Je déglutis en entendant cela. Il était vrai que depuis la fin de leur attaque sur notre monde, les démons et Hélios avaient signé une trêve et qu’ils ne représentaient donc plus une menace mais…qu’est-ce que Nagisa avait à voir là-dedans ? Et comment était-elle entrée en contact avec Terra en aussi peu de temps après notre arrivée dans ce monde ?
Je me tournai vers mes amis pour observer leurs réactions mais tous semblaient aussi choqués que moi, à l’exception de Marie qui avait l’air de s’amuser de la situation, connaissant certainement déjà la vérité.
-Nagisa ? Répéta Miyako d’une voix éteinte.
-Vous avez très bien entendu, ne me faites pas répéter. Alors, vous venez ou vous dormez dehors ce soir ?
Je n’étais vraiment pas sereine. Nous connaissions Terra, Darksky l’avait affrontée l’année dernière et je savais qu’elle était du genre fourbe. Tout cela aurait pu n’être qu’une ruse pour nous piéger en profitant de l’absence de l’une d’entre nous. Mais d’un autre côté, cela me paraissait bien trop gros pour être un piège…
Je ne savais vraiment pas quoi répondre à son invitation et même Iori qui, d’habitude avait réponse à tous les problèmes, semblait hésiter.
Ce fut Marie qui débloqua finalement la situation en s’avançant sans aucune crainte vers la jeune femme.
-Allons-y, je sens qu’on va bien s’amuser avec eux ; lança joyeusement la sœur de Darksky.
-Eh attends, on ne sait même pas si…tenta de dire ce dernier.
-Si Marie lui fait confiance, alors moi aussi ; le coupai-je en m’avançant à mon tour.
En effet, puisque Marie, dans ce monde, pouvait lire dans les pensées, elle avait déjà dû discerner les véritables intentions de Terra et n’y trouver aucune raison de refuser. Et, même si je n’avais toujours pas totalement confiance en elle, je pouvais toujours riposter au moindre geste suspect de sa part.
Miyako, n’ayant pas la force de contester, traina un Hiroki à moitié inconscient derrière elle et vint nous rejoindre, rapidement suivie de Saya qui entraina Darksky sans qu’il n’ait eu l’occasion de protester et seule Iori continua à hésiter.
-Alors Yuiko Iori, qu’attends-tu ? Lança Terra avec une voix remplie de mépris.
-Terra…
-Allons, ne me dit pas que tu en veux encore à Floges et que tu me mets dans le même panier que lui ? Ricana la femme aux cheveux d’argent.
Je m’étonnai du ton qu’elle employa. La jeune femme semblait connaitre Iori alors que, dans mes souvenirs, les deux ne s’étaient jamais affrontées ni même rencontrées…Avais-je raté un épisode ou était-ce simplement mon imagination qui me jouait des tours ?
Cependant, dans tous les cas, l’évocation de Floges à ce moment-là me confirma que la jeune fille nous cachait bin quelque chose.
Au bout de quelques minutes, Iori finit par céder et vint nous rejoindre à contrecœur, sous le sourire moqueur de notre hôtesse.
-Vous en mettez du temps à vous décider les gamins ; râla-t-elle. Mais pendant que vous réfléchissiez, j’ai eu une question : c’est pour quoi vos costumes ? C’est la Japan Expo dans notre monde ou bien vous êtes toujours comme ça ?
Dans un élan de solidarité, nous désignâmes tous en même temps Saya comme la responsable.
-Eh, vous n’étiez pas contre je vous signale ! Protesta la blonde.
-Je m’en fiche, je voulais simplement savoir, pas besoin de vous battre ; soupira Terra, l’air de regretter déjà de nous avoir invités.
-Et donc, où allons-nous ? Lui demanda Darksky.
-A la citadelle, pourquoi cette question ?
Nous lâchâmes tous un « quoi ? » parfaitement synchrone mais avant que nous ayons pu protester, Terra claqua des doigts et nous fûmes entourés d’une vive lumière blanche faisant disparaitre peu à peu la ville.
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Lorsqu’elle se dissipa, le paysage autour de nous avait changé. Un vent frais soufflait sur nous et amenait avec lui l’odeur caractéristique de l’océan. En regardant autour de moi, je fus surprise de ne pas trouver la citadelle de pierre grise comme l’avait dit Terra, mais une grande bâtisse au sommet d’une falaise surplombant une mer du monde des esprits.
Le bâtiment, d’un blanc immaculé, tout en largeur, ressemblait vaguement à une abbaye avec son haut clocher en plein milieu, sa façade sculptée, son toit incliné et fait de tuiles orange et ses nombreuses fenêtres sur trois étages donnant sur un grand parc. Dans ce dernier, de nombreuses allées bordées d’arbres en tout genre passaient entre des pelouses parfaitement tondues.
J’aperçus également une sorte de véranda sur laquelle étaient disposées toutes sortes de fleurs colorées. Il y avait aussi plusieurs tables, chaises et bancs, exactement comme dans un parc public.
Le bâtiment était vraiment construit au bord de la falaise, et derrière, je pouvais voir le soleil rougeâtre plonger dans une mer d’huile tandis que les premières étoiles commençaient à apparaitre dans le ciel.
J’étais émerveillée par ce décor et je n’étais pas la seule. Même Miyako, d’ordinaire de marbre face à de telles paysages, semblait surprise.
-Je blaguais, la citadelle est encore pire que l’auberge de Maximus ; s’amusa Terra en sortant des clés de sa poche. Personne d’autre qu’Hurricane ne serait assez fou pour y rester plus d’une semaine sans raison valable.
-Et donc…où sommes-nous exactement ? La questionna Iori, méfiante quand même.
-Chez moi…ou plutôt les gamins.
Je voulus lui demander plus de précisions lorsqu’une voix aigüe et enfantine nous parvint de derrière nous et, lorsque nous nous retournâmes, nous vîmes trois enfants accourir vers nous, de larges sourires aux lèvres.
-Terra ! S’exclama un petit garçon aux cheveux noirs coupés court et au visage rayonnant. Te revoila, on commençait à s’inquiéter !
-Vous vous inquiétez pour moi les gamins ? Vous me prenez pour qui ? Inquiétez-vous plutôt pour vous-mêmes si vous avez profité de mon absence pour tout casser !
Bien que les mots de la jeune femme fussent rudes et dénués de toute compassion, les trois enfants éclatèrent de rire et Terra soupira avant de leur ordonner de rentrer à l’intérieur de la grande bâtisse, sous nos yeux exorbités.
-Je vous jure, les gamins…
-Ma question va sûrement paraitre stupide…mais qu’est-ce que c’était que ça ? Demanda Darksky, totalement perdu.
-Les enfants de l’orphelinat j’imagine d’après la pancarte qui est là ; lui répondit sa sœur en riant.
-De…l’orphelinat ? S’étrangla Hiroki qui avait repris conscience. Qu’est-ce que ça veut dire Terra ? Vous les serviteurs des démons enlevez des enfants de notre monde et vous les amenez de force ici ?
La femme aux cheveux d’argent se frotta les yeux d’un air fatigué avant de répondre.
-Oui, comme si nous n’avions que ça à faire. Tu n’es vraiment pas perspicace toi, on dirait.
L’ami de Miyako voulut à nouveau attaquer la jeune femme mais ce dernier s’effondra après avoir fait un pas, sous le regard désespéré de la rouquine qui, cette fois, n’alla pas l’aider à se relever.
-Enfin, si vous êtes trop stupides pour comprendre, je vous expliquerai une fois à l’intérieur. N’oubliez pas que vous êtes attendus.
Terra se dirigea vers le grand bâtiment et nous la suivîmes sans poser davantage de questions. En marchant dans le jardin, des milliers de senteurs différentes m’envahir les narines. Des parfums d’une multitudes de fleurs et de plantes se mélangeaient ici pour former une odeur unique. J’aurais pu rester simplement debout au milieu du parc pendant une journée si nous avions eu le temps mais puisqu’apparemment nous allions passer les prochains jours dans cette demeure, je réussis à me raisonner pour rejoindre le groupe.
Lorsque nous passâmes la grande porte en bois, je découvris un hall d’entrée assez simple mais qui possédait son charme. Le plafond était haut, sûrement plus de trois mètres, les murs étaient d’un blanc tout aussi immaculé que la façade et le sol était recouvert d’un grand tapis rouge sur lequel étaient brodés des roses blanches. Il n’y avait pas beaucoup de meubles, simplement une armoire, une commode pour poser ses affaires et un porte manteau ainsi que de nombreuses paires de chaussures éparpillées devant des casiers.
Au bout du hall s’élevait un grand escalier de marbre surmonté d’une belle rampe en bois comme dans les immeubles anciens. Terra entra dans la pièce de droite qui ressemblait à un immense salon ressemblant vaguement au nôtre.
Il y avait de nombreux fauteuils, tous datant d’une époque différente, allant du moyen âges jusqu’aux chaises Ikéa et disposés en petits cercles autour de tables de bois. Au fond du salon trônait une haute cheminée qui ne semblait pas avoir été utilisée depuis longtemps et devant elle se trouvaient de nombreux instruments de musique comme un piano, une harpe et même une guitare et un violoncelle.
Sur les côtés, des plusieurs armoires et étagères couvraient les murs et débordaient de livres, journaux, photos, papiers et autres objets de la vie de tous les jours.
Cependant, nous n’étions pas seuls dans cette pièce. Assis l’un en face de l’autre dans un coin se trouvaient Sunohara et Nagisa en pleine partie d’échecs. Lorsqu’ils nous virent, ces derniers cessèrent immédiatement leurs activités et se précipitèrent à notre rencontre.
C’est là que je pus remarquer que nous n’étions pas les seuls à avoir changé de garde rode entre temps puisque la jeune fille portait maintenant une robe rouge à dentelles plus longue derrière que devant, laissant ses épaules totalement découvertes ainsi que des chaussettes hautes et des chaussures à talon noires.
Sunohara, quant à lui, avait enfilé une sorte de costume bleu du dix-neuvième siècle avec même le foulard blanc qui allait avec.
-Oh, vous voilà enfin, j’ai eu peur que vous refusiez la proposition de Terra ! S’exclama Nagisa en nous voyant.
-La prochaine fois, tu iras les chercher toi-même tes amis si tu veux leur faire une proposition, j’ai eu ma dose pour les six prochains mois ; râla l’intéressée.
Nous entendîmes soudain un bruit sourd venant de l’étage d’au-dessus, comme si un vase ou un autre objet lourd avait été renversé et Terra grogna en fronçant les sourcils.
-Ces sales gamins…combien de fois leur ai-je dit de ne pas jouer avec ça ! Ils vont m’entendre eux !
Sur ces belles paroles, la jeune femme se précipita à l’étage et quelques secondes plus tard, nous n’entendîmes plus rien et nous attention retourna donc sur Nagisa et Sunohara qui n’avaient l’air nullement étonnés.
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-Bon, et si tu nous expliquais un peu ce qu’il se passe maintenant ? Déclara Darksky, l’air toujours aussi perdu.
-En effet Nagisa, je crois que tu leur dois quelques explications ; confirma Sunohara en regardant son amie.
La jeune fille nous invita alors à nous asseoir avant de commencer.
-Désolée de ne pas vous en avoir parlé plus tôt…mais après la bataille avec les démons, j’ai gardé contact avec Terra et les autres.
-Tu as gardé contact ? S’étrangla Hiroki. Donc tu avais vraiment trahi tes amis ?
-Non, ce n’est pas ce qu’elle a dit ; répliqua Sunohara d’un ton glacial.
-Vous savez…comme je vous l’ai dit à l’époque, Terra et les autres ne sont pas mauvais, ce sont même plutôt de bonnes personnes et je crois qu’en les côtoyant pendant mon infiltration, j’ai fini par les comprendre…du moins en partie.
-Mais pourquoi ne pas nous en avoir parlé ? M’étonnai-je.
-Tout simplement parce que je n’y ai pas pensé ; me répondit Nagisa d’une petite voix. Je me suis simplement tenue au courant de détails mineurs, rien qui aurait pu vous intéresser je pense…
-Mais tu savais qu’ils se trouvaient dans le monde des esprits, non ? Continua Iori, toujours sur ses gardes.
-Plus ou moins. C’est pourquoi j’ai contacté Terra hier pour lui annoncer ma venue et lui demander si je pouvais la rencontrer et lui parler face à face et c’est là que j’ai pensé que nous pourrions loger ici.
-Attends, par « ici », tu veux dire l’orphelinat ? Lui demanda Darksky, intrigué.
-Oui. Je sais depuis un petit moment que Terra tient un orphelinat où elle accueille des enfants sans famille qu’elle trouve dans notre monde.
-C’est amusant de voir que celle qui voulait il y a moins d’un an détruire le monde, aide les enfants dans le besoin ; lança Marie avec un petit sourire.
-Je vous l’ai dit, Terra et les autres ne sont pas comme ils le laissent croire. Mais puisque nous sommes de passage ici, elle m’a accordé le droit de rester le temps des jeux tant que nous ne causons pas de problèmes.
-Je sens qu’on va bien s’amuser ici ; ricana Saya qui semblait préparer encore un mauvais coup.
-En clair, tu es en train de nous dire que nous n’avons plus rien à craindre des serviteurs des démons, c’est bien cela ? s’interrogea Miyako, les bras croisés sur la poitrine.
-Oui. Terra a même déjà préparé vos chambres !
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– « Avait » préparé vos chambres ; rectifia soudain la jeune femme qui était revenue. Les gamins ont mis un bazar pas possible là-haut, donc je vous laisse tout réparer.
-Dé…Désolé pour tout le mal que tu te donnes pour nous ; s’excusa Nagisa, gênée.
-Vous savez, six lits de plus ou de moins, quelle différence ; se contenta-t-elle de répondre en haussant les épaules. Enfin, je vous laisse découvrir ça et bonne chance pour tout ranger. Sur ce, je vous laisse, c’est l’heure de l’entrainement des gamins.
Terra s’éclipsa et nous ne tardâmes pas avant de suivre Nagisa qui nous présenta nos chambres au premier étage. Nous étions tous dans le même couloir et toutes les chambres étaient identiques, seule la vue changeait, soit du côté du parc, soit de la mer.
Je fus étonnée par leur taille. Pour un bâtiment ressemblant à une abbaye, j’aurais imaginé que les chambres étaient dans le même style mais au contraire, elles étaient spacieuses, lumineuses, hautes de plafond et les meubles semblaient assez luxueux à en juger par les décorations sur le bois des commodes, armoires, tables et autres. Les lits à baldaquins n’étaient pas en reste et j’étais presque jalouse de ne pas avoir les mêmes à la maison…
Evidemment, comme Terra nous avait prévenus, les pièces étaient dans un désordre indescriptible comme si une tornade était passée par là mais j’avais déjà connu pire donc je ne me plaignis pas et choisis rapidement l’une des chambres avec vue sur la mer.
Ranger toutes les pièces nous occupa facilement jusqu’au diner et nous profitâmes de ce moment pour faire connaissance avec les enfants recueillis par Terra. Il devait y en avoir une quinzaine, tous d’origines différentes et d’âges variables, allant de cinq à quinze ans.
Ces derniers avaient l’air vraiment intrigués par notre présence et nous posèrent tout un tas de questions pendant le repas qui fut donc assez animé. Mais, même si tous les enfants étaient des orphelins ayant vécu dans les rues d’après les dires de Terra, aucun ne semblait malheureux ici, un peu comme s’ils formaient une grande famille.
Evidemment, nous évitâmes de parler des problèmes d’Armageddon et nous dissimulâmes nos motivations derrière les jeux de ce monde.
A la fin du repas, l’un des enfants nommé Jérémy, le garçon que nous avions vu plus tôt, nous proposa de visiter le bâtiment. Nous découvrîmes donc les différentes salles qu’étaient la cuisine, la salle d’étude, le gymnase, les chambres des enfants et de nombreuses autres pièces donc je n’avais aucune idée de l’utilité mais j’étais simplement contente de pouvoir me balader dans la grande demeure.
https://www.youtube.com/watch?v=3l_CXocpLoQ
Plus tard dans la soirée, lorsque tous les enfants furent couchés, je décidai de sortir prendre l’air dans ce jardin qui avait attiré mon attention à notre arrivée.
La lune éclairait faiblement le grand parc mais c’était suffisant pour moi. Je m’assis sur l’un des bancs à côté de l’entrée et je me mis à regarder simplement le décor que j’avais en face de moi tout en repensant aux événements de la journée.
J’avais vraiment du mal à croire que nous nous trouvions vraiment dans le monde des esprits, surtout en regardant le paysage totalement terrestre qui s’offrait à moi et ces enfants recueillis par Terra. Mais les faits étaient là et à présent, ce qu’il nous restait à faire avant d’affronter Armageddon n’était que formalité.
Encore un peu…encore un peu et j’allais pouvoir retrouver une vie normale avec mon père et mon frère…Mais pour cela, il fallait que je devienne plus forte. L’échec n’était pas permis. Je devais faire revenir Arthur à la raison coûte que coûte.
Je fermai les yeux et me concentrai pour faire apparaitre dans ma main l’épée de Trishula mais je fus interrompue par un bruit de pas à côté de moi et en me retournant, je vis que Terra m’avait rejointe.
-Mais si ça ne serait pas Laura, la gamine qui a vaincue Zorc à elle seule l’année dernière. Tu sais que ton nom à fait du bruit parmi nous ? Railla la jeune femme.
-Je vois que je suis connue par ici. Même si je n’ai pas vraiment de mérite avec le pouvoir de Gariatron qui coule dans mes veines.
-Démon ou pas, je ne suis pas sûre que cet Idiot de Floges ait réussi lui, même avec le pouvoir de Pyros.
Je ris légèrement face à la pique gratuite que la jeune femme venait d’envoyer à son partenaire.
-Enfin, je ne suis pas venue pour cracher sur cette tête de gland, je le fais bien assez quand je le vois. Je voulais vous poser une question mais c’est l’anarchie là-haut avec ton amie Saya qui a organisé une bataille de polochon contre les petits.
Cette fois-ci, je ne pus me retenir et j’éclatai de rire en entendant cela tout en remerciant ma curiosité qui m’avait permis de m’éclipser avant d’être embarquée dans une histoire pareille. Je plaignais Miyako qui, au contraire, n’avait pas dû réussir à y échapper.
-Sérieusement, sept ou dix-sept ans, c’est vraiment la même chose j’ai l’impression ; soupira Terra. J’espère que les gamins ne deviendront pas comme ça…
-Aucune chance, Saya est un cas unique en son genre. Mais cette question, quelle est-elle ?
Terra fronça les sourcils et retrouva son sérieux ainsi que son air glacial qu’elle arborait d’habitude.
-Laura, cette histoire de jeux olympiques, qu’est-ce que ça veut dire ?
-Je pourrais te poser la même question avec cet orphelinat, Terra ; rétorquai-je. Je croyais que votre but l’année dernière était de détruire l’humanité ou une folie de ce genre.
-Ne nous prends pas pour ton père s’il te plait ; cracha la jeune femme.
Cela me fit mal d’entendre ça mais je n’avais rien à redire. Je ne pouvais pas le défendre ni même lui trouver des excuses car c’était bel et bien son objectif lorsqu’il avait sombré dans une folie, un objectif que je n’avais jamais approuvé mais que je n’avais jamais réprouvé non plus.
https://www.youtube.com/watch?v=OixZKhcq1fQ
-Mais pour répondre à ta question, depuis bientôt dix ans. Depuis que j’ai compris que je n’avais rien à attendre de notre monde pour être exacte.
Je fronçai les sourcils, soudain intriguée par son point de vue. Je savais que les serviteurs des démons refusaient tous le monde dans lequel nous vivions, et il en allait de même pour mon père…mais ils étaient malgré tout différents. Ils n’avaient ni sombré dans la folie et leur courroux semblait être dirigé vers Armageddon plus que vers l’humanité.
-Lorsque Kyuryu m’a ramenée avec lui, je croyais trouver une utopie, que le monde était aussi parfait qu’il me le décrivait mais le pauvre s’était enfermé dans ses propres rêves. Il ne m’a pas fallu très longtemps avant de me rendre compte qu’il n’y avait plus rien à espérer alors je me suis enfuie dans le monde des esprits et j’ai bâti cet orphelinat pour créer ma propre utopie.
-Mais si tu considères qu’il n’y a rien à sauver, qu’enseignes-tu à ces enfants ? Lui demandai-je.
-Je leur enseigne ce que je sais, rien de plus. Après tout, ce sont tous des enfants des rues, n’ayant ni famille ni foyer, tout comme moi si je n’avais pas connu Kyuryu, à la différence que je ne craignais rien sur mon île.
Terra marqua une pause et claqua des doigts pour faire apparaitre une petite flamme dans sa main qui nous éclaira toutes les deux et je pus voir pour la première fois de la compassion dans les yeux de la jeune femme luisant au creux de la flamme suspendue dans les airs, là où je n’avais vu que la haine jusque-là.
-Ce monde ne peut pas être sauvé mais chaque individu qui le compose peut l’être. Kyuryu m’a montré ses rêves brisés en mille morceaux et Tellas m’a donné le pouvoir de les recoller en échange de la destruction d’Armageddon. Voilà quelle est ma véritable raison de combattre. Mais toi Laura, à qui ce monde est étranger, quelle est ta raison de te battre ?
-Je veux simplement sauver mon frère et mon père des griffes d’Armageddon, voilà tout ; lui répondis-je en haussant les épaules. Mais j’imagine que ce but doit te paraitre dérisoire et égoïste par rapport à tes propres ambitions.
-Un peu oui mais ce n’est pas pour ça qu’il est illégitime. Après tout, personne n’agit de manière totalement désintéressée, pas même moi donc je ne peux ni te blâmer ni t’encourager. Le seul conseil que je peux te donner c’est de mettre toutes tes chances de ton côté et de ne pas renoncer à ton rêve, sinon tu finiras comme Kyuryu et quelqu’un devra recoller les morceaux à ta place.
Un craquement retentit soudain à l’étage et je vis l’une des lumières s’éteindre tandis que Terra soupira et tourna les talons d’un air lassé.
-Sérieusement, parfois, je me demande moi-même quelle idée m’est passée par la tête…
Sans m’en rendre compte, je venais de m’attacher à Terra. Ses objectifs étaient plus que nobles et ses méthodes l’étaient tout autant, certainement parce qu’elle se refusait à utiliser ce qu’elle rejetait dans ce monde.
En y repensant, elle était tout le contraire de moi. Lorsque j’avais rejoint mon père, je n’étais motivée que par la jalousie et l’envie de retrouver ma vie d’antan, même si pour cela je devais semer la destruction sur mon passage. Mais Terra, elle, était fidèle à ses idéaux et je sentais que jamais elle ne les abandonnerait.
Même si elle s’était présentée comme une ennemie par le passé, je me sentis tout à coup coupable de lui avoir mis des bâtons dans les roues sans avoir cherché à comprendre ses objectifs. Je comprenais mieux à présent ce que Nagisa voulait dire et pourquoi elle avait gardé contact même après la guerre…
-Terra ! L’appelai-je alors qu’elle s’apprêtait à rentrer.
-Quoi encore ? Nous terminerons notre discussion plus tard, je dois y aller avant que ces têtes de glands ne détruisent la maison.
-Je voulais simplement répondre à ta question. Je n’ai aucune idée de pourquoi nous participons aux jeux, mais je vais suivre ton conseil je vais en profiter pour m’entrainer !
Terra marqua un temps d’arrêt et se retourna vers moi, une main sur la hanche et un petit sourire moqueur aux lèvres.
-J’attends de voir ça gamine ; me lança-t-elle avec un air de défi. Si tu as besoin d’un coach, tu sais où me trouver.
Sur ces mots, la jeune femme rentra à l’intérieur et je me levai d’un bond, remotivée. Pendant longtemps, je m’étais demandé comment racheter mes fautes commises aux côtés de mon père mais Terra m’avait finalement confirmé que je suivais la bonne voie.
Je ne pouvais peut-être pas changer le passé, mais je pouvais encore modeler l’avenir. Tout comme elle, j’allais protéger ceux qui m’étaient cher, mais en suivant ma propre voie, celle que je pensais juste, celle qui menait à la destruction d’Armageddon pour mettre un terme une bonne fois pour toute à cette guerre qui n’avait que trop duré.
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