peu ; me répondit-elle en haussant les épaules.

Nous marchâmes tous les deux en silence dans les rues calmes de la ville du monde des esprits. Il n’y avait presque plus personne dehors et la plupart des lumières des chaumières étaient éteintes.

Le ciel était une fois de plus dégagé et des milliers d’étoiles scintillaient dans le ciel aux côtés d’un fin croissant de lune rousse. L’atmosphère de cette petite ville était vraiment reposante, pas comme celle de Paris avec ses bars ouverts jusqu’à deux heures du matin et ses fêtards du dimanche bruyants et à moitié saouls.

Nous nous arrêtâmes sur la grande place de la marie, comme je l’avais fait la veille avec June. La fontaine était éclairée ce soir-là, lui donnant un côté féérique et surnaturel.

-Ah, l’ambiance des petites villes, j’adore ça ! S’exclama Angéla en inspirant un grand coup. On s’y sent tellement tranquille ! Ça me rappelle les vacances que je passais avec tout le monde quand j’étais petite ! Dommage qu’on n’ait plus le temps d’y retourner maintenant, je vous aurais bien montré tout ça.

-Je ne peux qu’acquiescer ayant moi-même grandi dans une petite ville et je peux te dire qu’on s’y sentait vraiment bien.

En prononçant ces mots et en me remémorant mes années de primaire avec Asuna, je ressentis une boule dans la poitrine et mon regard dût se voiler à ce moment-là car le visage joyeux d’Angéla fit place à l’inquiétude et à la compassion.

-Je…Je suis désolée, je ne voulais pas…

-Ne t’inquiète pas Angéla, ce n’est rien ; tentai-je de la rassurer.

-Mais non, ce n’est pas rien ! Rétorqua mon amie, l’air vraiment inquiète désormais. Tu as retrouvé tes souvenirs non ? Tu ne peux pas simplement faire comme si de rien n’était !

-Me lamenter du présent ne changera rien ; lui répondis-je avec un sourire triste. J’ai…J’ai été un idiot fini par le passé.

-Que veux-tu dire ? Tu n’es pas triste pour ta ville et tes amis ?

-Ce n’est pas ça…Simplement que j’ai toujours vécu dans la fuite. Je pensais sincèrement qu’en tenant Asuna éloignée des problèmes, je pourrais la protéger mais cela m’a surtout plongé dans une solitude infinie et poussé à la rejeter…Mais c’est peut-être aussi pour ça que je n’ai pas pu accompagner Asuna, parce que je savais que si je le faisais, mon ancien moi allait refaire surface…

Alors que je pensais qu’elle allait me contredire, Angéla se contenta de sourire à son tour.

-Finalement…nous sommes assez différents toi et moi ; s’amusa-t-elle. Même si ton attitude est bien plus réfléchie que la mienne…

Mon amie marqua un temps d’arrêt et plongea son regard dans l’eau de la fontaine, cherchant à y discerner son reflet.

-Depuis le début de ces histoires avec Gariatron, j’ai cherché à protéger ceux que j’aimais sans même réaliser que je n’étais pas la mieux placée pour le faire et que parfois même, c’était moi qui avais besoin d’être protégée…Et même toi Drago, la première fois que nous nous sommes rencontrés, je n’ai même pas réfléchi à ce que je faisais et je suis intervenue dans un combat qui aurait pu me couter la vie.

-Mais est-ce si mal que ça ? Tu sais que je t’admire énormément pour cette raison Angéla. Tu as ce que j’ai toujours rêvé d’avoir mais que je n’ai jamais eu le courage de faire.

-Est-ce vraiment du courage…ou de l’inconscience ? Murmura-t-elle.

-De l’inconscience je dirais.

-Eh, ce n’est pas sympa ça ! Je cherche du réconfort et tu me sors ça ! Se plaignit-t-elle.

-Mais c’est justement pour ça que je t’aime Angéla.

Mon amie devint rouge pivoine en entendant cela et détourna le regard tandis que j’éclatai à nouveau de rire. Il n’y avait pas à dire, Angéla m’avait vraiment manqué pendant mon voyage dans mon monde et j’étais persuadé que si nous l’avions eu à nos côtés, les choses auraient été bien plus simples…ou du moins aurait eu l’air bien plus simples.

Sans prévenir, je la pris par la main et elle sursauta.

-Allez, il est temps de rentrer. June va finir par s’inquiéter si elle ne te voit pas et va penser que tu t’es perdue.

-Je suis assez grande pour ne pas me perdre dans une ville aussi petite que celle-ci ; rétorqua-t-elle en gonflant à nouveau les joues.

La jeune fille se dégagea et partit aussitôt dans la direction opposée d’un air déterminé. Une fois de plus, je ris aux éclats et elle ne tarda pas à me rejoindre dans un fou rire incontrôlable qui résonna dans la nuit jusqu’à ce que nous fussions tous les deux à bout de souffle.

Cependant, cette courte promenade m’avait permis de réaliser à quel point ma vie actuelle en compagnie d’Angéla m’était précieuse et je ne comptais l’abandonner pour rien au monde.






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le bon temps…

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