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[Fic]Le Dernier Esper
heart earth
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[Fic]Le Dernier Esper posté le [19/02/2017] à 19:49

Bon, je préviens, cette fic n'a rien à voir avec ygo. Au départ, c'était une fic rewrite que j'ai modifié pour en faire une original story, donc pas grand chose à savoir avant de commencer, même rien du tout en fait donc je vous laisse simplement avec cette fic non terminée mais qui avance lentement comparée à l'autre mais qui avance quand même :3

et bon anniv blue :3


Prologue : La vie, un grand miracle, mais aussi un grand mystère



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=weEusMJM5ME

La vie, un grand miracle mais certainement le plus grand mystère de ce monde. Pourquoi sommes-nous sur cette terre ? Que devons-nous faire ? Quel est le sens de notre vie ? Ce sont des questions que tous les hommes se posent et pourtant, personne ne peut y trouver de réponse définitive.

Cependant, ceux qui se posent ces questions sont des êtres faits de chair et de sang, des êtres étant né un jour, ayant grandi, ayant pu acquérir cette conscience de soi au fil des années qui leur a permis de trouver leurs propres réponses, mais moi, pourquoi suis-je ici ? Dans quel but ai-je été créé ? Quel est le véritable sens de mon existence ? Mais surtout, que suis-je ?…


Des cliquetis de machines vrombissantes me tirèrent de mon sommeil. Lorsque j’entrouvris les yeux, je réalisai que je me trouvai à l’intérieur d’une sorte de tube en verre et j’étais entouré d’un étrange liquide orangé m’empêchant de voir distinctement l’extérieur, ne distinguant que de vagues ombres mouvantes. Cependant, les lumières qui m’éclairaient m’aveuglèrent aussitôt et je fus obligé de plisser les yeux.

Je tentai de bouger un bras pour cacher ces éclairages et je remarquai que des câbles étaient accrochés à ma peau et limitaient mes mouvements.

Au même moment, j’entendis des voix s’élever de l’autre côté de la paroi de verre et je vis les ombres s’agiter dans tous les sens.

Je ne comprenais rien à ce qu’il se passait mais une chose était sûre : ma place n’était pas à l’intérieur de ce bocal, elle était à l’extérieur !

Tout en désirant m’échapper de cette prison de verre, je ressentis soudain un afflux d’énergie dans mes veines, mon cœur se mit à battre plus vite, plus fort et j’entendis des sirènes d’alarme se déclencher lorsque le verre commença à se fissurer avant de voler en éclat moins d’une seconde plus tard, laissant tout le liquide orangeâtre dans lequel je baignais s’écouler lentement sur le sol.

Une fois habitué à ma nouvelle condition en dehors de ce tube, Je pus enfin voir distinctement l’endroit où je me trouvai.

C’était un laboratoire rempli de tubes semblables à celui dans lequel je me trouvai. Il n’y avait aucune fenêtre et la seule source de lumière était une puissante lampe accrochée au plafond qui suffisait à éclairer la petite pièce. Il y avait également de nombreuses machines dont les voyants clignotaient de toutes les couleurs sans que je ne puisse deviner leur utilité.

Enfin, je baissai les yeux et je vis plusieurs hommes en blouse blanche devant moi qui me regardaient tantôt avec étonnement, tantôt avec effroi devant ma démonstration de force. Cependant, l’un d’eux attira plus particulièrement mon attention. Il s’agissait d’un grand homme portant des lunettes rondes qui devait avoisiner la soixantaine, au visage creusé par les âges et recouvert en grande partie d’une barbe de trois jours mais dont les yeux d’un bleu profond dégageaient un fort sentiment d’’espoir et d’admiration à mon égard sans que je ne puisse deviner pourquoi.

Avec un petit sourire satisfait sur ses lèvres, ce dernier se détache du groupe et s’avance vers moi.

« Alors, tu es finalement réveillé ! S’exclama-t-il d’une voix enthousiaste mais rauque.

-Réveillé ? Repris-je sans comprendre. Que s’est-il passé ? Et d’ailleurs, où sommes-nous ? Et qui êtes-vous ?

-Ah, que de questions en même temps, nous venons à peine de te créer, et tu penses déjà par toi-même, n’est-ce pas formidable ? Continua-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

-Vous m’avez…créé ? Répétai-je, interdit. Je ne suis donc pas humain ?

-C’est exact, ou plutôt, nous avons créé ton corps ; continua-t-il toujours aussi satisfait de lui-même. Tu n’es donc plus un humain à proprement parler, même si tu en gardes l’apparence.

-Je ne comprends pas…Que voulez-vous dire par « plus un humain » ? L’aurais-je été par le passé ? Si tel est le cas, que suis-je à présent ? Et pourquoi m’avoir transformé ?

-Tant de questions auxquelles tu devras répondre par toi-même mon jeune ami. Cependant, je peux te dire ce que tu es : un familier, une créature dotée d’incroyables pouvoirs dépassant même l’imagination !

-Des pouvoirs ? Qu’entendez-vous par là ?

-Un familier est en quelque sorte l’ultime création de l’homme. Tu n’es pas vivant au sens propre du terme, bien que tu l’aies été par le passé. Tu ne ressens donc par la douleur de la même façon que nous autres. Ta vie ne dépend pas non plus d’un quelconque organe vital. On peut dire que tu es presque immortel. Mais tu es supérieur aux autres familiers.

-Je suis…supérieur ? Suis-je plus puissant ?

-Tu te rapproches encore une fois de la vérité, mais non. Comment te dire cela simplement ? Un familier a, en temps normal, besoin d’un maître pour survivre dans notre monde. Sa vie est liée à celle de celui qui l’a invoqué et il ne peut lui désobéir. Mais contrairement à eux, tu es totalement libre de tes mouvements, tu n’es lié à personne.

-Si tel est le cas, que vais-je devenir à présent ? Dans quel but ai-je été créé ? Qu’attendez-vous de moi exactement ?»

Le scientifique prit un air contrarié puis remonta ses lunettes sur son nez, avant de reprendre après un instant d’hésitation.

« Nous avons en effet des projets pour toi mais avant cela, tu vas devoir apprendre à connaitre ce monde. En attendant que ce jour arrive, que dirais-tu de vivre une vie ordinaire de lycéen ? Cela pourrait peut-être t’aider à te comprendre toi-même.

-Donc si je vous ai bien suivi, je suis une créature surnaturelle, possédant d’incroyables pouvoirs. Vous m’avez donné la vie, et à présent, c’est à moi de me débrouiller seul jusqu’à ce que je sois prêt…pour quelque chose ?

-C’est à peu près cela ! Mais ne t’inquiète pas, si tu as des ennuis, tu peux toujours nous contacter, nous auront certainement une solution ! L’expérience n’est pas terminée, nous ne sommes qu’au commencement ! Je suis persuadé que ton existence permettra de régler nombre des problèmes existants actuellement. »

Je réfléchis quelques instants. Mon esprit était encore trop embrumé, je n’arrivais pas à avoir de pensée claire. Devais-je croire la parole de ce scientifique plus que suspect ? D’un côté, j’aurais pu simplement m’enfuir mais de l’autre…je n’avais effectivement aucun but, aucune raison de vivre si ce n’était découvrir ce monde par l’intermédiaire de cet homme…Et si cela me permettait de comprendre la raison de ma présence dans ce monde, je n’avais rien à perdre…

« Entendu, j’accepte votre proposition ; déclarai-je en hochant la tête.

-Bien, je suis heureux de l’apprendre. Mon nom est Fujishima, et je suis sûr qu’ensemble, nous allons accomplir de grandes choses… »

Avant même qu’il n’ait eu le temps d’ajouter quoique ce soit, je sautai de mon piédestal pour faire face au scientifique qui prétendait m’avoir créé. Avec un sourire, ce dernier me montra une porte qui correspondait certainement à la sortie vers le monde extérieur et sans hésiter, je pris cette direction.

Je m’arrêtai cependant juste avant de la franchir et je me retournai pour demander :

« Une dernière question : quel est mon nom ?

-Oh, c’est vrai, j’ai failli oublier ce détail ! Tu t’appelles Hikaru Hinata, cela ne te promet-il pas un avenir radieux ? »

Hikaru Hinata ? Ce nom me plaisait bien. Je devais faire honneur à un tel nom. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait de l’autre côté ni même si j’allais trouver les réponses que je cherchais mais une chose était certaine, ce jour était le point de départ de ma nouvelle vie en tant qu’étudiant de seconde année, mais également en tant que premier familier libre…



Chapitre 1 : Je suis un Familier



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=IU0aoOKEIrE


Trois mois étaient passés depuis mon réveil dans le laboratoire du professeur Fujishima et ce dernier m’avait envoyé dans une petite ville nommée Viridian située sur la côte est. Là-bas, il m’avait inscrit au lycée et m’avait trouvé un logement dans le dortoir de l’école, n’ayant pas les moyens de me payer autre chose. Ma chambre n’était pas extraordinaire, et même assez petite pour deux mais la magnifique vue sur la mer compensait le manque de place.

Mon colocataire était un garçon de deuxième année tout comme moi du nom de Sora Daichi. Il avait un physique assez banal, ni spécialement musclé ni spécialement maigrichon, possédant un visage assez rond, les cheveux blonds coupés courts mais gardant néanmoins deux mèches lui tombant entre ses deux yeux d’un noir intense et qui pétillaient toujours de malice, sans cesse à l’affut d’une blague à faire. Il était vraiment le garçon atypique que l’on pouvait trouver dans un lycée qui vivait sa vie sans se soucier de rien.

Il fallait dire que la vie de lycéen était plutôt tranquille. Chaque jour se ressemblait sans pour autant être monotone.

Dans la classe, personne ne semblait se douter que je n’étais pas humain. Ce n’était pas très étonnant puisque je ressemblais à n’importe quel garçon de seize ans du haut de mon mètre quatre-vingt, avec mes cheveux noirs de jais me tombant sur le visage, mon nez fin et mon visage assez fin. Mon seul signe distinctif était la couleur de mes yeux : rouge comme le sang mais cela ne semblait gêner personne.

Au lycée, j’essayais d’apparaitre le plus sociable et joyeux possible comme me l’avait suggéré le professeur, non seulement pour faire honneur à mon nom mais surtout pour ne pas attirer les rumeurs sur moi, je n’avais pas spécialement envie que quelqu’un d’un peu trop curieux ne découvre mon secret.

Cependant, les jours avaient beau passer, je n’arrivais toujours pas à trouver ce qui me distinguait des autres. Je n’avais pas une intelligence hors du commun à en juger par mes résultats en classe et je n’avais vraiment d’aptitudes innées en sport. La seule chose que j’avais notifiée était que je ne n’étais jamais tombé malade…mais ce n’était peut-être encore qu’une coïncidence.

J’avais fini par abandonner cette recherche de pouvoir me rendant à l’évidence : je n’étais qu’un lycéen ordinaire, menant une vie tout aussi ordinaire à l’exception de ma naissance…L’expérience du professeur avait certainement dû être un échec et il essayait peut-être de me le cacher en m’envoyant au lycée…C’était ce que je pensais, jusqu’à ce jour où ma vie prit un tournant radical.


https://www.youtube.com/watch?v=83nhbdl00V8


C’était une journée ordinaire. Le matin, j’étais parti sans attendre Daichi qui avait visiblement décidé de faire la grasse matinée. J’aimais vraiment me lever tôt pour pouvoir contempler le soleil se lever au-dessus d’une mer rougeoyante. Il n’y avait aucun bruit le long de la route à l’exception du clapotis des vagues et quelques chants d’oiseaux. Cette atmosphère me permettait de me réveiller en douceur pour aborder la journée avec entrain.

J’arrivai au lycée une dizaine de minutes plus tard et, après avoir salué mes camarades de classe, je pris place au fond à droite, prêt de la fenêtre, une place vide me tenant compagnie.

Même si j’essayais de sociabiliser, arriver en cours d’année ne m’avait pas aidé si bien que, les groupes étant déjà formés, je m’étais retrouvé au fond, parfois assisté de Daichi dont la place était variable en fonction de son humeur, tantôt au premier rang lorsqu’il voulait se faire petit, tantôt au dernier lorsqu’il voulait dormir.

Lorsque notre professeur principal entra dans la classe, mon attention fut attirée par la jeune fille qui l’accompagnait. Je ne me souvenais pas de l’avoir déjà vue un jour au lycée et son uniforme sans aucun pli me laissait dire qu’elle allait être une nouvelle élève dans notre classe.

C’était une fille assez grande, devant approcher le mètre soixante-quinze, aux formes assez prononcées. Ses longs cheveux d’un rouge vif, presque flamboyant, tombaient sur son front en une frange régulière à l’exception d’une mèche bien plus longue que les autres passant pile entre ses deux yeux d’un magnifique bleu saphir.

Le silence se fit alors et tous les regards se tournent vers le professeur ainsi que sur cette mystérieuse nouvelle élève qui avait déjà eu le temps de provoquer de nombreux murmures dans la classe. Puis, après s’être raclé la gorge, le professeur déclara :

« Présente-toi à la classe s’il te plait.

-Je m’appelle Fuyuku Yuki, je viens tout juste d’arriver en ville et à partir d’aujourd’hui je ferai mes études avec vous, ravie de vous rencontrer » Lança-t-elle en s’inclinant avec un sourire radieux. »


https://www.youtube.com/watch?v=-6GtvPzCZv0


Au même moment, la dénommée Fuyuku Yuki tourna la tête vers moi et fronça les sourcils, perdant pendant un instant toute la gentillesse qu’elle arborait une seconde plus tôt.

Je frissonnai. Qu’avais-je bien pu faire de mal pour me faire remarquer de la sorte dès les premières minutes qui suivaient son arrivée ? Se pouvait-il qu’elle ait découvert mon secret ?

Je chassai cette pensée de ma tête. C’était impossible, je n’avais aucun signe distinctif, je devais simplement me faire des idées…

Cependant mon mal aise grandit tout au long de la journée et je sentais comme une présence qui m’épiait continuellement, comme si le regard lancé par cette fille le matin me suivait continuellement où que j’aille.

A midi, je tentai de contacter Daichi pour me changer un peu les idées mais évidemment, il était injoignable, comme toujours…Il devait certainement jouer à des jeux stupides sur son téléphone au lieu de venir en classe…

Je laissai tomber cette idée et je me joignis à un groupe de personnes de ma classe pour le déjeuner. Je n’avais pas spécialement envie de manger seul avec ce sentiment d’être épié en permanence de peur que quelque chose ne me tombe dessus sans crier gare…

En réalité, je n’aimais pas vraiment les ambiances de groupe même si je le laissais paraitre. Je préférais les petits comités, comme le duo que nous formions avec Daichi. Les grands groupes étaient toujours trop anonymes, il était impossible d’avoir une conversation personnelle…

En rangeant mon plateau, je tournai la tête derrière moi et je fis un pas en arrière en voyant le regard de la nouvelle étudiante toujours braqué dans ma direction.

Evidemment, je bousculai quelqu’un dans mon geste brusque et j’entendis le bruit d’un plateau s’écrasant au sol suivi d’un gémissement.

-Oh, pardon ; m’excusai-je tout en me baissant pour réparer mon méfait.

-Ce n’est rien, ça arrive à tout le monde ; me répondit une jeune fille blonde aux cheveux assez courts qui devait être en première année à en juger par la couleur de son uniforme. J’ai moi-même renversé mon plateau hier aussi dans ma maladresse ; continua-t-elle en riant.

Avant même que je n’aie eu le temps de faire quoique ce soit, tout était déjà nettoyé et, après m’être excusé une nouvelle fois, je ne perdis pas une seconde de plus pour m’éloigner de cette fille au regard médusant.

L’après-midi passa rapidement entre une série d’interrogations et ce sentiment oppressant si bien que je ne me fis pas prier et, dès la fin des cours, je me dépêchai de rassembler mes affaires pour rentrer le plus rapidement au dortoir pour échapper à ce regard.

Cependant, dans ma précipitation, j’oubliai de fermer mon sac et toutes mes affaires tombèrent dans le creux entre les marches des escaliers pour atterrir au sous-sol de l’école et, même si tous mes sens me hurlaient de ne pas faire de vieux os, il fallait quand même que je récupère ces objets dont mon téléphone contenant le numéro du professeur…

Une fois en bas, je dus y aller à tâtons pour trouver l’interrupteur alors que la lourde porte de métal s’était refermée derrière moi. Lorsqu’enfin je le trouvai, une ampoule pendant du plafond clignota plusieurs fois avant de s’allumer, projetant une faible et inquiétante lumière sur la pièce.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Je regardai autour de moi et je découvris un véritable dépotoir. Il y avait vraiment de tout : des vieux ballons dégonflés, des tables de billard à trois pieds, et même des fauteuils déchirés. Je serais bien resté toute la journée à contempler tous les objets entreposés dans cette pièce mais je sentais encore et toujours ce regard peser sur moi, et je le sentais bien plus proche qu’avant.

Je me retournai pour regarder dans toutes les directions mais j’étais bel et bien seul dans cet entrepôt.

Je soupirai longuement pour me détendre. Je me faisais vraiment des idées sur cette fille, il n’y avait aucune raison qu’elle me veuille du mal sans même me connaitre.

Après dix minutes de recherche intensive, je finis par retrouver toutes mes affaires qui s’étaient éparpillées un peu partout et, alors que je m’apprêtai à remonter et rentrer tranquillement, mon sang se glaça dans mes veines lorsque je vis la nouvelle élève juste derrière moi.

Je sursautai et reculai brusquement mais elle, ne bougea pas d’un millimètre. Elle semblait m’observer, son regard étant perplexe à mon sujet si bien que je n’arrivai pas à deviner ses vraies intentions.

Je tentai néanmoins d’agir normalement pour ne pas éveiller davantage de soupçons en elle, si tant elle qu’elle en eut…

« Salut ! Lançai-je d’un ton se voulant amical et naturel. Tu es Fuyuku Yuki n’est-ce pas ? Que fais-tu dans un endroit aussi insolite que celui-ci ? Tu t’es perdue ? »

La jeune fille ne répondit rien mais son expression se durcit et je déglutis, ne sachant plus comment réagir face à cela.

Devais-je continuer à faire semblant de ne rien remarquer ou devais-je m’enfuir avant que les problèmes ne me tombent dessus ?

La réponse me vint un instant plus tard

« Tu…Tu n’es pas humain, n’est-ce pas ? Me demande-t-elle froidement. »

Mon sang se glaça dans mes veines à ce moment-là. Comment pouvait-elle savoir une telle chose alors qu’elle ne m’avait entrevu que quelques secondes ?

Tout à coup, je me rappelai d’un avertissement du professeur. Cela concernait un certain type de personnes, ceux qu’il appelait Esper et qui avaient pour habitude de combattre les familiers tels que moi, voire même les chasser…Et il m’avait conseillé de fuir si un jour j’étais confronté à une telle personne…

Cependant, la jeune fille bouchait la seule issue possible, si bien que je n’avais encore que deux choix : combattre ou tenter de la persuader que je n’étais pas ce qu’elle croyait…ce qui dans les deux cas, relevait de l’impossible mais j’optai tout de même pour la première solution qui me paraissait plus raisonnable.

« Pas…pas humain ? Qu…Qu’est-ce que tu racontes ? Bafouillai-je, tentant d’éloigner les soupçons mais tremblant de la tête aux pieds. »

Pour toute réponse, la rouquine sortis un médaillon bleu turquoise qu’elle dissimulait derrière le ruban de son uniforme et ferma les yeux en se mettant à prononcer des phrases étranges qui m’était incompréhensibles.


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Un puissant courant d’air s’engouffra dans la pièce alors que toutes les portes étaient closes, comme si quelqu’un avait mis la ventilation en marche et je sentis l’atmosphère se refroidir, regardant les papiers qui commençaient à voler autour de cette fille.

Quant à moi, j’étais pétrifié. Je ne savais pas du tout comment réagir ni même si j’avais les capacités pour réagir face à cette force surnaturelle. De plus, c’était la première fois que je me retrouvai face à un vrai ennemi et visiblement, Fujishima n’avait pas pensé que j’aurais eu à me battre aussi tôt…Je ne savais même pas ce que cette fille me voulait, je n’avais donc vraiment aucune chance d’arranger les choses par le dialogue…

La fille du nom de Fuyuku Yuki rouvrit soudainement les yeux et je pus voir qu’ils étaient maintenant d’un jaune ambré et brillaient dans la pénombre de la pièce, la rendant encore plus effrayante qu’avant…

« A nous deux, Familier ; murmura-t-elle ».


Sans autre forme de sommation, la fille aux cheveux de feu s’élança vers moi avec une vitesse surhumaine. Néanmoins, ayant prévu qu’elle n’ajouterait rien à sa déclaration, je réussis à l’esquiver de justesse en roulant sur le côté mais mon champ d’action était réduit avec tous ces meubles. Fuir allait se révéler compliquer, il fallait que je ruse pour détourner son attention le temps de trouver une ouverture…

Fuyuku n’en resta pas là et, immédiatement après sa première attaque, elle sortit un couteau de sa poche qu’elle pointa dans ma direction. Par réflexe, je pris la première chose qui me passait sous la main en guise de protection : un couvercle de poubelle en plastique que je brandis devant moi tel un bouclier…

Un bouclier qui se fit trancher aussitôt en deux d’un seul coup, me laissant sans protection. Son coup avait été tellement puissant et rapide que l’onde de choc résiduelle se propageait encore dans mon bras alors que j’avais encore reculé de trois pas.

Je sentis soudain quelque chose de dur derrière moi et je constatai avec effroi que j’étais dos au mur, au sens propre. Je n’avais plus aucune échappatoire, il allait falloir que je me batte si je ne voulais pas finir ma vie dans cet entrepôt…

Et après, c’était moi qui n’étais pas humain ? Cette fille était tout sauf humaine ! Ses mouvements, son apparence, sa personnalité, rien n’était humain chez elle !

Dans l’affolement, alors que je la voyais repasser une nouvelle fois à l’attaque, j’attrapai, sans savoir comment, un fauteuil à côté de moi et par un tour de force, je réussis à l’envoyer sur Fuyuku qui ne put esquiver un objet aussi gros et tomba à la renverse.

Je ne me fis pas prier davantage et, voyant une occasion, je la saisis et je me précipitai vers la porte de sortie avant de filer dans les escaliers, sachant qu’elle ne resterait pas longtemps à terre.

Tout en courant du plus vite que je le pouvais, je composai le numéro de Fujishima dans l’espoir d’obtenir de l’aide mais ce dernier était injoignable…Pourquoi fallait-il que j’aie autant de malchance en un seul jour !

Lorsque je traversai la cour, je remarquai que celle-ci était déserte. Je n’avais pourtant pas passé tant de temps que ça dans les sous-sols…mais je n’avais pas le temps de me préoccuper de détails, je devais d’abord m’enfuir très loin de cet enfer et aviser ensuite.

Tout à coup, mon téléphone vola en éclat dans ma main et quelques morceaux de verre s’enfoncèrent dans ma chair mais j’étais bien trop terrifié pour me plaindre de la douleur, conscient d’avoir frôlé la mort de peu si ce projectile m’avait touché…

Je m’arrêtai net, pétrifié et je me retournai lentement. Fuyuku se tenait bel et bien derrière moi, sur un monticule lui donnant une position dominante par rapport à moi, ses yeux dorés brillant dans le crépuscule, une grande épée dans sa main droite, ses cheveux flamboyants ondulant lentement au gré du vent, devant un soleil cramoisi derrière elle.

C’était un tableau à la fois magnifique et effrayant. J’étais subjugué par la beauté et la grâce de ses mouvements mais je savais également que je ne pouvais rien faire face à elle. Je n’avais aucun pouvoir contrairement à ce que m’avait toujours dit Fujishima, je n’étais qu’un humain normal, que pouvais-je espérer en affrontant une fille comme Fuyuku ?

Est-ce que ma vie devait-elle s’arrêter aussi vite ? N’avais-je même pas le droit de savoir quelle était la véritable raison de ma présence dans ce monde ? Ne pouvais-je pas vivre un vie simple et heureuse comme tous les autres élèves de ce lycée ?

Non…Toutes ces choses, je les refusais. Je refusais de mourir maintenant, je refusais de ne pas trouver de sens à ma vie, je refusais de perdre contre Fuyuku, ce n’était pas mon destin !


https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU


Au même moment, je ressentis une sensation que je n’avais pas éprouvée depuis le jour de ma création. Un afflux d’énergie se propagea dans tout mon corps, mon cœur se mit à battre plus vite, plus fort, je me sentis aussi plus rapide et plus fort tandis que ma vision s’accrut également, de même que mon ouïe, pouvant désormais distinguer les mouvements furtifs de Fuyuku et entendre le bruit du vent lorsqu’elle se déplaçait.

Mon apparence changea également. Du moins, je le supposai à en juger par la réaction de la rouquine qui recula de quelques pas, surprise tandis que je prenais une position de combat.

Cependant, la jeune fille ne se laissa pas démonter pour si peu et passa à la l’attaque avec son épée qu’elle tenta d’abattre sur moi. Mais, le temps que son arme ne touche le sol, j’avais déjà fait un bond en arrière de deux mètres, me permettant d’esquiver aisément son attaque.

Face à ce retournement de situation imprévu, Fuyuku fronça les sourcils un instant, perplexe et je profitai de ce moment de distraction pour passer à mon tour à l’attaque.

D’un nouveau bond, je passai par-dessus la jeune fille et, me retrouvant derrière elle, je tentai de lui assener un coup de poing dans le dos.

Sans surprise, elle para mon coup avec son épée et je grimaçai lorsque ma main frôla sa lame avant de reculer vivement et de regarder mes doigts.

Tout était normal en apparence mais, en touchant son épée, j’avais ressenti comme une sorte de brûlure sur la peau…Se pouvait-il que sa lame aussi fût imprégnée de « magie » ? Je n’avais pas spécialement envie de le savoir et je pris la ferme résolution de faire très attention à son arme…

Nous marquâmes tous les deux une pause dans notre combat pour examiner l’autre. Fuyuku ne s’attendait visiblement pas à un tel retournement de situation et moi, malgré mes aptitudes décuplées, je n’arrivai pas à la surpasser. Mais au moins, j’avais la confirmation que j’avais bien des pouvoirs, c’était le seul point positif…J’espérais simplement que ça n’allait pas en être ma seule utilisation…

« Qu’est-ce que tu me veux à la fin ? M’exclamai-je, haletant. »

Fuyuku ne daigna pas me répondre et, poussant un cri de rage, se jeta à nouveau sur moi, l’épée brandie devant elle.

J’esquive plusieurs de ses attaques fulgurantes avec une étrange facilité tandis que je sentais l’énervement monter chez la jeune fille qui n’arrivait pas à me toucher. Après plusieurs secondes passées ainsi, je décidai de riposter et, sautant pour esquiver son attaque, je réussis à rebondir sur la lame de son épée.

Malheureusement, tout ne se passa pas comme dans ces films fantastiques et, ne supportant pas mon poids, Fuyuku desserra sa prise et je perdis l’équilibre avant de m’étaler sur le sol de la cour, complètement sonné.

Le temps de reprendre mes esprits, il était déjà trop tard et, le pied posé sur mon torse m’empêchant de me relever, la jeune fille me regardait avec mépris, le bout de son épée pointé sous ma gorge.

-C’est terminé Familier.

Avec un nouveau cri de colère, Fuyuku Yuki tenta de me transpercer la gorge pour en finir une bonne fois pour toute avec moi mais, contre toute attente, je réussis à saisir sa lame entre mes mains et à arrêter son attaque.

Mon adversaire écarquilla les yeux de surprise tandis que j’essayais de lui lancer un sourire narquois malgré la douleur qui commençait à se répandre dans mon corps au contact de cette lame ensorcelée.

-Non, ce n’est pas terminé ; rétorquai-je tout en commençant à repousser son épée.

Puisant dans mes dernières ressources et n’ayant plus d’autres solution, alors que Fuyuku tentait toujours de m’égorger, je desserrai légèrement ma prise et je sentis l’épée glisser le long de mes mains sans les trancher mais, alors que la pointe n’était plus qu’à un millimètre de ma gorge, je saisis le poignet de Fuyuku avec toute ma force, la stoppant net.

Sous l’effet de la surprise et de la douleur, cette dernière lâcha son arme et je la fis basculer sur le côté pour me relever, tout en gardant ma prise pour l’empêcher de continuer ses attaques. Toute la rage avait disparu dans ses yeux pour ne laisser place qu’à une peur indescriptible.

« Co…Comment ? Bafouilla-t-elle à son tour.

-Tu l’as dit toi-même, je ne suis pas humain ; rétorquai-je avec ironie.

-Non…Tu n’es pas humain…mais tu n’es pas non plus un familier ; continua-t-elle d’une voix tremblante.

-Aux dernières nouvelles, j’en suis un ; répondis-je, confus face à ce retournement de situation.

-Non, tu n’en es pas un, aucun familier ne devrait pouvoir me toucher avec mon sort de protection ! Qu’es-tu réellement ?

-Si seulement…j’avais la réponse moi-même…Murmurai-je, les doutes envahissant mon esprit.

Tout à coup, le doré de ses yeux disparut et son regard redevint bleu azur puis la jeune fille s’évanouit dans mes bras, comme si toute son énergie avait disparu d’un seul coup.

Commençant à m’affoler, je tentai de la réveiller mais il n’y avait rien à faire, elle ne m’entendait pas. Je ne savais plus quoi faire. Je tenais dans mes mains la vie de celle qui avait essayé de me tuer un instant plus tôt. Il suffisait d’un rien pour me débarrasser définitivement de ce problème…mais, lorsque je la voyais dans cet état, j’étais incapable de voir en elle un être sanguinaire et prêt à tout pour me tuer…Ce n’était qu’une fille de mon âge s’étant évanouie au beau milieu de la cour…

Finalement, mon cœur l’emporta rapidement sur mon désir de vengeance et sur ma raison aussi et je m’emmenai à l’infirmerie.

Cependant, elle n’était pas la seule à avoir perdu ses forces. J’étais subitement redevenu le garçon ordinaire que j’avais toujours été, avec des courbatures dans tout le corps en plus, si bien que la porter jusque là-bas fut un supplice. Mais je ne pouvais pas l’abandonner pour deux raisons : parce que je me le serais jamais pardonné s’il lui arrivait malheur par ma faute et surtout, il me fallait des réponses qu’elle semblait pouvoir me fournir.

Après un trajet qui me parut interminable, j’arrivai finalement devant la porte de l’infirmerie et, sans grande surprise, il n’y avait plus personne ici non plus. Je crochetai la porte et je réussis à m’introduire à l’intérieur, Fuyuku toujours inconsciente et je l’installai sur le lit. Sa respiration était redevenue normale et, même si son pouls était faible, elle semblait dormir à présent.


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


Je me mis rapidement à faire les cents pas à travers la pièce pour réfléchir à ce qu’il venait de se passer. Si je récapitulais, je ne savais rien au sujet de cette fille à part son nom et qu’elle semblait posséder un pouvoir d’Esper…Non, vraiment, rien d’autre ne me venait à l’esprit à part qu’elle semblait me haïr pour ma nature de familier…

Je posai nouveau mon regard sur elle. Devais-je m’enfuir avant son réveil pour éviter qu’elle ne rentre à nouveau dans une colère noire ? Mais je ne pouvais pas l’abandonner non plus à son propre sort, je ne savais même pas si elle allait pouvoir se réveiller sans soin extérieur.

En y réfléchissant, elle était un peu comme moi : vue de l’extérieur, elle ressemblait à n’importe quelle fille, et semblait même fragile alors qu’elle cachait un lourd secret dont personne n’avait idée.

Cette pensée m’arracha un sourire. Mieux valait-il que je me garde de lui dire ça si je ne voulais pas qu’elle me transperce aussitôt avec son épée ensorcelée.

Mais j’étais décidément embarqué dans une drôle d’histoire. Même si j’aurais dû m’attendre à ce que la vie ne soit pas un long fleuve tranquille, j’espérais quand même pouvoir en profiter un peu comme me l’avait promis Fujishima.

Je passai mon regard à travers la fenêtre entrouverte de l’infirmerie. Tout était calme dehors. Il n’y avait pas un bruit à part celui du vent s’infiltrant dans la pièce et faisant voler les légers rideaux blancs.

« Où…où suis-je ? Murmura soudain Fuyuku derrière moi d’une petite voix.

-A l’infirmerie ; lui répondis-je sans me retourner. Tu t’en évanouie après m’avoir attaqué, je t’ai donc amenée ici. »


https://www.youtube.com/watch?v=Pv4_DTAn03U


Dès qu’elle entendit ma voix, la jeune fille sauta d’un bond hors du lit mais tituba au moment de se réceptionner et je m’élançai pour la retenir avant qu’elle ne s’effondre sur le sol.

« -Doucement ; lui dis-je gentiment, tu viens à peine de te remettre, c’est un peu trop tôt pour essayer de me tuer tu ne penses pas ?

-Attends un peu…que je sois rétablie…et tu regretteras d’avoir eu ce ton avec moi…Grogna-t-elle »

La jeune fille tenta de me donner un coup de poing au visage mais je l’esquivai facilement.

« C’est comme ça que tu me remercies ? J’aurais pu te laisser au milieu de la cour, tu aurais eu l’air maligne ; rétorquai-je en fronçant les sourcils.

-Je n’ai pas besoin de ton aide, familier, je peux me débrouiller seule ! Répliqua-t-elle sur un ton de mépris ».

Fuyuku Yuki me repoussa et tenta de faire quelques pas en direction de la porte mais ses jambes la lâchèrent une fois de plus et cette fois-ci, je ne bougeai pas d’un millimètre et elle s’écroula sur le sol, à bout de forces.

« Franchement, dans quelle situation je me suis mise encore moi ? Soupira-t-elle, la tête basse.

-Tu as besoin d’aide peut-être ? Lui proposai-je sans arrière-pensée.

-Ne t’approche pas de moi, monstre…je peux…je peux me débrouiller seule…

-Tu es têtue ; soupirai-je à mon tour, dans ton état, tu n’iras pas plus loin que la porte de l’infirmerie. Pourquoi refuses-tu mon aide ?

-Tu n’es pas humain, comment pourrais-je te faire confiance ? Rétorqua-t-elle violemment en se tentant de se relever pour me faire face mais s’écroulant à nouveau.

-Je ne vois pas quelle différence tu fais entre l’infirmière et moi, excepté mes compétences en médecine peut-être. Je suis peut-être un familier, et alors ? Cela fait-il forcément de moi quelqu’un de mauvais ? »

Fuyuku se mordit la lèvre et détourna le regard, comme si elle n’osait plus me faire face ou bien comme si elle repensait à un souvenir douloureux.

« Un familier n’est pas mauvais en lui-même, mais on ne peut pas lui faire confiance, il n’a aucune volonté propre une fois que son maitre lui a donné un ordre, un peu comme un chien à qui on ordonnerait d’attaquer un intrus, c’est ainsi, on ne peut rien y faire… »

Je grimaçai à mon tour en entendant cette comparaison peu élogieuse mais je ne me laissai pas démonter et je savais exactement comment démonter tout son raisonnement.

« Pas de chance pour toi, mais je n’ai pas de maitre ! Je suis Hikaru Hinata, premier familier libre ; rétorquai-je en me frappant la poitrine, fièrement. »

Fuyuku écarquilla les yeux elle hoqueta de surprise.

« Qu’est-ce que tu me chantes là ? C’est impossible, un familier a besoin soit d’une source d’énergie, soit d’un maître pour maintenir sans présence dans ce monde, et dans les deux cas, il n’agit pas de lui-même !

-Je crois bien que je suis l’exception qui confirme la règle ; lui répondis-je en riant pour détendre l’atmosphère. »

La rouquine me fixa un long moment avec des yeux remplis de doutes et d’interrogations à mon sujet. Malheureusement, je n’avais certainement aucune réponse à toutes ces questions puisque je ne savais même pas ce que j’étais réellement ni même quels étaient mes pouvoirs…

J’allais reprendre la parole pour tenter de lui expliquer le peu que je savais mais elle m’interrompit avant même que je n’aie eu le temps de prononcer un mot.

« Un familier libre tu dis ? Cela semble tellement fou ; dit-elle avec un sourire aux lèvres.

-Je suis pourtant devant toi, cela ne suffit-il pas à te convaincre ?

-Et qui me dit que ce n’est pas ton maître qui te demande de dire ça pour m’embobiner pour mieux m’attaquer quand j’aurais le dos tourné ?

-En effet, cela pourrait-être vrai, et je ne peux pas te prouver le contraire. Mais je peux te jurer que ce que je viens de te dire est la stricte vérité. S’il te plait, crois-moi ! »

Je m’inclinai devant elle pour prouver ma sincérité et un air gêné se dessina sur sa figure.

« Tu…tu n’as pas besoin d’être aussi solennel, je te crois ; bégaya-t-elle, confuse.

-Vraiment ? Repris-je avec espoir.

-Non, mais j’aimerais y croire…Ajouta-t-elle tristement. »

Je grimaçai, pensant que j’avais échoué mais elle continua en passant son regard par la fenêtre d’un air nostalgique.

« J’aimerais y croire, c’est pourquoi, je vais te faire confiance, familier. Montre -moi que ce monde n’est pas fait de noir et de blanc, donne-moi l’espoir que tous les familiers ne sont pas du mauvais côté.»

Je ne savais pas vraiment comment réagir à sa déclaration alors je sortis la première idée qui me vint en tête.

« Cela veut-il dire que tu ne vas pas essayer de me tuer à nouveau ? »

La jeune fille rit légèrement et plongea son regard dans le mien et j’y vis un nouveau sentiment : l’amusement. Elle semblait vraiment penser tout ce qu’elle disait à mon sujet.

« Pour l’instant, je vais garder un œil sur toi, au cas où tu me raconterais des histoires. Mais tant que tu ne représentes pas une menace potentielle, je ne brandirai plus mon épée contre toi.

-Je suis heureux de l’entendre ! Et maintenant, acceptes-tu enfin mon aide, à moins que tu ne comptes passer la nuit sur le sol de l’infirmerie. »

Fuyuku Yuki ne répondit rien mais rougit légèrement et afficha un air gêné en se rendant compte qu’elle était toujours affalée sur le sol, incapable de bouger.


https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw


Je pris cette réaction pour un oui et je lui tendis la main pour l’aider à se relever, main qu’elle attrapa sans essayer de me tordre le poignet. Une fois debout, ses jambes tremblaient encore un peu et je lui proposai de s’appuyer sur mon épaule, ce qu’elle accepta sans protester.

Nous traversâmes la cours déserte sans échanger un seul mot. Elle boitait encore un peu mais au fur et à mesure, je sentis son poids diminuer sur mon épaule, signe qu’elle reprenait quelques forces et, lorsque nous arrivâmes devant la grille de l’école, elle me lâcha et fit quelques pas seule avant de se retourner vers moi avec un sourire.

« -Je crois que ça ira à partir de maintenant, merci…euh…

-Hinata, Hikaru Hinata.

-Oui, c’est ça, merci Hikaru… Même si en fait, je ne sais pas si je devrais vraiment te remercier puisque c’est toi qui m’a mise dans cet état là…murmura-t-elle en gonflant les joues comme une petite fille.

-Ah, mais je n’ai pas demandé à ce que tu m’attaques aussi ! Rétorquai-je en montrant les entailles de son épée sur mon uniforme. »

Elle rit. C’était la première fois que je l’entendais rire sincèrement et sans se retenir et je trouvais dans son rire quelque chose d’assez agréable, presque innocent, comme si je n’avais en face de moi qu’une simple fille de mon âge qui s’amusait avec un ami…

En la regardant s’éloigner, je cherchai mon portable dans ma poche pour appeler Fujishima et lui raconter les drôles d’événements de cette journée lorsque je me souvins de ce qu’il lui était arrivé en ne retrouvant qu’un morceau de verre brisé.

Je recentrai mon attention sur la jeune fille et je constatai qu’heureusement, cette dernière n’était pas encore hors de portée.

« Attends un peu toi, et mon portable alors ! Je l’ai payé une fortune ! Lui criai-je de loin. »

Elle se retourna et me dit d’une voix innocente :

« Ah oui, je suis désolée pour ça, j’espère que tu ne m’en veux pas ! »

Puis elle continua son chemin et disparut au coin de la rue, me laissant seul devant l’école, un simple bout de verre dans la main…

Il allait falloir que j’en achète un nouveau moi-même apparemment. Cependant, avec mes économies, il y avait peu de chance pour que je puisse ne serait-ce acheter un chargeur. Si seulement j’avais pu contacter Fujishima, il m’aurait fourni ce dont j’avais besoin…mais j’avais besoin d’un téléphone pour ça ! Comment j’avais pu me mettre dans un pétrin pareil moi ?

Dépité, je décidai de rentrer tout simplement au dortoir, comptant sur Daichi pour régler mon problème.

C’était la première fois que je rentrai aussi tard de l’école, n’ayant aucune raison de m’y attarder en temps normal, et c’était donc également la première fois que je pus admirer un coucher de soleil sur la mer.


https://www.youtube.com/watch?v=D6Md3aR91JA


En passant rapidement, j’aurais pu simplement dire qu’il s’agissait du même décor que le matin même mais quelque chose était différent. A l’horizon, je voyais l’astre rougeoyant plonger lentement dans une mer de feu, laissant une longue trainée flamboyante sur la vaste étendue d’eau limpide et calme, agitée simplement par le remous des quelques rares vagues à sa surface.

Tout était si tranquille. Si je l’avais su plus tôt, j’aurais passé plus de soirées sur cette plage après les cours pour me détendre. Ces couleurs, ces sons, cette sensation d’apaisement…c’était tout ce dont j’avais besoin à ce moment-là pour me sortir toutes ces histoires de la tête.

Finalement, après plusieurs minutes je décidai de rentrer au dortoir, soupirant déjà en pensant à la tonne de devoirs qu’il me restait à faire mais, alors que je m’apprêtai à tourner les talons, j’entendis des pas rapides sur la plage en contrebas. Je n’y prêtai tout d’abord pas attention mais je finis par me retourner en entendant quelqu’un tomber sur le sable.


https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


C’est alors que je vis une jeune fille qui semblait poursuivie par une horde de gros animaux ressemblant vaguement à des chiens mais bien plus sombre et plus massifs. Ils aboyaient férocement et montraient les crocs, les poils hérissés sur leur dos.

Même si je ne devais pas faire le poids face à ces choses après mon combat contre Fuyuku, je ne pouvais pas rester là et, sans hésiter, je me précipitai vers la jeune fille pour l’aider.

D’un bond, je franchis la distance qui me séparait de la jeune fille et je me rattrapai gauchement sur le sable, manquant de tomber en atterrissant sur le sable sec et je me rendis soudain compte de ma bêtise.

Avec la distance, j’avais vraiment mal évalué la taille de ces créatures qui devaient bien être aussi gros que des lions ou des tigres et leurs gueules dégoulinantes de bave me laissaient entrevoir des crocs aussi acérés que ceux d’un dinosaure.

Je déglutis. J’avais le don de m’attirer des problèmes moi entre Fuyuku et ces gros monstres…

« Fuis ! Me hurla la jeune fille derrière moi, tétanisée. »

Je ne l’écoutai pas et, sentant une étrange sensation à l’intérieur de moi, je levai la main devant moi et soudainement, les chiens ralentirent et s’arrêtèrent, non sans continuer à grogner, comme s’ils avaient peur de moi. Après tout, il n’était pas exclu que les animaux puissent sentir les familiers.

« Dégagez ; leur ordonnai-je d’une voix bien plus puissante que je le voulais. »

Sans savoir comment ni pourquoi, les créatures se retournèrent et s’enfuirent la queue entre les jambes, sans demander leur reste tandis que la jeune fille derrière moi écarquilla les yeux, interdite et que je me demandais encore ce qu’il venait de se passer.

« Tout va bien maintenant, ils sont partis ; dis-je finalement à la jeune fille en lui tendant une main chaleureuse.

-M…Merci beaucoup ; me répondit-elle, toujours tremblante en attrapant ma main et en se relevant. »


https://www.youtube.com/watch?v=Wp0xitgAc4A


Je regardai alors la personne que je venais de sauver pour la première fois. C’était une fille aux cheveux blonds comme le blé, mi longs et s’arrêtant au niveau de ses épaule tandis qu’une mèche lui tombait de chaque côté du visage assez rond, voire même enfantin alors qu’elle devait certainement avoir un an de moins que moi à en juger par son uniforme. Elle possédait également de grands yeux d’un vers profond dans lesquels je pouvais lire un grand soulagement. Soudain, je reconnus ce visage…c’était cette fille que j’avais bousculée à la cantine le jour même !

« Toi ! M’exclamai-je, interdit.

-Oh mais…on se connait, n’est-ce pas ? Me demanda-t-elle, tout aussi étonnée que moi.

-Techniquement, non, on ne se connait pas, je t’ai juste bousculée aujourd’hui…lui répondis-je, gêné. Je m’appelle Hikaru Hinata et toi tu es ?

-Hoshino Miki ! Affirma-t-elle en ayant retrouvé son assurance. Avec les caractères signifiant le futur.

-Si ce n’est pas indiscret Hoshino-san, est-ce que je peux savoir pourquoi ces…chiens te couraient après ? L’interrogeai-je prudemment. »

La jeune fille hésita un instant et regarda de chaque côté avant de me répondre :

« Je ne sais pas du tout, je marchais tranquillement dans la rue et ces affreux chiens m’ont attaquée… »

Son histoire ne me convainquait qu’à moitié, surtout après avoir vu de près ces chiens qui étaient tout sauf des créatures normales mais je décidai de ne pas en demander davantage, sachant maintenant à quel point on pouvait être bouleversé après une attaque…

Je la laissai donc là-dessus après lui avoir recommandé la prudence et je repris le chemin du dortoir.

Lorsque j’arrivai enfin devant la porte de ma chambre, il était presque dix-neuf heures et j’étais assommé. Me battre contre cette fille pour contre ces chiens en moins de deux heures m’avait mis sur les rotules et tout ce que je voulais, c’était m’allonger sur mon lit et dormir jusqu’au lendemain.


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg


Lorsque j’ouvris la porte, je trouvai Daichi affalé sur son lit en train de lire un manga assez douteux mais j’avais l’habitude depuis le temps et je n’en tins pas compte.

« Oh, tu rentres bien tard ce soir Hinata ! Me lança-il avant de tomber de son lit en me voyant.

-Quelque chose ne va pas Daichi ?

-Mais qu’est-ce que tu as fait ? Tes habits sont tous déchirés, tu es tombé dans un roncier ou quoi ? S’exclama-t-il en venant m’examiner de plus près.

-Non, je me suis battu contre une horde de bull-dogs enragés : répliquai-je en m’asseyant sur mon propre lit. »

Ironiquement, je ne mentais qu’à moitié mais, même si cela avait été faux, Daichi l’aurait cru. Il était d’une naïveté ahurissante le pauvre mais malheureusement, à force de gober n’importe quoi, il avait également fini par tout prendre à la légère, n’étant plus surpris de rien, si bien qu’il éclata de rire en entendant mon excuse et me donna une grande tape dans le dos.

« Mon pauvre, tu aurais dû m’appeler, je leur aurais donné une bonne leçon à ces chiens galeux moi !

-Justement, en parlant de téléphone, tu pourrais me prêter le tien quelques instants ? Ces chiens l’ont…euh…mangé… »

Mon camarade éclata une nouvelle fois de rire et sortit son portable de sa poche, me montant une barre de réseau à zéro.

« Sacré Hinata, tu vis toujours des trucs pas possibles toi !

-Tu aurais été à ma place, tu n’aurais pas fait le malin ; rétorquai-je en frissonnant tout en repensant à la lame de Fuyuku…

-Enfin, j’aurais bien aimé te passer mon portable mais je n’ai plus de forfait et j’allais justement te demander le tien…

-Comment ça plus de forfait ? Répétai-je, abasourdi.

-J’ai oublié de raccrocher en laissant un message donc j’ai épuisé tout mon forfait comme ça !

-Tu es désespérant ; soupirai-je en me prenant la tête dans les mains.

Le reste de la soirée passa sans autre encombre. Après avoir pris mon diner en compagnie de Daichi comme chaque soir, je fis mes devoirs entre vingt-trois heures et minuit avant d’aller me coucher, lessivé mais je ne pus trouver le sommeil immédiatement, mon esprit ne pouvant penser à autre chose qu’à Fuyuku Yuki et aux chiens noirs.

« Un monstre…moi ? Murmurai-je tout en regardant mes mains couvertes d’entailles et d’ampoules. Laissez-moi rire… »






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le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [22/02/2017] à 21:54

Chapitre 2 : Un nouveau quotidien



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Dès mon réveil le lendemain, je sentis que la journée allait une fois de plus être longue pour moi. Cette fois-ci, Daichi s’était décidé à partir à la même heure que moi pour l’école et nous fîmes donc la route ensemble.

Ce dernier n’était vraiment pas dans son assiette le matin si bien que c’était à peine si je ne devais pas le tenir par la main pour éviter qu’il ne traverse au feu vert ou qu’il ne parte dans la mauvaise direction mais nous réussîmes néanmoins à arriver devant le portail en un seul morceau.

Soudain, une voix désormais familière m’interpella et mes cheveux se hérissèrent sur ma tête.


https://www.youtube.com/watch?v=VAaicBn89vU


« Bien le bonjour le monstre ! S’exclama Fuyuku Yuki en me faisant de grands signes, un large sourire aux lèvres. »

Immédiatement, je me précipitai sur elle et je lui mis ma main devant la bouche pour l’empêcher d’en dire davantage.

« Tu veux ma mort ou quoi ? Murmurai-je, regardant frénétiquement de tous les côtés pour m’assurer que personne n’avait entendu.

-Pas aujourd’hui ; me répondit-elle en haussant les épaules d’un air intrigué.

-C’est déjà une bonne chose ; soupirai-je en la relâchant. Mais évite de crier sur tous les toits ma vraie nature. Ici, je ne suis qu’Hikaru Hinata, un lycéen ordinaire, compris ? »

La rouquine ne me répondit que par un gloussement amusé qui ne me disait rien de bon mais mon attention fut détournée par Daichi qui était venu à son tour se coller à nous, le visage rouge comme un pivoine, avec air spécialement stupide.

« Oh Hinata, tu me présentes ta nouvelle amie ? Me dit-il, tout tremblant.

-Plus tard, on va être en retard ; soupirai-je en l’attrapant par le col et en le trainant derrière moi. »

Alors que je pensai m’être débarrassé de Fuyuku, cette dernière m’interpella une nouvelle fois et me lança : « N’oublie pas, je garde un œil sur toi ! »

J’accélérai immédiatement le pas, préférant ne pas répondre pour ne pas alimenter la conversation et encore moins d’éventuelles rumeurs étranges qu’elle pourrait provoquer à mon sujet.

Cependant, l’ignorer n’empêcha pas la jeune fille de tenir sa promesse et de me surveiller. Durant toute la journée, il m’était impossible de trouver un moment de tranquillité. Pour commencer elle vint placer juste à côté de moi en classe. Je me demandai d’ailleurs comment elle pouvait suivre le cours en même temps qu’elle me surveillait mais, dès que je faisais un mouvement, elle semblait le remarquer si bien que je finis par me concentrer uniquement sur mon cahier pour ne pas avoir à affronter son regard.

A l’intercours, je tentai de me débarrasser d’elle en passant aux toilettes mais il n’y avait rien à faire, cette cinglée m’attendit devant la porte, adossée contre un mur mettant mal à l’aise tous les autres garçons passant dans le couloir.

Le seul qui ne semblait pas souffrir dans cette affaire était Daichi qui s’accommodait même plutôt bien de la présence de la jeune fille, faisant totalement abstraction du cours par la même occasion.

Lorsque la pause de midi arriva enfin, sans surprise, Fuyuku vint s’incruster à notre table et se plaça juste en face de moi sans même avoir de plateau.

« Tu comptes me suivre encore longtemps comme ça ? Finis-je par lui demander, perdant patience.

-Jusqu’à avoir la confirmation que tu ne m’as pas menti ; me répondit-elle, accoudée à la table avec son petit sourire malicieux qui commençait à vraiment m’insupporter.

-Et bien, tu peux attendre longtemps. Enfin, je ne vais pas me préoccuper de toi et lui non plus, pas vrai Daichi ? »

Le blondinet ne me répondit pas. Je l’avais complètement perdu depuis que Fuyuku était avec nous mais je le ramenai à la réalité avec une bonne claque dans le dos pendant qu’il mangeait, et il manqua de s’étrangler.

« Que…Quoi ? S’exclama-t-il comme sorti d’un rêve.

-Je disais qu’on allait ignorer cette sympathique Fuyuku.

-Tu vas l’ignorer seul alors ! Mais je ne me suis toujours pas présenté, je m’appelle Sora Daichi et…

-Tu ne peux pas aller me chercher une pizza toi ? J’ai un peu faim ; l’interrompit-elle sans me quitter du regard.

-Tout de suite mademoiselle, j’y vais de ce pas ! »

Sans ajouter un mot de plus, Daichi se leva d’un bond de sa chaise et se précipita hors de la cantine pour aller acheter une pizza je ne sais où, d’autant plus que la pizzéria la plus proche était à au moins dix minutes de marche.

« Et tu m’en rapporteras une par la même occasion ! M’exclamai-je avant qu’il ne disparaisse. »

Cependant, en me retrouvant seul face à Fuyuku qui me dévisageait en permanence, je tentai de rappeler Daichi mais il avait déjà disparu…Ce type était une vraie plaie…


https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU


Lorsque je reportai mon attention sur mon assiette, je me retrouvai nez à nez avec la rousse qui me fixait de près et, reculant vivement, je tombais de ma chaise, m’étalant lamentablement sur le sol et provoquant les rires de tous les élèves.

« On ne t’a jamais appris que c’était impoli de fixer les gens sous le nez ? M’exclamai-je de mauvaise humeur.

-Désolée, je voulais simplement m’assurer d’une chose ; me répondit-elle, amusée elle aussi par ma chute.

-C’est ça oui, tu voulais simplement me voir tomber ; grognai-je. Et puis, c’est mesquin d’utiliser Daichi pour faire tes courses.

-Arrête de ronchonner le monstre, je suis sûre que tu n’es pas mécontent d’avoir une pizza !

-Ça changera des sandwichs du distributeur ; soupirai-je en regardant mon plateau. »

Sans savoir pourquoi, j’éclate de rire en même temps que Fuyuku. Si Daichi savait ça, j’étais persuadé qu’il aurait été furieux mais je devais avouer que la manœuvre de la jeune fille, bien que mesquine, était vraiment intelligente. Peut-être pouvais-je apprendre quelques trucs en restant à ses côtés finalement.

Nous profitâmes de la pause déjeuner pour parler un peu. Malheureusement, la rouquine ne me dévoila que très peu de choses sur elle. Je pus simplement apprendre que son père était un chef d’entreprise très haut placé, qu’elle aimait les pizzas au peppéroni et qu’elle habitait seule dans un petit appartement en ville, mais rien sur les familiers ni les sur ses pouvoirs.

Finalement, alors qu’il ne reste plus que cinq minutes de pause, la jeune fille sort un plat dégageant une odeur particulièrement appétissante de son sac et commence à le savourer tandis que je m’étranglai.

« Une minute, je peux savoir pourquoi tu as envoyé Daichi à l’autre bout de la ville toi si tu avais ça dans ton sac.

-Tu pensais vraiment que je comptais sur ton copain pour me faire mon déjeuner alors que je ne le connaissais même pas ce matin ? Rétorqua-t-elle en haussant les épaules. »

A cet instant, je me sentis totalement stupide et je rougis de honte. Au même moment, mon estomac se met à gargouiller. Ce sandwich n’était vraiment pas suffisant…

« On dirait que tu as un peu faim…je ne savais pas que les monstres avaient réellement besoin de manger aussi ; s’étonna-t-elle.

-Si seulement ; soupirai-je en m’écroulant sur la table.

-Tu as de la chance que j’en aie préparé trop pour moi ; se contenta-t-elle de répondre en me donnant une partie de son repas. »

Je fus d’abord un peu sceptique. Rien ne me disait qu’elle n’essayait pas de m’empoisonner après avoir gagné ma confiance…mais mon estomac fut plus fort que la crainte et je finis par céder à la bonne odeur se dégageant du plat.

A peine eussé-je pris une bouchée qu’un délice de saveurs déferla dans ma bouche et avant même que je ne m’en aperçoive, j’avais terminé ce plat inconnu mais exquis.

« Fuyuku, c’est toi qui as cuisiné ça ? Demandai-je, impressionné.

-Non, je l’ai simplement acheté en chemin tout à l’heure ; me répondit-elle en me montrant la marque du magasin sur la boite.

-Evidemment…

-Comment ça « évidemment » ? Répéta-t-elle en fronçant les sourcils.

-Rien, je me disais juste que tu avais plus l’air de passer plus de temps à faire la chasse aux monstres qu’à faire la cuisine ; lui répondis-je en lui montrant les entailles que j’avais encore sur les mains.

-Ce n’est quand même pas ma faute si on ne m’a jamais laissé cuisiner ; marmonna-t-elle en gonflant les joues.

-Il doit bien y avoir une raison à cela ; déclarai-je avec un petit sourire moqueur au coin de la bouche.

-Pas…pas spécialement…j’ai simplement laissé un plat sur le feu un peu trop longtemps un jour ; ronchonna la rouquine en détournant le regard. »

Devant mon air moqueur, cette dernière s’empourpra et reprit aussitôt la parole.

« Et puis, je n’ai pas de leçon à recevoir d’un monstre, je sais ce que je vaux ! Demain je ramènerai un plat tellement apetissant que tu me supplieras de me laisser te le faire gouter !

-Parce que tu comptes continuer à me coller demain aussi ?

-Je compte te coller encore longtemps même.

-Misère ; soupirai-je en ayant mal à la tête rien qu’en y pensant. »

Au même moment, la cloche marquant la fin de la pause déjeuner retentit et, me levant en vitesse, j’attrapai la jeune fille par le bras qui me suivit non sans protester pour finalement arriver essoufflés en classe juste avant notre professeur d’histoire.

Alors que j’étais sur le point de m’endormir, je tournai la tête vers le bureau de Daichi lorsque je remarquai que ce dernier était inoccupé. A quoi pouvait bien jouer ce boulet ? Il ne fallait qu’une demi-heure pour faire l’aller-retour avec des pizzas…

Finalement, sa place resta inoccupée et l’après-midi passa tranquillement. Fuyuku se décida enfin à me lâcher à la fin des cours.

Alors que je rangeai mes affaires, j’entendis un fracas infernal venant du couloir et tous les élèves encore en classe se retournèrent pour voir débarquer Daichi, essoufflé, deux pizzas encore chaudes dans chaque main et je ne peux m’empêcher de me prendre la tête dans les mains, désespéré.

« Fuyuku-Chan, j’ai tenu ma promesse, je t’ai ramené des pizzas ! S’exclama-t-il l’air fier de lui mais épuisé.

-Je peux savoir où tu es allé chercher tes pizzas toi ? Lui demandai-je.

-La pizzeria était fermée…alors je les ai faites moi-même…puis je suis revenu…Haleta-t-il. »

Dubitatif, je regardai à nouveau les deux pizzas. Elles ne semblaient pas mauvaises et dégageaient même une odeur très agréable. Je pris alors une part pour gouter sans le prévenir.

« Eh attends que Fuyuku en ait pris avant ! Protesta le blond. »

Cependant, je l’ignorai et je l’attrapai par les épaules en prenant un air sérieux.

« Daichi…je dois te dire quelque chose…

-Désolé mon pote, mon cœur est déjà pris par la belle Fuyu…

-Tes pizzas sont les meilleures que je n’ai jamais mangées !

A peine eussé-je prononcé ces mots qu’une foule s’assembla soudainement autour de nous et réclamèrent à gouter à la pizza. Face à une telle pression, ce dernier ne put refuser et tout le monde eut droit à sa part du festin mais, lorsque nous fûmes tous servis, il ne resta plus rien dans les boites…

« Eh, c’était pour Fuyuku au départ ces pizzas ! Que va-t-elle penser de moi si je ne lui donne rien ?

-Ah oui, elle est déjà partie ; lui répondis-je en savourant une autre part.

-Quoi ? Tu n’aurais pas pu le dire plus tôt ? Gémit-il en s’effondrant.

-Tu ne m’en as pas laissé l’occasion. Sur ce, il est l’heure de rentrer je pense."

Je laissai Daichi derrière moi et je pris la direction du retour. Cette fois-ci, aucune plaie ne me tomba sur la tête et je pus arriver jusqu’au dortoir sans encombre. Je m’arrêtai cependant une nouvelle fois sur la plage, espérant voir à nouveau le magnifique coucher de soleil de la veille.


https://www.youtube.com/watch?v=pwx785eVHHI


Une fois de plus, il n’y avait personne à cette heure et un vent frais soufflait sur le sable encore chaud de la plage déserte.

Je me trouvai un tronc d’arbre mort près de la route et je m’assis dessus pour contempler la vaste étendue d’eau salée et me détendre un peu.

Rester là à ne rien faire d’autre que regarder au loin, perdu dans mes pensées était vraiment agréable. J’allais peut-être répéter cela plus souvenir à l’avenir avant de rentrer au dortoir bruyant et d’être obligé de sortir Daichi du pétrin.

Soudain, une bourrasque de vent me surprend et amène une forte odeur de sel et d’algue à mes narines. Par réflexe, je me protégeai les yeux du sable volant mais, lorsque je les rouvris, je vis une personne à côté de moi, un homme assez grand qui me tournait le dos, portant un long manteau rouge et orangé aux extrémités ainsi qu’une longue écharpe blanche. Ses cheveux blonds ondulaient lentement au gré du vent, de même que ses vêtements.

Il ne se retourna pas et resta simplement planté devant moi sans bouger, les mains dans les poches mais, je ne pouvais pas dire pourquoi mais j’avais l’impression de connaitre ce type ou du moins son manteau spécial.

« Est-ce que vous pourriez vous décaler s’il vous plait, vous me faites de l’ombre et j’aimerais profiter du soleil avant qu’il ne disparaisse ; le priai-je poliment. »

L’homme ne me répondit pas et je me levai, agacé et voyant qu’il ne s’agissait certainement que d’un type aimant embêter les autres. Cependant, alors que je commençai à prendre le chemin du retour, je l’entendis parler derrière moi.

« Je suis désolé, j’ai failli à mon devoir ; déclara-t-il tristement. »

Sa phrase résonna dans mon esprit et mon cœur s’accéléra. Je me retournai brusquement mais l’homme avait déjà disparu, ne laissant aucune trace de son passage. Mais pourquoi…avais-je l’impression d’avoir déjà entendu cette voix et cette phrase ?…

Je me fais soudain tirer de mes pensées par une autre voix dans mon dos, mais cette fois-ci une voix que je pus reconnaitre sans trop de difficulté.


https://www.youtube.com/watch?v=S1baWtCsK8s


« Tiens, mais si ça ne serait pas le garçon bizarre d’hier ; déclara Hoshino Miki à une dizaine de mètres de moi.

-Je me demande lequel de nous deux est le plus bizarre ; rétorquai-je. Je ne me fais pas agresser par des chiens enragés moi. »

Mais je m’étais fait attaquer par une fille hystérique et pot de colle mais ça, je fis bien attention à le garder pour moi.

« C’est méchant ça ; me dit-elle en feignant d’être contrariée.

-Je ne fais qu’énoncer les faits ; lui répondis-je en haussant les épaules. Et en parlant de bizarreries, qu’est-ce que tu viens faire sur cette plage déserte aujourd’hui ?

-J’avais simplement envie de te remercier correctement pour hier ! Déclara-t-elle avec un large sourire. Tu habites au dortoir, c’est bien ça ?

-En effet, et j’allais y retourner avant que tu arrives, donc si tu veux bien m’excuser…

-Attends, tu ne veux pas rester encore un peu avec moi ? M’interrompit-elle en me retenant par le bras. On ne sait jamais, ces chiens pourraient revenir…

-Raison de plus pour ne pas rester ici. »

Hoshino me lâche le bras un instant et je profite de ce moment pour me dégager et partir à grandes enjambées vers le dortoir en jurant. Je pensais avoir touché le gros lot avec Fuyuku niveau pot de colle mais cette fille était à un stade encore supérieur ! J’en regrettai presque d’être intervenu…heureusement- ou malheureusement- Fujishima m’avait doté d’un cœur capable de ressentir la pitié…


https://www.youtube.com/watch?v=IU3nyjA08Kg&t=


Lorsque j’arrivai devant la porte d’entrée, je regardai rapidement de tous les côtés pour m’assurer qu’elle ne m’avait pas suivi mais j’étais bel et bien seul. L’esprit tranquille, je rentre donc à l’intérieur et je monte au premier étage pour rejoindre ma chambre. Cependant, au moment où je rentre dans celle-ci, je me retrouvai nez à nez avec Daichi sortant tout juste de sa douche.

« Ah Hinata, tu as pris l’air et… »

Le blond s’interrompit net dans sa phrase et poussa un cri suraigu.

« Hinata, je peux savoir ce que cela signifie ? C’est un dortoir pour garçon ici, c’est contre le règlement ce que tu fais ! »

Avant même que je n’eus le temps de réaliser ce qu’il se passait, Daichi se précipita dans la salle de bain et s’y enferma à clé. Avec un très mauvais pressentiment, je me retourne et je fis à mon tour un bond de deux mètres en arrière.

« Qu…quand m’as-tu suivi toi ? M’écriai-je, presque effrayé.

-Oh, c’est donc ici que tu habites ? S’exclama-t-elle en ignorant ma question. C’est sympathique ! »

La jeune fille se précipita à la fenêtre et inspira un grand coup avant de pousser un cri de stupéfaction.

« Oh, c’est presque comme si tu habitais sur la plage !

-Quand même pas, ce n’est pas…Et une minute, tu n’as absolument pas le droit d’être ici alors dehors ! Lui ordonnai-je en pointant la porte, restée grande ouverte.

-Ce n’est pas grave, si un surveillant arrive, tu le feras partir comme avec les chiens, n’est-ce pas ?

-Si un surveillant arrive, tu te débrouilleras toute seule. Daichi, je te confie notre invité, moi je vais diner ! Lui criai-je à travers la porte de la salle de bain.

-Attends un peu toi, tu ne peux pas ! Mes habits sont à l’extérieur ! Tu m’écoutes ? Hinata !

Ignorant ses gémissements, je sortis de la chambre en prenant bien soin de fermer la porte derrière moi pour éviter que ce pot de colle ne me suive encore. Mais, alors que je me pensais enfin tranquille, je croisai quelqu’un dans le couloir, notre professeur responsable, un grand gaillard du nom de Tetsu…même si responsable était un bien grand mot pour le décrire.

C’était un grand homme devant approcher le mètre quatre-vingt-dix, à la carrure imposante, au crâne commençant déjà à se dégarnir même si cela ne se voyait que peu comme il se rasait très court. Son visage était assez carré portait quelques légères cicatrices témoignant de son passé et il affichait toujours un air nonchalant même si je l’avais parfois vu s’énerver.

« Bonsoir Sensei ; le saluai-je avec entrain.

-Oh, Hikaru, c’est rare de te voir sans cet incapable de Sora ; me répondit-il, étonné.

-Il prend sa douche mais je crois qu’il est tombé sur la tête. Il me rejoindra plus tard.

-C’est ennuyeux ça, je devais justement lui parler ; me dit-il en croisant les bras. J’ai appris qu’il a utilisé le four du dortoir sans permission aujourd’hui donc d’après le règlement, je dois lui passer un savon…je crois…

-Vous…Croyez ? Répétai-je, toujours étonné de voir sa méconnaissance légendaire des règles de son propre dortoir.

-Mais ne t’en fais pas, je vais le voir directement. Va prendre ton diner sans te tracasser. »

Le voir directement…Je sursautai et, trouvant une excuse bidon, je fis demi-tour en quatrième vitesse pour retourner dans la chambre. Si Tetsu trouvait Hoshino ici, nous allions avoir de gros ennuis car s’il y avait bien une règle que Tetsu connaissait, c’était celle concernant les filles !

J’ouvris la porte, manquant de la faire sortir de ses gongs et, sans surprise, je remarquai que rien n’avait changé depuis mon départ. Hoshino était toujours à la fenêtre en train d’admirer le paysage et Daichi dans la salle de bain à pester contre moi.

« Déjà de retour ? S’étonna la blonde. Tu gobes, ce n’est pas possible autrement !

-Tetsu arrive, tu ferais mieux de partir rapidement sinon on va tous avoir de gros ennuis ; la prévins-je en prenant un air menaçant.

-Qu’il vienne, il ne me fait pas peur ton ami !

-Il fait un mètre quatre-vingt-dix-huit, pèse plus de quatre-vingt kilos, et fait du judo, du karaté, du Catch et de l’escrime. »

J’entendis la jeune fille déglutir et je la vis pâlir instantanément.

« Réflexion faite, je vais peut-être partir ; dit-elle soudainement effrayée. Mais je reviendrai bientôt maintenant que je sais où tu habites !

-Essaie un peu pour voir… »

Je m’arrêtai net dans ma phrase alors qu’Hoshino était en train d’escalader le rebord de la fenêtre et s’apprêtait à sauter du premier étage.

« Mais attends, qu’est-ce que tu essaies de faire là ? M’étranglai-je, tentant de la retenir avant qu’elle ne se brise le cou.

-Ça ne se voit pas, je pars discrètement comme tu me l’as demandé ! »

Se dégageant de ma prise, la jeune fille sauta et je fermai les yeux, n’osant pas regarder ce qui allait lui arriver mais, contre toute attente, je n’entendis aucun fracas au sol m’indiquant qu’elle s’était brisé les deux jambes et, au lieu de ça, je la vis atterrir tout en douceur sur le sol avant de se relever comme si de rien n’était.

Devant ma mine décomposée, Hoshino me fit un clin d’œil avant de disparaitre au loin et je m’écroulai par terre en soupirant. Entre Fuyuku et elle, je pouvais dire que j’en connaissais des gens étranges…

Un instant plus tard, j’entendis Tetsu débarquer dans la chambre sans frapper, comme à son habitude.


https://www.youtube.com/watch?v=UQqgMs6g5tY


« Sora, je sais que tu es là, inutile de te cacher ! S’écria-t-il en défonçant la porte de la salle de bain.

-Sensei, prévenez avant d’entrer comme ça, surtout dans la salle de bain ! Rétorqua mon colocataire encore effrayé.

-Et toi tu pourrais prévenir avant d’utiliser les fours du dortoir ! A cause de toi, j’ai du tout nettoyer moi-même, tu te rends compte, j’y ai passé au moins une heure !

-Si je peux me permettre, les pizzas de Daichi étaient excellentes. Si vous devez le punir, pourquoi ne pas lui demander d’en refaire pendant toute la semaine ? Intervins-je alors.

-Attends Hinata, tu ne m’aides pas là ! Protesta mon ami.

-Vraiment ? Se demanda Tetsu, le regard brillant. Si tu dis vrai, alors il ne faudrait pas nous priver d’un si grand cuisinier ; répondit-t-il en se grattant la barbe. Bien, c’est entendu, Sora, à partir de maintenant, tu nous feras nos diners jusqu’à la fin de la semaine ! »

Sur ces belles paroles, notre surveillant nous quitta, laissant Daichi à terre, effondré et désespéré tandis que je me retenais d’éclater de rire.

« Je suis sûr que Fuyuku aura l’occasion de goûter à tes pizzas un jour, ne perds pas espoir !

-Tu parles, jamais je ne pourrais l’impressionner à ce rythme ; gémit-il.

-Ah oui, elle m’a dit qu’elle te ferait un déjeuner demain, donc… »

Daichi se releva d’un bond, le regard scintillant à nouveau d’un millier d’étoiles et me serre dans ses bras, manquant de m’étouffer.

-Vraiment ? Merci Hinata, t’es vraiment un ami ! S’écria-t-il.

En moi-même, je riais déjà de ce que ce pauvre Daichi allait vivre. C’était certes mesquin, mais aussi tellement tentant que je n’avais pas pu m’en empêcher.


https://www.youtube.com/watch?v=YUIdaCm5Ooo&list=PLivaBp5c6_oAhEEWVtFq4G9Chl0U8Z8A_&index=4


Le lendemain, une fois de plus, à peine arrivés à l’école, nous tombèrent nez à nez avec Fuyuku qui semblait nous attendre et qui m’adressa un sourire malicieux dès qu’elle me vit.

« Alors le monstre, prêt à me supplier à genoux ? Me lança-t-elle avec un coup de coude dans les côtes.

-Bonjour à toi aussi Fuyuku ; lui répondis-je simplement sans sortir les mains des poches.

-Ohayo Fuyuku-Chan ! S’exclama Daichi avec un enthousiasme qui ne lui ressemblait pas le matin.

-Oh…Bonjour…euh…le garçon aux pizzas ? Hésita la rouquine.

-Daichi ! Sora Daichi et je m’excuse pour hier, je n’ai pas été capable de te ramener des pizzas alors je les ai faites moi-même mais tu étais déjà partie et tout le monde a voulu en prendre et…

-Ce…Ce n’est pas grave ; l’interrompit-elle, commençant à être gênée par tant de bruit.

-Tu vois que ce n’est pas agréable quand tout le monde te regarde ; lui lançai-je comme pique pour ce qu’elle avait fait la veille. »

Cette dernière se contenta de me décocher un regard noir et nous reprîmes notre route vers la salle de classe. Heureusement, même si je n’appréciai pas spécialement la jeune fille, je commençai à m’habituer à sa présence, ce qui me permettait de mieux supporter les cours assis à côté d’elle puisqu’elle ne voulait pas aller voir ailleurs.

C’était assez étrange d’ailleurs. Même si tout le monde était aux petits soins avec elle, Fuyuku restait collée à moi et n’allait pas du tout vers les autres alors qu’elle se serait très facilement intégrée, surtout en considérant sa beauté qui, il fallait le dire, dépassait de loin celle des autres filles de la classe…

Mais la rouquine était peut-être d’une beauté éclatante, elle n’en restait pas moins dangereuse autant en combat qu’en cuisine et je le découvris quelques heures plus tard, durant la pause déjeuner.

Evidemment, craignant le pire, j’avais pris mes propres provisions, contrairement à Daichi qui était venu les mains dans les poches mais qui semblait aux anges tandis que Fuyuku déballait son propre déjeuner. Cette dernière me lança un regard de défi tout en ouvrant sa boite.

« Tiens, goûte-moi ça, tu m’en diras des nouvelles Hina…

-Merci beaucoup Fuyuku-chan, je n’oublierai pas ce geste ! Dit Daichi en lui prenant le « sandwich » des mains.

-Attends un peu toi, c’est pour Hinata ! Protesta-t-elle, trop tard.»

Avant même qu’elle n’ait fini sa phrase, Daichi avait mordu à pleine dent dans le Sandwich puis Nous le regardâmes avec intérêt passer d’une couleur normale, à bleu, puis vert, avant de s’effondrer, face contre table et Je ne pus me retenir plus longtemps et j’éclatai de rire.

« C’est…je ne peux pas le décrire…Tenta de dire Daichi en toussant.

-Il semblerait que j’ai gagné ; dis-je sûr un ton supérieur en sortant mon repas.

-Attends, attends, comment tu peux dire ça ? Tu n’as même pas goûté ! Râla notre cuisinière en me présentant son plat.

-Non, mais ce pauvre Daichi est la preuve vivante, ou non, de tes talents culinaires. Je passe mon tour pour cette fois. »

Folle de rage, Fuyuku s’empara de son sandwich et le gouta à son tour avant de finir dans le même état que le pauvre garçon.

« Je crois que je vais vraiment m’abstenir ; déclarai-je, craignant soudain pour ma propre vie.

-Pourquoi…Murmura alors la rouquine. Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à faire un simple sandwich…

-Tu sais, on apprend de ses défaites ! Lui lançai-je dans un élan de pitié. Et puis, Daichi se fera un plaisir de t’apprendre, n’est-ce pas ? »

Je donnai un coup dans le ventre de notre grand malade et ce dernier se releva d’un bond en se tapant le torse, tentant d’avoir l’air viril.

« Donner des cours à Fuyuku-chan ? Ça serait un grand honneur ! Même si je pense qu’elle n’en a pas besoin à mon humble avis !

-Et c’est celui qui vient de frôler l’indigestion qui dit ça ; soupirai-je. »

Cela arriva un sourire à Fuyuku même si nous parlions d’elle et, dans un autre élan de pitié, je partageai mon repas avec la jeune fille qui accepta, laissant son arme à Daichi puisqu’il semblait apprécier sa cuisine.


https://www.youtube.com/watch?v=Wp0xitgAc4A


Lorsque la fin du repas arriva, je proposai à Fuyuku de passer le soir pour que l’expert lui donne ses cours, en profitant au passage pour rappeler à l’intéressé sa punition qu’il avait visiblement déjà oubliée. Cette dernière accepta, à ma grande surprise, même si je la soupçonnai de vouloir profiter de cette occasion pour me coller encore plus mais tant que je pouvais assister à une bonne séance de rigolade, j’étais bien prêt à subir sa présence.

La journée se termina comme elle avait commencé, sans rebondissement et, souhaitant profiter des quelques instants de tranquillité, je partis devant, laissant le boulet et le pot de colle derrière moi mais c’était sans compter sur une voix insupportable qui m’interpela à peine avais-je mis un pied à l’extérieur de la classe.

Au début, je tentai de l’ignorer, pensant qu’elle allait se lasser mais…c’était juste impossible d’ignorer quelqu’un d’aussi casse pieds et je me retournai donc, l’air furieux.

« Tiens, Hoshino, tu me colles à l’école aussi maintenant ?

-Je me suis dit qu’un peu de compagnie te ferait du bien, tu es toujours tout seul quand je te vois de loin ! Me répondit-elle avec un grand sourire.

-Et Daichi, tu en fais quoi ? Lui demandai-je, consterné.

-Ah le garçon étrange d’hier, il ne compte pas vraiment puisque c’est ton colloc !

-Détrompe-toi, j’ai aussi cette charmante Fuyuku Yuki qui traine avec moi désormais ! Lui répondis-je en pointant l’intéressée du doigt au moment où elle sortait de la classe.

-Yuki qui va te montrer qui est charmant ici, sale monstre ! Répliqua la rouquine en m’attrapant par l’oreille. »

Je gémis de douleur pour qu’elle me lâche et Hoshino nous regarda en pencha la tête sur le côté, l’air intriguée.

« Je ne savais pas que tu étais en couple, Hinata. »

Ses mots eurent l’effet d’une bombe sur nous deux et Fuyuku me lâcha immédiatement avant de me repousser contre le mur.

« Nous ne sommes pas en couple ! Nous nous exclamâmes d’une seule voix.

-Pourtant, vous agissez exactement comme tel.

-Jamais je ne sortirai avec un monstre comme lui ! S’étrangla la rouquine.

-Et moi jamais avec une hystérique pareille ! Renchéris-je. »

La jeune blonde ne trouva rien d’autre à faire que de rire bêtement en nous décochant des regards suspicieux et un profond malaise s’était installé entre nous.

« Tiens, que dirais-tu de manger des pizzas Hoshino ? Lui demandai-je alors pour changer de sujet.

-Pourquoi pas, j’ai un petit creux ; dit-elle en haussant les épaules.

-Parfait. Eh, Daichi, j’ai quelqu’un qui vient de dire qu’elle serait ravie de t’aider ! Le hélai-je alors qu’il sortait de la classe.

-Je n’ai pas dit ça ! Protesta-t-elle, avant de se rendre compte qu’elle venait de tomber dans mon piège. »

Daichi fit un bond de trois mètres en voyant Hoshino. Apparemment, il était bien plus traumatisé par l’expérience de la veille que je ne l’aurais pensé mais ça n’avait pas beaucoup d’importance, il allait être bien trop occupé par ses pizzas pour se préoccuper d’elle.

« Faisons donc les présentations dans les règles. Voici Hoshino Miki, une fille qui me colle et lui c’est Sora Daichi.

-Un prénom étrange pour un garçon étrange, ça me plait bien ! S’exclama-t-elle, des étoiles dans les yeux.

-Mon prénom est tout à fait normal ; protesta l’intéressé.

-Et voici Fuyuku Yuki. Je dois avouer que je ne sais pas très bien ce qu’elle fait avec nous….

-Je te rappelle que c’est toi qui m’as demandé de venir, sinon, je serais chez moi à l’heure qu’il est ! Rétorqua-t-elle en me menaçant.

-Oh, mais rien ne t’empêche de partir, mais tu ne voulais pas garder un œil sur moi ? Dis-je innocemment.

-C’est bien ce que je disais, on dirait vraiment un couple. »

Je détournai mon regard et Fuyuku fit de même tandis que Sora vira au vert. Je savais que cette fille n’était pas très pertinente mais de là à me voir avec une fille ayant tenté de me tuer moins de deux jours plus tôt, elle dépassait toutes mes espérances…

Une fois la crise passée, nous nous mîmes en route, Fuyuku n’osant toujours pas croiser mon regard, Daichi me lançant au contraire des regards noir et Hoshino grognant à l’arrière. C’était quoi son problème ? si elle ne voulait pas faire de corvée, elle n’avait qu’à nous fausser compagnie au lieu de nous suivre en râlant.

Je ne savais pas si c’était ma nature de familier ou si c’était normal mais il y avait vraiment des gens que je n’arrivais pas à comprendre dans ce monde…

Lorsque nous arrivâmes au dortoir, Fuyuku s’émerveilla devant le paysage que je commençai à connaitre à présent mais je ne pouvais pas la contredire. J’avais beau voir ce coucher de soleil encore et encore, je ne m’en lassai pas. Peut-être parce que, contrairement à eux, je ne connaissais le soleil que depuis quelques mois…


https://www.youtube.com/watch?v=WZUAgv1qz7k


Evidemment, à peine avions nous mis un pied à l’intérieur que nous tombâmes nez à nez avec Tetsu qui attendait Daichi avec impatience. Ce dernier fronça les sourcils lorsqu’il nous vit arriver, accompagnés de deux filles et croisa les bras sur son torse. Je ne perdis pas une seconde et je lui demandai immédiatement si nos deux amies pouvaient se joindre à nous mais Hoshino me coupa presque aussitôt.

« C’est lui le fameux Tetsu ? je l’imaginai bien plus musclé ! S’exclama-t-elle sans aucun tact.

-Ne te fie pas aux apparences, il n’en a peut-être pas l’air, mais dans le passé, il faisait bien ce que je t’ai dit.

-Vraiment ? Demanda-t-elle impressionnée.

-Va lui demander, il adore parler de ça, mais il faut avoir le temps par contre… »

A peine eussé-je terminé ma phrase qu’Hoshino se précipita vers le surveillant qui prit un air étonné devant l’enthousiasme de la jeune fille. Il fallait dire que peu de monde dans le dortoir écoutait encore ses histoires et il ne demandait qu’à trouver un interlocuteur pour passer ses journées.

Finalement, alors qu’il commençait ses grands discours, je réitérai ma demande et j’eus droit à une réponse affirmative cette fois-ci, notre surveillant étant bien trop content d’avoir enfin quelqu’un à qui parler qu’il en oubliait le règlement.

Intérieurement, même si j’avais du mal à supporter la blonde, je lui souhaitai néanmoins bonne chance, me rappelant du jour de mon arrivée où j’avais passé plus d’une heure avec lui alors que je ne savais même pas ce qu’était le catch et encore moins l’escrime…

Nous laissâmes donc Hoshino et Tetsu dans le coin tandis que nous nous dirigeâmes vers les cuisines. Tout était déjà en place et il n’y avait personne à part nous. Apparemment, certains n’avaient pas attendu pour prendre un jour de congé et avaient sauté sur l’occasion…


https://www.youtube.com/watch?v=ENbgpg8tPy8


Daichi sortit trois tabliers et enfila le sien avant d’en donner un à Fuyuku qui, sans surprise, réussit à le mettre à l’envers. J’en profitai pour rire un bon coup, ce qui me valut un poing en pleine figure puis nous commençâmes nos activités sur ces notes joyeuses.

Rapidement, mon colocataire dévoila son talent caché. En effet, tandis que Fuyuku avait du mal à aplanir la pâte à Pizza, Daichi en était déjà à sa troisième fournée et, même s’il allait vite, tous ses plats semblaient aussi appétissants les uns que les autres. Quant à moi, au bout d’une demi-heure, pris de pitié pour la rousse qui n’avait toujours pas avancé, je lui proposai mon aide qu’elle refusa évidemment.

« Et depuis quand les monstres savent cuisiner ? Dit-elle d’un ton tranchant. Je peux le faire moi-même.

-Tu as raison, je ne sais pas, mais je sais utiliser un rouleau à pâtisserie moi ; rétorquai-je en regardant son œuvre. »

Sans lui laisser le temps de protester, je lui pris le rouleau à pâtisserie des mains et je repris son œuvre. Elle protesta vivement dans les premières secondes mais se tut bien vite en voyant mon travail.

Même si je n’avais jamais fait de pizza, les gestes me venaient tout seul. La pâte, une minute avant informe et couverte de bosse, était à présent lisse et parfaitement ronde, me laissant moi-même bouche bée.

Daichi, qui entamait sa quatrième fournée, s’arrêta devant mon travail, stupéfait.

« Eh, tu m’avais caché que tu étais un artiste dans l’âme ! S’exclama-t-il.

-Je ne le savais pas moi-même ; répondis-je, gêné. »

Malgré ma performance, il nous restait encore beaucoup à faire avant d’avoir terminé. Daichi me confia alors la moitié du travail tandis qu’il tenta d’expliquer à Fuyuku comment préparer une pizza sans détruire la table en même temps. Mais il prenait tellement de temps que j’en vins à me demander qui était vraiment puni ici…

Je terminai deux autres pizzas et, pendant ce temps, Daichi avait réussi à ce que la jeune fille étalât convenablement la sauce tomate sur la pâte et non sur la table…

Finalement, nous nous terminâmes le repas du soir juste dans le temps. Je n’étais pas mécontent du résultat. Pour une première fois, mes plats semblaient plus qu’acceptables…ce qu’on ne pouvait pas dire de Fuyuku dont la seule pizza avait une forme me laissant perplexe et une vague odeur de brûlé.

« Ne me regardez pas comme ça, c’est ma première fois ; grommela-t-elle.

-Oh, mais je n’ai rien dit ; me défendis-je sans pouvoir effacer mon sourire.

-Non mais c’est écrit sur ton visage !

-Ce n’est pas faux ; avouai-je. Mais en toute honnêteté, je ne vois pas qui voudrait de…ça…

-Moi j’en veux bien Fuyuku-chan ! S’exclama Daichi.

-Tu ne tiens vraiment pas à la vie toi ; soupirai-je. »

Ignorant mon avertissement, le blond en prit un morceau et nous le regardâmes avec espoir, Fuyuku attendant des compliments, et moi attendant qu’il s’étouffe.

Cependant, aucun d’entre nous ne fut satisfait car, après quelques secondes de réflexion, notre gouteur fronça les sourcils et croisa les bras sur son torse, l’air contrarié.

Je jurai intérieurement. S’il avait survécu, c’était que la rouquine avait finalement préparé quelque chose de comestible…

« C’est étrange, ce n’est pas mauvais, mais il manque quelque chose pour moi…

-Tu as vu le monstre, je suis capable de cuisiner ! Jubila Fuyuku.

-Ouai, enfin, c’est vite dit, parce que moi je sais ce qu’il manque à ta pizza…

-Ah oui ? S’exclamèrent Daichi et Fuyuku d’une seule voix.

-C’est simple…

Au même moment, je fus saisi de vertiges qui m’empêchent de terminer ma phrase et le monde autour de moi se mit à tourner jusqu’à ce que tout devînt noir.


https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


Lorsque je rouvris les yeux, je n’étais plus dans la cuisine du dortoir mais dans un forêt, entouré de deux personnes, dont l’homme au manteau de feu et, à côté de lui, une jeune fille aux cheveux argentés et aux yeux verts comme l’émeraude ne portant qu’une chemise légère malgré le froid de la nuit qui régnait. Malheureusement, je ne pouvais pas distinguer d’autres traits de son visage masqué par l’ombre projetée par le grand feu autour duquel nous étions réunis.

Dans mes mains, je tenais un petit objet ressemblant vaguement à un jouet pour enfant, ainsi que tout un matériel contenant des flacons de toutes sortes de couleurs, des aiguilles, du fils et même des vieux grimoires poussiéreux parsemés d’inscriptions indéchiffrables.

« Je sais ce qu’il lui manque ; dis-je à la jeune fille, si tu ajoutes ceci, il sera bien plus fort, mais perdra en agilité par contre.

-Je vois ; s’exclama-t-elle d’une voix enfantine, je vais essayer de le faire, merci Hinata ! »

La vision s’arrêta brusquement et je me retrouvai instantanément dans la cuisine. Totalement déboussolé, je chancelai avant de me rattraper in extremis au bord de la table alors que Daichi se précipitai pour m’aider.

« Que se passe-t-il Hinata ? S’affola-t-il. Tu es tout pâle !

-J’ai…j’ai eu la tête qui tourne pendant un instant, mais ça va mieux à présent…Je crois que j’ai simplement besoin de prendre l’air. »

Sans attendre de réponse, je sortis de la pièce, encore déboussolé par cette vision. J’avais besoin d’être seul et, en passant la porte d’entrée, je vis Hoshino toujours en grande discussion avec Tetsu, si bien que je ne m’arrêtai pas et je continuai jusqu’à la plage où je m’assis sur le tronc d’arbre de la veille.

Je ne comprenais pas. Pourquoi avais-je cette désagréable sensation de regret et de déjà-vu en pensant à cette vision ? Et qui étaient ces personnes ? J’avais l’impression d’avoir déjà vu leur visage, de leur avoir parlé et d’avoir partagé beaucoup de choses avec elles…mais c’était impossible. Je n’étais pas humain, j’étais un familier et par conséquent, je n’existai que depuis ma création par le professeur…

Se pouvait-il que Fujishima ait introduit en moi des faux souvenirs pour que je me sente plus humain ? Etait-ce une création de mon propre esprit ? Ou bien était-ce de réels souvenirs ? Je ne savais plus quoi penser…

J’entendis soudain des pas dans le sable se rapprochant de moi et me tirant de mes pensées et, en me retournant, je vis Fuyuku, l’air inquiète.

« Qu’y a-t-il Fuyuku ? Daichi a enfin admis sa défaite ? Raillai-je dans l’espoir de la faire partir.

-Au contraire le monstre ; rétorqua-t-elle fièrement. »

Je ne pus m’empêcher de sourire, ce qui eut l’air de rassurer un peu la rouquine qui s’assit à côté de moi, tout en gardant néanmoins ses distances et fixa l’horizon en silence.

Le soleil était totalement couché à présent et les premières étoiles commençaient à apparaitre dans le ciel obscur, uniquement éclairé par un fin croissant de lune dorée. La mer était calme ce soir-là et le doux son des vagues s’échouant sur le sable mouillé se perdait dans l’infini de la nuit. Même le vrombissement incessant des voitures commençait à se taire.


https://www.youtube.com/watch?v=Tqf6CTvQMI8


« Ça va mieux ? Me demanda soudainement Fuyuku, brisant le silence.

-Tu t’inquiètes pour moi maintenant ? Je devais vraiment avoir un air patibulaire ; ironisai-je.

-Ne te méprends pas, je suis là simplement parce que ton pote s’inquiétait et que votre surveillant refusait de le laisser sortir. »

Etrangement, je n’arrivai pas à croire ses paroles mais je ne m’étendis pas sur ce point-là, déjà content de voir qu’elle était venue et je profitai du fait que nous étions seuls pour lui poser une question qui me brûlait les lèvres depuis qu’elle m’avait attaqué :

« Dis Fuyuku, comment as-tu su que j’étais un familier rien qu’en me voyant dans la classe ? »

La jeune fille soupira et sourit légèrement en baissant la tête vers le sable sous ses pieds.

« Tu ne sais vraiment rien du monde qui t’entoure toi, je me trompe ?

-Pas grand-chose non ; lui répondis-je en croisant les bras. Avant de te rencontrer, je n’avais entendu parler des Espers et des familiers que d’après les histoires du professeur Fujishima sans jamais en rencontrer un seul.

-C’est plutôt ironique de sa part de t’avoir créé pour ensuite te dire de vivre comme un humain normal. Tous les familiers que j’ai rencontrés étaient de vraies machines de guerre, contrairement à toi.

-Est-ce que tu insinues que je suis faible ? Répliquai-je en fronçant les sourcils.

-En comparaison avec ceux que j’ai combattus avant, relativement oui ; me répondit-elle en haussant les épaules.

-Je t’ai battu pourtant je te signale.

-Un simple coup de chance que mes pouvoirs aient disparu d’un seul coup ; rétorqua la rouquine. »

J’aurais pu continuer le débat encore longtemps mais Fuyuku se leva et commença à s’étirer avant de se tourner vers le dortoir qui me semblait bien animé.

« Enfin, faible ou pas, tu es le premier à avoir survécu, et j’imagine que c’est déjà un exploit. »

La jeune fille marqua une pause avant de se retourner brusquement vers moi, le regard brillant de malice.

« Je suis curieuse de voir ce que tu vaux vraiment le monstre.

-Tu vas attendre longtemps alors, je n’ai pas envie de me battre encore contre toi pour t’emmener à l’infirmerie après ; lui répondis-je en me levant à mon tour.

-Oh, mais je n’ai pas besoin de me salir les mains pour ça, d’autres bestioles affreuses le feront bien un jour où l’autre et on verra qui finira à l’hôpital cette fois-ci ! »

Je soupirai et je partis sans rien ajouter. Au moins, cette petite conversation m’avait permis d’oublier pendant quelques minutes cette vision troublante. Cependant, alors que j’allais quitter la plage en compagnie de Fuyuku, un vent léger se mit à souffler et je crus discerner une voix.

« Tu ne nous oublieras pas, n’est-ce pas Hinata ? »

Pour seule réponse, une pensée me traversa l’esprit : « Comment pourrais-je vous oublier ? » avant de disparaitre aussitôt.



Chapitre 3 : Maitre et Familier



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=Td1D1jjvrdE


Les jours passèrent tranquillement après cette soirée pizza animée par Daichi. Une sorte de routine commençait à s’installer avec Daichi qui séchait les cours du matin, Fuyuku qui me collait plus que jamais et Hoshino qui s’était faite à l’idée qu’elle pouvait venir à tout moment nous tenir compagnie et je commençai à me dire que jamais plus je ne serais tranquille à l’école désormais…

Mais étrangement, je n’en étais pas vraiment mécontent. De la sorte, j’avais l’impression d’être un vrai lycéen ordinaire et non pas un familier essayant de se dissimuler derrière une fausse identité…enfin, si on exceptait le fait que notre groupe était certainement le plus étrange du lycée puisque, à chaque fois que les autres élèves nous voyaient, j’étais soit en train de me battre avec Fuyuku, soit en train de râler sur Hoshino et Daichi semblait toujours en extase dès que la rouquine ouvrait la bouche…

Cependant, la routine fut brisée en moins de deux semaines. Ce jour-là, à l’heure de la pause déjeuner, au lieu d’aller à la cantine, Fuyuku proposa de déjeuner dehors à la surprise générale de tout le monde. Evidemment, je vis immédiatement l’occasion de me débarrasser d’elle pour pouvoir avoir enfin un peu de calme mais Daichi ne semblait pas du même avis que moi…


https://www.youtube.com/watch?v=5p9EuVBEzEY


« Allez Hinata, viens, j’ai préparé le déjeuner pour tout le monde juste pour l’occasion ! Protesta Fuyuku lorsque je déclinai son offre.

-Justement, raison de plus pour ne pas te suivre ; rétorquai-je en tournant les talons.

-Ne me dis pas que tu préfères ces infâmes sandwichs de la cantine ; s’étonna Hoshino. En plus, vu l’heure, il doit y avoir une queue de deux heures et je suis sûre qu’il ne restera que les sandwichs au pain !

-Des…sandwichs au pain ? Répétai-je interdit. Où-est-ce que tu es allée chercher ça encore ?

-Je confirme ce que dit Hoshino, leurs sandwichs au pain ne sont vraiment pas terribles ! Ajouta Daichi avec un air de dégout. »

Je soupirai et je baissai les armes, résigné à abandonner une fois de plus ma tranquillité pour me disputer avec Fuyuku et râler sur Hoshino pendant que Daichi ferait le pitre pour se faire remarquer…

Nous nous dirigeâmes donc vers le parc de la ville pour prendre notre déjeuner. Ce dernier se trouvait assez près du lycée si bien qu’il était très fréquenté par les élèves, même s’il n’était pas extraordinaire…Simplement quelques arbres bordant une allée, quelques bancs, un terrain de football et une grande pelouse longeant les arbres. Il y avait également une forêt derrière le parc mais elle était interdite d’accès aux élèves et les rares téméraires ayant bravé les interdits étaient revenus avec des histoires de fantômes plus folles les unes que les autres…

Nous prîmes place légèrement à l’écart, sous un cerisier et Fuyuku nous sortit le repas qui, étrangement, semblait comestible. Peut-être m’étais-je trompé sur son compte après tout…Enfin, je pensai cela jusqu’à ce que je reconnaisse la marque de l’un des traiteurs du coin sur l’une des boites…Mais je ne m’en plaignis pas puisque de la sorte, nous avions un repas plutôt bon même s’il n’égalait pas les pizzas de Daichi.

Alors que nous finissions notre dessert sous les blagues vaseuses de mon colocataire et que je subissais les regards noirs de Fuyuku comme toujours, nous entendîmes soudain des cris affolés derrière nous et tout le monde autour de nous se leva d’un bond avant de s’enfuir, terrorisé.


https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


Je mis quelques secondes avant de distinguer l’origine de cette panique générale et mon sang se glaça lorsque je vis surgir de la forêt trois énormes molosses, les mêmes que ceux ayant attaqué Hoshino deux semaines plus tôt.

« Encore eux ! M’exclamai-je en me levant à mon tour, prêt à protéger le groupe.

-Des…des familiers…ici ! S’écria Fuyuku en faisant de même. »

Les trois cabots s’arrêtèrent en voyant Hoshino et se mirent à grogner férocement et se précipitèrent vers nous. La jeune fille poussa un cri de terreur et Daichi recula d’un pas.

« Daichi, prends Hoshino avec toi et fuyez, on va les retenir quelques temps ! Lui ordonnai-je. »

Mon ami ne se fit pas prier et prit ses jambes à son cou, entrainant Hoshino derrière lui tandis que Fuyuku se mit en position de combat, exactement comme lorsqu’elle m’avait attaqué dans l’école.

Nous étions les derniers dans le parc, les chiens ayant fait fuir tout le monde et nous fixant à présent de leurs yeux verts remplis de haine et de rage…ce qui était assez étrange pour des chiens d’avoir des expressions humaines en y repensant…

A côté de moi, la rouquine sortit son médaillon et le vent se leva subitement. En moins d’une seconde, la jeune fille fut à nouveau entourée de ce halo doré.

« Fais attention le monstre, ces familiers chassent en meute ; me prévint-elle sur ses gardes.

-Tu me dis de faire attention alors que je t’ai vaincu ? Ça sera plutôt à toi de faire attention. Mais merci pour l’info, donc cela signifie que le reste va bientôt arriver ? »

Je regrettai aussitôt d’avoir posé la question en voyant surgir de la forêt un autre molosse. Cependant ce dernier était beaucoup plus gros que les autres, ses poils étaient plus longs et plus foncés et surtout ses crocs étaient bien plus acérés…

Je sentis mon cœur s’accélérer dans ma poitrine et un sentiment d’effroi m’envahit lorsque je croisai le regard du chef de meute. Je n’avais combattu qu’une seule fois ces chiens dans ma courte vie et je m’en étais sorti par un miracle que je ne pouvais pas expliquer. Me retrouver face à autant de créatures d’un seul coup me terrifiait mais m’excitait également. C’était peut-être l’occasion de me prouver à moi-même ce que je valais…Etais-je réellement le monstre que Fuyuku voyait en moi ou un simple humain sans aucune compétence ?


https://www.youtube.com/watch?v=4Dy_EsPsOoM


Les molosses hurlèrent comme des loups et passèrent immédiatement à l’attaque en nous fonçant dessus. J’eus tout juste le temps de faire un bond sur le côté pour éviter la charge du premier et je roulai dans l’herbe tandis que Fuyuku esquiva sans grande difficulté les attaques répétées des monstres qui l’agressaient sans répits. Cependant, il en manquait un. Je ne voyais le chef nulle part.

Soudain, je sentis sur ma nuque un souffle chaud et un grognement parvint à mes oreilles. Lentement, alors que j’étais encore au sol, je me retournai et me retrouvai nez à nez avec l’énorme chien qui me dévisageait de son regard meurtrier.

Une goutte de sueur perla de mon front et je me figeai, n’osant pas faire un seul mouvement de peur qu’il ne m’attaque. Cependant, il restait planté devant moi en grognant, comme s’il m’observait et une voix résonna dans ma tête.

« Es-tu des nôtres ? »

Je n’osai pas répondre mais…était-ce ce chien qui venait de me parler ? Non, c’était impossible et pourtant…il n’y avait personne d’autre dans les environs.

« P…Pourquoi nous attaquez-vous ? Lui demandai-je à mon tour. »

Au même moment, je vis Fuyuku donner un violent coup de pied au le chien et ce dernier roula sur le côté.

« Alors le monstre, qu’est-ce que tu fabriques ? Je croyais que tu étais beaucoup plus fort que moi ? Railla la jeune fille avec un air de défi. »

Il ne m’en fallut pas plus et je me remis sur mes pieds, prêt à reprendre le combat en voyant que la meute commençait déjà se reformer et à nous encercler tout en gardant leurs distances, ayant visiblement compris le danger que représentait Fuyuku.

« J’espère que tu as un plan madame la chasseuse ; lui lançai-je en serrant les dents.

-Pas besoin de plan face à des adversaires de leur calibre ; rétorqua-t-elle. »

Je n’avais même pas eu le temps de demander plus de précisions que la rouquine serra son pendentif et le vent se mit à souffler, exactement comme le jour où je l’avais affrontée. Une seconde plus tard, ses yeux avaient viré au doré et elle son halo d’énergie s’était amplifié tandis qu’à sa main se trouvait maintenant une longue épée sortie de nulle part et elle la pointa devant elle, en direction des molosses qui n’étaient nullement impressionnés par ce changement.

« Et maintenant ?

-Et maintenant tais-toi et prends ces cabots, je m’occupe du chef !

-Quoi ! M’étranglai-je. »

La jeune fille ne m’écouta même pas et fonça sur le plus gros des chiens en poussant un cri de guerre. Je n’eus cependant pas le temps de me préoccuper d’elle car les autres focalisèrent leur attention sur moi et passèrent également à l’attaque.

J’esquivai le premier en me baissant simplement et, au moment où ce dernier passa au-dessus de moi, je le frappai de toutes mes forces avec mon poing et il s’envola au haut dans le ciel. Immédiatement après, je sautai sur le côté pour éviter une seconde attaque mais, au même moment, un troisième chien arriva et me percuta de plein fouet.

Je m’écroulai dans l’herbe et je ne pus que mettre mon bras devant mon visage pour éviter les crocs mortels de la bête. Cependant, alors que le molosse aurait dû me déchiqueter la chair, il se volatilisa purement et simplement au contact de ma peau et son corps tomba en poussière sous mes yeux ébahis.

Interdit, je me relevai et ses compagnons prirent alors leurs distances avec moi. Lorsque je regardai mon bras, je n’y trouvai néanmoins aucune arme ni quoique ce soit qui aurait pu expliquer cette disparition soudaine mais je n’avais pas le temps de me poser des questions et je me jetai sur les molosses restants qui s’enfuirent sans demander leur reste, à mon grand désarroi. Moi qui voulais tester mon pouvoir…

Je tournai alors mon regard dans la direction de Fuyuku qui combattait toujours le dernier chien. La créature esquivait avec aisance tous les coups d’épées de la jeune fille qui avait visiblement sous-estimé la bête.

Le monstre arrêta subitement d’esquiver ses attaques et passa à l’attaque, la surprenant et la faisant tomber sur le dos et lâcher son épée qui se planta un mètre plus loin.

Je m’apprêtai à voler à son secours mais, sans raison, la rouquine me lança un regard noir me disant de rester à ma place et j’hésitai une seconde. Etait-ce sa fierté qui l’empêchait de se faire sauver par un familier…ou bien avait-elle un plan ?

J’eus aussitôt ma réponse en voyant un éclair doré surgir du corps de Fuyuku et frapper le gros chien en pleine tête puis, sans perdre une seconde, la jeune fille se releva, récupéra son épée et, d’une attaque fulgurante, découpa le monstre en deux qui s’écroula sur le sol avant de s’évaporer en laissant une trainée de sang derrière lui…Quant à moi, je ne pus que la regarder, presque effrayé de son pouvoir…

« Co…Comment ? Balbutiai-je, ne réussissant même pas à terminer ma phrase.

-Je te l’ai dit, aucun familier ne peut m’approcher ; me répondit-elle en essuyant la poussière sur son uniforme.

-Dit comme ça, ça fait vraiment peur ton truc, je comprends que tous les familiers te fuient ; plaisantai-je pour détendre l’atmosphère.

-Arrête, tu donnes l’impression que je suis une sorte de monstre en disant cela…Murmura-t-elle en baissant le regard.

-Parce que tu n’en es pas un pour me suivre partout et m’attaquer quand j’ai le dos tourné ? »


https://www.youtube.com/watch?v=8LZzKKNUT6Y


Cette blague de mauvais gout me valut un violent coup de poing dans le ventre et je tombai à genoux, la respiration coupée, sous le regard assassin de la jeune fille qui semblait réellement en colère contre moi…

« Je ne vois qu’un seul monstre ici et c’est toi ! Répliqua-t-elle, furieuse, en me tournant le dos. »

Je me sentis soudain mal à l’aise pour elle. En réalité, ma remarque innocente semblait l’avoir vraiment blessée et, même si elle m’insupportait la plupart du temps, je n’aimais pas la méchanceté gratuite…

« Désolé Fuyuku, ce n’était pas drôle, je l’avoue ; m’excusai-je. »

Pendant un instant, elle ne répondit rien et continua à me tourner le dos mais finit par soupirer par lassitude.

« Ne t’inquiète pas, tu n’y es pour rien mais j’ai simplement tellement entendu ça…alors l’entendre de la part d’un monstre, c’est le comble…

-Je ne pensais pas à mal, vraiment, je voulais simplement détendre un peu l’atmosphère ; ajoutai-je en vitesse.

-Peut-être, mais les autres ne blaguaient pas lorsqu’ils murmuraient dans mon dos…

-Tu veux dire…que d’autres que moi te prenaient pour quelqu’un d’étrange ? M’étonnai-je. »

L’épée de Fuyuku disparut dans une pluie d’étoiles scintillante et cette dernière leva les yeux ciel et mit ses mains dans les poches de sa veste pourpre pour me répondre.

« Depuis que je suis toute petite, mes pouvoirs ont toujours terrifié ceux qui m’entourent. Même en compagnie d’autres Espers comme moi, tout le monde me craignait et se méfiait de moi. J’étais le monstre de la fédération, la sorcière incontrôlable, celle qu’il fallait fuir si on tenait à la vie…

-Je…je l’ignorai…bafouillai-je, abasourdi.

-Tu ne pouvais pas savoir, mais ce n’est jamais agréable de l’entendre à nouveau ; me répondit-elle avec un léger sourire triste.

– « A nouveau » ? Est-ce que cela signifie que les autres ont arrêté de te craindre ? »

Avant que Fuyuku n’ait eu le temps de me répondre, nous entendîmes des bruits de pas provenant de l’entrée du parc et, en levant les yeux, nous vîmes deux policiers armés de matraques se diriger vers nous mais ne semblant pas nous avoir encore remarqués.

« Filons avant qu’ils ne nous trouvent. »

Avec un sourire cette fois amusé, la rouquine me prit alors la main et m’entraina à sa suite mais je n’opposai pas de résistance. Qui aurait cru que derrière ce visage innocent et ces allures joyeuses, Fuyuku avait souffert par le passé ? Et je ne comprenais pas…pourquoi mon cœur se nouait-il dans ma poitrine en écoutant ses malheurs alors qu’elle m’exaspérait au plus haut point ? Pourquoi me sentais-je proche d’elle tout à coup ? Pourquoi…avais-je le sentiment d’être exactement comme elle ?…

Nous courûmes pendant une dizaine de minutes à travers la ville afin d’être certains d’être hors de vue des deux policiers et nous nous arrêtâmes finalement devant un café, tous les deux essoufflés par notre course folle.

« Je pense qu’il vaut mieux nous séparer ici ; me dit Fuyuku en reprenant son souffle. Si on te demande, nous nous sommes enfuis et nous nous sommes perdus, c’est bien compris ?

-Je ne suis pas stupide au point de dire que nous sommes restés, c’est bon ; râlai-je en tournant déjà les talons.

-Et aussi, si jamais tu t’avises de parler de ce que j’ai vécu à qui que ce soit, je te tue sur le champ le monstre, est-ce que c’est bien compris ? Me menaça Fuyuku en m’attrapant par l’épaule.

-Je ne sais pas, tu me dois toujours un téléphone toi ; lui répondis-je d’un air innocent en haussant les épaules.

-Tu n’oserais pas…

-Je suis un monstre je te rappelle, je n’ai pas de morale.

-Oui et bien, si tu t’avises de faire ça, monstre ou pas, tu vas comprendre pourquoi on me craignait ! Me menaça la rousse. »

Elle prononça ces mots avec un tel sérieux que je ne pus m’empêcher d’éclater de rire et Fuyuku gonfla les joues en voyant que je ne tenais pas compte de sa menace. Etrangement, à ce moment précis, j’appréciai sa compagnie, comme si maintenant qu’elle s’était un peu ouverte à moi, je la comprenais mieux et pouvais passer outre mes appréhensions sur elle.

« Bien, je te le repaierai ton stupide portable, dis-moi juste quel modèle tu avais…Ronchonna-t-elle.

-Le dernier bien entendu !

-Eh, je ne suis pas non plus pleine aux as, n’exagère pas !

-C’est bon, c’est bon, prends ce que tu trouves, je m’en satisferai ; la rassurai-je.

-Va pour le modèle des années quatre-vingt-dix ! »

Je n’eus même pas le temps de protester que la rouquine tourna les talons et disparut au coin de la rue, faisant aussitôt remonter ma frustration. Tout compte fait, je ne pouvais décidemment pas la supporter, monstre ou pas…

Il n’était que quinze heures et il était hors de question de débarquer en classe en plein milieu d’un cours avec comme motif de retard que je m’étais battu avec une horde de chien enragés, d’autant plus que j’imaginais que ni Daichi, ni Fuyuku n’allaient revenir non plus.


https://www.youtube.com/watch?v=W6h2tEQckHM


Je décidai donc de profiter du reste de la journée pour faire un tour en ville. Les rues étaient calmes en journée et seules quelques rares voitures circulaient sur la chaussée. Il fallait dire que je me trouvais dans un coin reculé et difficile d’accès à cause des montagnes entourant la vallée et, comme la ville ne possédait pas de port, rares étaient les touristes.

Pendant ma promenade, je me remis à penser au combat contre les chiens noirs. Je ne comprenais toujours pas comment j’avais pu les vaincre aussi facilement. J’avais à peine eu besoin de le toucher pour le désintégrer. Etait-ce une coïncidence ou bien possédais-je réellement des pouvoirs finalement ?

Mais ce n’était pas ce qui me tracassait le plus. Je ne pouvais me sortir de la tête l’histoire de Fuyuku. J’avais vu de quoi elle était capable à deux reprises avec son épée et son sort de protection mais…il n’y avait pas là de quoi effrayer toute une organisation. Etait-ce moi qui ne me rendais pas compte de l’étendue de ses pouvoirs ou bien cachait-elle quelque chose d’autre ? Plus je me creusai la tête, plus je sentais que je m’éloignais de la réalité et je finis par abandonner et rentrer au dortoir.


https://www.youtube.com/watch?v=ABUuwiIb61s


A peine avais-je mis un pied dans le bâtiment que je me pris une porte en pleine figure et je tombai à la renverse.

« Oh non, je crois que j’ai assommé Hinata ! Gémit quelqu’un que je n’avais vraiment pas envie de voir ici.

-Tu es vivant ? Tant mieux, j’avais peur que ces chiens enragés t’aient dévoré ! Continua la voix de Daichi qui me tendit une main pour m’aider à me relever.

-Vivant…façon de parler ; grommelai-je en touchant mon nez qui avait pris tout le choc. Mais Daichi, Hoshino, est-ce que je peux savoir ce que vous faites ici ?

-Tu m’as demandé de l’amener en sécurité alors je l’ai fait ! Me répondit le blond en se tapant le torse, fier de lui. Et toi alors Hinata, comment tu t’en es sorti ?

-Je leur ai donné une bonne leçon ; lui dis-je naturellement en haussant les épaules, ce qui était exactement le contraire de ce que Fuyuku m’avait dit de raconter.

-Je…je suis désolé, c’est de ma faute…Murmura soudain la jeune fille en baissant les yeux, comme si elle avait honte de quelque chose.

-De ta faute ? Répéta Daichi, perdu. Si c’est parce que tu penses que Fuyuku et Hinata ont voulu nous protéger, ce n’est…

-Non ! Rétorqua-t-elle avec conviction. Si je n’avais pas été là, rien de tout cela ne serait arrivé ! »


https://www.youtube.com/watch?v=okbvdbIu9VU


La jeune fille ne nous laissa même pas le temps de répondre et s’enfuit en cachant sa figure dans ses mains et je me précipitai pour la rattraper, laissant Daichi dans l’incompréhension la plus totale derrière moi.

A vrai dire, je ne comprenais pas grand-chose non plus à la situation même si j’avais ma petite idée sur la question. Il s’agissait des mêmes chiens qui avaient attaqué Hoshino la première fois que nous nous étions vus et la coïncidence était trop grosse pour l’ignorer, d’autant plus que, comme l’avait si bien fait remarquer Fuyuku, il s’agissait de familiers et non de chiens ordinaires…

Après une ou deux minutes, je finis par trouver la blonde sur la plage, assise sur un tronc d’arbre, recroquevillée sur elle-même et regardant le va et vient des vagues sur le sable doré de la fin de l’après-midi.

« Et bien alors Hoshino, ça ne te ressemble pas de te lamenter ainsi ; déclarai-je en m’approchant d’elle.

-Tu ne me connais pas bien dans ce cas ; me répondit-elle, à la fois triste et amusée.

-Si tu ne me montre que ton côté le plus agaçant aussi… »

J’allai m’asseoir à côté d’elle et je me mis à contempler la plage à mon tour.

« Dis Hinata, tu n’as pas battu réellement ces chiens, n’est-ce pas ? Me demanda-t-elle soudain d’une voix faible.

-Pourquoi ne les aurais-je pas battus ?

-Parce que… »

Hoshino s’arrêta dans sa phrase et baissa une nouvelle fois la tête, comme si elle était sur le point de me révéler un secret mais qu’elle s’était rétractée à la dernière seconde. Mais cette seconde d’hésitation venait de confirmer ce que je pensais. Hoshino aussi était liée, de près ou de loin, à ce monde de familiers et d’Espers dans lequel je vivais. Cependant, même si toutes ces choses ne lui étaient certainement pas étrangères, je décidai de lui cacher mon identité. Moins de gens étaient au courant de ma véritable nature et moins il y avait de chance qu’elle soit dévoilée.

« Tu as raison, je ne les ai pas battus cette fois-ci, ils étaient trop nombreux ; finis-je pas déclarer en prenant une voix amusée. Avec Fuyuku, nous avons juste détourné leur attention le temps de nous enfuir.

-Je suis soulagée de savoir qu’il ne vous est rien arrivé mais…S’il vous était arrivé quelque chose, je ne me le serais jamais pardonné.

-L’essentiel, c’est qu’il ne nous soit rien arrivé ; déclara soudain une voix dans mon dos. »


https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I


Je me retournai, surpris d’entendre Fuyuku alors que nous nous étions séparés moins d’une heure avant. Dernière s’avança vers nous d’une démarche assurée et vint se placer devant la blonde avant de lui lancer un sourire rassurant.

« Même s’il n’en a pas l’air, cet idiot sait courir vite quand il le faut.

-Une minute toi, n’essaie pas de me faire passer pour un trouillard ! La coupai-je aussitôt.

-Je ne fais qu’exposer les faits ; rétorqua la rouquine en haussant les épaules tout en prenant un air faussement innocent. »

Je bouillonnai de l’intérieur. Evidemment, je ne pouvais pas la démentir sans trahir nos pouvoirs à tous les deux et il fallait qu’elle ait profité de cette occasion pour me ridiculiser…Le seul point positif de son intervention fut qu’elle réussit néanmoins à redonner le sourire à Hoshino.

« Vous deux alors, on ne vous changera pas ; déclara-t-elle en se levant. Je vais vous laisser vous chamailler je pense. Encore désolée de vous avoir mis en danger. »

La jeune fille s’inclina et fila juste après sans même que l’un d’entre nous n’ait eu le temps de la retenir ou même de lui proposer de la raccompagner chez elle. Une fois qu’elle fut hors de vue, je me retournai vers Fuyuku et lui fis les gros yeux mais, avant même que je n’aie pu commencer à rouspéter, elle sortit une petite boite de sa poche que je rattrapai au vol.

Lorsque je vis de quoi il s’agissait, mon cœur rata un battement et je dévisageai la rousse, les yeux exorbités.

« Qu…Qu’est-ce que c’est que ça ? Bégayai-je, interdit.

-C’est toi qui voulais que je te repaie un portable, alors voilà, je te rembourse ta dette. Nous sommes quittes maintenant.

-Mais…je croyais que tu étais fauchée ! M’exclamai-je en lui montrant la boite du téléphone qu’elle venait de me lancer à la figure.

-Oui, je le suis mais bon, ils n’avaient plus que ça au magasin donc je m’en suis contentée ; me répondit-elle naturellement.

-Dis-moi Fuyuku… « être fauché » pour toi, qu’est-ce que ça signifie pour toi ? L’interrogeai-je, vraiment curieux de savoir si c’était ma définition qui était erronée.

-Je…je le suis vraiment ! Rétorqua la jeune fille en rougissant et en détournant le regard. Mais bon, c’était de ma faute alors…j’ai un peu cassé ma tirelire pour me faire pardonner, le monstre !

-Tu sais…j’aurais pu attendre pour le téléphone ; déclarai-je tout de même un peu gêné par un tel cadeau. Mais merci beaucoup, j’en prendrai le plus grand soin…enfin, si tu ne viens pas le démolir encore une fois évidemment. »

Alors que je pensais qu’elle allait s’énerver contre moi, la jeune fille rit de bon cœur. Elle n’ajouta pas grand-chose à cela et se contenta de me saluer avant de s’éloigner d’une démarche élégante, me laissant seul sur la plage.

Je décidai de profiter du coucher de soleil tant que j’étais là et je me rassis sur le tronc d’arbre pour contempler le paysage, désormais familier.

Ma vie avait bien changé depuis ma rencontre avec Fuyuku et Hoshino. Non seulement des dizaines de problèmes m’étaient tombés dessus entre les chiens, mes vertiges et le monde des familiers et des Espers qui commençait à révéler ses secrets, mais en plus j’avais l’impression de faire à présent partie d’une sorte de bande.

Et, même si Fuyuku et Hoshino pouvaient être insupportables, les événements de la journée m’avaient prouvé que nous n’étions peut-être pas si différents finalement. J’avais même fini par me sentir proches d’elles alors que la veille encore je ne désirais que de rester tranquille. Mais peut-être était-ce pour cela que j’étais venu dans cette ville, afin de rencontrer des personnes partageant le même secret que moi et pour apprendre à vivre avec à leurs côtés.

Lorsque je sortis de mes pensées, le soleil s’était couché et je décidai de rentrer au dortoir. Cependant, à peine m’étais-je levé que je fus à nouveau pris par des vertiges, bien plus intenses cette fois.

Ne pouvant me retenir à rien, je m’effondrai sur le sable, vidée de mes forces avant de sombrer dans l’inconscience.


https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4


Une vieille maison se dressait devant moi dans le crépuscule, au sommet d’une petite colline. Elle ressemblait à l’un de ces manoirs hantés que l’on pouvait voir dans les films, entourée d’arbres nus et cachant la pleine lune.

J’étais accompagné de deux personnes : l’homme au manteau de feu et une jeune fille, certainement la même que j’avais vu dans ma vision précédente. Cette fois-ci, je pouvais néanmoins distinguer son visage qui était celui d’une fille de quatorze ou quinze ans. Son nez était fin et s’accordait parfaitement avec ses petites lèvres et son menton arrondi. Cependant, la fatigue se lisait dans les cernes sous ses grands yeux verts.

Un vent glacial se leva et un éclair déchira le ciel noir. Nous nous arrêtâmes aussitôt et la jeune fille me prit par le bras, l’air effrayée tandis que l’homme s’avança devant nous en fronçant les sourcils.

« Il serait dangereux de continuer davantage, arrêtons-nous pour la nuit ; déclara-t-il d’une voix grave.

-Attends, tu es sûr qu’on ne risque rien en s’arrêtant ici ? Lui demandai-je en regardant de tous les côtés.

-Je ne pense pas Hinata et même s’ils arrivaient jusqu’ici, nous pourrions les repousser facilement.

-Je n’en suis pas certaine ; lança la jeune fille, tremblante. Ça fait bientôt trois jours qu’on marche sans s’arrêter, nous sommes à bout de force !

-Raison de plus pour nous arrêter ; rétorqua l’homme. »

Au moment même où nous allions rentrer à l’intérieur de la bâtisse, la porte vola en éclat et nous sautâmes sur le côté par réflexe, juste à temps pour éviter une créature ailée qui abattit un arbre d’un seul coup de griffe avant de nous faire face. Son corps velu ressemblait vaguement à celui d’une chauve-souris mais sa tête était celle d’un lézard et avait une posture totalement humaine. Deux longs crocs dépassaient de sa gueule et luisaient au clair de lune, me laissant apercevoir quelques taches de sang frais.

Un homme sortit alors de la maison abandonnée mais la cape noire qu’il portait m’empêchait de distinguer son visage mais j’eus un mouvement de recul en le voyant.

« Vous voilà enfin, traitres. Il est temps de payer pour ce que vous avez fait ! Dracula ils sont à toi. »

A peine l’homme avait-il donné cet ordre que son monstre nous sauta dessus, toutes griffes déployées. Sans hésiter, je m’interposai entre la jeune fille et le monstre et j’étendis mes bras devant elle dans un geste vain.


https://www.youtube.com/watch?v=pwx785eVHHI


Je m’éveillai en sursaut dans mon lit du dortoir. Tout mon corps était en sueur, ma respiration était saccadée et mon cœur battait à toute vitesse…Ce n’était qu’un rêve…Ou plutôt un cauchemar…Mais il semblait tellement réel…Et pourquoi avais-ce ce poids dans la poitrine, comme si je regrettais quelque chose ?

Une minute…comment m’étais-je retrouvé là moi ? J’étais sur la plage lorsque j’avais perdu connaissance, pas dans mon lit si mes souvenirs ne me trahissaient pas.

Déboussolé, je tentai de me lever mais ma tête tourna et je fus obligé de rester allonger et Daichi rentra au même moment dans la chambre avec fracas.

« Oh, tu es réveillé Hinata ? Tant mieux, j’étais inquiet quand je t’ai trouvé sur la plage !

-Oui, désolé, j’ai eu un léger malaise, mais je crois que ça va mieux maintenant ; lui répondis-je en passant mon regard par la fenêtre, perdu dans mes pensées.

-Tu en as souvent quand même, tu ne veux pas aller voir un médecin ? Dit-il sérieusement.

-Non, je t’assure, ce n’est rien, ça doit être ces chiens. J’ai été trop angoissé aujourd’hui je pense. »

Le cri de Tetsu venant du rez-de-chaussée interrompit notre discussion et fit sursauter mon ami.

« Ne t’inquiète pas pour moi Daichi, je vais bien maintenant.

-Je te fais confiance, mais tâche de ne plus en faire trop dans ce cas. Je repasserai quand j’aurai fini ma tournée ! »

Daichi sortit en faisant autant de vacarme qu’en rentrant et je m’allongeai aussitôt sur mon lit en mettant mon bras sur mes yeux pour cacher la lumière de la lampe du plafond.

C’est alors que je remarquai comme deux minuscules marques sur ma peau auxquelles je n’avais jamais fait attention. Il s’agissait simplement de deux trous cicatrisés mais qui avait exactement la même forme que les crocs de la créature de mon rêve.

Je ne comprenais pas…Ces visions étaient-elles réelles ou alors n’était-ce qu’une série de coïncidences ? Après tout, n’importe quelle araignée aurait également pu faire ces marques mais dans ce cas, pourquoi me sentais-je aussi nostalgique tout à coup ? Pourquoi avais-je cette impression d’avoir perdu quelque chose de très précieux ?…

Dans tous les cas, la créature de cette vision était sans aucun doute un familier et je ne connaissais personne de mieux placé que Fuyuku – à part le professeur mais je n’avais pas envie de le déranger pour ça – pour me dire s’il existait ou non, et donc si mes visions étaient réelles.

Je sortis le téléphone qu’elle m’avait offert de ma poche et je contemplai la machine. Franchement, je n’avais pas besoin d’un tel appareil pour l’usage que j’en faisais, d’autant plus que je ne savais même pas comment on s’en servait…

Je l’allumai et passai l’animation d’introduction avant de tomber immédiatement sur un message de Fuyuku sur l’écran d’accueil où il était marqué « Encore désolée, et à charge de revanche le monstre ! Yuki. »

Je ne pus m’empêcher de sourire en lisant cela. Comment appelait-on ce genre de personne dans les mangas déjà ? Des Tsundere ? Je n’aurais pas trouvé de meilleur qualificatif pour exprimer son attitude envers moi.

Vers onze heures du soir, je finis par abandonner, n’arrivant pas à comprendre le fonctionnement de cette machine infernale et je m’endormis sur mon bureau, encore habillé, le portable de Fuyuku en main.


https://www.youtube.com/watch?v=ygur5AaVzgA


Daichi me réveilla le lendemain de bonne heure et nous partîmes à l’école comme chaque matin, même si je m’étonnais de le voir se lever alors qu’il semblait épuisé, ce qui était totalement contraire à ses habitudes mais je pariais fortement sur l’intervention de Tetsu dans cette affaire.

Sur le chemin, nous croisâmes Hoshino qui se montra plus discrète que d’ordinaire et qui se contenta de nous saluer d’un rapide signe de tête. Elle devait encore se sentir coupable pour la veille, même si je n’avais pas la confirmation qu’elle était bien liée directement à ces chiens noirs…

Lorsque nous entrâmes dans le lycée, Fuyuku nous attendait comme chaque matin, adossée à un des murs, les bras croisés sur sa poitrine, le regard pétillant. Dès qu’elle nous vit, la rouquine se précipita sur nous, une feuille à la main.

« Te voilà Hinata ! S’exclama-t-elle en guise de bonjour.

-Bonjour Fuyuku-chan ! Lança Daichi en rougissant. »

La jeune fille l’ignora royalement et se concentra sur Hoshino et moi en dépliant son papier.


https://www.youtube.com/watch?v=VAaicBn89vU


« Regardez un peu ça !

-Créez…votre club…Tu veux créer un club ? S’étonna la blonde.

-Et pourquoi pas ! Nous sommes déjà trois, ce qui est le minimum requis !

-Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en toi mais quel genre de club veux-tu faire ? Parce que le club de cuisine, autant laisser tomber ; raillai-je.

-Rigole tant que tu veux mais ce n’est pas ce que je compte faire de toute façon. Non, moi je vous parle du club de détective du lycée ! »

Nous regardâmes tous les trois Fuyuku comme si elle était devenue folle mais elle semblait très sérieuse. Evidemment, Daichi approuva d’un air béat, Hoshino ouvrit la bouche mais ne trouva rien à redire et j’éclatai de rire, ce qui me valut un énorme coup de poing sur la tête.

« Je suis très sérieuse ! S’exclama-t-elle. Vous avez bien vu ces chiens hier, ça montre que la ville regorge de mystères à élucider !

-Je…je ne pense pas que ça soit une bonne idée de se mêler de ce genre de chose, Yuki ; grimaça Hoshino. D’autres sont mieux placés que nous pour ça.

-Peut-être mais vous n’avez jamais rêvé de résoudre des mystères comme Nessie ou le Yéti ?

-Nous ; répondis-je d’une seule voix avec Hoshino.

-Je savais que vous étiez intéressés ! Hinata, accompagne-moi, on va faire les inscriptions ! »

Sans me laisser le temps de rétorquer, la rousse m’agrippa le bras et me traina de force à sa suite malgré mes protestations. Elle finit néanmoins par me lâcher une fois dans les couloirs de l’école, après s’être assurée que personne ne nous écoutait et elle se planta devant moi en reprenant son sérieux.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


« Bien, est-ce que tu peux m’expliquer à quoi rime tout ce cirque ? Lui demandai-je en me massant mon bras endolori. Depuis quand tu as envie de sociabiliser au point d’ouvrir un club ?

-Je me fiche du club ; me répondit-elle en fronçant les sourcils. Mais c’est la seule couverture que j’ai trouvée.

-Une couverture ? Répétai-je sans comprendre.

-Oui. L’attaque d’hier n’était pas la première, je me trompe ?

-En effet, j’ai affronté ces chiens il y a quelques jours aussi.

-Cela signifie que ce ne sera pas la dernière non plus et j’ai peur que cela ne sème la panique de savoir que des monstres non identifiés rôdent en ville.

-Je ne vois toujours pas le rapport avec le club, surtout si notre but c’est de prouver l’existence de ces familiers…

-Réfléchis un peu le monstre ! S’écria-t-elle en tapant du pied. Le club va justement nous permettre de cacher l’existence des familiers à tout le monde en faisant passer leurs attaques ou leurs apparitions pour de simples faits scientifiquement explicables ! Et comme nous aurons une place dans le journal du lycée, notre influence n’en sera que plus grande ! »

Un déclic se fit dans ma tête. Je n’avais pas vu les choses comme ça mais maintenant qu’elle le disait, c’était une excellente idée, non seulement pour cacher l’existence des familiers aux habitants mais surtout pour être certain qu’aucun aventurier téméraire ne parte à la chasse et ne se retrouve nez à nez avec un monstre pouvant le tuer en moins d’une seconde.

« Il y a aussi quelque chose que j’aimerais confirmer en créant ce club ; continua la rousse.

-Tu aurais des soupçons sur Hoshino toi aussi ? Lui demandai-je d’un air ennuyé.

-Comment ne pas en avoir ? Me répondit-t-elle en haussant les épaules. Mais Miki m’intrigue sur bien des points et ce club sera l’occasion de découvrir dans quel camp elle se trouve.

-Dans…quel camp ? Répétai-je, étonné. »

Fuyuku regarda furtivement de tous les côtés à nouveau avant de reprendre la parole à voix basse.

« Tu es un monstre et tu ne sais vraiment rien de ce monde ? Murmura-t-elle, abasourdie.

-J’ai été lâché en pleine nature très vite et le professeur ne m’a jamais réellement parlé de ce monde je te rappelle. Apparemment, il voulait que je vive une vie normale. »

Fuyuku croisa les bras sur sa poitrine et fronça les sourcils tout en réfléchissant tandis que je ne comprenais pas grand-chose à ce qu’elle racontait.

« Je ne vais pas t’en parler dans les couloirs de l’école, mais est-ce que tu pourrais virer ton boulet ce soir ?

-ça ne devrait pas être trop compliqué je pense. Mais ton histoire est si longue que ça ? M’étonnai-je.

-Délicate serait le mot le plus approprié mais on en reparlera ce soir. »

Au même moment, j’entendis des pas dans le couloir et Fuyuku coupa net la conversation et nous nous dirigeâmes vers le bureau des étudiants pour officialiser notre club. Cependant, à présent tout mon esprit était assailli de questions au sujet de l’histoire de Fuyuku. Quel était réellement ce monde de familiers et d’Espers ?





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le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [22/02/2017] à 22:22

Chapitre 4 : Première expédition



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4

Dix-huit heures sonnèrent au loin et je lançai un regard furtif par la fenêtre avant de fermer les rideaux. J’avais réussi à éloigner Daichi quelques temps grâce à l’aide de Tetsu et pour une fois Hoshino était repartie directement chez elle après les cours. Il n’y avait que Fuyuku et moi dans la chambre et cette dernière était assise à mon bureau, les jambes croisées et le regard sérieux.

« Bien, normalement personne ne devrait nous entendre ici ; déclarai-je après avoir tapé sur le mur.

-De tous les monstres que j’ai rencontrés, tu es bien le plus étrange ; s’amusa la rouquine en s’accoudant sur le bureau.

-Tu es venue me parler sérieusement ou me lancer des piques gratuitement ? Rétorquai-je, déjà agacé par son attitude.

-Un peu des deux à vrai dire mais puisque tu ne sembles pas de très bonne humeur, je vais m’abstenir de te taquiner.

-Ce n’est pas ça. Mais tu m’as promis de me parler de ce monde d’Espers et de Familiers alors ne me fais pas regretter d’avoir envoyé Daichi réparer le garage de Tetsu sans raison.

-Tu sais, normalement, ce n’est pas à moi de te parler de toutes ces choses, d’autant plus que je ne sais que ce que j’ai vécu moi-même.

-C’est déjà mieux que moi qui ne sais absolument rien de ces histoires. »

La jeune fille soupira et se leva pour faire les cents pas dans la chambre.

« Dans ce cas, puisqu’il faut bien commencer par quelque part, reprenons là où nous nous sommes arrêtés à l’école.

-Tu veux parler de ces « camps » ? Lui demandai-je.

-Oui. Tu dois savoir que, dans le monde dans lequel tu es né, il existe deux factions se livrant une guerre dans l’ombre, deux factions aux idées opposées en tout point, deux factions aussi terrifiantes l’une que l’autre, deux factions qui pourraient prendre le contrôle du monde si elles le voulaient. »

Je frissonnai rien qu’en entendant cela. Son histoire commençait comme une de ces séries policières dont le professeur m’avait parlé…

« La première porte le nom de fondation ESP.

-Fondation…ESP ? Répétai-je. Ce nom me dit quelque chose…Me murmurai-je à moi-même.

-Comme son nom l’indique, il s’agit d’une organisation d’Espers comme moi et agissant soi-disant dans le but de faire évoluer l’homme à un stade supérieur.

-Faire évoluer l’homme ? Répétai-je sans comprendre. Dans quel but ?

-Va savoir ; me répondit Fuyuku en haussant les épaules. Je les ai quittés il y a quelques temps maintenant et je n’ai jamais vraiment cherché à savoir ce qu’ils fabriquaient là-bas. Mais d’après ce que j’ai entendu, leur but serait de développer au maximum les pouvoirs des Espers afin de les transformer en sorte de super-héros.

-Tu m’as l’air sceptique en disant cela ; fis-je remarquer. Tu penses que le but de cette fondation est autre ?

-Je n’en ai strictement aucune idée. Il s’agit d’une organisation secrète après tout et une simple Esper comme moi n’a accès à rien d’autre qu’aux cours qu’ils donnent.

-Mais si tu ne connais pas leur véritable but, pourquoi les as-tu rejoints, toi ? M’étonnai-je.

-Tu dois savoir que les monstres ne sont pas les seuls à être craints, les Espers le sont aussi et l’ont toujours été dans le passé. Il me semble même qu’au départ, la fondation avait été créée dans le but de nous protéger du monde extérieur, de créer une communauté où les personnes possédant des pouvoirs ne seraient pas obligées de se cacher des autres, où elles ne seraient pas craintes de tous, où elles pourraient être elles-mêmes. »

Fuyuku marqua une pause avoir dit cela et détourna le regard. Je m’arrêtai moi aussi un moment pour réfléchir. Pour une raison que j’ignorai, je me sentais vraiment proche de cette fondation alors que c’était la première fois que j’en entendais parler. Jamais le professeur n’avait évoqué une telle chose, cela m’aurait marqué…

« Et…cette fondation, où est-elle située ? Repris-je dans l’espoir de me souvenir de quelque chose.

-Elle possède des branches un peu partout dans le monde mais j’ai cru comprendre que son quartier général se trouvait en Europe. Si tu veux savoir, j’étais à Tokyo avant.

-Et…pourquoi l’as-tu quittée ? »

Le regard de Fuyuku se voila et elle baissa les yeux tandis qu’un sourire triste se dessina sur ses lèvres.

« On va dire…que je ne me sentais plus à ma place là-bas. J’avais besoin de changer d’air et de mettre mes pouvoirs à l’épreuve. »

Je fronçai les sourcils, peu convaincu par sa réponse mais je n’insistai pas. Je ne voulais pas la forcer à parler si elle n’en avait pas envie. Etrangement, je ressentis un poids dans ma poitrine, comme si j’avais moi aussi dû quitter un endroit où je ne me sentais plus chez moi…

« Et l’autre organisation alors ? Tu ne m’en as pas encore parlé ; embrayai-je pour dissiper le malaise qui venait de s’installer entre nous.

-Je pense que tu es mieux placé que moi pour répondre à la question sur ce point-là, le monstre ; me répondit-elle en retrouvant ses sarcasmes.

-Que veux-tu dire ?

-Pour un familier, tu es bien lent à comprendre. Je t’ai dit que les deux camps étaient opposés et que je faisais partie de la fondation ESP.

-Attends…tu veux dire que je fais partie de l’autre camp sans même le savoir ? M’étranglai-je, interdit.

-L’un des buts de la fondation est de combattre les familiers et il se trouve que la plupart des maitres sont réunis sous une même bannière, celle de Savior.

-Savior…Je crois que j’ai déjà lu ce mot dans le labo du professeur…Murmurai-je à nouveau en croisant les bras.

-Ce qui prouve que tu fais bien partie de cette organisation mais je ne fais que citer une évidence. »

Mon cœur s’accéléra. J’étais malgré moi pris dans un conflit dont je n’avais même pas idée. Pourquoi le professeur ne m’avait-il rien dit à ce sujet avant de me lâcher en pleine nature ? En tant que familier, cette information m’était cruciale ! Et surtout, quel était son objectif en me créant si ce n’était pas pour me faire combattre et me laisser dans l’ignorance la plus totale ?

« Et quel est l’objectif de Savior ? Continuai-je, craignant sa réponse.

-Je ne peux pas te répondre objectivement sur ce point-là, désolée ; me dit Fuyuku d’un air ennuyé. Lorsqu’on fait partie d’un camp, on a toujours tendance à diaboliser l’autre et se donner le beau rôle donc j’imagine que te dire que Savior désire éradiquer la race humaine, prendre le contrôle du monde ou encore le détruire pour en reconstruire un nouveau ne serait pas très proche de la réalité.

-Je vois…je pense que je ferais mieux de demander moi-même au professeur la prochaine fois que je le verrai alors ; soupirai-je, un peu déçu. »

Au fond de moi, je savais que je n’allais pas le faire. En vérité, je n’avais pas envie de découvrir leurs objectifs de peur de faire partie du mauvais camp. Il était vrai que je n’étais pas lié directement à cette organisation puisque j’étais libre d’après les dires du professeur mais…j’appréciais cet homme m’ayant tout donné malgré tout et je ne pouvais pas croire qu’il ait eu de mauvaises intentions.

Et pourtant, quelque chose me disait que je ne pouvais avoir confiance ni dans Savior, ni dans fondation ESP, comme si j’avais une répugnance naturelle pour ces deux mouvements sans même les connaitre.

« Enfin, Savior ou la fondation ESP ne sont que des prétextes pour beaucoup ; reprit Fuyuku en se rasseyant. Je ne pense pas qu’il soit possible de faire des cas généraux des gens ayant rejoint ces organisations. Si je combats des familiers, ce n’est pas pour eux, c’est uniquement parce que je l’ai décidé.

-Mais tu penses sincèrement qu’Hoshino pourrait faire partie de Savior ou de la fondation ?

-Ces familiers dans le parc étaient clairement à la rechercher de Miki ; me répondit Fuyuku d’une voix grave. Soit parce qu’elle fait partie de la fondation et que, comme moi, elle combat ces monstres…ce qui me semble assez peu probable, soit elle est victimes de dissidences au sein de Savior.

-Tu es donc persuadée qu’elle a un rapport avec ce monde.

-Tu sais Hinata, les invocateurs et les Espers ne sont pas si rares dans ce monde. Lorsqu’on en côtoie tous les jours, on s’en rend compte rapidement mais nous préférons nous cacher pour ne pas effrayer les autres humains ne possédant aucun lien avec ce monde.

-Mais quand même…ce que tu me décris me semble être bien cruel et je vois mal Hoshino prendre part à cela…

-Beaucoup d’Espers ou d’invocateurs héritent simplement des dons de leurs parents et rentrent malgré eux dans ce monde… »

En disant cela, Fuyuku se releva et rouvrit les rideaux de la chambre pour regarder le coucher de soleil sur la mer au loin, pensive. Cependant, je l’étais moi aussi à présent, pas à cause de ses révélations mais à cause de son attitude. Tout au long de notre discussion, elle avait semblé différente de d’habitude. J’avais eu l’impression qu’elle se remémorait des choses qu’elle avait essayé d’oublier.

En y repensant, je ne connaissais presque rien d’elle qui, contrairement à moi, avait déjà un long passé derrière elle, passé qui n’avait certainement pas dû être de tout repos à l’écouter.

« Cette ville est vraiment paisible ; murmura-t-elle.

-Oui, avant de te rencontrer, je n’avais jamais eu besoin de me battre ; lui répondis-je en tentant de faire un peu d’humour.

-Avant de te rencontrer, je n’aurais jamais pensé qu’un jour je me retrouverai à m’allier avec un monstre ; rétorqua-t-elle en souriant légèrement.

-En parlant d’alliance justement, c’est du sérieux ton histoire de club ? Parce que l’école n’avait pas l’air très emballée à cette idée tout à l’heure.

-Evidemment que c’est du sérieux ! Des monstres rôdent en ville, je ne vais quand même pas fermer les yeux ! Répliqua Fuyuku.

-Ça va encore être une galère pour cacher ça à Daichi ; soupirai-je.

-Je t’avais bien dit que nous n’avions pas besoin de ton boulet mais tu as insisté pour l’inscrire, c’est ton problème maintenant.

-Je te signale que sans ce boulet, nous n’étions pas assez pour ouvrir le club donc prends tes responsabilités et fais ta part du travail aussi ; ronchonnai-je.

Fuyuku gonfla les joues pour toute réponse et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire devant ce visage contrastant totalement avec l’image de la fille sérieuse et froide qu’elle essayait de se donner en public.

Nous profitâmes du reste de la soirée pour terminer nos devoirs pour le lendemain et parler de tout et de rien puisqu’il semblait y avoir à nouveau du monde dans le couloir et que je ne voulais pas que de fausses rumeurs commencent à circuler.

Fuyuku était redevenue elle-même, c’est-à-dire agaçante et me lançant des piques à chaque phrase mais je n’y faisais même plus attention. J’étais maintenant habitué à sa présence et je l’acceptai. Après tout, elle avait bien réussi à passer outre ma nature de familier, je pouvais bien lui accorder ça.

Nous nous séparâmes finalement vers dix heures, après l’heure du couvre-feu et je me sentis immédiatement un peu seul. Je ne savais pas ce que fabriquait Daichi mais il n’avait toujours pas donné signe de vie et évidemment, son portable était sur répondeur…

Je tentai d’envoyer un message au professeur également pour lui demander des précisions sur Savior mais je n’eus aucune réponse à cette heure tardive et je finis par aller me coucher, la tête remplie de questions au sujet des deux organisations.


https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Lorsque je me réveillai le lendemain, je trouvai Daichi allongé sur le sol et je l’enjambai pour aller prendre une douche fraiche et me préparer pour la journée qui promettait d’être longue puisque allions inaugurer le club.

Je n’étais toujours pas totalement convaincu par l’idée de Fuyuku mais je devais avouer que j’étais intrigué à l’idée de faire partie d’un club. J’avais lu de nombreuses choses sur ces fameux clubs de lycée mais je n’imaginais pas en faire partie un jour, si bien que malgré moi, j’abordai cette journée d’un bon pied.

Avant de partir, je vérifiai une fois de plus mes messages dans l’espoir d’une réponse mais je n’avais toujours rien. A quoi bon avoir un téléphone si c’était pour ne pas l’utiliser…

Comme chaque matin, je retrouvai Fuyuku devant les grilles et elle me lança sa pique matinale à laquelle j’étais habitué désormais. La matinée fut sans surprise, à l’exception de l’arrivée tonitruante de Daichi juste avant la pause déjeuner, pause déjeuner pendant laquelle nous découvrîmes les locaux de notre nouvelle salle de club.

Hoshino nous avait rejoints entre les cours et nous nous trouvions devant une petite porte, identique à toutes les autres portes de ce lycée si on faisait abstraction de la poussière qui s’accumulait sur la poignée.

Fuyuku, qui était allée chercher la clé un peu plus tôt, la fit tourner dans la serrure et, lorsque la porte s’ouvrit en grinçant, une vaste salle de classe vide nous fit face…

Il n’y avait à l’intérieur que quelques choses, trois tables poussiéreuses, un tableau noir sans craie, un petit placard et quelques cartons dans lesquels s’entassaient les restes de divers clubs ayant fermés. La pièce était cependant assez spacieuse et lumineuses grâce aux grandes baies vitrées donnant sur la cour.

Lorsque je posai un pied à l’intérieur, un épais nuage de poussière s’éleva et me piqua les narines et les yeux.

« C’est ça notre salle de club ? Tu es sûre que tu ne t’es pas trompée Fuyuku ? Demandai-je en toussotant à la rousse qui semblait aussi déçue que moi.

-Evidemment, les clubs les plus étranges reçoivent toujours les salles les moins belles ; soupira-t-elle. »

La rouquine s’avança et posa son sac sur l’une des tables avant d’ouvrir les fenêtres en grand pour dissiper l’odeur de renfermé qui se dégageait de la salle.

« On…on va dire qu’on aurait pu avoir pire…n’est-ce pas ? Bégaya Hoshino qui tentait de voir le bon côté des choses.

-Oui et le principal c’est qu’on soit tous les quatre ici ! S’exclama Daichi.

-Rappelle moi pourquoi est-ce qu’on l’a pris avec nous celui-là ? Me murmura Fuyuku à l’oreille d’un air désespéré.

-Parce que personne d’autre n’est assez cinglé pour trainer avec toi. »

Ma réponse me valut un croche patte qui me fit m’étaler face contre terre et qui attira toute l’attention sur moi.

« Et fais attention où tu mets les pieds Hinata, je sais que la pièce est en désordre, mais quand même ! Railla la rousse d’un air innocent qui me donna envie de l’enfermer dans le placard mais je m’abstins car je l’avais quand même un peu cherché.

-Evite de tout casser mon pote, on n’a déjà pas grand-chose, il serait dommage de brûler le budget du club pour réparer ce qui ne nous appartient pas.

-Merci pour cet excellent conseil Daichi, je prends note ; grognai-je en me relevant.

-Mais au fait, qu’est-ce qu’on va faire ici ? Nous demanda alors Hoshino. Parce que je doute qu’avec trois chaises et un tableau nous puissions prouver l’existence de quoique ce soit. »

Un sourire mauvais se dessina sur les lèvres de Fuyuku et je serrai les dents, craignant déjà ce qu’elle allait nous sortir comme folie.

« Pour l’instant, nous nous en contenterons. A vrai dire, nous n’avons besoin que d’un appareil photo et de nos jambes pour faire notre travail ! Déclara-t-elle d’un air convaincu.

-Donc si j’ai bien compris, nous allons partir à la recherche de créatures mystérieuses et dangereuses avec un simple appareil photo ? Ce n’est pas un peu risqué ? S’étonna le blond qui, pour une fois, faisait preuve de logique.

-Tout à fait ! Notre but n’est pas de tuer ces créatures après tout, simplement de prouver leur existence aux yeux du monde ! »

Je soupirai et je détournai le regard, ayant presque honte pour mon amie qui était en train de se ridiculiser devant Daichi et Hoshino qui étaient tous les deux aussi sceptiques que moi quant à son plan.

« Je…Je ne suis pas certaine que tout cela soit très prudent ; intervint Hoshino. Il faudrait peut-être attendre d’avoir un équipement un peu plus performant avant de partir à la chasse, non ?

-Ne t’inquiète pas, en cas de problème, Hinata pourra tous nous protéger, n’est-ce pas ? »

Je t’étranglai avec ma salive en entendant cela et j’écarquillai les yeux. A quoi jouait-elle ? Si nous tombions contre un véritable monstre, je ne savais même pas si j’avais les pouvoirs pour lui faire face…Mais si le but de Fuyuku était de me mettre mal à l’aise, nous allions être deux à jouer à ce petit jeu.

« Tout à fait, et puis, même si je ne peux pas, Fuyuku en sera capable. Après tout, elle est championne d’escrime et de Kendo ! »

Immédiatement la jeune fille s’empourpra et me lança un regard noir me disant que je n’allais pas m’en tirer comme ça mais elle fut interrompue par Daichi.

-Oh, tu fais de l’escrime Fuyuku-chan ? S’exclama-t-il, des étoiles dansant dans ses yeux.

-Mais…pas du tout, n’écoute pas ce que cet idiot raconte !

-Pourtant, je te vois très bien maniant une épée moi ; s’amusa Hoshino en riant de bon cœur.

-Mais arrêtez avec ça, je ne sais pas plus manier une épée que conduire un avion ! »

Nous rîmes tous de Fuyuku qui tentait de se défendre tant bien que mal, ce qui la fit bouder un petit moment et nous valut le droit d’être enfermés à l’intérieur de la salle après la pause déjeuner pendant toute l’heure qui suivit et je notai dans un coin de ma tête d’éviter ce genre de blague à l’avenir…

Mais nous profitâmes cependant de cette heure pour faire un peu de nettoyage dans la salle et la redécorer un peu avec ce qu’il restait dans le placard. Evidemment, tout cela était rudimentaire et temporaire mais j’avais déjà un peu plus envie de rester dans ce club avec la nouvelle décoration composée de rideaux rouges, d’une étagère démontable et d’une nappe pour les trois tables que nous avions collées les unes aux autres.

Nous passâmes les jours qui suivirent à embellir toujours plus notre salle, liquidant le budget du club au passage mais nous avions pu obtenir un vrai bureau en bois de chêne que nous avions placé devant les baies vitrées, plusieurs chaises, une table basse sur laquelle nous pouvions poser divers articles et journaux ainsi qu’une bibliothèque et des livres traitant de faits inexpliqués et de légendes urbaines.

Mais ces activités nous rapprochèrent tous les quatre malgré tout. Au bout d’une semaine, je fus enfin habitué aux caprices d’Hoshino et Fuyuku ne faisait même plus attention à Daichi, le considérant comme un véritable membre du club et non plus comme un squatteur.

Nous nous retrouvions chaque jour à midi dans la salle pour le déjeuner et le soir pour faire des aménagements pour rentrer assez tard, en général lessivés, si bien que cette semaine passa sans que je ne m’en rende compte.

Pendant tout ce temps, toutes ces histoires de familiers et d’Espers m’étaient totalement sorti de la tête et j’avais enfin l’impression de vivre une vie de lycéen ordinaire, oubliant parfois même ma véritable nature lorsque j’étais en groupe avec les autres.

Finalement, au bout de huit jours après le début de nos activités en tant que club, Fuyuku se décida finalement à faire quelque chose en rapport avec notre thème.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Cette dernière avait amené son ordinateur ainsi qu’un rétroprojecteur. Alors que toutes les lumières étaient éteintes et les rideaux fermés, j’étais affalé sur une chaise, la tête appuyée sur le bureau tandis que Daichi jouait sur son portable et qu’Hoshino s’amusait à lui donner des petits coups de temps à autre pour le faire perdre.

« Bon, les amis, il est temps de commencer enfin nos activités en tant que club ! Déclara Fuyuku en tapant sur le bureau d’un air déterminé.

-On va capturer le Yéti et le ramener ici ? Lançai-je en baillant, très peu motivé.

-On va faire mieux que ça, regardez ! »

La rouquine alluma son ordinateur et la photo d’une créature hideuse s’afficha sur le tableau. On aurait dit une sorte mélange entre une salamandre et un serpent. Sa tête était triangulaire mais son corps était long et fin et était dépourvu de toute écaille, comme un amphibien. Il fallait ajouter à cela des pattes atrophiées et une longue queue trainant sur le sol.

« Beurk, qu’est-ce que c’est que cette chose ? S’exclama Daichi d’un air dégouté.

-Un Lindorm ; lui répondit aussitôt Hoshino en fronçant les sourcils.

-C’est exact Miki, il s’agit bien d’un Lindorm et certains témoignages affirment en avoir aperçu un dans la forêt, près du parc. Vous vous doutez bien que nous ne pouvons pas passer à côté d’une telle créature ! Si nous réussissons à prouver son existence, c’est la gloire assurée !

-Et ton truc, il est dangereux ? Lui demandai-je, sentant déjà que j’allais devoir l’affronter moi-même si nous le croisions.

-Il est placé assez haut en dangerosité sur l’échelle des cryptiques oui ; me répondit Fuyuku avec un large sourire.

-Je suis certain que ton échelle n’existe même pas mais soit ; soupirai-je.

-Cette créature est dangereuse. Si elle rôde réellement près de la ville, il faut la capturer ou la tuer ; affirma Hoshino en se levant brutalement.

-C’est bien le but de notre club ma chère Miki ; continua la rouquine. Donc tout le monde est d’accord pour partir à la recherche de ce monstre ? »

Personne n’émit d’objection et c’est ainsi que nous prîmes tous la route de la forêt près du parc. Il devait déjà être presque dix-huit heures et le soleil commençait à décliner mais Fuyuku affirmait que nous serions de retour avant la nuit.

Sur le chemin, je pris la jeune fille à part, laissant Hoshino et Daichi marcher devant et je lui posai la question qui me brûlait les lèvres depuis que nous étions partis.

« Ton machin là, c’est du sérieux ou ce n’est qu’un prétexte ?

-Il parait que c’est du sérieux et puis, j’ai déjà vu des familiers dans ce genre. En général, ils sont utilisés en éclaireur, un peu comme les chiens que nous avons affrontés.

-En éclaireur ? Répétai-je, intrigué. Tu veux dire que Savior chercherait quelque chose dans cette ville ?

-J’en suis persuadée. La coïncidence est trop grande pour que des Lindorm et les chiens noirs se retrouvent au même endroit à une semaine d’intervalle par hasard. »

Je commençai moi aussi à avoir quelques soupçons sur Hoshino en entendant cela. Elle avait semblé particulièrement pressée de résoudre cette énigme lorsque Fuyuku l’avait montrée dans la salle et elle semblait même avoir déjà entendu parler de cette créature. Peut-être que cette expédition, aussi stupide fût-elle, allait-elle nous permettre de lever le voile de mystère planant sur la jeune fille…

Nous nous arrêtâmes à l’orée de la forêt pour évaluer la situation rapidement. Le parc était presque désert à cette heure mais il y avait encore assez de lumière pour voir où l’on mettait les pieds.

« Séparons-nous en deux groupes, comme ça nous aurons plus de chance de trouver le monstre ; déclara Fuyuku en sortant une carte.

-Je vais avec toi ! S’exclama aussitôt Daichi.

-Dans ce cas, je vais avec Hinata ; ajouta Hoshino, toujours aussi déterminée.

-J’imagine que je n’ai pas mon mot à dire dans cette histoire…

-N’oubliez pas, si vous apercevez quelque chose, contactez l’autre groupe immédiatement et surtout, ne faites rien de téméraire, c’est compris ? »


https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U


Nous acquiesçâmes puis Fuyuku et Daichi partirent sur la droite, empruntant le chemin balisé, tandis que nous prîmes l’autre direction, là où la végétation était dense et peu accueillante.

La forêt était malgré tout très belle à cette heure-ci. Les derniers rayons du soleil pénétraient à travers le talus de feuilles des arbres et dessinaient de magnifiques ombres au sol. Les couleurs étaient sublimes également. Les troncs des arbres se mélangeaient avec les fougères grimpantes et les feuilles mortes.

En levant la tête, j’aperçus quelques oiseaux mais également de nombreux insectes voltigeant à la cime des arbres, au milieu des branchages s’entrelaçant de toutes parts.

L’endroit était calme et paisible, reposant même. L’air était frais et amenait avec lui des odeurs de végétation que nous n’avions pas en ville. Cette petite balade en forêt, à défaut d’avoir été voulue, était vraiment agréable.

Je tournai la tête vers Hoshino qui marchait à côté de moi sans dire un mot depuis dix minutes maintenant et je m’étonnai de son silence inhabituel avant de remarquer qu’elle serait dans sa main une sorte de pendentif.

« Tiens, je ne savais pas que tu aimais porter des bijoux ; fis-je remarquer en brisant le silence.

-Je n’aime pas spécialement en porter mais ce pendentif est spécial à mes yeux ; me répondit-elle d’un ton où se mêlaient la nostalgie et la tristesse.

-Spécial ?

-Oui…ce pendentif…je l’ai hérité de ma mère…

-Attends, tu veux dire…

-Elle est morte il y a quelques années maintenant et c’était son dernier cadeau.

-Je…je suis désolé ; bégayai-je, mal à l’aise. Je ne voulais pas…

-Oh, ne t’inquiète pas Hinata, c’est du passé, j’ai réussi à tourner la page aujourd’hui. ; me répondit-elle avec un sourire forcé. »

Je me sentais vraiment mal pour mon amie. Même si elle était insupportable la plupart du temps, je compatissais à sa douleur comme si j’avais vécu la même chose qu’elle. Ce qui était étrange en soi puisque je n’avais pas eu le temps de perdre qui que ce soit dans ma courte existence mais peut-être était-ce cela, être humain, être capable de se mettre à la place des autres…


https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE


Nous continuâmes à marcher encore une demi-heure dans la forêt, jusqu’à ce que le soleil commence vraiment à décliner, rendant la forêt auparavant si belle, soudainement inquiétante et même effrayante.

Hoshino dut remarquer également ce changement soudain d’atmosphère car elle se colla à moi et se mit à trembler légèrement.

« Je crois qu’il est temps de rentrer ; déclarai-je vraiment peu rassuré. Tant pis pour le Lindorm, on va dire qu’il n’y en a pas dans cette forêt.

-Je…je suis d’accord avec toi pour une fois ! Filons d’ici, cet endroit me donne la chair de poule ! »

Sur ces mots, nous revîmes sur nos pas. En toute logique, nous étions allés toujours droit donc nous aurions dû retrouver la sortie de la forêt rapidement mais maintenant que le soleil était couché, tout se ressemblait et j’avais l’impression que nous tournions en rond malgré nous à force d’éviter les branchages et les troncs que nous ne voyions pas.

Tout à coup, un hululement brisa le silence de la nuit et j’entendis le bruit de plusieurs oiseaux s’envolant en même temps. Mon cœur s’accéléra brutalement et quelques gouttes de sueur perlèrent de mon front.

Je n’aimais vraiment pas ça. Je savais que c’était une mauvaise idée de s’aventurer en forêt, surtout juste avant la tombée de la nuit mais évidemment, personne ne m’avait écouté ! Voilà qu’à présent nous étions perdus, dans le noir, sans nourriture et sans eau, dans un endroit abritant potentiellement des familiers…

Je sursautai en entendant des brindilles craquer derrière moi mais un sentiment de soulagement m’envahit lorsque je reconnus la lumière d’une lampe torche. Cinq hommes apparurent devant nous, portant des capes noires les faisant ressembler à des magiciens. Mais je m’en fichais, je ne voyais en eux qu’une aide providentielle pour sortir de la forêt.

Cependant, alors que je m’apprêtai à aller à leur rencontre, Hoshino me retint par la manche et m’ordonna de ne faire aucun bruit.

Je ne compris tout d’abord pas sa réaction mais, en voyant que les hommes étaient suivis de créatures ressemblant en tout point aux Lindorm de Fuyuku, j’en déduis rapidement leur véritable nature et je me fis le plus discret possible.

Alors que j’entendais les invocateurs et leurs familiers s’éloigner sans nous avoir remarqués et que je me m’apprêtai déjà à filer le plus loin possible d’ici, mon cœur s’arrêta lorsque mon portable sonna dans ma poche et que les hommes se stoppèrent net.


https://www.youtube.com/watch?v=gIi-crTFllI


« Qui va là ? S’écria l’un d’eux en braquant sa torche vers l’arbre derrière lequel nous étions cachés. »

Je ne répondis rien, espérant qu’ils passent simplement leur chemin mais Hoshino poussa un cri de terreur lorsque l’un des Lindorms manqua de peu de lui mordre le pied.

En une fraction de seconde, nous fûmes encerclés par les monstres hideux et je n’osai plus faire un mouvement, de peur de provoquer chez eux une réaction inattendue. Les hommes rejoignirent rapidement leurs familiers et braquèrent sur nous ce que j’avais pris pour des lampes mais qui étaient en réalité des sortes de flammes brûlant au creux de leur main. Hoshino se cacha aussitôt derrière moi, livide.

« Qu’avons-nous là ? Deux lycéens perdus en pleine forêt et de nuit qui plus est ; déclara l’un des hommes d’une voix lente et grave.

-Chef, je crois que nous avons enfin trouvé notre cible ; intervint un autre homme en désignant mon amie. »

Je pus discerner comme un sourire se formant sur le visage du chef derrière sa capuche.

« En effet, alors comme ça, tu es enfin venue te rendre, Hoshino Miki ?

-Je…je… »

La jeune fille était tremblante et n’arrivait pas à aligner deux mots. Quant à moi, je ne comprenais pas exactement ce qu’il se passait mais je ne voyais qu’une seule chose : ces hommes faisaient très certainement partie de Savior et pour une raison ou un autre, ils en voulaient à Hoshino.

Immédiatement, ma peur se dissipa et je fis face au chef en toute sérénité.

« Hoshino, tu connais ces types ?

-Non, pas du tout…Me répondit-elle d’une petite voix.

-Allons, ton père s’inquiète pour toi, alors tu vas gentiment nous suivre sans faire d’histoire, est-ce que c’est compris ?

-Et…Et puis quoi encore ? Si je suis partie, ce n’est tout de même pas pour revenir !

-Ne nous oblige pas à employer la manière forte… »

L’homme avança son bras vers nous mais je me saisis de lui et l’arrêtai, ce qui eut l’air de le surprendre sur le moment.

« Elle n’a pas envie de vous suivre, qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans cette phrase ?

-Toi le gamin, ne te mêle pas de choses qui te dépassent ; rétorqua-t-il en se dégageant de ma prise et en me déstabilisant. »

Au même moment, une colère indescriptible m’envahit. Non seulement ce type ne m’inspirait rien de bon avec ses familiers mais en plus il semblait être ce genre de personne que je ne supportais pas à se croire au-dessus des autres.

Je ne bougeai pas d’un millimètre et je lui fis face, déterminé à ne pas le laisser s’approcher d’Hoshino d’avantage tant qu’il n’aurait pas expliqué ce qu’il lui voulait précisément.

« Tu es borné pour un gamin ; grogna l’homme à la cape. Je n’aime pas éliminer des civils mais tu ne nous laisses pas le choix j’ai l’impression. »

Immédiatement après avoir prononcé ces mots, l’un des Lindorms qui accompagnaient les hommes émit un grognement sourd et se jeta sur moi mais je ne tressaillis pas. Il était peut-être immonde et répugnant mais il n’était pas si impressionnant que ça. Il devait à peine avoir la taille d’un gros labrador vu de près.

Alors que je m’apprêtai à riposter pour protéger mon amie, le vent souffla brièvement à côté de moi et simultanément, le monstre explosa en vol tandis que le tronc d’arbre sur lequel j’étais adossé trembla lorsqu’une épée longue et fine vint se planter dans son tronc.

Nous nous retournâmes aussitôt dans la direction d’où venait l’arme et mon visage s’éclaira lorsque je reconnus Fuyuku…ou du moins ses yeux dorés luisant dans l’obscurité.

« Hinata, tu pourrais répondre au téléphone quand je t’appelle ! Hurla-t-elle, visiblement de mauvais poil.

-Qui va là ? S’écria l’homme, sur ses gardes. »

La rouquine l’ignora royalement et, d’un bond magistral, vint se placer à mes côtés, récupérant son épée au passage avant de faire face à nos ennemis.

« Désolé, mais comme tu peux le voir, nous étions un peu occupés ; raillai-je.

-Yuki…tu fais vraiment de l’escrime alors ? S’étonna Hoshino qui avait retrouvé son entrain habituel.

-On en parlera plus tard, tu veux bien ? Grimaça-t-elle.

-Oh, une Esper, je ne pensais pas que tu avais pactisé avec l’ennemi, Hoshino Miki ; ricana l’homme. Ton père sera vraiment déçu en apprenant cela…

-Miki…tu fais réellement partie de Savior ? Bafouillai-je, interdit. »

Pour toute réponse, la blonde prit son courage à deux mains et s’avança d’un pas vers l’homme au sourire carnassier.

« Je…Je me fiche de ce que pense mon père ! Si je veux m’allier avec une Esper, c’est mon droit !

-Dans ce cas, je pense que ton père ne sera pas triste d’apprendre la mort de sa fille. »

Hoshino recula prudemment tandis que les Lindorm s’agitèrent et se mirent à luire comme des lucioles. Fuyuku tressaillit avant de se mettre en position pour combattre, l’épée pointée vers l’avant et je fis de même en activant ce mystérieux pouvoir me donnant plus de force et de vitesse.

Mais, alors que nous allions passer à l’attaque, un long hurlement résonna à travers la forêt et ce fut au tour de nos ennemis de reculer d’un pas.

En me retournant, j’écarquillai les yeux et ma partenaire sursauta en voyant qu’Hoshino était entourée d’un halo d’énergie blanc, les yeux fermés, serrant son pendentif et qu’un puissant vent tourbillonnait autour d’elle.

« Mi…Miki…Bégaya Fuyuku, interdite.

-Hinata, Yuki, ne vous en mêlez pas, ceci est mon combat…

-Mais…

-Apparais, Amaterasu ! »


https://www.youtube.com/watch?v=DCP7f3UtbPg


Au moment même où Hoshino dit cela, la lumière se fit plus intense et un autre hurlement retentit, plus puissant, plus proche, plus menaçant. Un cercle de lumière apparut aux pieds de la jeune fille et les Lindorms continuèrent à reculer.

La lumière se diffusant dans toutes les directions finit par prendre une forme, celle d’un immense loup blanc. La créature devait mesurer dans les trois mètres de haut et son corps était parsemé de lignes rougeâtres tandis que sur son front, un symbole se dessinait, un cercle duquel une ligne s’échappait pour se prolonger le long de son dos. Les crocs de la bête étaient au moins aussi longs et aiguisés que des couteaux et les griffes de ses pattes n’étaient pas en reste.

Je restai sans voix de par la peur que le familier m’inspirait mais aussi de par sa beauté et l’aura qu’il dégageait.

« Ama…Terasu tu dis ? Murmura Fuyuku, tout aussi impressionnée que moi.

-Ce monstre…On ne nous avait pas dit que tu l’avais en ta possession…Marmonna notre ennemi sur ses gardes. Mais peu importe, les ennemis de Savior doivent être éliminés !

-Ceci est mon choix, et personne ne m’enlèvera cette liberté, et surtout pas mon père ! Rétorqua Hoshino ayant perdu toute sa peur. »



Chapitre 5 : Les pouvoirs d’un Familier



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=0GcX-HDyUwk


A peine Hoshino eut-elle prononcée cette phrase que les hommes ordonnèrent à leurs créatures de passer à l’attaque sans autre sommation. Par réflexe, je bondis en arrière et Fuyuku lança un coup d’épée vers l’un des Lindorms mais contre toute attente, les familiers ne se préoccupèrent pas de nous et foncèrent tous vers Hoshino et sa créature.

« Hoshino ! M’écriai-je, affolé. »

La jeune fille ne bougea pas d’un poil et ferma même les yeux tandis que la lueur qu’émettait son familier grandissait de seconde en seconde. Mais, alors que j’étais distrait, je reçus un puissant coup de poing dans le dos qui m’envoya valser contre un arbre.

Sonné par ce cette attaque surprise, j’eus tout juste le temps de rouler sur le côté pour esquiver un second coup porté par l’un des hommes qui fracassa le tronc devant lequel je me tenais moins d’une seconde auparavant.

Mon cœur rata un battement à l’idée que j’aurais pu me faire broyer d’un seul coup. Néanmoins, je ne me laissai pas déstabiliser et je me remis sur pieds aussitôt pour affronter mon adversaire.

Ce dernier tenta de me donner un autre coup de poing dans le ventre mais je le bloquai facilement avec mon bras. S’ensuivit alors toute une série de coups plus violents les uns que les autres, et toujours plus rapides mais malgré cela, je réussis à les bloquer tous avec une facilité déconcertante soit en les esquivant, soit en les parant avec mes mains, comme si j’avais déjà eu à faire à ce genre d’attaque par le passé…

Tout à coup, je vis une ouverture dans la pluie ininterrompue d’assauts de mon adversaire je lui attrapai le bras et l’empêchai de bouger davantage avant de le projeter au sol avec une telle force qu’un trou se forma dans la terre. Mon coup coupa la respiration à l’homme et j’en profitai pour observer le reste du combat.

Fuyuku était aux prises avec les autres hommes mais ne semblait avoir aucune difficulté à leur faire face. J’avais même l’impression que c’était elle qui attaquait plus qu’elle ne se défendait. Quant à Hoshino et à son familier, ils étaient totalement encerclés par les Lindorms qui enchainaient les attaques à répétitions.

Je n’hésitai pas une seconde et je me précipitai dans cette bataille pour aider mon amie. En m’entendant arriver, les monstres se retournèrent et tentèrent de m’attaquer en me sautant dessus mais je les évitai facilement et je réussis à me frayer un chemin pour rejoindre la blonde qui ne semblait pas savoir comment gérer cette crise.

« Un coup de main ? Lui proposai-je en me plaçant devant elle pour la protéger.

-Oh non, je crois que ça ira ; me répondit-elle d’une petite voix trahissant son manque de confiance. Et puis, tu n’as pas de familier pour te protéger toi…

-En effet, je suis mon propre protecteur ; rétorquai-je fièrement. »

La jeune fille n’eut pas l’air de comprendre sur le moment mais je ne lui laissai pas le temps de poser davantage de question car je m’élançai vers les Lindorms, concentrant mon énergie au fond de moi, comme je l’avais fait lors de mon combat contre Fuyuku.

Mon cœur s’accéléra, je sentis mon sang s’échauffer dans mes veines et une incroyable énergie m’envahit alors que les monstres fonçaient vers moi, leur gueule dégoulinant de bave, toutes griffes sorties

Lorsque le chef de la horde fut à quelques centimètres de moi, je l’attrapai par le cou et relâchai mon énergie. Le monstre se débattit quelques instants avant de perdre progressivement ses couleurs et de tomber en poussière tandis que je sentis mes forces augmenter toujours plus.

Je ne perdis pas une seule seconde et je fis de même avec le second, puis le troisième, me sentant toujours plus fort, plus rapide et plus résistant.

Cependant, alors que je pensais en avoir terminé avec ces monstres, je vis une vive lueur sur ma gauche et, lorsque je tournai la tête, un cercle lumineux, comme celui d’Hoshino, aux pieds du chef des hommes nous ayant attaqués.

« Finis de jouer les enfants, Hoshino Miki viendra avec nous, que vous le vouliez ou non ! S’écria-t-il, hors de lui. Viens à moi Lindorm !

-Encore un de ces machins ? J’en ai déjà vaincu toute une horde, ça ne suffira pas… »


https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY&t


Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase car Fuyuku se jeta sur moi et me plaqua au sol sans que je n’aie le temps de réagir. Avant même que je n’aie pu comprendre ce qu’il se passait, le sol trembla et je vis un torrent de flamme me frôler la tête et se diriger droit vers Hoshino.

Cependant, la jeune fille, au lieu de s’enfuir, fronça les sourcils et leva simplement le bras devant elle. Les flammes rebondirent alors sur une sorte de bouclier invisible se trouvant juste devant Amaterasu et terminèrent leur course contre des arbres de la forêt qui se mirent à brûler aussitôt.

Fuyuku se releva et serra les dents devant ce carnage.

« Ça devient dangereux par ici…Marmonna-t-elle. »

Je me relevai également et je faillis m’étrangler devant la nouvelle créature se trouvant devant nous. Le familier était exactement comme tous les autres que j’avais terrassés…mais dix fois plus grand. La tête du monstre, triangulaire, écailleuse et plate comme celle des serpents, dépassait même la cime des arbres et ses pattes avaient la largeur des troncs qui l’entouraient tandis qu’un feu bleuâtre l’entourait et nous obligeait à garder nos distances.

« C…C’est un Dragon ? M’exclamai-je, interdit.

-Non, ce n’est pas un dragon Hinata, c’est un Lindorm…ou plus exactement LE Lindorm ; grogna Fuyuku en resserrant sa prise sur son épée.

-En effet, chasseuse, il s’agit bien du Lindorm originel ; ricana l’invocateur. Mais trêve de présentation, Hoshino Miki, est-ce ton dernier mot ? Es-tu prête à voir tes amis mourir sous les coups de mon Lindorm ? Ou préfères-tu qu’ils soient asphyxiés par les flammes de cette forêt ? »

La jeune fille, au lieu d’hésiter comme je le pensais, sourit et l’aura blanche qui l’entourait s’intensifia jusqu’à en devenir aveuglante. Amaterasu poussa un hurlement qui résonna dans la nuit et un flash de lumière nous éblouit tous.

Lorsque nous recouvrâmes la vue, les flammes avaient disparues et la forêt avait retrouvé son état d’origine, exactement comme avant l’arrivée du monstre de feu. Nos ennemis regardèrent ce spectacle tout aussi abasourdis que nous mais ne se laissèrent pas démonter et leur chef ordonna à son monstre de cracher une nouvelle rafale de flammes.

En moins d’une seconde, la forêt se remit à brûler et Amaterasu éteignit à nouveau le feu de la même manière, sans faire le moindre effort.

« Amaterasu n’est pas faite pour se battre…murmura Fuyuku, tremblante.

-Que veux-tu dire ? M’étonnai-je après avoir vu ses pouvoirs.

-Hinata, recule s’il te plait. »


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Une fois de plus, je ne compris pas ce qu’il se passait mais je m’exécutai sans faire d’histoire. L’aura dorée entourant Fuyuku lorsqu’elle se battait s’assombrit jusqu’à virer au noir et l’air crépita autour d’elle. Dans ses mains, je vis alors se former deux sphères sombres qui, en contact avec l’air, émettaient autant de chaleur que les flammes du monstre qui nous faisait face.

A ce moment, sans aucune explication rationnelle, écoutant uniquement mon instinct, j’attrapai la main de la rouquine et la sphère sombre disparut aussitôt tandis que ses yeux s’arrondir de stupéfaction et que je sentis mon énergie grandir à nouveau au fond de moi.

« Qu…Qu’est-ce que…Hinata…tu… »

Je ne la laissai pas finir sa phrase et je me jetai à l’assaut du monstre gigantesque sous les regards d’incompréhension de tous. Le Lindorm cracha une nouvelle rafale de flammes dans ma direction mais je réussis à l’esquiver en sautant sur l’une des branches à côté. Derrière moi, Hoshino para l’attaque une nouvelle fois sans aucun effort et je continuai mon ascension vers la bête.

Cette dernière tenta alors de m’asséner un coup de griffe mais je réussis à passer au travers et à m’accrocher sur sa patte. Le géant essaya tant bien que mal de se débarrasser de moi mais je tins bon.

« Hinata ! Il est beaucoup trop fort pour toi ! »

Cette phrase résonna subitement dans ma tête et me fit oublier où j’étais pendant une demie seconde, demie seconde qui me fut fatale car le monstre se jeta contre l’un des arbres et m’écrasa entre le tronc et sa patte.

Je hurlai de douleur alors que je m’écrasai sur le sol, soudainement vidé de mes forces, incapable de me relever alors que le familier géant était prêt à me griller sur place. L’invocateur éclata de rire et ordonna à son monstre de m’achever.

A quoi pensai-je donc en allant affronter de front un tel familier, moi qui ne savais même pas quels étaient mes pouvoirs ? Ma vie allait donc se terminer aussi rapidement parce que je m’étais senti pousser des ailes et que j’avais voulu jouer au héros ?…

Je voulais la gueule du Lindorm s’approcher de moi et je voyais déjà ses dents acérées me déchiqueter la peau mais, au lieu de ça, j’entendis un bruit de métal et une ombre passa furtivement devant moi.

« Pour un monstre, tu manques clairement de résistance ; railla Fuyuku qui s’était interposée entre nous et qui bloquait l’attaque avec son épée.

-Dé…Désolé…

-C’est tout ce que tu trouves à dire ? Tu m’en devras une quand on sortira de cette galère ! »

D’un mouvement ferme et rapide, Fuyuku se dégagea de l’emprise du monstre et lui planta l’épée dans la bouche. Ce fut au tour du Lindorm de lâcher un sifflement de douleur et de reculer vivement tandis que son maitre cracha du sang, comme s’il prenait les mêmes blessures que sa créature.

Sans lui laisser un instant de répit et vive comme l’éclair, mon amie entailla profondément les pattes du lézard qui fut obligé de reculer tandis que son maitre posa un genou à terre en grimaçant.

« Je déteste les amphibiens alors je vous conseille de déguerpir rapidement si vous ne voulez pas que le menu de la cantine de ce soir soit cuisse de grenouille !

-C’est une salamandre ; la corrigeai-je en grimaçant de douleur mais ne pouvant manquer cette occasion.

-Je ne t’ai rien demandé le monstre ! Rétorqua-t-elle, agacée. »

Les hommes profitèrent de notre petite dispute pour filer discrètement pendant que le Lindorm disparut purement et simplement dans une épaisse fumée noirâtre. Mais Fuyuku ne poursuivit aucun d’entre eux et se retourna vers moi d’un air inquiet et furieux également.


https://www.youtube.com/watch?v=uqsNNnVjyyA


« Hinata, tu es vraiment inconscient de t’attaquer à Lindorm de la sorte ; râla-t-elle.

-Que veux-tu, je ne sais rien de ce monde, je ne connais la puissance d’aucune de ces créatures…Lui répondis-je avec une autre grimace de douleur. »

Fuyuku voulut me prendre le bras pour prendre mon pouls mais à peine eut-elle effleuré ma peau que je me crispai.

« Et bien on dirait que maintenant tu sais que ce monstre était capable de te briser les os d’un seul coup de patte ; rétorqua-t-elle sur un ton de reproche. »

Hoshino s’approcha alors timidement de nous, son familier derrière elle, ne sachant visiblement plus quelle attitude avoir à ce moment précis. Mais avant que Fuyuku n’ait pu la questionner, la blonde se mit à genoux devant moi et posa son bras sur mon torse en fermant les yeux.

« H…Hinata…ne bouge pas, ça ne sera pas long…Bégaya-t-elle. »

La jeune fille fut à nouveau entourée de cette aura blanche et je sentis une chaleur douce et agréable de propager dans mon corps. Peu à peu, la douleur disparut et mes forces revinrent exactement telles qu’elles étaient avant le début de la bataille. Son œuvre terminée, Hoshino se releva et me tendit une main pour m’aider.

« C’est le pouvoir d’Amaterasu ; déclara-t-elle d’un air gêné. Mon familier peut guérir n’importe quelle blessure…

-Amaterasu, j’ai déjà entendu parler de ce familier dans les livres sur Savior…Lança Fuyuku d’un air sceptique. Mais alors comme ça, tu es son invocatrice Miki ? Je pensais pourtant qu’un tel familier était réservé aux dirigeants de Savior.

-Ce…Ce familier n’est pas à moi ; lui répondit la blonde en baissant les yeux. Il appartenait à ma mère, Hoshino Asuka auparavant…

-Hoshino…Asuka ; répéta Fuyuku, soudainement livide. Mais…

-Oui, mon père s’appelle Anko Yukito, chef de la branche Savior du Japon. »

La rouquine recula d’un pas, soudain tremblante, prête à recommencer à se battre s’il le fallait mais Hoshino se contenta de claquer des doigts et le grand loup blanc disparut dans une trainée de poussière scintillante, faisant également disparaitre la dernière source de lumière qu’il nous restait.

« Je suis désolée Yuki, Hinata, je n’avais pas l’intention de vous le cacher…mais j’avais peur que vous me rejetiez en sachant cela ; continua Hoshino d’une petite voix.

-Pourquoi aurions-nous fait cela ? Lui demandai-je intrigué. Nous faisons tous partie de ce monde, nous devons nous serrer les coudes au contraire !

-Parce que vous êtes des Espers et que je suis la fille du chef de Savior tout simplement. Je suis la monnaie d’échange parfaite pour une rançon…vous auriez même pu me voir comme une espionne… »

Fuyuku se détendit et soupira avant de s’avancer vers la jeune fille avec un léger sourire aux lèvres.

« Savior ou pas, je m’en fiche. Je ne fais pas partie de l’organisation ESP et Hinata n’est même pas un Esper, tu n’as rien à craindre de nous ; déclara-t-elle d’une voix douce. Et puis, d’après ce que j’ai pu comprendre, tu as quitté Savior toi aussi, non ?

-O…oui…on peut dire ça même si je me suis plus enfuie qu’autre chose…

-Mais ça ne change pas les faits que nous n’avons aucune raison de te vouloir du mal.

-Mais alors…pourquoi chassez-vous les Familiers dans la forêt si vous n’avez aucun lien avec ESP ? S’étonna la blonde, ayant repris un peu confiance en elle.

-Il parait qu’il faut cacher leur existence au monde donc voilà ; lançai-je en haussant les épaules.

-J’ai mes raisons personnelles et Hinata ne sait pas pourquoi il fait ça ; me corrigea la rouquine.

-En effet, je n’ai aucune idée de pourquoi je fais ça alors que je pourrais être dans mon lit à l’heure qu’il est ; soupirai-je en baillant. »

Hoshino rit de notre dispute et je souris à mon tour, content de retrouver la fille insupportable et moqueuse que je connaissais. Soudain, la blonde bailla à son tour et se frotta les yeux avant de s’écrouler sous le poids de la fatigue.

« Un familier tel qu’Amaterasu demande énorme d’énergie ; déclara Fuyuku en passant sa main sur le front de notre amie pour s’assurer que tout allait. Je crois qu’il est temps de rentrer, je commence moi aussi à fatiguer… »

Je pris alors la blonde sur mes épaules et nous nous mîmes en tête de sortir de cette forêt avant de retomber sur d’autres familiers…

Nous ne parlâmes pas sur le chemin, Fuyuku était bien trop épuisée et mon esprit bouillonnait de questions tournant en boucle dans ma tête. Quelle était cette énergie m’ayant envahi pendant que je combattais les Lindorms ? Et pourquoi avais-je été attiré par l’énergie que dégageait Fuyuku alors qu’elle s’apprêtait à attaquer le monstre ?

Mais ces questions disparurent assez rapidement lorsque je repensai à ce qui m’avait distrait et avait failli me couter la vie. Cette voix dans ma tête…était-ce une attaque de cet invocateur ou bien était un réel souvenir ? Et s’il s’agissait bel et bien d’un souvenir…de quand datait-il ? Qui avait prononcé ces mots ? Pourquoi ? N’étais-je qu’un simple familier créé par le professeur…ou ma vie était-elle plus compliquée que cela ?…

Nous finîmes par sortir de la forêt après dix minutes de marche et nous nous retrouvâmes dans le parc. Il faisait totalement nuit et on n’y voyait pas à dix mètres mais j’étais content de me retrouver sur une allée éclairée par la lumière d’un lampadaire et non par des flammes ardentes. La lune brillait dans le ciel sans nuage de la nuit, entourée de milliers d’étoiles.

Je posai délicatement Hoshino sur l’un des bancs et je m’assis à côté d’elle pour reprendre mon souffle, de même que Fuyuku. Nous restâmes là quelque temps, toujours sans dire un mot, n’écoutant que le silence de la nuit.

« Hinata, j’aurais une question à te poser ; déclara soudainement mon amie sans me regarder.

-Une question ? Répétai-je intrigué.

-Pendant le combat tout à l’heure…qu’as-tu fait exactement ?

-Qu’est-ce que…j’ai fait ? Je me de suis battu et…

-Je parle du moment où tu as attaqué le Lindorm ; m’interrompit-elle.

-Je ne comprends pas moi-même…Avouai-je en baissant le regard. J’ai simplement eu le sentiment que c’était ce qu’il fallait faire et j’ai agi… »

Fuyuku fronça les sourcils, comme si ma réponse n’était pas celle qu’elle attendait mais ne s’attarda pas plus sur le sujet et se contenta de soupirer. Cependant, à ce moment précis, je me rappelai de ce qu’elle avait dit à Hoshino au moment où la jeune fille avait parlé de Savior et je ne pus m’empêcher de lui poser la question qui me brûlait les lèvres.


https://www.youtube.com/watch?v=OixZKhcq1fQ


« Au fait Fuyuku…tu dis toujours que tu te bats contre Savior pour des raisons personnelles mais…je ne comprends pas quelque chose : pourquoi n’as-tu pas attaqué Amaterasu ? »

La rouquine sursauta et me dévisagea d’un air craintif avant de se lever et de reporter son regard vers la lune blanche.

« Tu sais Hinata…je voue peut-être une haine absolue envers tous les monstres…mais Amaterasu…n’est pas un familier fait pour se battre ; me répondit-elle dans un murmure.

-Je ne comprends pas…que cherches-tu exactement à faire en chassant les familiers ? Tu les considères comme une menace ou quelque chose comme ça ? »

La rouquine se retourna vers moi et me lança un sourire teint par la tristesse.

« Les familiers…possèdent d’incroyables pouvoirs…des pouvoirs comme ceux d’Amaterasu permettant de guérir n’importe quel mal, des pouvoirs comme ceux de Lindorm qui pourraient alimenter en énergie ceux qui en maquent…et pourtant…je n’en ai jamais vu un seul œuvrer dans ce but…

-Mais Miki…

-Miki est peut-être l’exception qui confirme la règle ; me coupa-t-elle en posant son regard sur la jeune fille endormie à côté de moi. Mais il n’en reste pas moins que les invocateurs que j’ai connus par le passé n’agissaient pas comme elle. »

Fuyuku fit une pause dans son monologue et fit quelques pas vers la forêt avant de s’arrêter et soupirer.

« Les familiers ne sont pas une menace. Seuls leurs maitres le sont. Tu as bien vu les types dans la forêt, c’est exactement ce genre d’invocateur que je traque. Mais c’est pourquoi aussi j’ai pu t’accepter et que je n’ai rien tenté contre Amaterasu. Il n’en reste pas moins que tous les autres sont de potentielles machines à tuer…C’est pourquoi je leur fais la chasse, parce que je refuse que d’autres personnes soient tuées. »

Au moment où elle dit cela, un déclic se fit dans ma tête et je me sentis tout à coup mal pour la jeune fille en comprenant ses véritables motivations.

« Fuyuku…tu es comme Hoshino…n’est-ce pas ?

-On peut dire ça oui ; me répondit la jeune fille. Quand je dis que mes raisons sont personnelles, je ne mens aucunement. Je me fiche de Savior ou de la fondation. Je me bats uniquement par vengeance.

-La vengeance, hein ? Répétai-je dans un murmure, légèrement amusé, comme si j’avais emprunté ce chemin moi aussi… »

Je comprenais mieux à présent pourquoi elle avait monté ce club. En récoltant les témoignages des gens sous la couverture du club de mystères, il lui était plus simple de dénicher les familiers potentiellement dangereux et de les éliminer avant qu’ils ne fassent de victimes.

« Et…tes parents…comment sont-ils…

-Miki n’est pas la seule à avoir des liens directs avec son organisation, à la différence que mes parents n’étaient que de simples agents d’ESP. Quant à leur mort…comme la plupart de leurs collègues, tués en mission contre Savior.

-Et…c’est pour ça que tu as quitté la fondation alors ?

-On va dire que ça a été l’une de mes motivations, oui… »

Fuyuku semblait décidemment avoir vécu beaucoup de choses qui, contrairement à moi, lui avait forgé son caractère et sa personnalité. Et même si son passé n’avait rien de joyeux à l’écouter, je l’enviai sur un point : celui d’avoir eu une famille et un passé à raconter aux autres. Alors que moi, qu’avais-je dans ma mémoire à part ces bribes des souvenirs dont je n’avais même pas conscience et un club…

En repensant au club, je sautai de mon banc et je regardai de tous les côté, affolé en me rappelant de notre dernier membre.

« Attends Fuyuku…Je viens de penser à quelque chose…mais où est Daichi ? M’exclamai-je.

-Ah lui…bonne question, je n’en ai aucune idée ; me répondit-elle en haussant les épaules. Je l’ai laissé dans le parc avant de repartir dès que j’ai senti la présence des monstres. »

Je me pris la tête dans les bras, priant pour qu’il soit reparti au dortoir au lieu de suivre Fuyuku mais je n’avais pas vraiment le temps de penser à lui. Nous avions encore Hoshino et avec ces types rôdant dans les environs, il était beaucoup trop dangereux de la laisser seule pour le moment.

« Bon, maintenant, qu’est-ce qu’on fait pour Hoshino alors ?

-Et bien, à moins qu’elle n’accepte de dormir par terre, je ne pense pas pouvoir l’accueillir chez moi ce soir ; déclara Fuyuku d’un air ennuyé.

-Je ne pense pas que Tetsu accepte de la laisser au dortoir quant à moi…Surtout qu’il y a déjà Daichi…

-Ce n’est pas trop grave, je pourrai toujours le convaincre, il n’a pas l’air si terrible ton grand gaillard.

-Je te laisse te débrouiller dans ce cas ; soupirai-je, déjà fatigué rien qu’à imaginer les négociations. »

Nous attendîmes que l’intéressée se réveille quelques minutes plus tard puis nous lui exposâmes notre plan pour le soir. Evidemment, la jeune fille n’émit aucune protestation, d’abord parce qu’elle était d’accord avec nous pour le danger que représentaient les invocateurs mais aussi parce que cela semblait l’amuser de venir squatter ma chambre pour une raison qui m’échappait.

Lorsque nous arrivâmes aux portes du dortoir, je crus tout d’abord que nous pourrions passer inaperçus comme toutes les lumières étaient éteintes mais, alors que je m’assurai que tout le monde était couché, une ombre menaçante surgit de la loge du gardien et je tombai à la renverse devant le regard assassin de Tetsu.

« Alors Hikaru, c’est à cette heure-là qu’on rentre ? Me gronda-t-il en prenant un air furieux.

-Pardonnez-nous monsieur Tetsu mais Hinata a eu un léger contretemps ce soir ; intervint alors Fuyuku, nullement impressionnée.

-Ah oui ? J’espère qu’il est crédible pour revenir à une heure pareille, avec des filles dans le dortoir en plus !

-En fait, on se baladait et… »

Fuyuku fit taire Hoshino qui allait sortir quelque chose qui nous aurait tous condamnés d’un coup sur la tête et reprit la parole.

« En fait, Miki ici présente a provoqué un dégât des eaux chez elle en préparant le diner si bien qu’elle ne peut pas rentrer chez elle ce soir.

-Eh, je n’ai… »

Ce fut à mon tour de faire taire la blonde avant qu’elle n’aggrave la situation qui était déjà assez tendue à mon gout.

« Je ne peux pas l’accueillir chez moi malheureusement et Hinata est son dernier espoir si elle ne veut pas dormir dehors ce soir, dans le froid et exposée à tous les dangers de la nuit.

-Je sais bien tout ça jeune fille mais je ne peux pas la laisser dormir dans le dortoir des garçons, c’est contre le règlement…enfin je crois ; lui répondit le grand gaillard en se frottant le crâne d’un air coupable. En plus il ne reste qu’une seule place, et c’est dans ma chambre mais j’imagine que tu n’en voudras pas ?

-Oh non, surtout pas ; s’exclama Hoshino en se cachant derrière moi.

-Si tu es prêt à l’accueillir, je suis d’accord, du moment que vous ne faites pas de bêtise, c’est compris ? Ah oui, et je récupère ce fainéant de Sora par la même occasion…

-Marché conclu ! »

Nous scellâmes notre pacte en nous tapant dans la main et nous montâmes tous vers ma chambre dans laquelle je trouvai Daichi affalé sur son lit en train de ronfler paisiblement. En nous entendant rentrer, ce dernier sursauta et tomba au sol avant de pousser un cri de terreur en voyant qui m’accompagnait.

« On a fait un marché avec Hikaru, il t’a échangé avec cette fille, ce soir, tu dors dans ma chambre !

-Quo ? Hinata, pourquoi m’as-tu vendu pour elle ! Oh non…ne me dis pas…

-Je t’expliquerai une prochaine fois, mais pour le moment je suis assez fatigué, donc si tu pouvais sortir rapidement, ça m’arrangerait ; dis-je en baillant. »

Sans lui laisser le temps de protester, Tetsu empoigna Daichi par la taille comme un ballon de rugby et l’emmena avec lui de force. Je l’entendis gémir encore quelques instants puis tout redevint calme dans le dortoir alors que j’étais le dernier debout avec Fuyuku et Hoshino qui se demandaient à quoi elles venaient d’assister.

« Tu…tu es sûr que ça va aller pour lui ? S’inquiéta la blonde.

-Ne t’inquiète pas ; la rassurai-je. Tetsu a peut-être l’air rude, mais tout ce que Daichi risque, ce sont des histoires assommantes jusqu’à minuit.

-En tout cas, je vais vous laisser tous les deux. Le monstre, si tu tentes quoique ce soit, sois sûr de retrouver ton cadavre dans la mer demain, c’est bien compris ? Me menaça la rouquine en me lançant un regard noir.

-Je te signale que c’est toi qui a proposé cette idée…Rétorquai-je, lassé.

-Et ne me le fais pas regretter. Sur ce, je repasserai demain pour voir si tout va bien. »

Fuyuku s’éclipsa à son tour, ce qui ne laissa plus qu’Hoshino et moi dans le couloir. La jeune fille semblait étrangement calme cette fois-ci mais je la comprenais après ce que nous avions vécu. Je tentai donc de lui changer les idées en lui parlant de tout et de rien, de la vie au dortoir, de mon arrivée en ville et même de ma nature de familier libre, ce qui occupa une bonne partie de la conversation. Hoshino était décidemment beaucoup plus indiscrètes que Fuyuku sur ces questions mais cela ne me dérangeait pas d’en parler maintenant que je savais qu’elle faisait partie du même monde que moi.


https://www.youtube.com/watch?v=jLFg30ACkY0


« Tiens, ça me rappelle une histoire que ma mère me racontait quand j’étais petite ; déclara-t-elle soudain à propos de ma nature. Il parait qu’à une époque, les familiers n’étaient pas liés aux humains !

-Vr…Vraiment ? Bégayai-je, interdit. Dans ce cas, que s’est-il passé ? Pourquoi maintenant tous les familiers sont-ils liés aux humains ?

-Je ne sais pas et puis, ce n’est qu’une légende parlant de l’antiquité ; me répondit-elle d’un air amusé. Je ne suis pas même pas certaine qu’elle soit vraie. En tout cas, ma mère y croyait dur comme fer ! C’est peut-être pour ça que j’ai ressenti que tu étais différent dès le premier jour où nous nous sommes vus !

-Tu avais l’air très proche de ta mère…murmurai-je, envieux.

-Pas tellement en fait. Ma mère était membre de Savior comme mon père et elle avait elle aussi un rôle assez important, si bien qu’elle n’avait pas vraiment le temps de s’occuper de moi quand j’étais petite…

-Des parents…qui privilégient leur travail à leurs enfants…murmurai-je, compatissant comme si j’avais moi-même vécu ça.

-Enfin, elle ne privilégiait pas vraiment son travail, au contraire. Elle s’assurait de me tenir éloignée de toute menace en étant constamment en mission pour attirer l’attention sur elle, mais c’est peut-être aussi ce qui a causé sa perte… »

Hoshino marqua une pause et prit le pendentif qu’elle portait à son coup dans ses mains et le regarda avec un sourire mi amusé, mi triste avant de reprendre.

« Un jour, la fondation a attaqué ma mère et mon père et elle s’est sacrifiée pour le protéger.

-Mais…Amaterasu…n’appartenait-elle pas à ta mère ? Je croyais qu’elle pouvait soigner toutes les blessures.

-Oui, en théorie mais pas cette fois et elle a succombé à ses blessures sous les yeux de mon père, impuissant. J’ai hérité de son familier, Amaterasu, il porte tous ce en quoi ma mère croyait, la paix, un monde plus beau, libéré de toute souffrance… »

Hoshino marqua une autre pause alors que sa voix se brisait tandis que je restai sans voix devant son récit, ne trouvant ni les mots, ni l’attitude à avoir dans ce genre de situation, ne l’ayant jamais vécu moi-même.

« Savior…ne comporte aucun de ces idéaux et c’est pourquoi ma mère comptait les quitter en m’emmenant avec moi…

-C’est donc pour ça que tu t’es enfuie ? Terminai-je pour elle. Pour continuer le rêve de ta mère à sa place ?

-Peut-être…Je ne le sais pas moi-même à vrai dire, je voulais simplement…fuir ce monde auquel je n’appartenais pas, auquel je ne voulais pas appartenir…

-Tu sais, je ne pense pas que fuir soit la bonne solution…Lâchai-je soudainement. »

Les yeux d’Hoshino se voilèrent de tristesse et je grimaçai, soudain honteux d’avoir dit cela. Qui étais-je pour penser cela alors que je n’avais aucune idée de comment elle avait vécu la mort de sa mère ?

« -Désolé, ce n’est pas…

-Non, tu as raison Hinata, et je le sais très bien…

-Alors, pourquoi continues-tu ?

-Parce que…je veux pouvoir vivre ma propre vie, pas celle que L’Organisation a prévue pour moi. »

Je compris aussitôt où la jeune fille voulait en venir. Si le professeur m’avait obligé à faire ce qui lui plaisait malgré ma nature, au lieu de me laisser libre, j’étais persuadé que, comme elle, j’aurais fui son laboratoire. Je ne pouvais que partager ce sentiment d’enfermement qu’elle avait dû vivre au sein de Savior, moi qui craignais souvent qu’on m’ait menti sur ma nature…

« Tu n’as plus à fuir maintenant Hoshino ; déclarai-je soudain avec un sourire chaleureux. Fuyuku et moi sommes là désormais et nous n’appartenons ni à Savior, ni à la fondation.

-Oui, j’ai eu de la chance de vous trouver. Même si je ne sais pas ce que j’aurais fait si vous aviez été des ennemis…

-Tu aurais fui j’imagine.

-Eh, ce n’est pas sympa ça ! Je ne fais pas que fuir dans la vie ! Protesta-t-elle. »

Nous éclatâmes de rire en même temps avant d’entendre quelqu’un dans la chambre voisine taper sur le mur pour nous indiquer qu’il était plus que temps d’aller nous coucher.

Avant de m’endormir, mes pensées allèrent à mes deux amies. J’avais encore du mal à croire qu’à mes côtés se trouvaient une ancienne membre de chaque organisation. Etrangement, je me sentais vraiment proche d’elles alors que je n’avais pas de famille, moi un familier…Cependant, je me demandais si Fuyuku et Hoshino n’étaient que des cas isolés ou si tous les membres de Savior et d’ESP avaient perdu des membres qui leur étaient chers à cause de cette guerre que les deux camps se livraient dans l’ombre…


https://www.youtube.com/watch?v=zQaF_0Y3gxA


Un grand bâtiment blanc se trouvait devant moi et à côté, il y avait une petite chapelle devant laquelle jouaient des dizaines d’enfants sous l’œil attentif d’une femme qui regardait tout le monde d’un air amusé.

Je me trouvai un peu à l’écart du groupe, assis sur une balançoire et sur un banc en face de moi, il y avait un autre garçon ayant l’air un peu plus âgé que moi à en juger par sa taille mais je n’arrivai pas à distinguer son visage, caché par une sorte de brume.

« Eh Hinata, tu es sûr que tu ne veux pas rejoindre tout le monde ? Les autres ont l’air de bien s’amuser ! »

Je lui répondis d’un simple signe de tête et il soupira.

« Tu es vraiment désespérant tu sais. Pas étonnant que je sois ton seul ami.

-C’est faux, il y a Kagi aussi ; rétorquai-je d’une voix monocorde.

-Si tu veux, deux amis.

-Et Saori.

-Ta sœur ne compte pas Hinata ! Rétorqua le garçon. En plus, tu peux me dire quand elle est venue te voir pour la dernière fois ? »

Je ne répondis rien et me contentai de détourner le regard.


Un rayon de soleil chaud me réveilla en me caressant la joue. Cependant, je ne me levai pas tout de suite et je restai dans mon lit, pensif. J’avais encore fait un rêve s’apparentant à un souvenir enfoui dans ma mémoire…sauf que cette fois-ci, il remontait à une époque que je n’aurais pas dû connaitre en tant que familier, mon enfance.

Mais plus étrange que tout, dans ce rêve, j’avais évoqué une sœur. Si j’avais été humain par le passé comme le laissaient suggérer ces rêves et j’avais réellement de la famille quelque part dans ce monde…pourquoi n’en avais-je aucun souvenir ? Etait-elle à ma recherche ? Mais surtout, comment étais-je devenu un familier ? Comment m’étais-je retrouvé dans le laboratoire du professeur ce jour-là ?

L’heure n’était plus aux questions. Il me fallait des réponses désormais. J’en étais persuadé, je n’étais pas ce familier libre que le professeur me faisait croire. J’avais été humain et je comptais bien percer le mystère de ma transformation le plus vite possible.





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le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [22/02/2017] à 22:22

Chapitre 6 : Amnésie



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Après dix minutes passées dans mon lit avec l’esprit encore embrumé et rongé de questions, je me souvins soudain que j’avais une invitée et je regardai vers le lit de Daichi mais il était vide. Me disant qu’Hoshino était sûrement déjà descendue, je m’habillai rapidement, avec un simple sweat, un jean et des baskets avant de prendre la direction du réfectoire.

Je repérai rapidement la jeune fille assise à ma place habituelle, à côté de Daichi, tous deux semblant bien s’amuser en mon absence sous les regards intrigués des autres résidents à la vue d’une fille dans le dortoir et je m’empressai de les rejoindre.

« Hinata, tu es bien matinal dis-moi ; railla Daichi en me montrant sa montre.

-J’ai pu dormir moi au moins ; répliquai-je à la vue de ses cernes.

-Ne te moque pas de moi, c’était affreux ! Non seulement il m’a parlé toute la nuit de catch, mais en plus, il ronfle ! S’il te plait Hinata, laisse-moi revenir, je t’en supplie ! Gémit le blondinet en se mettant presque à genoux.

-Ne t’inquiète pas Daichi, je vais mieux aujourd’hui, tu vas pouvoir reprendre ta place ; lui répondit Hoshino avec un grand sourire qui me confirma qu’elle avait repris des forces.

-Tu es sûre de toi ? Ce n’est pas trop dangereux ? Il serait peut-être plus prudent que je te raccompagne non ? »

Hoshino accepta ma proposition avec plaisir, ce qui me laissa entendre que ces types étaient peut-être encore dans les parages et qu’il fallait que je me tienne prêt à les affronter.

Fuyuku se pointa vers onze heures du matin, la mine rayonnante. Apparemment, les combats de la veille ne l’avaient pas fatiguée le moins du monde. Elle semblait même encore plus agitée que d’habitude…

Lorsque Daichi lui demanda ce qu’il s’était passé dans la forêt après son départ, la rouquine lui répondit simplement que nous nous étions perdus…ce que je ne pouvais pas contredire puisque je n’avais pas de meilleure excuse et mon camarade de chambre ne rata pas cette occasion pour se moquer de moi.

« Et puisque vous vous êtes perdus, vous avez bien croisé une ou deux créatures étranges, non ? Nous demanda-t-il.

-Malheureusement non, il n’y avait rien du tout ; lui répondis-je aussitôt. J’ai comme l’impression que ce que nous faisons ne sert à rien…

-Allez Hinata, ce n’est pas parce qu’on a essuyé un échec qu’il faut renoncer, je suis certaine qu’il y a encore des tas de monstres dans la forêt qui n’attendent que nous ! S’exclama Fuyuku, enthousiaste.

-Personnellement, ça me va très bien si nous n’en croisons aucun…Lança Hoshino d’une voix trahissant sa peur.

-Pas de chance pour toi Miki, mais j’ai acheté le journal d’aujourd’hui et regardez ça ! »

La rouquine nous mit sous le nez le quotidien de la ville sur lequel figurait en première page une grande ombre d’un animal volant dans le ciel, possédant des ailes immenses me faisant penser à celles des reptiles volants préhistoriques. La description en dessous donnait une prime à ceux qui arriveraient à capturer cette créature inconnue…

« Alors, prêts à repartir chasser du monstre ? Nous demanda Fuyuku.

-Très peu pour moi, j’ai assez donné hier ; lui répondis-je en baillant. »

Cette réponse me valut un coup de journal sur la tête et la jeune fille m’agrippa par la capuche avant de m’entrainer à l’écart du groupe.

« Eh le monstre, je te rappelle que nous n’avons pas le choix ; me murmura-t-elle en me lançant un regard noir. Si quelqu’un découvre ce familier avant nous, je ne te dis pas les problèmes qu’on aura sur le dos !

-Mais…il doit bien y avoir des gens qui s’occupent de ça en dehors de nous, non ? Fis-je remarquer.

-Oui, mais je préfère qu’ils ne s’emmêlent pas ; me répondit Fuyuku en se mordant la lèvre.

-Pourquoi donc ? Si ce sont des professionnels, il n’y a aucune raison de craindre…

-Ne discute pas le monstre ! Si je te dis qu’il faut détruire ce familier le plus vite possible, c’est qu’il y a une raison ! »

Je soupirai et me frottai les yeux, déjà fatigué alors que la journée venait à peine de commencer. Au moins, cette fois-ci, il faisait jour, ce qui allait nous éviter de tourner en rond dans la forêt pendant des heures. Cependant…ce n’était vraiment pas prudent pour Hoshino de repartir en exploration avec ces types dans les parages et je fis part de cela à Fuyuku qui croisa les bras sur sa poitrine pour réfléchir.

« Dans ce cas, laissons Hoshino hors de cette histoire pour le moment et laissons-là avec ton boulet. De toute façon, une créature de cette taille ne devrait pas être difficile à repérer, nous serons revenus bien assez tôt pour la raccompagner chez elle. »

Ne trouvant plus d’objection, je me contentai d’acquiescer et nous retournâmes au réfectoire pour faire part du plan aux deux autres membres du club. Même si Hoshino comprit immédiatement pourquoi il valait mieux qu’elle reste au dortoir et qu’elle ne demandait rien de mieux, Daichi fut plus dur à convaincre mais, après dix minutes de lutte acharnée, Tetsu surgit de nulle part prit le relais et embarqua le blond derrière les fourneaux pour le diner du soir.

« Hinata, Yuki, soyez prudents, ce familier appartient aux mêmes hommes qu’hier ; nous prévint Hoshino alors que nous nous apprêtions à partir.

-Ne t’inquiète pas Miki, on ne m’appelle pas la chasseuse pour rien ! Lui répondit Fuyuku en serrant le point avec un sourire confiant. Et puis, j’ai le monstre avec moi pour m’aider au cas où !

-Sérieusement, qu’on en finisse rapidement. Ces histoires commencent sérieusement à me fatiguer…

-Oh mais ce n’est que le début, attends de tomber sur des familiers comme le Kasaï Rex ou le Léviathan et tu verras ce qui est fatigant ; lança Fuyuku d’un ton mi ironique, mi menaçant. »

Sur ces paroles rassurante, Hoshino nous souhaita bonne chance et nous prîmes, comme la veille, la direction de la forêt. A cette heure-ci, il y avait du monde dans le parc, surtout par un temps aussi ensoleillée mais nous ne nous arrêtâmes pas pour piqueniquer et nous continuâmes notre chemin vers la partie non balisée de la forêt.


https://www.youtube.com/watch?v=lcHTDY6HSPI


Visiblement, nous n’étions pas les seuls à avoir été mis au courant de l’existence du familier et quelques rares téméraires s’étaient également aventurés avant nous dans la forêt mais cela ne sembla pas gêner Fuyuku.

Pendant une bonne partie du trajet, j’hésitai à lui faire part de mes doutes sur mon identité ainsi que sur mes souvenirs brumeux mais j’avais peur que quelqu’un que j’aurais manqué nous entende et je m’abstins donc pour le moment.

Nous marchâmes jusqu’à midi en nous enfonçant toujours plus profondément dans la forêt sans croiser l’ombre d’un familier ni d’un animal. Tout était calme…un peu trop calme même. Je n’entendais aucun oiseau et ne voyais aucun insecte alors que cette partie était censée être totalement sauvage.

Fuyuku dut faire le même constat que moi car cette dernière s’arrêta et regarda le ciel à travers l’épais talus de feuilles en fronçant les sourcils.

« Hinata, je crois qu’il est temps de prendre un peu de hauteur ; déclara-t-elle. »

Avant même que je n’aie eu le temps de m’étonner de sa phrase, la rouquine fut entourée de son halo d’énergie doré et, d’un seul bond, atteignit la cime des arbres, dix mètres plus haut, en se réceptionnant parfaitement.

Lorsque je vis cela, je refusai de rester derrière et je concentrai mes forces dans mes jambes. Comme à chaque fois, mon cœur s’accéléra, mon sang bouillonna dans mes veines et je tentai de la rejoindre…sans succès. Mon saut ne me porta qu’à une branche à un mètre au-dessus du sol et je dus escalader péniblement pour la rejoindre à la cime de l’arbre.

Lorsque je fus enfin à sa hauteur, j’étais épuisé et mon front était couvert de sueur alors que la jeune fille me regardait avec amusement, debout sur sa branche.

« Alors le monstre, on est incapable de me suivre ? Railla-t-elle.

-Tais-toi…un peu…Haletai-je. Et puis d’abord…quelle idée de monter ici ?

-On cherche un oiseau non ? Ce n’est pas en restant à terre que nous le trouverons.

-Un truc aussi gros, je vois mal comment on pourrait le rater…

-On parle d’un familier. Lorsqu’il n’est pas relâché pour l’espionnage, il n’a aucune raison d’être au sol. Notre seule chance de le trouver est d’observer le ciel depuis ici. »

Sur ces mots, Fuyuku s’assit sur sa branche et sortit un sandwich de sa poche pour le déjeuner et je me rappelai soudain que je n’avais pas pensé à ce détail alors que mon estomac criait famine et je me contentai d’observer le paysage…

De notre position, nous pouvions voir toute la ville, ainsi que la mer et les montagnes l’entourant au loin. Je me demandais bien ce qu’il pouvait y avoir de l’autre côté. Je n’avais jamais vraiment pensé à regarder sur une carte mais ces montagnes m’intriguaient vraiment.

Elles n’étaient pas très hautes mais les parois étaient particulièrement escarpées, ce qui rendait les routes très difficiles. De plus, il n’y avait pas de plateau, simplement des parois rocheuses, comme un mur infranchissable séparant les deux côtés.

« C’est vraiment une belle ville ; déclara soudain Fuyuku.

-Au fait Fuyuku, je ne t’ai jamais demandé mais pourquoi es-tu dans cette ville ? Ce n’est pas simplement pour chasser du familier puisque tu as pris la peine de t’inscrire à l’école. »

La jeune fille baissa la tête vers son sandwich et un léger sourire amusé s’inscrivit sur sa figure.

« Tout simplement parce que c’est ici que mes parents se sont rencontrés ; me répondit-elle.

-Tes parents ?

-Oui. Avant d’entrer au sein de la fondation, mes parents ont fait leurs études ici et nous sommes venus souvent ici pour les vacances avant que je ne développe mes pouvoirs. Je passais beaucoup de temps avec les enfants de l’orphelinat je me souviens, je m’amusai bien.

-Il y a un orphelinat en ville ? M’étonnai-je.

-Oui, à côté d’une petite chapelle. »

Mon sang se glaça dans mes veines lorsque j’entendis cela. Non…il ne pouvait pas s’agir du même endroit que dans mon rêve tout de même…A moins que je sois déjà passé devant sans y faire attention et que je l’aie intégré dans mon rêve mais…ce n’était pas un rêve. C’était un souvenir, j’en étais persuadé.

D’un bond, je me relevai, oubliant que j’étais assis sur un branche et je faillis faire une chute mortelle de dix mètres mais je me rattrapai juste à temps.

« Fuyuku, est-ce que tu pourras me conduire à cet orphelinat après ? M’exclamai-je.

-Euh…oui mais je crois qu’il a été fermé depuis le temps donc…

-Ce n’est pas grave, j’ai simplement besoin de le voir !

-Tu es sûre que tout va bien Hinata ? Tu es tout pâle tout à coup. Peut-être que nous devrions redescendre et… »

La jeune fille n’eut pas le temps de terminer sa phrase car, au même moment, un long cri strident retentit au loin et je vis des dizaines d’oiseau effrayés s’envoler. Une seconde plus tard, à l’autre bout de la forêt, je vis une grande ombre s’élever dans le ciel, exactement comme sur la photo sauf que je pouvais discerner les traits de la créature. Comme je l’avais deviné, il s’agissait bien d’un reptile volant préhistorique, à l’exception que ses pattes arrière avaient été remplacées par une autre paire d’ailes, plus petites.

La créature était beaucoup trop loin pour que nous puissions l’atteindre et se dirigeait vers les montagnes. Fuyuku jura en voyant cela mais sortit néanmoins son portable pour prendre une photo de la créature avant qu’elle ne disparaisse derrière l’horizon.

« Eh, qu’est-ce que tu fais ? Je croyais que notre but était de prouver qu’il n’existait pas !

-Justement, je ferai un montage photo quand je serai rentrée, ça devrait détourner l’attention pendant un petit moment, le temps de retrouver cette créature et son invocateur. »

Frustrée, la rouquine sauta de la branche et atterrit sur le sol tout en douceur. Quant à moi, je ne risquai pas une seconde fois d’utiliser mes pouvoirs et je descendis prudemment, branche par branche, jusqu’à atteindre le sol.

« Bon, c’est raté pour cette fois mais au moins, nous savons que ce n’est pas qu’une rumeur, c’est déjà ça ; déclara Fuyuku.

-Dis, ça t’arrive souvent ce genre de chose ?

-Plus que tu ne le crois mais on ne peut pas réussir à chaque fois ; me répondit-elle en haussant les épaules.

-Quand on t’entend parler, j’ai vraiment l’impression d’entendre un chasseur…

-Même si officiellement je n’en ai pas le titre ni la formation, j’ai appris sur le terrain on a dire. Après une année à ne faire que ça, on finit par savoir deux ou trois trucs. Mais bon, c’est raté, on aura sûrement plus de chance la prochaine fois et puisqu’il est encore tôt, je pense que nous avons le temps de visiter l’orphelinat. »

Non content de ne pas avoir à me battre cette fois-ci et de sortir de cette forêt en vitesse, j’acquiesçai aussitôt.

Nous retournâmes donc dans le parc, beaucoup plus sereins désormais que nous savions que le familier s’était éclipsé pour le moment et Fuyuku prit à partir d’ici la tête et je la suivis à travers la ville.

« Au fait le monstre, tu es sûr que tu veux garder ton boulet dans le club ? Si nous n’étions que trois, les choses seraient bien plus simples ; déclara Fuyuku sur le chemin.

-N’oublie pas qu’à trois, nous ne pourrons pas pratiquer nos activités ; lui fis-je remarquer. Et malgré tout, il est utile Daichi.

-Vraiment ? Et en quoi ? »

Je ne répondis rien pendant quelques secondes, le temps de lui trouver une véritable utilité.

« C’est un témoin ! Déclarai-je alors.

-Un…Témoin ? Répéta Fuyuku, sceptique.

-Oui, tu sais bien, la personne qui est là pour confirmer qu’elle n’a rien vu de bizarre parce qu’elle était avec nous ! »

La rouquine croisa les bras sur sa poitrine, peu convaincue par mon argument.

« Mais pourquoi est-ce que tu veux t’en débarrasser à ce point ? M’étonnai-je.

-Parce que c’est un boulet évidemment ! Si un jour nous tombons dans une embuscade et qu’il est avec nous, ça va être impossible de le défendre ! Rétorqua-t-elle en haussant la voix.

-Oui, je vois ce que tu veux dire mais…

-Lorsque ça arrivera, ça sera ta responsabilité Hinata ; me coupa-t-elle. »

Après cela, nous ne dîmes plus un mot pendant le reste du trajet. Je pouvais comprendre le point de vue de Fuyuku qui était certainement plus sage que le mien, mais j’avais de la peine pour Daichi et je n’avais pas la force de le laisser sur la touche alors qu’il l’était déjà à l’école…

Nous marchâmes pendant une bonne dizaine de minutes dans des quartiers que je connaissais assez mal jusqu’à arriver en périphérie. Là, il n’y avait que peu d’habitations et elles semblaient bien plus rustiques que les belles maisons du centre.

Le nombre de personnes que nous croisions avait également grandement diminué, de même que les voitures sur la route qui menait aux montagnes.

Finalement, je vis le clocher de l’église s’élever au-dessus des habitations et un vieux bâtiment à l’abandon se dessina à l’horizon. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Tout était exactement comme dans mon rêve, à l’exception des barrières de sécurité mais je revoyais parfaitement cette femme assise sur les marches de l’église, observant les enfants s’amuser avec un sourire aux lèvres.

Cependant, l’endroit qui m’avait paru si accueillant dans mon rêve me faisait froid dans le dos maintenant qu’il était abandonné. L’herbe du parc poussait de manière anarchique et commençait à empiéter sur la pierre composant le grand bâtiment aux portes et vitres closes.

Nous nous arrêtâmes devant les grilles et, lorsque j’essayai de les pousser pour rentrer, je reçus un violente décharge électrique qui me fit reculer instantanément.

« C’est vraiment dommage qu’ils aient fermé cet endroit sans rien en faire par la suite mais bon, peut-être était-ce mieux ainsi ; déclara Fuyuku d’un air nostalgique.

-Et est-ce que tu sais pourquoi ils l’ont fermé par hasard ? Lui demandai-je tout en cherchant un moyen de rentrer.

-Officiellement, la femme qui s’en occupait serait tombée malade et personne n’aurait repris le flambeau après elle.

-Officiellement ? Tu penses que ce n’est pas ça ?

-Evidemment que ce n’est pas ça ! rétorqua la rouquine. Lorsque je suis revenue l’année suivant la fermeture, mon père a eu vraiment une drôle d’expression et nous a éloignés de cet endroit aussitôt. Comme si…comme s’il avait eu peur de quelque chose quand j’y repense… »

Fuyuku croisa les bras sur sa poitrine et commença à taper du pied sur le sol comme à chaque fois qu’elle se mettait à réfléchir tandis que je continuais à chercher du regard un passage pour rentrer dans cet endroit qui m’intriguait tant.

« Mais oui, c’est ça ! S’exclama soudain mon amie en me faisant sursauter.

-Tu as compris quelque chose ? »

Pour toute réponse, la jeune fille posa un genou à terre, toucha le sol d’une main et ferma les yeux tandis que son corps fut à nouveau entouré de ce halo doré. Cependant, alors que je m’apprêtai à lui demander ce qu’elle faisait, je vis des tâches sombres apparaitre au sol, comme des traces de pas à moitié effacées et se dirigeant tout droit vers la chapelle.

« C’était donc ça…marmonna Fuyuku en se relevant. »

La jeune fille se tourna vers moi d’un air sérieux tout en matérialisant son épée dans sa main.

« Hinata, je crois que nos recherches d’aujourd’hui ne sont pas terminées ; déclara-t-elle gravement.

-Tu veux dire qu’il y a des familiers ici ? M’étranglai-je.

-Je ne sais pas. Les familiers laissent des traces d’énergie sur leur passage et il m’est très difficile de les dater. Cependant…oui, des familiers sont venus ici.

-C’est donc comme ça que tu réussis à repérer les familiers ? Grâce à leur énergie ? M’étonnai-je.

-Oui, c’est une technique de base utilisée par les chasseurs. Si tu veux, je t’apprendrai un jour mais pour le moment, j’ai besoin de confirmer quelque chose. »

Sans rien ajouter, Fuyuku tenta de sauter au-dessus de la barrière comme elle l’avait fait dans la forêt mais contre toute attente, elle se heurta à un mur invisible qui l’obligea à retomber à côté de moi, frustrée.

« Je ne sais vraiment pas ce qu’il s’est passé ici, mais apparemment quelqu’un ne tient pas à ce qu’on le sache ; grimaça-t-elle.

-Et qu’est-ce que c’était que ça cette fois ?

-Un mur d’énergie. Une sorte de barrière érigée par les invocateurs pour repousser les Espers et les familiers. Mais je me demande vraiment pourquoi une telle barrière a été placée ici… »

N’ayant pas de réponse, j’activai à mon tour mes pouvoirs et je m’approchai à nouveau de la barrière électrique, pensant que j’allais pouvoir forcer le passage en faisant abstraction de l’électricité grâce à mes capacités de familiers.

Une fois de plus, j’attrapai les barreaux du grand portail et je reçus une décharge, cette fois-ci beaucoup plus faible tandis que je sentais ma force s’accroitre soudainement. En une seconde, je réussis à ouvrir un passage suffisamment large pour nous permettre de passer, sous le regard exorbité de Fuyuku.

« Tu…Tu…Comment as-tu fait ça ? Bégaya-t-elle, interdite.

-Aucune idée, mais c’est ouvert donc autant y aller non ? »


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Je fus le premier à entrer et la rouquine me suivit. Aussitôt de l’autre côté, un frisson me parcourut l’échine tandis que mon cœur s’accéléra encore maintenant que j’étais à l’intérieur. Il n’y avait plus aucun doute : j’avais déjà vu le tableau qui s’offrait à moi. Je ne savais plus quand ni pourquoi mais je connaissais cette vue d’ensemble sur le grand bâtiment et la chapelle.

« Hinata, je ne sais pas ce qu’on va trouver ici mais reste sur tes gardes ; me lança Fuyuku en serrant son épée. Je sens que quelque chose ne tourne pas rond ici. »

J’avais moi aussi cette impression et je ne désactivai donc pas mes pouvoirs pour être paré au combat à n’importe quel moment.

Nous avançâmes prudemment dans le parc couvert de feuilles mortes et de mauvaises herbes, à l’affut du moindre mouvement, du moindre bruit suspect mais tout comme dans la forêt, un silence de mort régnait.

Plus nous avancions dans le parc et plus l’atmosphère devenait pesante. J’avais constamment l’impression d’être épié mais, lorsque je levai la tête, je ne voyais rien, pas même un oiseau.

Fuyuku suivit les traces de pas qu’elle avait fait apparaitre jusqu’à la chapelle où ces dernières disparaissaient mystérieusement. Cependant, à l’endroit même où elles s’arrêtaient, le sol semblait légèrement brûlé et l’herbe n’avait pas repoussé, formant un trou assez visible au milieu de la pelouse de mauvaises herbes.

« Apparemment, il y a eu un combat par ici et les familiers ont été éliminés ici ; dit Fuyuku d’un air sceptique. Cependant, je n’arrive pas à déterminer si ces traces datent d’avant ou d’après la fermeture… »

Au lieu d’écouter les considérations de la jeune fille, mon esprit était captivé par la chapelle devant laquelle nous nous trouvions. Contrairement au reste de l’endroit, le temps ne semblait pas l’avoir beaucoup affectée et seules quelques brins d’herbes poussaient à travers les marches.


https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4


Sans savoir pourquoi, comme attiré par cet endroit, je poussai les deux lourdes portes qui s’ouvrirent en grinçant. L’intérieur de la chapelle n’avait rien d’exceptionnel. Les bancs étaient encore en place, les vitraux laissaient passer la lumière et même l’autel était intact.

Je m’avançai lentement dans la nef, perdu dans mes pensées. Je ne savais pas si c’était parce que cette chapelle n’avait rien de spécial ou parce que j’étais déjà venu ici mais je connaissais cet endroit.

Je m’arrêtai à la croisée du transept, juste devant l’autel sur lequel était encore disposée une nappe et les bougies, comme avant une cérémonie lorsque soudain, je fus pris d’un mal de crâne tellement intense que je fus obligé de poser un genou à terre et de me prendre la tête dans les bras en fermant les yeux.

Un flot incontrôlable d’image défila alors dans mon esprit. Je me vis, enfant, dans cette chapelle, avec la femme à côté de moi qui me souriait simplement puis dans une chambre avec le garçon que j’avais vu en rêve, vint ensuite une jeune fille me ressemblant comme deux gouttes d’eau ainsi qu’une autre, plus jeune se tenant à mes côtés. La dernière image qui me traversa l’esprit fut celle d’une créature immonde se jeter sur moi alors que je tentais de m’enfuir.

Lorsque tout s’arrêta, j’étais haletant, en sueur, les yeux ronds fixant désespérément le sol de pierre de la chapelle. J’avais raison. Je n’avais pas toujours été un familier. J’avais eu une vie avant cela, une vie dans cette ville, plus précisément cet orphelinat.

Encore tremblant, je tentai de me relever et je regardai autour de moi ce lieu qui m’était si familier et si inconnu à la fois. Que s’était-il passé ici ? Où étaient passées toutes ces personnes que j’avais connues ?

« Hinata, il y a un problème ? Résonna soudain la voix de Fuyuku depuis l’entrée de la chapelle. »

Je ne répondis pas immédiatement et elle s’approcha de moi, inquiète avant de se figer et de regarder frénétiquement de tous les côtés en fronçant les sourcils. Je ne compris pas tout de suite sa réaction jusqu’au moment où Fuyuku dégaina son épée.


https://www.youtube.com/watch?v=4Dy_EsPsOoM


J’eus juste le temps d’entendre un bruit de métal avant de voir une dague se planter dans le sol juste à côté de mon amie.

Je levai la tête vers la voute et je vis alors une ombre se mouvoir près de l’orgue. Vive comme l’éclair, Fuyuku ramassa la dague et la projeta dans cette direction mais la chose avait déjà disparu de notre champ de vision et l’arme rebondit simplement sur les hauts tuyaux de l’instrument.

« Ne trainons pas ici le monstre. »

La rouquine m’attrapa par le bras et me traina à l’extérieur sans perdre une seconde. Tout mon corps me faisait souffrir après ces visions mais je tentai de le cacher et de suivre le rythme.

Cependant, nous nous arrêtâmes brusquement sur les marches de la chapelle. Devant nous se tenait un homme, seul, au visage balafré, à la barbe mal rasée et aux cheveux grisonnant coupés au carré. Dans sa main se trouvaient trois autres dagues comme celle que Fuyuku avait déviée.

Mais même en faisant abstraction de ses armes, je sentais que quelque chose n’allait pas…exactement comme le jour où j’avais rencontré Fuyuku.

Lorsque je me rendis compte de cela, il ne me fallut pas plus d’une seconde pour comprendre quel était le genre de personne qui me faisait face et je me crispai, sachant que le combat allait être inévitable puisque j’étais un familier et lui un chasseur…

« Un familier et une Esper associés ? J’aurais tout vu dans ma carrière ; s’amusa l’homme.

-Evidemment, ce n’est pas en restant à la solde de la fondation que vous allez découvrir le monde, chasseur ; rétorqua Fuyuku ironiquement.

-Oh, aurais-je l’honneur de faire face à une déserteuse ?

-Traitez-moi de tous les noms, je n’ai plus rien à faire avec la fondation. Cependant, je suis étonnée de voir un chasseur ici alors qu’il n’y a aucun familier.

-Au contraire jeune fille, il y en a un juste devant moi.

-Ne jouez pas à ce jeu avec moi ! S’écria Fuyuku. C’est vous qui avez installé cette barrière à l’extérieur, mais dans quel but ?

-Je ne suis qu’un gardien affecté ici, je n’ai pas à répondre à cette question… »

En prononçant ces mots, le visage de l’homme se fendit d’un sourire mauvais et je reculai d’un pas prudemment mais mon amie ne bougea pas et resta de marbre.

« Cependant, ma mission est d’éliminer les intrus, qu’ils soient Esper, familier, invocateur ou civil. »


https://www.youtube.com/watch?v=pjLekG0YJZM


Sans autre sommation, l’homme lança les trois dagues qu’il tenait dans sa main mais Fuyuku les dévia aisément en faisant tournoyer son épée devant elle avec une agilité déconcertante. La jeune fille m’impressionnait de plus en plus chaque jour par ses talents d’escrimeuse et les pouvoirs qu’elle possédait mais l’homme n’eut aucune réaction face à cela.

« Pourquoi il a fallu que ça tombe sur moi ; soupira-t-il.

-Parce que vous êtes plusieurs en plus ? Lui demandai-je. »

Il ne me répondit pas et se contenta de lever le bras devant lui. Au même moment, je vis les dagues plantées dans le sol revenir vers lui et Fuyuku recula pour se mettre à ma hauteur.

« Eh le monstre, il serait peut-être temps que tu t’y mettes aussi si tu ne veux pas finir en charpie ; me prévint-elle. »

Cependant, alors qu’elle était distraite en me parlant, l’homme lança à nouveau une dague vers nous et je me jetai en avant, attrapant l’arme au vol juste avant qu’elle n’atteigne mon amie.

« Tu devrais peut-être faire plus attention toi aussi ; raillai-je. »

La jeune fille me lança un regard noir, furieuse d’avoir été prise au dépourvu de la sorte et elle se jeta sur l’homme. Mais, alors que je pensais que son épée allait le transpercer, notre ennemi disparut dans une trainée de poussière avant de réapparaitre quelques mètres plus loin en riant.

Frustrée, Fuyuku retenta une nouvelle attaque mais le même scénario se reproduisit et son épée ne frappa que de l’air tandis que l’homme nous regardait toujours de son air moqueur.

Je tentai de me jeter à mon tour dans le combat pour donner un coup de main à mon amie mais mes mouvements étaient gauches et mes mains continuaient de trembler.

Mais, alors que je voyais Fuyuku donner des coups d’épée dans le vide et l’homme se téléporter d’un point à l’autre du parc, quelque chose attira mon attention au loin, comme un spot lumineux au milieu de la pelouse.

« Retournes-y ; résonna une voix dans ma tête. Là où tout a commencé. »

Faisant confiance à cette voix, je m’élançai vers le grand bâtiment, faisant mine d’attaquer l’homme avec la dague que je lui avais volée. Ainsi, avec Fuyuku, nous le fîmes reculer toujours plus profondément dans le parc, l’amenant tout près du spot lumineux.

Mais, alors que nous étions quelques mètres de mon objectif, l’homme s’arrêta et para le coup d’épée de Fuyuku en bloquant la lame entre ses deux mains avec une facilité déconcertante.

« Fini de jouer les enfants, vous commencez à m’ennuyer. »

Notre ennemi envoya valser la rouquine au sol sans qu’elle ne puisse riposter et m’asséna un violent coup de poing dans le ventre qui me fit reculer mais je ne fléchis pas. J’étais comme un papillon attiré par la lumière et je repassai à l’attaque avec la dague cette fois-ci.

Nos lames s’entrechoquèrent et je vis même des étincelles se former mais je n’abandonnai pas et je mitraillai l’homme d’une pluie de coups qu’il para tous avec une seule main avant de soudain riposter d’un coup de pied qui m’envoya au sol.

Je ne comprenais pas…Cet homme n’aurait pas dû nous poser plus de problèmes que l’armée de Lindorms de la veille et pourtant…nous n’arrivions même pas à le toucher…

« Finissons-en, j’ai mon café qui m’attend. »

L’homme leva sa dague au-dessus de moi mais, au même moment, ce dernier du faire un bond en arrière pour éviter l’épée de Fuyuku qui alla se planter dans un arbre derrière nous. Je ne perdis pas une seconde et je rejoignis la jeune fille. Cependant…elle était désormais désarmée et l’homme possédait toujours ses dagues, prêtes à nous transpercer la chair.

« Les Espers sont vraiment ennuyeux ; grogna Fuyuku.

-Alors, c’est terminé ? Vous vous rendez ?

-Un autre jour, j’ai promis à Hoshino de la ramener chez elle ce soir ; railla mon amie. »

Tout comme dans la forêt, le halo de lumière qui l’entourait s’intensifia et s’assombrit avant de virer au noir tandis que deux sphères se formèrent dans ses mains. En voyant cela, l’homme fronça les sourcils et jeta ses dagues vers nous.

Alors que je m’apprêtai à les intercepter comme je l’avais déjà fait, Fuyuku me barra la route et se contenta de lever le bras devant elle. A la seconde même où les dagues entrèrent en contact avec les sphères noires, ces dernières se volatilisèrent dans une explosion d’énergie dont l’onde de choc me projeta violemment vers l’arrière.


https://www.youtube.com/watch?v=ZVrwihPBf-A


Cependant, j’atterris pile au centre du cercle de lumière qui se dessinait dans le sol. Lorsque mon pied toucha l’herbe, un vent violent se leva autour de moi et attira l’attention des deux combattants.

« Hinata…qu’est-ce que…S’affola Fuyuku. »

L’homme grimaça et tenta de m’attaquer avec sa dernière dague mais elle fut repoussée immédiatement.

Le vent autour de moi soufflait de plus en plus vite, de plus en plus fort, jusqu’à créer un tourbillon de feuilles et de poussière m’emprisonnant totalement et je sentis une énergie nouvelle m’envahir tandis que ma main s’illumina d’une lumière rougeâtre.

Je ne comprenais rien à ce qu’il se passait mais étrangement, je ne paniquai pas. Peu à peu, le vent prit une forme, celle d’un être humain scintillant de la même façon que ma main.

Lorsque le vent s’arrêta soudainement, je n’étais plus seul au centre du spot de lumière. A côté de moi se tenait un grand homme aux cheveux blonds tombant sur son front. Son visage était celui d’un adolescent de dix-sept ans mais ses yeux rouges comme le sang reflétaient une sagesse et un calme digne d’un sage. Il portait également un long manteau rouge aux extrémités orangées au-dessus d’un pantalon de la même couleur.

Fuyuku écarquilla les yeux de surprise à la vue de cet individu et notre ennemi lâcha un cri de colère avant projeter toutes ses dagues vers le nouvel arrivant. Ce dernier, sans tressaillir, les attrapa toutes d’une seule main sous les yeux exorbités de notre ennemi.

Ignorant la menace, l’individu se retourna vers moi et je déglutis, ne sachant pas s’il s’agissait d’un ennemi ou d’un allié.

« On…on se connait…n’est-ce pas ? Bégayai-je, tremblant.

-Sasaki Ryuga. Enfin nous nous retrouvons, Hinata. »

Sans ajouter un mot, le dénommé Ryuga se jeta sur l’homme avec une vitesse phénoménale et cette fois-ci, il n’eut pas le temps de disparaitre et reçut le coup en pleine poitrine avant de voler dix mètres plus loin sous les yeux ébahis de Fuyuku.

« Sale… »

L’homme n’eut même pas le temps de terminer sa phrase que le nouvel arrivant disparut de notre champ de vision avant de réapparaitre derrière l’ennemi et lui asséna un coup de poing si violent qu’un cratère se forma dans le sol en soulevant un épais nuage de poussière.

Lorsqu’elle se dissipa, notre ennemi avait disparu et seul restait Sasaki Ryuga. Il se tourna ensuite vers Fuyuku et mon amie se crispa. Cependant, sans ajouter un mot, l’étrange individu ferma les yeux et disparut dans une multitude de particules scintillantes, ne laissant derrière lui qu’un cratère fumant.

Je sentis alors toutes mes forces m’abandonner d’un seul coup et Fuyuku m’attrapa juste avant que je ne heurte le sol.

« Hi…Hinata…Tu…tu es invocateur ? Bégaya-t-elle. »

Je n’eus pas la force de lui répondre et, vidé de toute mon énergie, tout devint noir autour de moi avant de sombrer dans l’inconscience.



Chapitre 7 : Le plus puissant des familiers



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=ZKCCs9DNEJs


Des créatures…des milliers de créatures m’encerclaient, moi, cette fille aux cheveux d’argent et cet homme au manteau pourpre qui m’avait sauvé la vie. Mes mains étaient en sang, tous mes muscles endoloris et tous mes sens étaient brouillés et mes deux compagnons n’étaient pas dans un meilleur état. Cependant, l’homme continuait à se battre, repoussant tous les monstres s’approchant de nous avec des vagues d’énergie mais je savais que son corps n’allait pas pouvoir supporter cela bien longtemps…

Soudain, il poussa un hurlement et une onde de choc bien plus puissante que les précédentes élimina tous les monstres dans un rayon de cinquante mètres autour de nous puis l’homme tourna la tête vers moi et me sourit.

« Allons bon, ils ne se lasseront jamais ; lança-t-il d’une voix calme en haussant les épaules. »

Sur ces mots, il tourna les talons et se dirigea à la rencontre des monstres d’une démarche assurée.

« Attends, où vas-tu comme ça, Ryuga ? Tu n’as aucune chance contre eux ! M’exclamai-je, affolé.

-Tu as oublié ce que je t’ai dit, Hinata ? Me répondit-il en s’arrêtant sans se retourner. Je suis le plus puissant d’entre eux. »


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Ma vue se brouilla totalement et je me réveillai en sursaut dans mon lit au dortoir, haletant et transpirant.

« Tiens, le monstre se réveille enfin, tu es moins endurant que tu n’en as l’air ; lança une voix désagréable à côté de moi. »

Je tournai la tête et je vis Fuyuku assise à mon bureau, tapotant frénétiquement dessus avec ses doigts comme si elle attendait quelque chose. Son visage était parsemé d’égratignures et ses habits en lambeaux mais elle ne semblait pas s’en soucier plus que ça. Quant à moi, un mal de crâne affreux m’empêchait d’avoir les idées claires.

Soudain, je me souvins des derniers événements et je sautai de mon lit, affolé.

« Fuyuku, où est passé le type de tout à l’heure ? M’exclamai-je.

-Tu pourrais au moins me remercier, j’ai dû te trainer jusqu’ici et tu n’es pas léger ; grogna la rouquine d’un air mécontent.

-Ah…oui, désolé. Merci de m’avoir sauvé… »

Cette dernière soupira mais ne releva pas davantage avant de reprendre d’une voix où se mêlaient crainte et incompréhension.

« Et puis, avant de poser des questions, réponds à la mienne le monstre : qu’est-ce que c’était que ça ?

-ça ? Répétai-je sans comprendre.

-Ne joue pas au plus malin avec moi, tu as très bien vu la même chose que moi alors réponds à ma question. Comment un monstre peut-il en contrôler d’autres ? Continua-t-elle en fronçant les sourcils. »

Je fis semblant de réfléchir pendant une seconde mais je n’avais vraiment aucune idée de ce qu’il s’était passé pendant notre combat contre ce membre de la fondation…

« Je ne sais pas ; finis-je pas avouer.

-Tu ne sais pas ? Tu te fiches de moi ? Tu es en train de me faire croire que tu as invoqué un familier sans même savoir ce que tu faisais ? S’écria-t-elle, interdite.

-Oui, c’est ça…J’ai simplement été…attiré par un point lumineux dans le jardin…Et quand je l’ai touché, cet homme est apparu… »

Fuyuku serra les dents et se mit à faire les cent pas dans ma chambre tout en marmonnant des phrases incompréhensibles. Quant à moi, je me contentai de me rasseoir, encore fatigué de mon combat.

Finalement, la jeune fille s’arrêta et se prit la tête dans les mains en riant nerveusement, à tel point que je me demandai pendant un instant si elle n’avait pas perdu la raison…

« C’est ridicule…Totalement ridicule ! S’exclama-t-elle. D’abord un monstre qui se prétend libre et maintenant capable d’en invoquer d’autres ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ici !

-Est-ce que tu peux m’expliquer le problème calmement ?

-Il n’y a rien à expliquer Hinata, tu défies simplement toutes les lois qui existent dans le monde des Espers et des invocateurs !

-Je ne comprends pas…

-Dans ce cas, je vais te le dire en trois mots : tu es anormal.

-Merci de me le rappeler…Grimaçai-je.

-Sérieusement, tu es bouché ou tu le fais exprès ?

-Je te rappelle que je ne sais rien des lois de ce monde ; rétorquai-je. Pourquoi ne pourrais-je pas contrôler de familier ? »

Je crus que la rouquine allait vraiment s’énerver mais elle se retint et finit par s’asseoir et se tourner vers moi et dans son regard, je pus voir un sérieux que je n’avais encore jamais détecté chez elle.

« Ecoute moi bien Hinata, je vais peut-être te choquer mais tu n’es pas un familier.

-Tu recommences encore avec ça ? Répliquai-je, sceptique. Je te rappelle que j’ai été créé par le professeur Fujishima et que toi-même tu m’as reconnu comme tel la première fois que l’on s’est rencontré et maintenant tu viens me dire que je n’en suis pas un ? Tu perds la mémoire ?

-Je suis sérieuse. Aucun familier ne peut en contrôler d’autre…et encore moins contrôler un familier d’un tel niveau…

-D’un tel niveau ?

-Oublie ça. »

La jeune fille détourna le regard et le passa vers la fenêtre mais elle s’était beaucoup trop avancée pour que je laisse ça passer à présent. Il me fallait des réponses et elle seule était capable de m’en donner.

« Tu sais quelque chose sur ce familier que nous avons rencontré ? Si oui, dis-le-moi s’il te plait parce que…j’ai fait un rêve dans lequel il était présent…

-Franchement, heureusement que je ne travaille pas pour garder le secret de la fondation…Soupira-t-elle. Ce familier que tu as vu tout à l’heure…Est simplement le plus puissant des familiers recensés dans les archives de la fondation ESP, un familier qui avait disparu de la circulation depuis cinq ans.

-Le plus…Puissant ?

-Oui. Même si des monstres comme le Léviathan, les hydres ou les monstres mythologiques en général sont les créatures les plus dangereuses, les familiers humains sont de loin les plus puissants.

-Attends, qu’entends-tu par familier humain ? Des monstres comme moi ressemblant à des hommes ?

-Non, je parle bien de familiers ayant été humains par le passé mais je pense que pour t’expliquer correctement, il va falloir que je te raconte la légende sur l’origine de la guerre entre invocateurs et Espers.

-Mais je croyais que ce n’était qu’un conflit d’idéologie…


https://www.youtube.com/watch?v=TvB8E8FgMug


-Oui, mais ce n’est pas le conflit que tu crois. Vois-tu, le premier Esper est apparu il y a cinq-mille ans, en Grèce antique. On l’appelait Chaos. On ne sait pas trop quels étaient ses pouvoirs mais la légende raconte qu’il était le plus puissant Esper de tous les temps et qu’il était capable à lui seul de raser une ville entière d’un seul regard. Face à cela, les hommes le prirent pour un dieu et le vénérèrent comme tel. Cependant, il n’en était pas un et cela se vit lorsque sa fille, Gaia, se montra incapable de produire les mêmes miracles que lui. Et c’est là qu’un autre miracle se produisit : Alors que Chaos régnait en maitre sur le monde, Gaia, à partir de rien d’autre que de la poussière et d’un cheveu de Chaos, réussit à donner vie au premier Familier de l’histoire, un familier du nom de Typhon. Ainsi naquirent deux camps : ceux qui décidèrent de suivre Chaos et qui héritèrent de ses pouvoirs, devenant à leur tour Espers, et ceux qui se rangèrent derrière la protection de Gaia, formant ainsi les premiers invocateurs.

-Attends une minute Fuyuku ! Tu n’es pas en train de me raconter une version alternative de la mythologie grecque là par hasard ? Lui demandai-je sceptique.

-Plus ou moins. Beaucoup de mythologies ont pris comme fondement le récit du premier Esper mais laisse-moi terminer. Je disais donc que deux camps s’étaient créés, deux camps qui se sont livrés une bataille sans merci jusqu’à maintenant et ces deux camps, tu les connais : Savior, ceux qui veulent sauver la planète de l’emprise de Chaos, et la fondation ESP, une école suivant l’enseignement de Chaos. Mais tu auras vite compris que leurs objectifs ont quelque peu changé avec le temps et que même moi je ne suis pas sûre de comprendre quel est leur but actuel puisque presque tout le monde a oublié l’existence de cette légende…

-Et…quel est le rapport avec les familiers humanoïdes dans cette histoire ?

-J’y viens justement. Les recherches de la fondation ont permis de révéler quelle était l’origine des pouvoirs de Chaos et…il se trouve que Chaos n’était pas un Esper mais un familier.

-Je…Je ne comprends plus rien là, tu peux réexpliquer ça ?

-Il n’y a rien à comprendre : le premier Esper était également le premier familier, un familier humain.

-Mais qui était le maitre de Chaos dans ce cas ?

-Il n’en avait pas. Il était un familier libre. Chaos était comme toi, Hinata. »

Je tombai à la renverse en entendant cela et j’écarquillai les yeux. Je tentai bien de répondre quelque chose mais aucun son ne sortit de ma bouche tant j’étais choqué.

« Pour tout te dire, je ne croyais pas à ce récit mais quand je t’ai rencontré, j’ai senti que quelque chose était différent et c’est pour ça que je t’ai fait confiance.

-Mais…mais…Mais ton récit diffère totalement de ce qu’Hoshino m’a raconté ! Rétorquai-je, le cœur battant à tout rompre. Elle m’a dit qu’il y avait une époque où tous les familiers étaient libres et toi tu me dis que les familiers sont nés de Gaia et que le seul libre était Chaos ! Je ne comprends plus rien !

-Les légendes sont toujours incompréhensibles et possèdent leur part de vérité et leur part d’ombre ; soupira la rouquine. Quoiqu’il en soit, voilà pourquoi les familiers humains sont si puissants : parce qu’ils sont ce qui se rapproche le plus de Chaos, ils sont à la limite entre ce qui sépare les familiers des Espers.

-Mais…Si tu dis que le plus puissant des Espers était un familier libre…

-Alors tu dois être le plus puissant des familiers ; termina Fuyuku sans sourciller. Même si j’en doute fort étant donné la raclée que ce sous-fifre t’a mise tout à l’heure.

-Une minute, tu n’as pas fait mieux que moi je te signale ! Rétorquai-je sans même faire attention au début de sa phrase.

-Je me suis retenu, c’est tout ; continua-t-elle en haussant les épaules. Si j’avais vraiment voulu battre ce type, tu ne serais même plus là pour râler. Mais ce n’est pas le sujet. Pour en revenir à mon histoire, Chaos n’avait qu’un seul point faible : il était incapable de créer.

-Comment ça ?

-Chaos était le premier Esper, mais il était également un familier. Cependant, il n’a jamais réussi à reproduire le miracle de sa fille…Et personne n’avait réussi jusque-là. Alors je vais te poser la question une bonne fois pour toute : qui es-tu, Hinata ? Ou plutôt : qu’es-tu ?

-Je te l’ai déjà dit : je ne sais pas, j’ai été créé par…

-Et bien au lieu de répéter cette phrase en boucle, appelle le ton professeur et demande-lui directement ! S’exclama Fuyuku en tapant du poing sur la table. »

Pour une fois, je ne contestai pas et je m’exécutai aussitôt. Pour une fois, elle avait raison et j’étais tout aussi désireux de connaitre la vérité qu’elle. Je composai donc le numéro du professeur et j’attendis…une seconde, puis dix, puis une minute, mais personne ne me répondit et je finis par raccrocher en soupirant.

« Non, rien à faire, il est encore injoignable.

-Allons bon, ton professeur n’a pas l’air très curieux de savoir ce que sa créature devient ; railla la jeune fille.

-Il doit être occupé j’imagine…

-Mais nous règlerons ce problème plus tard. Pour le moment, nous avons encore du pain sur la planche.

-Et…qu’avons-nous à faire ?

-Tu verras ; me répondit-elle avec un sourire malicieux qui ne présageait rien de bon. »


https://www.youtube.com/watch?v=kQuEOHbNDfI


Fuyuku se leva et me fit signe de la suivre. Nous sortîmes ainsi du dortoir et nous prîmes la direction de la forêt et sur le trajet, je n’arrêtai pas de ruminer la légende que je venais d’entendre.

Je n’étais pas vraiment préoccupé par cette histoire de plus puissant des familiers ni même par les objectifs des deux camps. Non, ce qui m’intriguait, c’était l’origine de Chaos. Hoshino prétendait que les familiers étaient libres à une époque mais selon Fuyuku, les familiers avaient pris naissance en même temps que les Espers, avec Chaos…

Se pouvait-il donc qu’en vérité, Chaos n’ait pas été le premier familier ? Qu’avant lui, d’autres existaient déjà mais qu’ils aient été oubliés ? N’était-il pas en vérité…Les dernier familier libre ?

Oui, cette théorie me semblait plausible et faisait concorder les versions d’Hoshino et Fuyuku mais elle ne résolvait pas tout. Qu’étaient devenus les autres familiers libres ? Pourquoi avaient-ils disparu et comment moi, Hikaru Hinata, avais-je hérité de cette faculté unique ?

Perdu dans mes pensées, je ne vis même pas que la rouquine s’était arrêtée et je lui rentrai dedans de plein fouet.

« Eh, fais attention le monstre ou sinon je vais vraiment te tuer par erreur ! Râla-t-elle.

-Dé…Désolé…M’excusai-je. »

Je relevai enfin la tête et je fus surpris de voir qu’Hoshino se tenait seule au milieu d’une petite clairière faiblement éclairée par quelques faibles rayons de soleil passant à travers les branches basses et les épais feuillages des arbres. L’endroit était une sorte de cuvette et au sol était dessiné un immense dessin dans le sable : une étoile à huit branches, exactement comme celles se trouvant sur les boussoles, à l’intérieur d’un cercle dans lequel inscrit des caractères en grec ancien.

« Ah, Yuki, Hinata, par ici ! S’exclama Hoshino en nous voyant.

-Je vois que tu as tout préparé comme je te l’avais demandé ; lui répondit mon acolyte en passant sa main sur le dessin au sol.

-Oui, même si je dois avouer que j’ai été un peu surprise hier quand tu m’as dit ce qu’il s’était passé.

-A…Attends, répète ça ? Hier ? M’étranglai-je, interdit.

-Oui, tu as dormi toute la journée mais passons ; dit Fuyuku évasivement. Est-ce que ça va vraiment marcher selon toi ?

-Je ne sais pas trop…J’ai reproduit le motif d’après mes souvenirs mais je ne suis pas certaine pour certaines inscriptions…Enchaina Hoshino en se grattant la joue, peu sûre d’elle. Mais dis-moi Yuki, tu es certaine de vouloir faire ça ? La fondation ne va vraiment pas…

-Peu importe ce que veut la fondation ! La coupa-t-elle. Hinata, place-toi au milieu du cercle ! M’ordonna ensuite la rouquine.

-Et pour faire quoi ? Je n’ai pas le droit de savoir ce qu’il se passe ?

-Yuki tenter d’invoquer le familier que vous avez vu hier ; me répondit Hoshino.

-L’invoquer ? Répétai-je. Tu veux dire, comme tu le fais avec Amaterasu ?

-Non pas exactement. Vois-tu, il y a trois façons de contrôler un familier : soit en le créant, soit en l’obtenant de quelqu’un d’autre, soit en l’invoquant s’il existe déjà mais qu’il ne possède plus de maitre pour une raison ou une autre.

-Mais je ne sais pas faire ça moi ! Protestai-je.

-Tu n’as pas besoin de savoir faire quoi que ce soit ; me lança Fuyuku qui s’était adossée à un arbre et attendait, les bras croisés sur sa poitrine. Contente-toi de suivre ce que te dis Miki.

-Et vous êtes certaines que c’est une bonne idée ? Demandai-je, quelque peu craintif.

-Honnêtement…Non, c’est une très mauvaise idée ; répondit Hoshino avec un large sourire. Tu pourrais même mourir dans le procédé si le familier invoqué est beaucoup trop puissant pour toi et que lui donner forme te prenait toute ton énergie ! »

Je déglutis difficilement et je fis un pas en arrière, une goutte de sueur perlant de mon front.

« Tu n’es pas sérieuse…rassure-moi… ? »

Hoshino ne répondit rien et alla se placer à côté de Fuyuku, me laissant seul au milieu du cercle. A ce moment-là, je savais que j’aurais dû partir mais les mots de la rouquine me revinrent en mémoire, à propos de mes soi-disant pouvoir d’invocateur. Etait-ce un coup de chance, une coïncidence incroyable que ce familier soit apparu devant moi ou possédai-je vraiment des pouvoirs que mon prédécesseur lui-même ne possédait pas ?

La curiosité fut vraiment plus forte et je restai à ma place, attendant les instructions de la cadette du groupe, non sans appréhension.


https://www.youtube.com/watch?v=kwCJUkDRUOA


« Bien, Hinata, commence par fermer les yeux et essaie de visualiser précisément l’image du familier que tu veux invoquer ; me dit Hoshino. Surtout ne perds pas cette image de vue avant que je te le dise. »

Je m’exécutai et rapidement, le visage de l’homme au manteau pourpre se dessina dans mon esprit : un visage d’un homme de dix-sept ans, des cheveux d’un blond éclatant tombant sur son front, des yeux rouges comme le sang et des habits flamboyants…Oui, je me souvenais parfaitement de son apparence.

« Moi, Hoshino Miki, gardienne d’Amaterasu, je t’ordonne d’apparaitre et de servir un nouveau maitre, familier égaré, Sasaki Ryuga ! »

Les yeux toujours fermés, je sentis le vent se mettre à souffler autour de moi, exactement comme la veille lors de mon combat contre l’homme aux dagues et, même si je ne voyais rien, je pouvais facilement devenir que le cercle à mes pieds s’était illuminé d’une lumière intense.

Un grondement sourd résonna dans le ciel puis la terre trembla légèrement sous mes pieds mais je ne perdis pas ma concentration, continuant à visualiser l’image de l’homme au manteau pourpre.

Soudain, mon mal de crâne qui me suivait depuis mon réveil s’accentua brutalement et me fit perdre toute concentration. Je tentai tant bien que mal de garder l’image dans mon esprit mais il n’y avait rien à faire, tout commençait à se brouiller et j’entendis Fuyuku me hurler dessus.

Avant que je puisse comprendre ce qui m’arrivait, je fus saisi de vertiges et je me sentis arraché à mon propre corps et ma conscience m’abandonna.


https://www.youtube.com/watch?v=UCiJGl9NOBQ


Lorsque je rouvris les yeux, je n’étais plus dans la forêt mais dans un espace sombre, avec une atmosphère pesante et oppressante. Je me sentais lourd et j’avais vraiment du mal à respirer. Je ne pouvais rien distinguer d’autre dans cet océan de noir qu’une faible lueur au loin ainsi que des sons indistincts, comme des murmures plaintifs.

Instinctivement, je me mis à marcher vers la lumière et, plus je m’en rapprochais, plus des sons s’intensifièrent, sans que je ne parvienne à en saisir le sens. Etrangement, je n’avais pas peur. Au contraire, je me sentais même apaisé au fur et à mesure que je m’approchais, comme si je retrouvai un lieu connu.

Finalement, je parvins à une sorte de temple sur lequel brûlait une flamme bleue à l’origine de la faible lueur mais je n’étais pas seul. Sans que je ne le remarque, des dizaines de créatures s’étaient approchées de moi, des familiers à en juger par leur apparence allant de la simple plante étrange au serpent géant mesurant plusieurs dizaines de mètres.

Cependant, je ne m’arrêtai pas et je me mis à grimper les quelques marches menant au pinacle où quelqu’un m’attendait. La personne était de dos mais je pouvais facilement la reconnaitre grâce à son accoutrement, éclairé par la seule lueur bleue de l’imposante flamme.

« Ainsi donc l’heure est enfin venue, Hikaru Hinata ; déclara l’homme d’une voix lente et grave. Cela faisait cinq ans que j’attendais ce moment.

-Cinq ans ? Répétai-je légèrement intimidé. Mais je n’existai même pas il y a cinq ans…

-Tu n’as pas changé malgré ta renaissance, mon vieil ami ; reprit-il d’un ton amusé.

-Comment ça ma « renaissance » ? Que savez-vous sur moi exactement ? »

L’homme ne me répondit rien et se retourna vers moi pour me regarder dans les yeux mais, cette fois-ci, les siens n’étaient pas rouge sang mais d’un bleu profond, lui donnant l’air bien plus humain.

« Il est temps de renouer le contrat que nous avions eu jadis, maitre. »

A ce moment, il déploya sa main devant moi et tout son corps se mit à luire d’une intense lumière rougeâtre tandis que le mien s’illuminait d’une aura bleu turquoise.

« Moi, Sasaki Ryuga, accepte Hikaru Hinata comme seul et unique maitre. Je promets d’être son épée et son bouclier, de suivre chacun de ses ordres et de le servir jusqu’à la fin. »

A ces mots, des dizaines d’autres lumières émanant des familiers présents autour de nous apparurent et illuminèrent ce monde si sombre, me laissant entrevoir l’endroit où je me trouvais : un monde gris, fait de pierre nue, sans aucune forme de vie et où seuls les familiers et les quelques bâtiments décolorés brisaient la monotonie des lieux.

« Est-ce ça…Le monde des familiers ? Murmurai-je, consterné. »

Au bout de quelques secondes, tout redevint noir et je me réveillai au milieu de la forêt ; plus exactement au centre du centre et au-dessus de moi étaient penchées les deux jeunes filles qui me regardaient d’un air ennuyé, comme si elles avaient fait une bêtise.

Lorsqu’elles virent que j’avais ouvert les yeux, elles sursautèrent et reculèrent vivement, comme si elles avaient vu un fantôme.

Mon premier réflexe fut de me frotter la tête, mon mal de crâne n’ayant toujours pas disparu puis je tentai de me relever mais j’étais comme vidé de mes forces et je m’écroulai aussitôt au sol.

« N’en fais pas trop Hinata, mon invocation a drainé beaucoup de ton énergie ; déclara une voix à côté de moi. »

Je mis quelques secondes avant de réaliser qui se tenait à mes côtés mais, lorsque l’information arriva à mon cerveau, ce fut à mon tour d’avoir un mouvement de recul, rejoignant les deux filles qui étaient tout aussi pétrifiées que moi devant le nouveau venu qui n’était autre que Sasaki Ryuga.

« Alors le voilà…Le plus puissant des familiers ? Chuchota Fuyuku.

-Je n’aurais pas cette prétention, jeune fille. Après tout, je ne suis qu’un simple humain à l’origine. Mais je suis néanmoins capable de faire ça. »

Sans prévenir, et sans même se retourner, Ryuga lança une sphère d’énergie derrière lui, sphère qui heurta quelque chose en plein vol et explosa, arrachant tous les buissons qui nous camouflaient. Deux hommes apparurent alors, armés de pistolets, leur viseur pointant directement sur nous.

« Je t’avais dit qu’il fallait les descendre plus tôt ; râla l’un des hommes.

-Impossible avec ce champ de protection ; rétorqua l’autre en grimaçant.

-Oh non, il ne manquait plus que les idiots de la fondation pour que la journée soit complète ; soupira Fuyuku. Mais bon, c’est l’occasion de voir si ce familier est réellement aussi puissant qu’on le dit. »

Sans une autre sommation, les deux hommes nous tirèrent dessus à nouveau mais, d’un geste semblant naturel, Ryuga attrapa toutes les balles sans même être blessé avant de les projeter sur nos assaillants dont les armes volèrent en éclats à l’instant même où leurs propres balles les touchèrent.

« C’est tout ce que vous avez en réserve messieurs ? Leur lança mon familier, l’air un peu déçu.

-Les chasseurs de la fondation ne reculent devant rien ! S’exclama l’un des deux en se relevant et en pointant une nouvelle arme vers nous.

-Et bien vous devriez, même moi je battrais en retraite ; leur répondit Fuyuku en prenant place aux côtés de Ryuga, les bras toujours croisés. »

Les deux hommes finirent par enfin notifier la présence de la rouquine et ils se raidirent immédiatement.

« T…Toi ? Balbutia celui qui était toujours désarmé, livide.

-Oui, je ne suis pas morte contrairement aux rumeurs, désolée de vous décevoir. Mais vous voulez peut-être essayer de la rendre vraie ? »

Les deux se regardèrent un instant puis détalèrent comme des lapins sans demander leur reste. Mais, alors que je pensais que tout allait enfin se calmer et que j’allais enfin pouvoir laisser mon cerveau se reposer quelques instants, la jeune fille se tourna vers Ryuga et je remarquai alors que ses yeux étaient devenus dorés, exactement comme lorsqu’elle se battait.

« Hinata, j’ai une faveur à te demander : Laisse-moi affronter le plus puissant des familiers.

-Qu…Quoi !? M’étranglai-je. Tu as perdu la tête ?

-Non, j’ai besoin de vérifier quelque chose… »

Confus, je me tournai vers mon familier qui se contenta de hocher la tête et je soupirai. Depuis mon réveil, je n’avais pas eu un seul instant de répit et des milliers de questions me torturaient toujours l’esprit, questions auxquelles Ryuga avait certainement une réponse, lui qui semblait me connaitre personnellement…

Malheureusement, je savais que si je répondais négativement, elle était capable de m’attaquer pour provoquer la réaction de Ryuga…

« Hoshino, est-ce que tu peux invoquer Amaterasu ?

-Evidemment ! Tu veux prendre les paris aussi ? Moi, je mise la place de Daichi dans ta chambre sur Yuki !

-Pourquoi est-ce que tu veux absolument t’installer là…

-Trêve de bavardages ; nous interrompit Fuyuku. Je propose des règles simples : le premier à prendre un coup direct perd, comme ça, pas de blessé.

-Cela me va ; répondit Ryuga sans même me consulter. Hinata, nous aurons à parler toi et moi après ce combat.

-Je pense aussi oui… »

Fuyuku et Ryuga se placèrent chacun d’un côté du cercle et nous nous éloignâmes un peu avec Hoshino, histoire de ne pas finir en dommage collatéral. Amaterasu apparut également à nos côtés et déploya une barrière d’énergie pour plus de sécurité.


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Les deux adversaires se dévisageaient, comme s’ils se sondaient mutuellement et essayaient d’analyser les forces et les faiblesses de l’autre et cela dura une bonne minute pendant laquelle seul le bruit du vent se faisait entendre. Même si mon amie semblait confiante, je voyais néanmoins sa main trembler légèrement.

Finalement, Fuyuku fut la première à attaquer et se précipita vers Ryuga, lui asséna un violent coup de poing au ventre mais ce dernier ne sourcilla même pas et resta de marbre. Les coups suivants ne furent pas plus efficaces et aucun d’entre eux ne semblait affecter le familier.

Voyant son échec, la jeune fille prit en main son talisman et fit apparaitre son épée dorée dans la main tandis que l’aura autour d’elle devint dorée et elle repassa à l’attaque.

Cette fois-ci, Ryuga ne prit pas le risque de se prendre le coup et esquiva avec une facilité déconcertante, se décalant simplement sur le côté à la dernière seconde et tout ce que trancha l’arme de Fuyuku fut la poussière. Je pus néanmoins comprendre quelle puissance elle avait mis dans son attaque à la vue de l’énorme cratère formé à ses pieds…

Elle ne se laissa pas démonter et continua à attaquer Ryuga avec son épée, encore et toujours mais aucune attaque n’arrivait même à le frôler et il ne semblait pas non plus se fatiguer, contrairement à Fuyuku qui commençait à s’essouffler.

« Je ne comprends pas…Pourquoi n’active-t-elle pas ses vrais pouvoirs ? Marmonnai-je.

-Ses…Vrais pouvoirs ? Répéta Hoshino, intriguée. »

Je ne répondis rien mais je savais que mon amie était loin d’être à sa puissance maximale et qu’elle se battait, non pas avec ses propres pouvoirs d’Esper mais avec celui du talisman qu’elle portait toujours à son cou. Pourquoi avait-elle voulu affronter Ryuga si ce n’était même pas pour tester ses propres limites ?

Après cinq minutes de coups dans le vide, le familier finit par dévier l’une des attaques de la jeune fille et attrapa la pointe de son épée, l’immobilisant totalement.

« C’est terminé. »

Cependant, alors que je croyais que le familier allait mettre fin au combat, un sourire se dessina sur le visage de Fuyuku et aussitôt, Ryuga lâcha l’épée et recula vivement. Un instant plus tard, la rouquine fut à nouveau entourée de cette même aura noire que lors du combat contre le Lindorm et contre l’homme aux dagues et son épée s’entoura de cette même aura, faisant crépiter l’air autour d’elle à son simple contact.

« C’est de ça que tu me parlais Hinata, les pouvoirs de Yuki ?

-Je crois oui, même si je ne les ai jamais vus en action jusqu’à maintenant… »

C’était vrai. A chaque fois, Yuki avait été interrompue avant même de pouvoir relâcher ses pouvoirs à cause de moi mais cette fois-ci, il n’y avait aucune raison que le combat soit interrompu et pour tout avouer, j’étais vraiment intrigué par ces fameux pouvoirs lui ayant donné une réputation de monstre, même parmi les Espers…

Avec un cri de rage, elle se jeta sur Ryuga mais contrairement à avant, ses mouvements étaient beaucoup plus rapides et beaucoup plus précis, si bien que son adversaire avait plus de mal à esquiver les coups et cela ne s’arrangeait pas avec le temps puisque chacun de ses coups se rapprochait dangereusement de Ryuga.

Soudain, de l’épée de la jeune fille s’échappa une vague d’énergie sombre qui fut une fois de plus esquivée par le familier mais qui, lorsqu’elle finit sa course dans un arbre, le désintégra purement et simplement, ne laissant rien de lui, comme s’il n’avait jamais existé et mon cœur rata un battement.

« Qu…Qu’est-ce que c’était que ça ? S’exclama Hoshino, terrifiée. »

Malheureusement, nous n’eûmes pas le temps d’en voir davantage car, voyant la menace qui pesait sur lui, Ryuga passa à son tour à l’attaque et, vif comme l’éclair, réapparut juste derrière Fuyuku, dans l’angle mort de son épée et celle-ci fut incapable de l’atteindre. D’un simple mouvement de bras, l’épéiste fut projetée hors du cercle, mettant un terme à ce combat sous nos yeux ébahis.

« C’est donc ça…Le plus puissant des familiers…Articula Fuyuku avec difficulté tandis que l’aura sombre autour d’elle disparaissait, de même que son arme et que ses yeux reprenaient leur couleur normale. »

Ryuga se tourna alors vers moi et je compris ce qu’il voulait sans qu’il n’ait besoin de prononcer un mot puis il disparut dans une trainée d’étoiles scintillantes. Bientôt, j’allais avoir enfin des réponses à mes questions : quelle était ma véritable nature ? Quel était mon lien avec ce familier ? Qui étais-je vraiment ? Tout était sur le point de s’éclairer…





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[Fic]Le Dernier Esper posté le [22/02/2017] à 22:22

Chapitre 8 : Investigations



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4

Je verrouillai la porte de ma chambre à clé et mis un gros carton devant au cas où il prendrait à Daichi la mauvaise idée de rentrer de force puis je fermai les rideaux, ne laissant que la lampe du plafond éclairer la petite pièce qui était un peu trop peuplée à mon gout…

Nous étions assis en cercle par terre, Fuyuku, Hoshino et moi tandis que Ryuga, mon nouveau familier, examinait l’endroit avec intérêt.

« C’est donc ici que tu vis à présent, Hinata ? Dit-il en regardant avec intérêt les quelques livres qui trainaient sur mon bureau. Tu aimes décidemment les dortoirs.

-Je n’ai pas vraiment choisi ; rétorquai-je, agacé par lui pour une raison qui m’échappait. Mais assez parlé, tu me dois quelques explications il me semble.

-Et que voudrais-tu savoir exactement ? Il n’y a rien que je sache que tu ne saches pas également mon vieil ami ; me répondit-il, toujours aussi nonchalamment.

-Justement, j’ai besoin de savoir qui je suis. »

Le familier fit une pause et pencha légèrement la tête sur le côté, surpris, avant de se reprendre.

« Je ne peux pas te dire ce que tu es actuellement mais je peux te dire qui tu as été par le passé.

-Alors Hinata a bien été humain avant ? S’étonna Hoshino.

-C’est fort probable oui. Et en parlant de ça, je dois avouer que j’ai été choqué en te retrouvant en tant que familier.

-Vraiment ? Et qu’y a-t-il de si choquant si tu en es un toi-même ? Le questionnai-je, sceptique.

-Tu ne te souviens vraiment de rien ?

-Non, absolument rien…Avouai-je en baissant les yeux. Même si parfois j’ai quelques flashs de mon passé, tout reste très sombre…

-Je vois, je ne peux rien faire dans ce cas ; soupira Ryuga en haussant les épaules.

-Attends, comment ça tu ne peux rien faire ? S’exclama Fuyuku en se levant d’un bond. Je croyais que tu savais des choses !

-Et c’est la vérité, Hinata et moi avons été liés par le passé après tout. »

Les regards des deux filles se tournèrent vers moi et je ne pus dire laquelle de Fuyuku ou Hoshino était la plus choquée mais je me sentis soudain très mal à l’aise.

« Ce qui veut dire que…Hinata…Tu étais le maitre du plus puissant des familiers ? Murmura la rouquine, livide.

-Sûrement…mais je n’en ai aucun souvenir…

-Pourtant, c’est une conclusion à laquelle nous aurions dû arriver beaucoup plus tôt ; reprit Hoshino d’une petite voix. Contracter avec un familier de ce niveau sans expérience aurait dû être impossible en théorie, à moins qu’Hinata soit un prodige ou qu’il ait déjà un lien avec son familier.

-Mais…Mais c’est impossible ! Répliqua mon amie, les yeux ronds. Le maitre du plus puissant des familiers a été tué il y a cinq ans et… »

Elle s’arrêta net et tomba à la renverse sur mon lit, le regard complètement vide et les mains tremblantes et Ryuga reprit la parole, toujours aussi calme.

« Ce qui explique donc qu’un familier puisse en contrôler un autre.

-Attendez, je ne comprends plus rien moi ! Est-ce que vous pouvez redire ça dans un langage compréhensible ! Râlai-je, totalement perdu. »

Hoshino me prit par l’épaule et me lança un regard empli de compassion et de tristesse.

« Hinata…Je sais que ce que je vais te dire va te choquer mais…Tu es mort…

-Q…Quoi ? »

Ma seule réaction fut de la regarder comme si elle était devenue folle mais à en juger par l’expression de Ryuga et le teint de Fuyuku, je compris rapidement qu’elle ne blaguait pas et ce fut à mon tour de m’asseoir sur mon lit, ne sachant même plus quoi répondre à cela.

« Je suis désolée de te dire ça mais tu n’as pas été créé par des humains comme tu le pensais. Tu as été ressuscité ; continua la blonde, gardant son air désolé.

-Je…Mais…Le professeur m’a pourtant affirmé qu’il m’avait créé…Tu es en train de me dire qu’ils n’ont fait que jouer avec mon corps défunt…Hoshino ?

-Je ne peux rien affirmer pour le moment, surtout en prenant en compte ta nature de familier libre…Me répondit-elle en secouant la tête. »

Alors comme ça…J’avais été humain…et qui plus est, invocateur avant d’être tué et ressuscité en tant que familier libre…Ridicule ! Tout cela était ridicule ! Pourquoi le professeur m’aurait-il caché une telle information si tout cela était vrai ? Quel intérêt avait-il à me ressusciter puis me laisser partir dans la nature sans même me dire la vérité ? Je ne pouvais pas croire de telles bêtises !

Et pourtant…Au fond de moi, je savais que c’était la vérité…C’était la seule explication à ces bribes de souvenirs qui venaient me hanter…

« Dis…Ryuga…Si tout est vrai…Pourquoi ai-je été tué ? Murmurai-je sans oser relever la tête.

-Cinq ans…C’était il y a cinq ans…Marmonna Fuyuku. Je m’en souviens…

-Oui, moi aussi je m’en souviens ; lui répondit Hoshino en fermant les yeux.

-Que…S’est-il passé il y a cinq ans ?

-Savior et ESP se sont livré bataille en face à face pour la première fois depuis plus de cent ans et c’est là que tu as été tué, Hinata ; me répondit Ryuga en croisant les bras sur son torse.

-J’ai…participé à une guerre ? Moi ? Couinai-je, soudain terrifié.

-Te raconter tout ça par bribe ne sert à rien mais je ne suis pas le mieux placé pour te révéler toute l’histoire.

-Dans ce cas…Qui le peut ? Y a-t-il quelqu’un d’autre sur cette terre qui m’ait un jour connu ? Qui pourrait me dire qui je suis vraiment ?

-Ta sœur, Hikaru…Saori.

-Saori ? S’étrangla Fuyuku. Tu veux parler de celle qui est considérée comme l’une des plus puissantes Espers de la fondation ? »

Ryuga ne répondit rien à la rouquine et se tourna vers moi, ses yeux rouges de familier me fixant sévèrement alors que j’étais encore recroquevillé sur moi-même.

« Hinata, je sais que nous venons à peine de nous retrouver et que j’ai des dizaines de choses à te dire mais je vais devoir m’absenter si tu veux retrouver la mémoire.

-Fais comme bon te semble… »

Ryuga se contenta de s’incliner devant moi avant de disparaitre dans une trainée d’étoiles scintillantes, ne laissant que Fuyuku, Hoshino et moi dans la chambre, ainsi qu’un immense malaise planant au-dessus de nous.


https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0


Je n’arrivai toujours pas à l’accepter…Ce n’était même pas le fait d’être mort une fois qui me dérangeait le plus, c’était que le professeur m’avait menti sur ce point…M’avait-il alors aussi menti sur ma nature ? N’étais-je en fait pas libre ? Que sa marionnette ? Qu’une expérience ?

Je me pris la tête dans les mains en pensant à cela et je me recroquevillai encore plus sur moi-même, me mettant à trembler de tous les muscles de mon corps. Fuyuku avait raison…elle ne pouvait pas me faire confiance…Peut-être agissais-je même contre les deux filles sans même le savoir…

Je ne pouvais pas…rester ici plus longtemps…

« Hoshino…Fuyuku…Je suis désolé mais je… »

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que je reçus une puissante gifle qui me fit tomber à la renverse et je me cognai la tête contre le mur de la chambre avant même de réaliser ce qu’il m’arrivait.

« Oh non le monstre, tu ne vas pas commencer avec ça ! S’exclama Fuyuku en gonflant les joues.

-Mais je n’ai encore rien…

– « Désolé mais je dois m’en aller », c’est ce que tu allais dire, n’est-ce pas ? Ne sois pas ridicule, déjà où irais-tu et ensuite pourquoi ?

-Qui sait si je suis vraiment libre ? Je suis peut-être contrôlé par quelqu’un et je pourrais vous tuer à n’importe quel moment alors il vaut mieux…

-Il vaut mieux que tu restes avec nous ; me coupa Hoshino en serrant le col de son tee-shirt.

-Mais tu n’as pas entendu ce que je viens de dire ? Je… »

Fuyuku m’interrompit une nouvelle fois, cette fois-ci en dégainant son épée et en la pointant juste sous mon menton et en me dévisageant d’un regard assassin.

« Justement, j’ai dit que j’allais garder un œil sur toi pour m’assurer que tu ne me racontes pas de sornettes alors ne t’avises pas de me fausser compagnie ou je te tranche la gorge sur le champ, tu m’as bien entendue ? Je ne t’ai pas épargné pour entendre des bêtises pareilles !

-Et puis, quand bien même tu serais contrôlé par quelqu’un, pour l’instant, tu agissais de toi-même, n’est-ce pas ? Je ne crains pas les familiers, j’ai toujours vécu avec eux et je sais que beaucoup possèdent leur propre volonté, comme Amaterasu ou comme toi ; ajouta Hoshino en me souriant.

-Mais ça ne vous dérangerait pas, vous, de penser connaitre quelqu’un pour apprendre que ce n’était pas la personne que vous croyiez ? M’étonnai-je.

-ça ne serait pas la première fois, ni la dernière ; lança Fuyuku en haussant les épaules. Si je me mettais à raisonner de la sorte, je ne ferais plus confiance à personne.

-D’ailleurs, s’il s’avérait un jour que tu n’agissais pas par toi-même, alors ton maitre serait une personne bien attentionnée ; continua la blonde en me prenant la main. Après tout, tu m’as sauvée dans la forêt contre les Lindorms et sur la plage contre les chiens alors, libre ou non, je te dois une fière chandelle.

-En tout cas, je pense que tu es bel et bien libre moi. Aucun maitre ne serait assez stupide pour t’ordonner d’agir comme tu l’as fait jusqu’ici ; railla mon amie.

-Et qu’est-ce que tu entends pas là exactement ? Lui demandai-je, vexé.

-Tout et rien à la fois ; me répondit-elle avec un sourire malicieux.

-Il ne me semble pas avoir fait d’erreurs flagrante jusqu’ici ! Rétorquai-je en me relevant pour lui faire face. »

Hoshino éclata de rire face à notre dispute tandis que Fuyuku, au lieu de se mettre en colère et de me frapper comme elle le faisait si souvent, m’adressa un léger sourire de soulagement.

« Tu vois, seul quelqu’un totalement libre de ses mouvements tomberait aussi facilement dans un piège aussi gros.

-Peut-être que tu as raison…Oui…Grognai-je, mécontent de m’être fait avoir de la sorte. Mais il n’empêche que je ne suis pas celui que je croyais être.

-Et alors ? Tu n’es pas un simple familier mais un ancien invocateur tué au combat puis revenu à la vie en tant que familier libre, pourquoi te plains-tu ? Si ça avait été l’inverse, j’aurais compati mais je ne suis pas sûre que tu te rendes compte de ce que cela implique.

-Pas vraiment non…

-Dans ce cas, je vais te le dire simplement : tu as le pouvoir de contrôler les familiers, Hinata, tu es leur roi. »

Normalement, j’aurais éclaté de rire en entendant quelque chose d’aussi gros, surtout dans la bouche de Fuyuku, mais mes souvenirs du premiers combat contre les chiens me revinrent en mémoire : il m’avait suffi de leur donner un ordre pour qu’ils déguerpissent sans demander leur reste…Mais ce n’était pas tout, lors de notre deuxième rencontre, une voix dans ma tête m’avait dit que je ne pouvais pas les contrôler…Etait-ce vrai alors ? Mon pouvoir en tant que familier n’était donc pas de la force…mais celui d’en contrôler d’autre ? Mais dans ce cas, quelle était cette énergie qui coulait dans mes veines à chaque fois que je me battais ? Dans tous les cas, il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.

« Hoshino, est-ce que tu peux invoquer Amaterasu une nouvelle fois ? Lui demandai-je en me levant.

-Si tu veux tenter de la contrôler, c’est inutile, Hinata ; me répondit la blonde avec un large sourire.

-Ah oui ? Et pourquoi ? M’étonnai-je. Je croyais que je pouvais contrôler les familiers !

-Oui, tu peux les contrôler, mais dans le cas d’Amaterasu, ce n’est même pas la peine d’essayer, le lien qui m’unit à elle est beaucoup trop fort.

-Dans ce cas, je ne comprends pas : comment savoir quels familiers je peux contrôler ou non ?

-ça, il n’y a qu’un seul moyen de le savoir, le monstre : de partir à la chasse !

-Je savais que tu allais dire un truc du genre…Soupirai-je, déjà fatigué.

-Tu as une meilleure option peut-être en attendant le retour de ton familier qui est parti je ne sais où ? Rétorqua la rouquine en me foudroyant du regard.

-Non…Pas vraiment…Admis-je, vaincu. »


https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Fuyuku m’adressa un petit sourire malicieux avant de se lever et de sortir de la pièce, non sans nous avoir donné rendez-vous dès le lendemain pour une réunion de club. Hoshino ne tarda pas non plus et, après s’être assuré que je n’avais aucune blessure, parti à son tour, me laissant seul dans ma chambre.

Enfin, je me demandai encore s’il s’agissait vraiment de ma chambre ou d’une salle de réunion secondaire étant donné le nombre de fois que les filles venaient s’incruster. J’avais l’impression de ne pas avoir eu de moment de tranquillité depuis une éternité…

Soudain, je me souvins que je n’étais pas seul en temps normal dans ma chambre et je sautai du lit avant de me rasseoir aussitôt. Daichi était certainement encore de corvée repas ce soir-là. Je n’avais aucune raison de m’inquiéter pour lui.

Profitant du calme relatif, je m’allongeai et me mis à repenser aux derniers événements. Si je devais récapituler ce qu’il s’était passé en à peine quarante-huit heure, nous nous étions rendus dans un orphelinat abandonné où apparemment, j’avais des souvenirs ; nous nous étions faits attaqués ; un familier surpuissant avait fait son apparition avant de nous révéler ma vraie nature et voilà que maintenant il était parti et je devais confirmer que j’étais bien capable de contrôler les familiers…et encore, je passais les détails comme la légende ou les rivalités entre Savior et Esp…

Je me pris la tête dans les mains, commençant à avoir un sérieux mal de crâne. Pourquoi tout devait-être aussi compliqué ! Le professeur n’aurait-il pas pu m’expliquer cela avant de me lâcher dans la nature et de disparaitre ?

Enfin…s’énerver et essayer de comprendre toute la situation était certainement inutile et tout allait s’éclairer en temps voulu…enfin, je l’espérais parce que je ne comptais pas en rester là.


La soirée fut assez courte. Je retrouvai effectivement Daichi derrière les fourneaux au diner puis je ne perdis pas de temps et allais me coucher tôt, sentant qu’une longue et dure journée m’attendait le lendemain…

Je ne m’étais pas trompé car, à peine avais-je mis un pied à l’intérieur de l’école que Fuyuku me tomba dessus comme chaque jour avec son éternel journal du jour, l’air fière d’elle.

« Le monstre, je crois qu’on va avoir du boulot dans les prochains jours ! S’exclama-t-elle en me mettant le journal sous le nez.

-Tu pourrais au moins me saluer ; grognai-je de mauvaise humeur.

-On verra plus tard pour ça, regarde plutôt le gros titre du journal : C’est le retour du lézard volant !

-Encore lui ? Je te rappelle qu’on a échoué lamentablement la dernière fois…Grommelai-je en repoussant son bout de papier.

-Sauf que cette fois-ci, j’ai un vrai plan ; rétorqua-t-elle, l’œil brillant. Je vous en parlerais tout à l’heure, il y a trop d’oreilles indiscrètes ici.

-Evidemment, si tu te places en plein milieu du hall d’entrée…Soupirai-je. »


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Comme promis, le soir après les cours, Fuyuku me traina de force dans la salle du club, et Daichi nous suivit comme à son habitude sans même savoir de quoi nous parlions. Hoshino quant à elle arriva un peu plus tard et la rouquine sortit à nouveau son rétroprojecteur et ses diapositives qui me firent bailler rien qu’en les voyant.

Cette fois-ci, une image du lézard volant s’afficha à l’écran, ainsi que plusieurs mots que je ne lus même pas, sachant très bien que de toute façon, ce briefing était totalement inutile.

« Bien, les journaux affirment avoir vu ce monstre dans les environs avec même des photos à l’appui ; commença-t-elle d’un air solennel qui ne lui allait pas du tout. Cependant, je suis certaine qu’il s’agit de montages et je compte bien le prouver !

-Pourtant, toutes ses photos m’ont l’air bien réelles ; fit remarquer Daichi qui, évidemment, ne savait pas de quoi il parlait. »

Je soupirai. Cet idiot venait de rallonger de cinq minutes un briefing qui n’aurait déjà dû pas en durer plus de deux. Parfois, je me demandai si je n’aurais pas mieux fait d’écouter Fuyuku et de le laisser sur le côté…

« Peut-être qu’elles sont réelles oui, et ça serait tant mieux pour nous mais je préfère rester méfiante. Après tout, les cryptozoologues sont souvent des imposteurs.

-Les crypto…Quoi ? S’interroge Hoshino en penchant la tête sur le côté, l’air perdue.

-Les cryptozoologues, ceux qui comme nous, chassent les créatures étranges et paranormales ; expliqua la rouquine, fière d’avoir pu placer ce mot compliqué pour désigner une chose simple. Bref, il faut qu’on vérifie cette information par nous-même et pour cela, j’ai élaboré un plan ! Nous allons nous séparer cette fois-ci : Daichi, tu iras vérifier du côté du nord de la ville. Hinata, toi tu iras au sud, Hoshino à l’est et moi à l’ouest. Nous devrions couvrir un maximum de terrain comme ça et si une créature de cette taille se cache, nous la trouverons à coup sûr ! »

Tout en disant cela, je vis Fuyuku me lancer un petit regard, ainsi qu’à Hoshino, qui nous disait déjà que nous n’allions pas nous en tenir à ce plan.

« Et quand est-ce que tu comptes faire ça ? Lui demandai-je.

-Ce week-end évidemment ! »

Je grimaçai. Cela ne laissait pas beaucoup de jours de repos…mais en un sens je n’étais pas mécontent. Je n’allais pas avoir à trop attendre pour découvrir mes pouvoirs ainsi.

La réunion se termina là et nous nous séparâmes…enfin, nous fîmes semblant car, une fois Daichi suffisamment loin, nous retournâmes à l’intérieur et nous prîmes soin de verrouiller toutes les portes et de fermer tous les rideaux pour être certain que personne ne nous découvre.

« Bon et maintenant, quel est le véritable plan, Yuki ?

-C’est très simple, nous allons faire une grande sortie camping tous les trois à la montagne !

-Oh, super, j’adore le camping ! S’enjailla Hoshino en tapant des mains comme une petite fille.

-Et…Tu peux nous expliquer pourquoi ? La questionnai-je, sceptique.

-Tu as bien vu comme moi que ce familier s’est dirigé vers les montagnes. Je pense qu’il se trame quelque chose là-bas d’assez gros…

-Et…Tu penses vraiment que nous sommes prêts ? Et si jamais il s’agissait d’un repaire d’invocateurs pire ; fis-je remarquer.

-Aucune chance ! Fais-moi confiance, aucun invocateur ne serait assez stupide pour établir son camp en montagne ! Affirma la rouquine, confiante.

-Et pour Daichi du coup ? Reprit Hoshino qui était visiblement la seule à se soucier de lui.

-Ah, ne t’inquiète pas, je l’ai envoyé dans un trou paumé où j’ai déjà vérifié qu’il n’y avait rien d’intéressant à part des champs ; lui répondit la rouquine sans une once de sympathie pour le pauvre garçon qui allait s’embêter seul pendant une journée entière. Mais si vous n’avez pas d’autre question, on se retrouve samedi devant le parc ! »

La réunion s’acheva sur ces joyeuses paroles. Malheureusement pour moi, je n’avais jamais fait de camping et encore moins en montagne. Je fus donc obligé de me documenter pendant les jours qui suivirent et d’acheter le matériel nécessaire avec le maigre argent de poche du professeur car il était hors de question que je m’abaisse à demander à Fuyuku, elle aurait été bien trop contente de me rabaisser…

Finalement, le week-end arriva plus vite que je ne l’aurais pensé avec tous ces préparatifs et je me levai dès l’aube pour rejoindre Fuyuku et Hoshino dans le parc.


https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U


L’air était frais en cette matinée et la rosée perlait encore sur les plantes et les feuilles des arbres, leur donnant un arome assez singulier que je n’avais pas eu l’occasion de sentir souvent jusqu’à maintenant mais qui était loin d’être désagréable.

Le soleil n’était pas encore tout à fait levé et projetait ses rayons orangés sur le parc, presque à l’horizontal, créant des ombres gigantesques et modifiant les couleurs du parc en lui donnant un aspect flamboyant que je ne lui connaissais pas.

Il n’y avait pas encore grand monde à cette heure et tant mieux parce que nous n’avions vraiment pas l’air malin avec nos sacs à dos aussi gros que nous et nos divers accessoires tous plus ridicules les uns que les autres, tels que des casseroles, des tapis de sols et d’énormes bouteilles d’eau.

Mis à part cela, Fuyuku avait revêtu un pantalon marron assez large, ainsi qu’une veste kaki et de grosses chaussures tandis qu’Hoshino avait opté pour une tenue plus légère avec une simple jupe noire, des bottes et un t-shirt beige. Je me sentis tout à coup idiot de m’être habillé comme tous les jours mais je gardais ma dignité et m’avançai vers elles comme si de rien n’était.

« Salut les filles ! Lançai-je joyeusement.

-Hello Hinata ; me répondit Hoshino avec un large sourire. Prêt pour camper ? On va bien s’amuser, j’ai tout prévu pour que ça soit parfait !

-On ne part pas vraiment camper mais chasser un monstre répugnant je te rappelle ; rétorqua Fuyuku qui n’était visiblement pas du matin à en juger par ses cernes immenses. Bon sang, quelle idée de donner rendez-vous à l’aube…

-Et sinon, nous te suivons, c’est ton expédition après tout ; reprit-je, voyant que la ville commençait à s’éveiller.

-Oui, oui…allons-y…Soupira-t-elle en prenant la tête. »

Nous nous rendîmes aux montagnes les plus proches en bus, ce qui n’était pas exactement le genre de moyen de transport que j’aurais imaginé pour une Esper comme Fuyuku mais au moins nous arrivâmes en moins d’une heure au pied du mont Hiuchi qui, vu d’aussi près, était vraiment magnifique, perdu dans la brume du matin.

Notre aventure commença là…même si nous nous contentâmes de suivre le sentier balisé traversant une petite forêt, elle-même longeant un cours d’eau tranquille. Le trajet était vraiment magnifique en cette fraiche matinée. Le vent était frais mais pas désagréable, le soleil désormais complètement levé réchauffait l’atmosphère sans nous aveugler et les oiseaux se réveillaient en chantant. Avec tout cela, j’en finis presque par oublier quel était notre objectif et je m’abandonnai totalement à profiter de cette sortie.

Sur le chemin, je discutai beaucoup avec Hoshino qui m’apprit beaucoup de choses utiles sur le camping même si, étrangement, j’avais l’impression de savoir déjà comment faire la plupart de ses astuces. Certainement encore en rapport avec ma vie passé, pensais-je.

Fuyuku, quant à elle, était étonnement silencieuse pour une fois. Elle ne me fit même aucune remarque sur la vitesse à laquelle nous allions qui n’était franchement pas rapide puisque Hoshino s’arrêtait dès qu’elle voyait un animal ou une plante hors du commun. Cependant, je n’osais pas lui demander ce qui clochait, de peur de me prendre une avalanche de reproches sans queue ni tête.

Nous marchâmes ainsi deux bonnes heures avant de prendre une pause au bord de la petite rivière, sur une sorte de plateau où la vue était assez dégagée sur les environs. Mon premier réflexe fut de chercher la ville et je ne mis pas très longtemps à la trouver. Je fus néanmoins surpris par la distance qui nous séparait d’elle. Vus depuis la forêt, les monts paraissaient tout proches mais vue d’ici, la ville n’était qu’un minuscule point perdu entre l’océan et la marée d’arbres.

« Ah, les marches en montagne, il n’y a rien de tel pour changer d’air ! S’exclama Hoshino en inspirant un grand coup.

-Je vous rappelle qu’on est ici pour détruire un monstre ; grogna Fuyuku.

-Tu ne me sembles pas vraiment de bonne humeur ; fis-je enfin remarquer. Pourtant tu avais l’air enthousiaste il y a encore quelques jours.

-Non, je suis de très bonne humeur, ça ne se voit pas ?! Allez, finis la pause, il est temps de repartir ou ce familier va nous filer entre les doigts. »

Sans ajouter un mot, la rouquine remit son sac sur le dos et partit sans même nous attendre. Nous nous regardâmes avec Hoshino, surpris par tant d’agressivité mais nous ne cherchâmes pas à en savoir davantage et nous reprîmes nous aussi notre chemin à travers la forêt.

La deuxième partie de l’excursion fut légèrement plus compliquée car nous nous éloignâmes un peu des sentiers battus qui, selon Fuyuku, étaient bien trop fréquentés pendant la journée et nous continuâmes notre chemin à travers les rochers et la végétation dense, ce qui n’avait pas l’air de ravir Hoshino qui n’était pas du tout habillée pour cela.

Vers midi, nous prîmes une seconde pause pour le déjeuner, cette fois-ci, assis sur des arbres morts mais l’humeur de notre organisatrice ne s’était toujours pas améliorée. Je commençais sérieusement à me demander s’il n’y avait pas un problème dont elle préférait ne pas nous parler pour une raison obscure…

« Nous en avons encore pour deux heures de marche je pense ; déclara-t-elle en regardant vers le sommet. Une fois en haut, nous installerons notre campement et il n’y aura plus qu’à attendre que ce monstre se pointe.

-Et…Comment peux-tu être certaine que nous allons le voir ? Lui demanda Hoshino, sceptique.

-Juste une intuition…Répondit Fuyuku évasivement. »

Je fronçai les sourcils. Décidemment, quelque chose n’allait pas avec mon amie et je comptais bien découvrir le problème. Certes, je n’appréciais pas spécialement quand elle passait son temps à me dénigrer mais la voir ainsi était vraiment trop étrange pour moi.

Nous levâmes le camp une demi-heure plus tard pour continuer notre ascension et, plus nous montions, plus je sentais que quelque chose n’allait pas ici. Peu à peu, les bruits de la forêt tels que les chants des oiseaux ou même le vent bruissant dans les feuilles des arbres, disparaissaient pour ne faire place qu’à un silence pesant. Même les insectes se raréfiaient, y compris les moustiques si agaçants…

Au bout d’un moment, le bruit de nos pas et nos respirations devinrent les seuls sons que nous pouvions entendre tant la forêt était calme. Je ne savais pas si c’était un phénomène naturel lorsqu’on gravissait les montagnes mais l’expression d’Hoshino me disait le contraire…

Je décidai de lancer quelque chose, histoire de détendre l’atmosphère qui commençait à vraiment devenir pesante.

« Dites, Hoshino, Fuyuku, vous savez à quoi ressemble le sommet ?

-Non mais j’ai entendu dire qu’il était vraiment beau. Il parait qu’il y a même un lac mais il est assez difficile d’accès donc peu de gens s’y aventurent ; me répondit la blonde tout en râlant contre une branche qui s’était encore accrochée à sa jupe.

-Ouai, c’est ce qu’il parait ; enchaina Fuyuku sans conviction.

-Tu sais ce qu’elle a ? Murmurai-je suffisamment bas pour que notre meneuse ne nous entende pas.

-Si seulement. Elle était encore de très bonne humeur hier, non ?

-De bonne humeur, c’est relatif mais oui, elle était normale en tout cas…

-Va savoir, peut-être qu’elle ne s’est pas levée du bon pied qui sait ; hasarda-t-elle en haussant les épaules. »

Cette explication ne me convainquait pas du tout mais je voyais qu’Hoshino n’avait pas plus de réponse que moi et je laissai tomber pour le moment.

Finalement, notre ascension prit beaucoup plus de temps que prévu entre les détours à cause des broussailles ou des taillis trop épais et des nombreuses pauses faites à cause de la fatigue, si bien que nous n’arrivâmes au sommet qu’une fois la nuit presque tombée.

Même si la visibilité était réduite, je pouvais néanmoins affirmer que nous nous trouvions sur un grand plateau recouvert d’herbe et entouré de sommets bien plus hauts, dont certains étaient même enneigés.

« Bon, installons-nous ici, ça ne sert à rien de continuer alors qu’on y voit rien, on risquerait même de tomber dans le lac sans même s’en apercevoir ; déclara Fuyuku en posant ses affaires. »

Nous n’eûmes aucune objection et nous nous attelâmes à monter la tente, récolter du bois pour le feu de camp et sortir tous les ustensiles qui allaient nous être utiles.

Cependant, monter une tente dans le noir n’était pas la chose la plus simple à faire et, après trois coups de marteau sur mes doigts en voulant enfoncer les piquets, je décidai d’abandonner et de dormir simplement à la belle étoile et personne ne fut contre cette idée.

Le diner fut assez sommaire, de simples saucisses au feu de bois et du riz, le tout cuisiné par Hoshino qui s’avéra presque aussi douée que Daichi. Une fois le repas terminé, alors que je pensais que nous allions simplement nous coucher, Hoshino me retint près du feu et afficha un sourire malicieux.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


« Bien, maintenant c’est l’heure de la traditionnelle histoire de fantômes ; déclara-t-elle.

-Vous n’avez pas passé l’âge pour vous faire peur avec ce genre de truc ? Rétorquai-je, exténué après notre marche de la journée.

-C’est la tradition, Hinata, tu n’as pas le choix ! »

Vaincu et surtout trop fatigué pour protester, je me rassis à côté de Fuyuku qui n’avait presque pas dit un seul mot depuis le début du diner et Hoshino se râcla la gorge avant de commencer d’une voix lente et se voulant mystérieuse.

« Ce que je vais vous raconter ici est une histoire totalement vraie. C’est celle de la poupée Robert, une poupée hantée. Un jour, un peintre nommé Robert Eugène Otto reçut une poupée de la part d’un des serviteurs et prêtre vaudou de sa famille qu’il prénomma de son propre nom. Au début, tout allait bien, il jouait avec elle, inventait des histoires où il la faisait parler mais un beau jour, les parents d’Eugène entendirent un vacarme assourdissant provenant de sa chambre et, lorsqu’ils arrivèrent, ils le virent recroquevillé dans un coin, tous les meubles saccagés et la poupée seule au milieu du désastre. Voyant cela, les parents décidèrent d’enfermer la poupée au grenier mais les voisins affirmèrent alors l’avoir vue bouger seule et…

-Ce serviteur devait être un bien piètre invocateur ; la coupa Fuyuku sans prêter vraiment attention à l’histoire. Après tout, le vaudou n’est qu’une dérive plus ou moins fidèle de la création de familiers.

-Hein quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ? M’étonnai-je.

-ça fait bien longtemps que je ne crois plus aux histoires de fantômes. La plupart sont bel et bien vraies mais ce ne sont ni des fantômes, ni des esprits, simplement des familiers, très faibles pour la plupart.

-Je ne suis pas d’accord Yuki ! Rétorqua Hoshino, frustrée d’avoir été interrompue dans son histoire. Peut-être que Robert est bel et bien un familier mais comment expliques-tu le diamant Hope par exemple ? On ne peut pas créer de familier autour d’un objet pareil !

-Ah ça…Pour le coup, c’est de la superstition, rien de plus, mais moi j’ai une histoire vraiment flippante ; lui répondit-elle avec un léger sourire au coin de la bouche qui me rassura un peu, me montrant qu’elle était simplement ailleurs pendant la journée et que rien de grave ne se passait.

-Vas-y, je t’écoute, essaie de nous faire peur ; la défia la blonde en croisant les bras sur sa poitrine.

-Laissez-moi donc vous raconter l’histoire d’Hanako-san.

-Eh, mais c’est nul ça, tout le monde la connait cette histoire et elle ne fait même pas peur ! Protesta la jeune fille, déçue.

-Donc tu vois que toi-même tu n’y crois pas ; s’amusa la rouquine. »

Pour toute réponse, Hoshino gonfla les joues et alla directement se coucher.

« Tu devrais y aller aussi, Hinata, il se fait tard et une longue journée nous attend demain.

-Tiens, tu ne me traites pas de monstre aujourd’hui ? m’étonnai-je.

-Je suis trop fatiguée pour ça ; se contenta-t-elle de répondre. »

Mon amie alla se coucher à son tour et, même si son comportement continuait à m’intriguer, j’étais moi aussi bien trop épuisé pour me poser des questions.

Cependant je fus réveillé assez rapidement par les moustiques et le froid dans mon sac de couchage. Décidemment, je n’étais pas habitué à la vie en plein air car Hoshino, elle, avait prévu sa moustiquaire et dormait profondément. Fuyuku, quant à elle…

Je m’étonnai soudain de voir que son sac de couchage était vide. Je pensais d’abord qu’elle était simplement allée faire un tour mais au bout de dix minutes, ne la voyant pas revenir, je commençai à sérieusement m’inquiéter et je partis à sa recherche…ce qui était stupide puisque je ne voyais pas à deux mètres devant moi…

Heureusement, je n’eus pas à chercher bien longtemps car je la trouvai assise sur un rocher non loin de là, recroquevillée sur elle-même. Je fis exprès de faire un peu de bruit en arrivant pour ne pas lui faire peur mais ma présence ne sembla même pas l’étonner.

« Désolée pour aujourd’hui, le monstre, je n’étais pas vraiment dans mon assiette ; déclara-t-elle d’une voix mélancolique.

-Ca je l’ai bien remarqué oui ; lui répondis-je en prenant place à côté d’elle. »

Je vis alors qu’elle tenait dans sa main le pendentif qu’elle utilisait toujours avant de se battre.

« Alors, qu’est-ce qui ne va pas ?

-Rien, je repensais simplement à ma dernière excursion ici ; soupira Fuyuku. Nous avions dû faire demi-tour à mi-chemin parce que je m’étais foulé la cheville. »


https://www.youtube.com/watch?v=e6Ri_uA_R2k


La jeune fille émit un petit rire amusé en prononçant ses paroles mais, même si elle n’était pas très précise, j’avais très bien compris de quoi elle parlait.

« J’imagine que tu n’as jamais vu le sommet encore dans ce cas ; lui répondis-je sans oser la regarder.

-Non. J’avais même piqué une crise en demandant à mon père de me porter alors que j’avais douze ans…ce qu’il avait refusé catégoriquement, évidemment ; s’amusa la rouquine, se parlant plus à elle qu’à moi.

-C’était donc ça ton véritable but ?

-On va dire qu’il y avait de ça oui…Avoua-t-elle en baissant les yeux. Sincèrement, je ne sais pas si on va trouver ce familier ici…mais je voulais simplement trouver une excuse pour vous emmener ici…Je ne voulais pas y retourner seule…Mais désolée si je n’ai pas paru très agréable aujourd’hui, j’étais vraiment perdue dans mes souvenirs… »

Je ne trouvais rien à répondre à cela. Je n’avais aucun souvenir de ma vie d’humain et encore moins de mes parents si j’en avais eu. Mais étrangement, je pouvais comprendre ce que Fuyuku ressentait rien qu’à l’entendre. J’avais certainement vécu une situation similaire un jour…

Je levai les yeux au ciel et je fus étonné de constater à quel point le ciel était pur ici. Le maigre croissant de lune était à peine visible dans la mer d’étoiles qui planaient au-dessus de nos têtes. Finalement, je ne regrettai pas d’être venu ici. Rien que pour voir ce spectacle, le déplacement en valait la peine.

« Tu as de la chance…de pouvoir te souvenir d’autant de choses ; finis-je par lâcher dans un murmure. Les souvenirs, heureux ou douloureux, restent des souvenirs, des preuves de ta vie passée.

-Crois-moi le monstre, je peux t’assurer qu’il y a des choses qu’il vaut mieux oublier ; rétorqua-t-elle avec un léger sourire. Mais j’imagine que tu as raison, j’ai de la chance… »

Nous restâmes là pendant une bonne dizaine de minutes, sans rien nous dire, à simplement contempler les étoiles au-dessus de nous, dans l’infini silence de la nuit. Je ne pensais à rien. J’étais juste heureux d’être là, en compagnie de Fuyuku et Hoshino qui étaient peut-être agaçantes la plupart du temps mais qui restaient deux amies précieuses.

« Un jour, toi aussi tu retrouveras la mémoire ; déclara-t-elle soudain.

-Comment peux-tu l’affirmer avec autant de certitude ?

-Une intuition on va dire et au pire, on t’aidera ; me répondit mon amie avec un large sourire. »

Je rougis en la voyant. C’était la première fois qu’elle me souriait de la sorte, sans ironie ni arrière-pensée, simplement de l’espoir.

Sur ces mots, nous retournâmes dormir, l’aube étant encore loin mais je me pris à vouloir que cette sortie ne s’arrête jamais et que ces jours paisibles continuent éternellement, loin de ces histoires de Savior et de fondation, comme si nous n’étions que trois amis ordinaires, souhaitant simplement passer du temps ensemble…



Chapitre 9 : Enlèvement



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=J5cgX1Pxx-U


Le lendemain, après un petit déjeuner aux aurores, nous nous remîmes en route. Je fus soulagé de voir qu’après notre discussion de la veille, Fuyuku était redevenue elle-même et s’agitait dans tous les sens dans l’espoir de trouver son fameux reptile volant.

De jour, je pouvais voir distinctement le mont Hiuchi et, comme décrit dans les livres, il était vraiment magnifique.

Nous nous trouvions sur un haut plateau entièrement recouvert d’herbe et parsemé de petites fleurs de montagnes telles que des Edelweiss ou des campanules bleues. De temps à autres, la pelouse était entrecoupée de petits points d’eau limpide dans lesquels se reflétait un ciel bleu comme l’azur et sans nuage. Un paysage typique des montagnes japonaises mais qui ne cessait de m’émerveiller.

Les monts aux alentours se perdaient dans les nuages et leurs sommets était recouverts d’une fine couche de neige étincelante. J’aurais bien aimé aller voir cela de plus près mais Fuyuku semblait bien décidée à trouver son monstre volant…

« Au fait, Fuyuku, dis-moi un truc ; lançai-je pour briser le silence.

-Oui, je t’écoute ?

-Qu’est-ce qu’on cherche exactement ? Il a bien un nom notre lézard volant, non ?

-Ah…Peut-être bien oui, je ne suis pas experte dans ce domaine. Je me contente de les exterminer sans vraiment savoir ce qu’ils sont ; me répondit la rouquine en haussant les épaules.

-Si vous voulez mon avis, ce qu’on cherche doit être un Ropen ; lança alors Hoshino en se joignant à la conversation d’un air joyeux. C’est un familier souvent utilisé pour les repérages grâce à leur très bonne vue dans le noir ! Ils sont même capables d’émettre de la lumière comme des balises dans la nuit !

-Et…C’est tout ce dont ils sont capables ? M’étonnai-je.

-Oui, il ne me semble pas qu’ils aient beaucoup d’autre capacités et… »


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Hoshino s’interrompit net dans sa phrase et écarquilla les yeux avant de regarder furtivement tout autour d’elle, l’air effrayée. Je penchai la tête sur le côté, déconcerté et Fuyuku s’arrêta, intriguée par l’attitude de la jeune fille.

La blonde sortit alors son téléphone portable et je vis une goutte perler de son front mais avant que je n’aie pu voir ce qui la terrifiait tant, elle rangea son appareil dans sa poche et tenta de sourire, en vain.

« Un problème, Miki ? S’inquiéta Fuyuku.

-N…Non, rien du tout, tout va bien ! S’exclama Hoshino avec un rire forcé. Je me suis juste rappelé à l’instant que j’avais oublié de fermer la porte de chez moi ! »

Nous nous regardâmes avec Fuyuku, ne croyant ni l’un ni l’autre au mensonge d’Hoshino mais aucun de nous deux n’eut envie de la questionner davantage et nous reprîmes notre chemin comme si de rien n’était.

Cependant, au moment où nous nous remîmes en marche, je sentis comme un courant d’air froid dans ma nuque, comme si quelqu’un respirait tout près de moi alors qu’il n’y avait personne…

Nous avançâmes ainsi encore pendant une bonne demi-heure et ce sentiment de ne pas être seuls me suivit pendant toute la marche. Hoshino ne semblait pas plus rassurée que moi et sursautait à chaque craquement de brindille et à chaque cri d’oiseau au loin.

Soudain, Fuyuku, qui jusque-là n’avait montré aucun signe d’inquiétude, s’arrêta brutalement et se retourna vers un rocher derrière nous.

« Allez, arrête de te cacher et sors de là maintenant ! S’exclama-t-elle. »

Au début, je crus qu’elle était devenue folle mais mon cœur rata un battement lorsque j’entendis des bruits de pas dans l’herbe et qu’un instant plus tard, je vis surgir Daichi, l’air attrapé et visiblement assez mécontent d’avoir été découvert.


https://www.youtube.com/watch?v=ek_ReBed57g


« Vous n’êtes pas cool les gars ! Se plaignit-il. Vous m’envoyez dans un trou paumé pendant que vous vous amusez en montagne !

-Co…Comment as-tu su ? Bégayai-je, me rendant compte du danger qu’il courait.

-J’ai écouté aux portes évidemment ! Franchement, si vous ne vouliez pas de moi dans votre club, il fallait le dire avant et… »

Le blondinet fut interrompu par un soupir de Fuyuku qui, baissant les épaules, tourna le dos à la montagne vers laquelle nous nous dirigions et se mit à faire demi-tour, elle aussi ayant certainement compris qu’il était inutile de continuer avec Daichi sur le dos.

« De toute façon, on n’a rien trouvé ; dit-elle d’un ton las. Tu n’as rien raté à part les gémissement d’Hinata qui est incapable de faire trois pas en montagne.

-Eh, je ne te permets pas ! Protestai-je. »

Fuyuku ne releva pas davantage et commença la descente et je m’apprêtai à la suivre lorsque je me rendis compte qu’Hoshino s’était figée au milieu de la pelouse, les yeux ronds et tous les membres tremblants.

« Eh…Hoshino-san…Est-ce que tout va bien ? S’inquiéta alors Daichi.

-S…Sl…Bafouilla la blonde, incapable de terminer sa phrase.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Un puissant vent glacial souffla sur la plaine et amena avec lui un épais brouillard sorti de nulle part. Le ciel, une seconde auparavant bleu et sans nuage, était à présent invisible, de même que les montagnes et les fleurs. C’était à peine si j’arrivai à distinguer les ombres de Fuyuku, Hoshino et Daichi dans cette purée de pois.

La rouquine recula prudemment et se rapprocha de moi jusqu’à ce que nos dos fussent collés et j’entendis sa respiration s’accélérer. Mon pouls s’emballa lui aussi lorsque je compris que ces événements étaient tout sauf naturels.

Tout à coup, je vis une quatrième ombre se dessiner à côté de Daichi et tout mon corps fut parcourut d’un frisson. L’ombre était celle d’un homme incroyablement fin, presque comme un squelette de deux mètres de haut et dont les yeux rouges perçaient à travers l’épaisse brume.

« Daichi, Dégage de là ! Lui ordonnai-je, affolé. »

Mon ami eut tout juste le temps de se retourner et de se jeter à terre pour éviter les deux bras filiformes de la créature qui allaient se refermer sur lui.

Tentant de profiter de cette attaque ratée, je me jetai sur le monstre mais, au moment où j’aurais dû frapper la créature, mon poing se heurta à du vide et l’ombre se dissipa dans le brouillard.

« Co…Comment…

-Hinata…Changement de plan…Grimaça Fuyuku en me rejoignant. Il n’est plus question de trouver ce Ropen…

-On prend la fuite ? Suggérai-je, ayant hâte de sortir de là.

-Non…On ne peut pas…

-Comment ça « on ne peut pas » ? M’étranglai-je.

-Notre ennemi…Est un Familier de rang A+, ayant déjà fait de nombreuses victimes partout dans le monde, mieux connu sous le nom de…

-Slender Man…Couina Hoshino en se blottissant contre moi. »

Je retins ma respiration. J’avais déjà entendu parler de ce Slender Man sur internet et ce que j’avais lu à son sujet ne me rassurait pas du tout. Je comprenais à présent mieux la réaction d’Hoshino un peu plus tôt. Si le mythe était vrai, alors elle avait dû ressentir la présence oppressante de cette créature et son téléphone s’était certainement détraqué à proximité de lui…

En temps normal, je n’aurais pas été inquiété mais Daichi changeait radicalement la donne. Ni Fuyuku, ni Hoshino, ni moi ne voulions révéler à un garçon ordinaire nos pouvoirs et il était, contrairement à nous, bien plus vulnérable.

Je serrai le poing, tentant de contrôler mes tremblements et je me rapprochai un peu plus de Fuyuku.

« Dis…Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Lui murmurai-je à l’oreille.

-Je ne sais pas…Je t’avais bien dit que ton boulet allait nous attirer des problèmes ; grogna-t-elle, sur ses gardes. Quelle plaie…Sur tous les familiers existants, il a fallu qu’on tombe sur lui…

-Est-ce qu’il y a un moyen de mettre Daichi à l’abri le temps de vaincre ce monstre ?

-Aucun ; me dit-elle d’un ton catégorique. Mais si tu avais une cervelle, tu chercherais à te mettre d’abord à l’abri avant de protéger ton boulet…

-Vraiment ? Je ne vois pas… »

La rouquine ne me laissa pas terminer ma phrase et me poussa à terre, juste à temps pour éviter les doigts squelettiques du familier qui allaient se refermer sur moi.

Je vis Fuyuku dégainer son épée et tenter de les trancher mais, comme mon attaque, la sienne ne trancha que de la brume et le monstre se dissipa à nouveau.

Soudain, j’entendis un cri derrière moi. Je me retournai en sursaut et ce que je vis me glaça le sang. Sous mes yeux, Hoshino se fit happer par les bras du Slender Man et disparut dans le brouillard sans qu’aucun d’entre nous n’eût pu réagir.

« H…Hoshino-San…Bégaya Daichi, livide. »

Mon amie tenta de se lança à la poursuite du monstre mais au même moment, l’épais voile de nuage se dissipa, de même que toute trace du monstre ou de la cadette…

Sous le choc, je me relevais en titubant et me mis à regarder de tous les côtés, cherchant désespérément un signe de mon amie ou du monstre mais rien, pas même une trace de pas.

Je me tournai vers la chasseuse pour lui demander ce qu’il fallait faire maintenant mais son regard était vide et elle fixait le sol, les épaules basses.


https://www.youtube.com/watch?v=gwkvdKg18ZY


« Fuyuku…Commençai-je.

-Je le savais…Je savais que c’était une mauvaise idée…Marmonna-t-elle. »

Prudemment, je m’approchai d’elle et je lui mis ma main sur l’épaule. Elle releva timidement la tête et je lui lançai un regard chaleureux pour tenter de la réconforter.

« Le monstre…Murmura-t-elle, au bord des larmes.

-Tout ira bien. On retrouvera Hoshino ; la rassurai-je.

-Tu…Tu ne sais vraiment pas à qui tu as à faire…Rétorqua-t-elle.

-Si, je le sais. Et c’est pour ça que je refuse d’abandonner.

-Qui t’a parlé d’abandonner ? Evidemment que je n’abandonnerai pas Miki à son sort ! Répliqua la rouquine en élevant légèrement la voix. C’est juste que…Par ma faute, quelqu’un se retrouve encore en danger…

-Que veux-tu, ce sont les risques du métier j’imagine ; dis-je en haussant les épaules. »

Je me tournai ensuite vers Daichi qui n’avait pas dit un seul mot depuis la disparition de notre amie.

« Rentre au dortoir, Daichi. On s’occupe du reste.

-Comment ça ? Vous voulez que je vous laisse affronter le Slender Man seuls ? S’étrangla le garçon. C’est hors de question, je viens avec vous ! »

Pour toute réponse, Fuyuku, vive comme l’éclair, se rapprocha du blondinet et lui mit l’épée sous la gorge sans qu’il n’ait eu le temps de réagir mais, contre toute attente, il ne paniqua pas et garda un sang froid extraordinaire.

« Je…Je suis aussi l’ami d’Hoshino-san et je suis membre du club, je veux venir aussi !

-Tu vois bien que, si je l’avais voulu, j’aurais pu te trancher la gorge, Daichi ; le menaça la rouquine. Slender Man n’est pas un ennemi à prendre à la légère et lui, il ne te fera aucun cadeau.

-Je le sais bien ! Mais…Si Hoshino s’est faite enlever…J’ai l’impression que c’est en parti à cause de moi…Alors s’il vous plait, laissez-moi me racheter ! Je sais que je peux être stupide et irréfléchi voire même lourd mais je ne veux pas que les autres souffrent à cause de moi ! Je ne veux pas être un fardeau ! »

J’eus un pincement au cœur lorsque mon colocataire dit cela en repensant à toutes les fois où Fuyuku l’avait traité de boulet. Elle aussi dû se sentir mal car elle grimaça et fit disparaitre son épée en soupirant.

« Est-ce que tu te rends compte au moins qu’en nous accompagnant, tu seras le pire boulet existant ?

-Je peux me protéger seul, je sais me battre…plus ou moins ! Rétorqua Daichi, déterminé.

-Ce n’est pas ce que je veux dire. Je…Enfin, nous sommes des Espers, Hinata et moi, nous pouvons facilement affronter ces monstres mais toi…

-Des Espers…hein ? Répéta le blondinet à voix basse. J’ai toujours su que vous aviez quelque chose de plus et que vous me cachiez des choses…

-Peut-être mais ce n’est pas le moment de parler ! Pendant que nous dissertons, Hoshino est peut-être en danger ! Les interrompis-je. Daichi, si tu veux venir, viens mais si les choses tournent mal, fuis.

-ça, aucun problème, je sais faire ! »

A ce moment-là, je ne compris pas ce qui me prit mais je fus envahi d’une énergie nouvelle et, prenant les devants de Fuyuku, je prononçai les mots qu’elle s’apprêtait à dire :

« Changement d’objectif : on abandonne le Ropen et on part à la chasse au Slender Man ! M’exclamai-je. Mission : Sauver Hoshino à tout prix ! »

Nous levâmes nos poings au ciel en chœur avant de reprendre notre chemin là où nous l’avions arrêté, nous enfonçant un peu plus dans les montagnes.


https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE


Plus nous avancions et plus les montagnes auparavant joyeuses et attrayantes perdaient leur charme. Plus d’herbe verte ni de petites fleurs bleues. Seules la roche nue et les mousses verdâtres peuplaient un paysage monotone et sans vie.

Fuyuku avait reprit la tête de l’expédition et Daichi marchait au milieu, à l’affut du moindre bruit suspect ou du moindre mouvement louche. Quant à moi, j’assurais nos arrières en fermant la marche.

Selon les dires de la jeune fille, le Slender Man – ou plutôt son invocateur – utilisait la brume pour attaquer et ainsi désorienter ses adversaires qui croyaient à l’attaque d’une sorte de fantôme.

Cependant, Daichi avait souligné un point plutôt inquiétant : ce familier, en plus de faire dysfonctionner les appareils électroniques, était capable de manipuler l’esprit des gens…

Evidemment, il ne prenait pas possession de leur cerveau mais il émettait des ondes susceptibles de modifier le comportement des personnes fragiles.

Aucun d’entre nous ne disait un mot. Nous étions totalement focalisés sur le sauvetage d’Hoshino et même Daichi n’avait pas cherché à en savoir plus sur nos pouvoirs, lui qui était le roi des commères en temps normal.

Soudain Fuyuku s’arrêta brutalement et scruta le ciel en fronçant les sourcils avant de poser un genou à terre et d’examiner le sol stérile et froid.

« Un problème ? S’étonna Daichi.

-Oui…Je déteste ce type de familier ; grommela la rouquine. Etre capable de se déplacer dans la quatrième dimension, cela devrait être interdit…

-Attends…la quatrième dimension tu dis ? Répétai-je, interdit.

-D’après la légende oui, il serait capable de se volatiliser dans un espace parallèle pendant un court instant ; ajouta Daichi, peu rassuré.

-On parle d’un familier de rang A+ je te rappelle. Même s’il en existe des bien plus puissants, il n’est que dans la moyenne haute. Ce genre de pouvoir ne devrait pas t’étonner, Hinata ; ricana Fuyuku.

-V…Vraiment ? Et si voyager dans la quatrième dimension n’est que la moyenne haute…Qu’y a-t-il tout en haut de l’échelle ? Frissonnai-je.

-Des créatures « divines » on va dire, genre Cthulhu ou Quetzalcoatl ; me répondit-elle en haussant les épaules.

-J’imagine…Qu’on devrait être content de n’avoir qu’un A+ alors…

-Mais pour le moment, tu as perdu sa trace, Fuyuku-chan, n’est-ce pas ? Reprit le blondinet. »

La jeune fille se releva en soupirant. Le soleil avait beau être au zénith, nous n’avions pas plus de visibilité qu’en pleine nuit dans cette affaire.

« Daichi, donne-moi ton téléphone ; ordonna-t-elle au garçon.

-Et…Pourquoi ça ?

-Donne-le moi c’est tout. »

Sans faire davantage d’histoire, le blondinet sortit son portable et Fuyuku tenta de l’allumer. L’écran de veille de Daichi apparut mais il était brouillé et entrecoupé de bandes noires, comme si le verre était brisé.

« Bon, le monstre est toujours dans les parages, c’est déjà ça ; déclara-t-elle. Logiquement, le téléphone devrait réagir à la présence du Slender Man.

-Je vois, un peu comme une boussole…C’est plutôt intelligent ; m’étonnai-je.

-Bof, ce n’est qu’un tour de passe-passe ; me répondit-elle en haussant les épaules. »

Suivant ainsi notre boussole de fortune, nous nous enfonçâmes toujours plus profondément dans les montagnes et surtout, toujours plus haut. L’air commençait à se rafraichir violemment et rapidement, nous fûmes les pieds dans la neige.

Mais aucun de nous ne se plaignit. Nous n’avions pas le temps pour ça. Il nous fallait sauver Miki au plus vite.

Je n’avais d’ailleurs pas vraiment de doute sur l’identité des ravisseurs. Il devait certainement s’agir des hommes aux Lindorms et aux chiens noirs encore une fois…

« Dis-moi, Hinata…Commença soudain Daichi. Ça fait longtemps que vous chassez les monstres sans moi ? »

Je lançai un regard interrogateur à Fuyuku pour lui demander s’il fallait lui révéler toute l’histoire mais son désintérêt pour la question m’incita à tout révéler à Daichi. Ainsi, je lui racontais tout ce que je savais sur les deux jeunes filles et je prétendis être un simple Esper pour faire simple.

Le garçon écouta avec intérêt mon histoire tout en continuant notre chemin et, lorsque j’eus terminé, celui-ci croisa les bras sur son torse, l’air pensif.

« Et dire que tout cela se passait sous mon nez et que je n’ai rien vu…

-Heureusement que tu n’as rien vu ; rétorqua Fuyuku d’un ton sec sans même se retourner. Quel genre d’Esper serais-je si j’avis commis une erreur aussi grossière ? Mais je ne pensais pas que tu serais assez stupide pour nous rejoindre.

-J…J’imagine que j’aurais mieux fait de rester dans mon coin…oui…Bredouilla le garçon en baissant la tête.

-Enfin, ce qui est fait est fait. L’heure n’est pas aux reproches mais au sauvetage de Miki. »

Honteux, mon ami baissa un peu plus les yeux et fixa le sol. J’avais un peu pitié de lui mais Fuyuku, même si ses mots étaient crûs, avait raison.

Nous escaladâmes cette haute montagne encore une demi-heure avant d’arriver sur un haut plateau aride faisant penser à un décor presque lunaire. L’eau était en partie gelée et autour, seules quelques rares mousses arrivaient à survivre dans ces conditions extrêmes.

Fuyuku s’arrêta et regarda le téléphone de Daichi : l’écran était à présent presque entièrement noir. Nous ne devions plus tout proche de notre but.

Cependant…Nous ne pouvions pas aller plus haut de là où nous étions. Ce plateau était le sommet de la montagne et l’autre versant était un immense ravin…

« Et maintenant ? Demandai-je à notre guide.

-Laisse-moi réfléchir… »

La rouquine s’approcha du lac et je regardai Daichi en penchant la tête sur le côté mais il se contenta de me répondre par un haussement d’épaules et nous rejoignîmes la jeune fille.

Sans prévenir, Fuyuku lança le téléphone de mon ami au beau milieu du lac sous nos yeux effarés mais, avant que le blondinet n’eût le temps de protester, une vive explosion se produisit lorsque l’appareil heurta la surface de l’eau.

« Bingo ; se félicita la jeune fille.

-Et…C’était pour quoi ça ? S’indigna Daichi. »

Fuyuku l’ignora royalement et se contenta de matérialiser son épée, un sourire vainqueur se dessinant sur ses lèvres.

« Allez, sors de là, Slender Man ! »


https://www.youtube.com/watch?v=uGy45tGyDCA


Au moment même où elle prononça ces mots, l’épais brouillard qui avait envahi la montagne un peu plus tôt réapparut et nous enveloppa à nouveau. Daichi émit un gémissement de peur et je me mis sur mes gardes, prêt à intercepter ce monstre.

Une ombre fantomatique se dessina à l’endroit où le téléphone avait explosé. Deux yeux rouges percèrent dans le brouillard et la silhouette d’un homme squelettique apparut.

Lentement, la brume autour de la créature se dissipa, comme si elle était absorbée par le familier et je pus voir distinctement le corps du monstre : il s’agissait d’un humanoïde de deux mètres, portant un costume noir, au crâne chauve et à la tête dénuée de visage à l’exception d’une bouche remplie de dents acérées. Ses bras et ses jambes étaient longs et les manches flottaient, comme s’il n’y avait que des os sous ce costume.

Dans le dos du monstre, juste au niveau du cou se déployaient comme des sortes de tentacules d’ombre émanant une aura inquiétante et ondulant lentement. Le familier semblait léviter quelques centimètres au-dessus du sol et, à ses pieds, inconsciente, se trouvait Hoshino.

« Hoshino ! S’écria Daichi, les yeux ronds de peur. »

Le garçon tenta de s’approcher mais Fuyuku lui barra la route avec son épée, sans quitter le Slender Man des yeux.

Etrangement, le monstre ne bougeait pas et l’atmosphère était pesante, comme si des dizaines d’autres paires d’yeux nous observaient au même moment.

« Je vois…Alors comme ça, mes hommes disaient vrai, ma fille s’est vraiment associée à la chasseuse ; déclara le monstre d’une voix lente et grave qui me fit frissonner.

-Anko…Yukito je présume ? Grimaça Fuyuku.

-Ma fille m’a déjà présenté…Fort bien, cela m’épargnera de long discours ; continua le père d’Hoshino à travers la bouche du familier. Cependant, il est temps pour moi de mettre un terme à cette fugue ridicule. Je vous suis reconnaissant de vous être occupés d’elle mais à présent, il est temps pour elle de rentrer à la maison. »

Le familier se baissa pour attraper Hoshino mais Fuyuku l’en empêcha en tirant un rayon d’énergie noire avec sa main pile entre la jeune fille et le bras du monstre.

« Oh, de la résistance ? Sachez que Miki étant sous ma responsabilité, je peux considérer que vous la retenez actuellement en otage ; reprit l’homme d’une voix dénuée de sentiment.

-Si cela vous fait plaisir, oui, nous la retenons en otage ; répliqua Fuyuku avec un calme faisant froid dans le dos.

-Dans ce cas, je suis dans mon droit de vous attaquer sans craindre de représailles de la loi…

-Venez, je vous attends ! S’exclama la rouquine en brandissant son épée devant elle. »

Lentement, le monstre changea de cible et se tourna vers nous. Le Slender Man écarta les bras et ses tentacules s’allongèrent derrière lui et la lueur dans ses yeux redoubla d’intensité tandis que son corps s’éleva haut au-dessus de nous, entouré d’une aura noire.

Une goutte de sueur coula le long de mon front et j’ordonnai à Daichi de se mettre à l’abri…ou du moins d’éviter autant que possible le combat, ce qu’il fit immédiatement et sans demander son reste.


https://www.youtube.com/watch?v=CoRbgUZb0n4


« Mon nom est Anko Yukito, président de la branche Savior au Japon, détenteur du familier communément appelé Slender Man ! Vous n’avez aucune chance face à moi ! S’exclama le familier. »

Tout en prononçant ces mots, un vague d’énergie s’échappa de son corps et la bourraque produite me déstabilisa et je vis que Fuyuku faisait son possible pour ne pas chanceler également.

Sans autre sommation, l’homme maigre passa à l’attaque, projetant ses tentacules droit vers nous. J’esquivai de justesse le premier assaut et le tentacule s’écrasa sur le sol, ouvrant un énorme cratère de plusieurs centimètres de profondeurs.

Je déglutis devant la puissance de ce familier. Les Lindorms étaient déjà terrifiants mais ce Slender Man…Rien qu’avec ce coup, je sentais que notre adversaire était d’un tout autre niveau.

Je tournai la tête vers ma partenaire et je la vis trancher d’un seul coup les membres sombres du monstre mais ceux-ci se reformaient aussitôt en aspirant la brume qui nous entourait.

Rapidement, la rouquine fut également obligée de reculer et vint à côté de moi, à une distance suffisante pour être hors de portée des attaques du monstre.

« Que je déteste ce type de familier ! Cracha-t-elle, furieuse. Je suis totalement désavantagée !

-Tu sais comment le battre ? Lui demandai-je en serrant les dents.

-Aucune idée…Non, mais je vais improviser ! »

Sans me laisser le temps de répondre, la jeune fille repassa à l’attaque, fonçant dans le nuage de tentacules de la créature, tentant de forcer le passage en tranchant tout avec son épée mais rien n’y faisait, les défenses du monstre étaient bien trop grandes et Fuyuku finit par être repoussée violemment.

Avec un cri de douleur, ma partenaire fit un vol plané et je la rattrapai de justesse avant qu’elle ne plonge dans le lac gelé.

« Bon sang…Quelle saleté ce familier…Grogna-t-elle en se remettant debout, secouée par le choc.

-Dis-moi…Est-ce que tu penses que je pourrais le contrôler et…

-Non, surtout pas ! S’écria-t-elle, affolée. »

Je sursautai, surpris d’une réponse aussi violente.

« Slender Man est un familier qui agit directement sur le cerveau, tenter de le contrôler reviendrait à t’exposer pleinement à son pouvoir !

-Dans ce cas…Qu’est-ce que je peux faire ?

-Protège le boulet en attendant que je trouve une solution ! »

La rouquine ne me laissa même pas objecter et repartit à l’assaut du monstre, commençant à lui tourner autour dans l’espoir d’attaquer dans son angle mort mais ses tentacules semblaient avoir des yeux et ripostaient quel que fût l’angle d’attaque.

Quant à moi, comme demandé, je restai auprès de Daichi au cas où un autre familier aurait surgi mais soudain, mon ami se jeta sur moi et me fit rouler sur le côté. Je m’apprêtai déjà à le traiter de fou lorsque je vis le sol carbonisé juste à l’endroit où nous nous trouvions un instant plus tôt.

J’écarquillai les yeux, interdit, ne voyant aucun signe de l’attaque qui provenait clairement de derrière nous…

« Q…Que s’est-il passé ? Bafouillai-je.

-Un tentacule est sorti de nulle part derrière nous…Me répondit le blondinet, confus.

-De…Nulle part ? »

Mon esprit tilta à ce moment-là et je me souvins des mots de Fuyuku lorsqu’elle me parlait de la capacité de ce monstre à se déplacer dans la quatrième dimension…

Cela ne sentait pas bon du tout. Si le Slender Man utilisait cette faculté pour attaquer, il n’y avait aucun endroit sûr et nos yeux ne nous étaient d’aucune utilité…

Je voulus prévenir Fuyuku mais avant que je n’aie pu la rejoindre, deux bras squelettiques surgirent devant moi et m’attrapèrent les jambes.

Je m’étalai de tout mon long sur la pierre dure et je ressentis une vive douleur au poignet qui avait servi pour amortir ma chute.

Lorsque je réalisai que les doigts griffus de la créature s’enfonçaient dans ma chair, je me débattis et, concentrant toute mon énergie dans mes jambes, je fis un bond de trois mètres en arrière si puissant que les mains du monstre lâchèrent prise.

J’atterris en douceur près de Daichi et aussitôt, je tentai d’arrêter l’hémorragie en déchirant un bout de mon pantalon. La blessure était profonde et risquait de s’infecter si rien n’était fait mais pour le moment, nous devions trouver un moyen de vaincre cette créature au plus vite.

Fuyuku continuait à tourner autour du monstre, portant des coups vifs aux endroits non protégés mais à chaque fois, des tentacules d’ombre se formaient à partir de la brume et repoussaient les assauts de la rouquine qui s’épuisait à vue d’œil.

« Daichi…Comment est-ce qu’on bat le Slender Man dans ton jeu stupide ? Lui demandai-je alors, désespéré et à court d’idée.

-Comment ça, le battre ? Répéta-t-il comme si je venais de dire quelque chose de stupide. On ne peut pas battre le Slender Man, il faut fuir quand on le voit !

-Très utile comme conseil…Grommelai-je. »

Pendant que nous cherchions un moyen de vaincre ce monstre, j’entendis un cri provenant de Fuyuku. Nous nous retournâmes en sursaut et nous vîmes que le pied de la jeune fille avait été attrapée par l’une des tentacules du Slender Man et qu’elle pendait en se débattant vainement à deux mètres du sol.

« Fini de jouer les enfant, Miki rentre à la maison à présent ! »

D’un geste ample, le monstre projeta Fuyuku contre moi et cette fois-ci, je fus incapable de la rattraper et nous nous écroulâmes tous les deux sur le sol.

L’épée de la jeune fille se planta à quelques mètres de nous entre deux rochers tandis que la rouquine tenta de se relever avant de retomber aussitôt, un long filet de sang perlant le long de sa jambe.

« Attaquer par le sol…ça devrait être interdit ça aussi…Maugréa-t-elle, incapable de faire le moindre geste. »

Voyant Fuyuku à terre, je cherchai Daichi du regard pour le protéger et mon cœur rata un battement lorsque celui-ci se saisit de l’épée dorée et la brandit devant lui.

« Attends…Qu’est-ce que tu comptes faire avec ça ? M’étranglai-je.

-Je…C’est en partie de ma faute tout ce qui arrive…alors même si je suis un boulet…Je veux être un boulet utile ! S’exclama le garçon, tremblant.

-Oh ? Tu n’es ni un Esper ni un invocateur, que comptes-tu faire ? S’amusa le père de Miki à travers la bouche de son familier. »

Daichi grimaça et, poussant un cri de rage, commença à foncer vers Slender Man. Le monstre émit un sourire et désarma le pauvre garçon d’un seul coup avec l’une de ses tentacules.

« Un humain qui connait les secrets d’ESP et de Savior…Doit mourir ; déclara calmement le monstre. »

La brume forma un nouveau tentacule aiguisé comme un épieu et le familier attaqua Daichi sans autre sommation.

« Daichi ! M’écriai-je, affolé. »

Sans réfléchir une seule seconde, et voyant uniquement mon ami en danger, j’oubliai complètement les avertissements de Fuyuku et j’activai les mêmes pouvoirs que ceux utilisés contre les chiens noirs.

« Stop ! Ordonnai-je au monstre. »

Comme répondant à mon ordre, le tentacule s’arrêta à quelques centimètres du cœur de Daichi qui poussa un soupir de soulagement.

Mais alors que je pensais que j’avais réussi à contrôler ce monstre, le Slender Man tourna lentement sa tête vers moi et le monde commença à se distordre sous mes yeux.


https://www.youtube.com/watch?v=izEqFumCraY


Le familier se mit à grandir, encore et encore, comme une ombre grandissante et ses tentacules se mirent à m’entourer jusqu’à m’emprisonner totalement dans une prison entièrement noire, sans aucune lumière.

Mon cœur battait la chamade, je suai à grosse goutte et ma tête me faisait affreusement mal. Je me mis rapidement à avoir du mal à respirer et sous mes pieds, deux immenses yeux rouges se dessinèrent.

Je fis un bond, effrayé et le Slender Man réapparut devant moi, entouré de son aura sombre et un sourire malsain se dessinant sur sa bouche sans lèvre et aux dents acérées.

« Allons bon, voilà un Esper qui se croit tout puissant ; ricana la voix du père d’Hoshino. Tu pensais vraiment pouvoir utiliser tes facultés psychiques sur Slender Man ? La chasseuse s’entoure de bien des incompétents… »

Je ne répondis rien, cherchant simplement à m’enfuir de cet endroit mais j’étais totalement emprisonné dans ce qui semblait être l’esprit du familier.

« Tu viens de t’exposer directement au pouvoir qui classe Slender Man au rang A+ et il est temps pour toi d’en subir les conséquences ! Il parait que pour un Esper, le souvenir de comment contrôler ses pouvoirs est ce qu’il y a de plus important… »

Sans que je ne puisse bouger, je vis les doigts griffus et squelettiques de Slender Man s’approcher de ma tête et la pénétrer comme si mon crâne n’existait pas.

Pendant plusieurs instants, mon cœur cessa de battre. Je ne voulais pas perdre le peu de souvenirs que j’avais de mon temps passé avec Fuyuku…Mais je ne pouvais rien faire, j’étais totalement paralysé…

Je le sentais, l’esprit du familier s’introduisant dans mon intimité et fouillant dans ses moindres recoins pour retrouver mes souvenirs les plus précieux…

Soudain, un éclair jaillit de ma tête et le familier se retira vivement, tombant à la renverse sur le sol, les yeux ronds et son sourire ayant quitté ses lèvres pour ne faire place qu’à une grimace et un regard terrifié.

« Non…Ce n’est pas possible…Tu ne devrais même pas exister…Hikaru Hinata ! Gémit le père de Miki en mettant les mains devant son visage pour se protéger. »

La prison sombre vola au même moment en éclats et me libéra. Haletant, je tombai à genoux devant Fuyuku et Daichi tandis qu’en face de nous, le familier reculait prudemment.

« Hinata, mon pote, est-ce que tout va bien ? S’affola Daichi.

-Je…Je crois que oui…Bégayai-je, encore sous le choc de l’attaque.

-Tu es stupide ou quoi ? Je t’avais dit de ne pas tenter de le contrôler ! Râla la rouquine en se remettant debout en se servant de son épée comme d’une béquille.

-Ce qui compte, c’est le résultat…Dis-je entre deux respirations. »

La chasseuse se tourna alors vers Slender Man et pointa son épée vers lui. Même s’il semblait quelque peu désorienté, il n’avait pas l’air d’avoir abandonné la partie et nous faisait toujours face, deux mètres au-dessus du sol, les tentacules déployées derrière lui.


https://www.youtube.com/watch?v=HVPZ-KZNlrQ


« Hinata…Daichi…Eloignez-vous s’il vous plait ; nous demanda Fuyuku très calmement. »

Sans nous faire prier, nous obéîmes et la jeune fille prit son épée à deux mains. Tout son corps fut alors illuminé d’un éclat doré, comme celui qui brillait dans ses yeux lorsqu’elle combattait. Son arme prit également cette teinte et sa composition même sembla changer. La lame s’allongea, noircit tandis que la garde changea de forme, grossissant, se courbant et se couvrant d’une plaque dorée.

Slender Man repassa à l’attaque en utilisant son pouvoir de traverser les dimensions mais, lorsque l’épée de Fuyuku trancha le tentacule, celui-ci ne repoussa pas et le monstre poussa un cri de douleur.

« Co…Comment ? Hurla le père de Miki, fou de rage. »

Pour toute réponse, la rouquine leva son arme aussi dessus de sa tête et ferma les yeux. Ses cheveux crépitèrent et virèrent au doré eux aussi tout en s’élevant légèrement derrière elle, comme flottant dans son dos grâce à une force invisible.

Le monstre repassa plusieurs fois à l’attaque mais, à peine entrait-il en contact avec la peau de Fuyuku que ses membres se désagrégeaient sans pouvoir repousser, comme si le corps de Fuyuku…

« Je ne comptais pas me servir de mon pouvoir une nouvelle fois…Mais il n’y a aucun autre moyen…Murmura la jeune fille.

-C’est une feinte ! Je ne peux pas perdre ce combat ! Hurla Slender Man, redoublant de violence dans ses attaques.

-Anti-Mater Sword…Dark Excalibur !! »

La rouquine abattit son épée devant elle et je vis un immense rayon noir fuser droit vers le Slender Man qui ne pu parer l’attaque et fut heurté de plein fouet.

Le monstre poussa un rugissement de douleur tandis que je vis son corps être annihilé progressivement puis, dans une explosion de lumière, Slender Man disparut définitivement de notre champ de vision et la brume se dissipa immédiatement, nous laissant entrevoir Hoshino, toujours inconsciente au milieu du lac, couchée sur un bloc de glace.

Fuyuku, lâchant son arme qui disparut immédiatement, tomba à terre et Daichi la rattrapa juste avant qu’elle ne touche le sol.

Quant à moi, je restai bouche bée devant la puissance de l’attaque de la rouquine, à la fois fasciné et terrifié par son pouvoir, comprenant soudain à quel point j’avais frôlé la mort de près le jour où elle m’avait attaqué…

« F…Fuyuku…Balbutiai-je. Qu’est-ce que c’était que…

-Mon…Mon joker…On va dire…Articula-t-elle avec difficulté.

-Mais alors, ton pouvoir…ce n’est pas cette épée…

-Bien vu…Le monstre…Je peux créer…De l’antimatière… »

A bout de forces, mon amie s’écroula dans les bras de Daichi, inconsciente, nous laissant tous les deux abasourdis et choqués.

« Fuyuku…Tu pourrais détruire le monde avec un tel pouvoir…Murmurai-je alors. »





http://forum.duelingnetwork.com/index.php?/topic/157103-the-wrap-up-red-lust-circuit-series-miami-edition/#entry2134192
le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [23/02/2017] à 12:18

Fuyuku Yuki : A la recherche d’humanité


Prologue



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=eIqxHpK97m4

Un jour, je me suis posé cette question : que signifie réellement « être humain » ? Est-ce l’appartenance à l’espèce humaine ? Posséder une intelligence supérieure à celle des autres créatures ? Etre capable de penser et de raisonner ? Posséder une âme ? Ou bien cette définition ne se limiterait-elle pas à simplement une apparence physique ?

Une créature que l’on appellerait « monstre » car différente physiquement de nous ne pourrait-elle pas également penser, raisonner, aimer et haïr comme le ferait n’importe quel être appartenant au genre homo Sapiens ? Dans ce cas, pourrait-on la qualifier « d’être humain » malgré son apparence et ses différences ?

Au contraire, que serait un homme dénué d’âme ? Un homme corrompu, n’étant guidé que par son instinct ou par la haine et oubliant tout autre sentiment ? Cet homme-là pourrait-il être encore qualifié « d’humain » s’il se comporte de la même façon que les créatures que nous appelons « monstre » ?

Longtemps, je pensais que seule l’apparence comptait, qu’un homme né homme était forcément un être humain, quelle que soit son attitude et que les familiers n’étaient que des monstres sanguinaires tous plus hideux les uns que les autres, des créatures qu’il fallait exterminer somme toute.

Après tout, c’était la philosophie de la fondation ESP et j’en avais été imprégnée depuis ma plus jeune enfance. Rien de ce que j’avais pu voir ou entendre n’avait été suffisant pour me faire me remettre en question.

Et pourtant, un jour, moi qui croyais être humaine entièrement et qui ne rêvais que d’exterminer les familiers, créatures infâmes et dangereuses, je fus prise à mon propre jeu et je devins un monstre aux yeux de tous et de moi-même…




Fuyuku Yuki : La naissance d’une Esper



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=S1baWtCsK8s


« Ceci conclut donc notre cours sur la reproduction sexuée des pissenlits. La prochaine fois, nous aborderons le développement des mitochondries ainsi que leur respiration. »

Tandis que notre professeur de SVT rangeait ses affaires et quittait la classe, je terminai la lecture de mon livre intitulé « Les créatures mythiques existent : reptiliens et terre creuse, les bases de notre civilisation » en riant intérieurement. J’aimais m’amuser des bêtises qui trainaient dans ces ouvrages écrits par des soi-disant spécialistes n’ayant jamais vu rien de plus que l’ombre de ces monstres.

« Encore à lire tes théories du complot Yuki ? »

Lentement, je levai la tête vers la personne qui venait de prononcer ces mots qui n’était autre que Chihiro Kazumi, ma meilleure amie de collège. Il s’agissait d’une grande fille brune aux cheveux toujours attachés, aux grands yeux marrons pétillant de malice et au visage fin. Même si elle avait énormément de succès auprès des garçons, elle trainait avec moi depuis que nous nous étions assises à côté en début de primaire, quatre ans plus tôt. Nous formions une sorte de duo inséparable, à tel point que me voir sans elle ou la voir sans moi était devenu quelque chose d’inconcevable pour beaucoup.

La jeune fille me regardait avec amusement, les jambes croisées, la main posée sur ma table, un sourire stupide sur les lèvres.

« Kazumi, si tu savais ce qui se tramait dans notre dos sans qu’on le sache, tu ferais moins la maligne ; rétorquai-je en rangeant le livre dans mon sac. »

Mon amie émit un petit gloussement et nous sortîmes toutes les deux de la salle de classe. Même si je savais pertinemment que les monstres existaient grâce au travail de mes parents, j’étais obligée de garder le secret. C’est pourquoi, je m’amusais à passer pour la fille cinglée, croyant aux complots, extraterrestres et reptiliens, tout en m’assurant d’avoir l’air suffisamment dégénérée pour ne pas être crédible. Cela me permettait non seulement d’être un peu tranquille mais j’aimais aussi voir à quel point les gens pouvaient être ignorant sur le monde qui les entourait.

Normalement, en tant que fille d’Espers et d’agents de la fondation ESP, j’aurais dû être placée dans une école spécialisée mais mes parents avaient tenu à me tenir relativement éloignée de ce monde car j’étais totalement incapable de contrôler mes pouvoirs.

A vrai dire, je ne savais pas moi-même ce qu’ils étaient puisque je n’avais jamais réussi à les activer de manière volontaire et, les rares fois où ils s’étaient manifestés, j’avais détruit des salles entières de la fondation. C’est pourquoi, après avoir terrifié tous mes camarades en maternelle et avoir été prise pour un monstre par plusieurs adultes, mes parents m’avaient strictement interdit de me servir de mes pouvoirs et m’avaient placée loin du monde des Esper et des familiers.

Cependant, cela ne me dispensait pas de suivre tout de même quelques cours théoriques avec la fondation, même si je devais me faire passer pour une Esper sans capacité spéciale pour éviter d’attirer l’attention sur moi et qu’on me demande de faire une démonstration de mes talents ou ce genre de choses risquant de m’attirer les foudres de tout le monde une nouvelle fois.

Mais, même si j’appréciais mes jours de tranquillité, je rêvais au jour où, moi aussi, je serais en mesure de contrôler ces pouvoirs pour pouvoir combattre aux côtés de mes parents et exterminer ces monstres de Savior qui menaçaient notre monde! Devenir l’héroïne de la fondation et protectrice de l’humanité…C’était mon souhait le plus cher et je m’entrainais dur pour être prête lorsque ce jour arriverait.

« Alors, quel est le programme aujourd’hui ma Yuki ? Me demanda alors mon amie une fois que nous fûmes sorties de l’école.

-Et bien, j’ai escrime jusqu’à dix-neuf heures. Pourquoi ? Tu voulais faire quelque chose de particulier ?

-Il parait que Savior tient une conférence sur les créatures paranormales ce soir, ça te dirait d’y aller, toi qui es toujours le nez fourré dans ces histoires ? »

Je grimaçai intérieurement. Pour les civils comme Kazumi, Savior et Esp n’étaient pas deux fractions secrètes se livrant une guerre dans l’ombre mais deux organisations comme les autres.

Alors que Savior se cachait derrière le masque de l’entreprise à la pointe de la technologie et laboratoire de recherche en génétique, ESP arborait le logo de l’armée humanitaire protégeant les populations dans les zones dangereuses.

Voyant mon hésitation, Kazumi pencha la tête sur le côté, intriguée.

« Et bah alors, tu as quelque chose de prévu finalement ? Un rendez-vous avec un garçon ?

-N…Non ! Répliquai-je aussitôt en rougissant. Je pensais juste à autre chose ! Evidemment que je suis partante !

-Parfait, dans ce cas, on se retrouve à vingt-heure devant la gare ! »


https://www.youtube.com/watch?v=7Hcq71AJQns


Sur ces mots, mon amie me salua d’un signe de la main avant de disparaitre au coin de la rue. Une fois qu’elle fût hors de mon champ de vision, je poussai un long soupir.

Même si la guerre de Savior et ESP se passait dans l’ombre et que je n’avais rien à craindre puisque je n’étais pas un membre à part entière de la fondation, l’idée de mettre les pieds chez l’ennemi ne m’emballait pas plus que ça. Mais je ne pouvais rien refuser à Kazumi, elle qui était la seule à me supporter plus de deux jours avec mes histoires. Je pouvais bien faire cet effort pour elle.

Avec ce nouveau programme en tête, je fis demi-tour et pris la direction du QG de la fondation qui était mon centre d’entrainement à l’escrime. Il s’agissait d’une grande tour de verre, la plus haute de toute la ville et devant avoisiner les deux-cents mètres, sur laquelle se dressait fièrement une immense antenne à son sommet, ainsi qu’un poste d’observation sur le toit.

Le bâtiment ne passait vraiment pas inaperçu pour le QG d’une organisation secrète. Déjà qu’il était la seule construction au milieu d’un vaste parc entouré de hauts murs, il était également indiqué sur tous les panneaux de la ville, comme une vulgaire attraction touristique.

Je passai la grande porte avec ma carte magnétique, signe d’appartenance à la fondation, et seul moyen de rentrer à l’intérieur du complexe, puis, passant rapidement dans le grand hall vide à l’exception de quelques guichets d’accueil, je me dirigeai immédiatement vers les ascenseurs et appuyai sur le bouton menant au dernier étage.


https://www.youtube.com/watch?v=UQqgMs6g5tY


Lorsque les portes s’ouvrirent, je tombai nez à nez avec un groupe de lycéens parlant fort et que malheureusement, je ne connaissais que trop bien. Il s’agissait de Shiro Kojiro, un garçon à la carrure aussi imposante que le volume de sa voix, ainsi que sa bande d’idiots. Comme tous les membres, ils possédaient des pouvoirs d’Esper mais, contrairement aux autres, ils n’hésitaient pas à s’en servir pour faire régner leur loi, en particulier avec ceux qui ne possédaient pas de pouvoirs.

Je sortis donc de l’ascenseur en baissant les yeux et passant le plus rapidement possible à côté d’eux mais ils ne me loupèrent pas et l’un d’entre eux me retint par l’épaule.

« Eh bien, eh bien, qu’avons-nous là ? Une Esper sans pouvoir qui s’est perdue je crois ; ricana Shiro en prenant cet air supérieur que je détestais tant. »

Je ne répondis rien et me dégageai d’un coup sec sans même les regarder, ce qui eut le don de les faire rire comme des abrutis.

« Tu ne dis même plus bonjour à tes supérieurs, Fuyuku ? Me lança la brute d’un ton menaçant.

-Il me semble que j’ai eu de meilleures notes que toi au dernier examen, Shiro, donc c’est plutôt toi qui devrais me saluer ; rétorquai-je ironiquement. »

Le garçon grogna et une décharge électrique me parcourut les jambes tout à coup, me faisant sursauter en poussant un cri. La bande de brutes sans cervelle éclata de rire et je me retournai pour leur lancer un regard noir tandis que le chef me regarda avec ses yeux innocents qui me rendirent folle.

« Oups, désolé, ça m’a échappé ; me lança-t-il d’un ton faussement coupable. Tu sais, ce n’est pas toujours facile de contrôler ses pouvoirs…Ah bah non, suis-je bête, tu ne sais pas, tu n’en possèdes pas ! »

La pique de Shiro fit repartir tout le groupe dans un fou rire général et ceux-ci me laissèrent là-dessus. Tous mes membres tremblaient, mes poings étaient serrés et je pouvais sentir le sang me monter à la tête tant ils m’avaient énervée.

« Je vous jure…Le jour où je contrôlerai mes pouvoirs…Je vous montrerai qui est votre supérieure…Marmonnai-je en serrant le dents, tentant de canaliser ma colère tandis qu’une sinistre aura noire commençaient à m’entourer.

-Oh, Fuyuku, tu es là ! »


https://www.youtube.com/watch?v=ZIZzj3e4SJs


Lorsque j’entendis cette voix derrière moi, toute ma colère retomba d’un seul coup et, en me retournant, je reconnus mon partenaire d’escrime, Tachibana Riki, un garçon assez frêle pour son âge, me dépassant à peine de quelques millimètres, au visage encore assez enfantin et aux grand yeux bleus reflétant l’innocence de la jeunesse. Ses cheveux étaient assez longs mais comme il les tirait toujours vers l’arrière, cela ne se voyait que dans sa nuque et sur ses oreilles.

Ce dernier était déjà en tenue et avait son épée à la main, ainsi que son casque sous les bras et semblait déjà essoufflé.

« Qu’est-ce que tu fabriques ? Ça fait dix-minutes qu’on a commencé, je commençai à m’inquiéter !

-Désolée, j’ai juste croisé une bande d’idiots en chemin mais le principal c’est que je sois là, non ?

-Peut-être mais dépêche-toi sinon tu vas encore te faire passer un savon ! »

Je souris légèrement et, tandis que Riki repartit dans la salle d’entrainement, je pris la direction des vestiaires. Il ne me fallut que deux minutes pour enfiler mon uniforme se composant d’un pantalon et d’une veste d’escrime, mais aussi, contrairement aux clubs classiques, de protections. En effet, utiliser nos pouvoirs était autorisé en plus des épées.

Lorsque j’arrivai dans la salle, tout le monde était déjà en plein match et seul Riki attendait sur le banc d’un air ronchon, se tenant le menton avec ses mains.

« Je suis prête ; lui lança-je joyeusement en me plaçant devant lui.

-Et bien quand même, j’ai failli attendre ; râla-t-il en gonflant les joues.

-Le principal c’est que tu n’aies pas attendu dans ce cas ! »


https://www.youtube.com/watch?v=Y_kWXJc753o


Le garçon lâcha malgré lui un petit rire amusé et nous prîmes place sur le terrain. Après nous être salués, nous nous mîmes en position et j’attendis qu’il fasse le premier mouvement. Je n’aimais pas attaquer en première, à chaque fois, je laissai une ouverture qui m’obligeait finalement à me défendre comme je n’utilisais pas mes pouvoirs.

Riki commença soudain avec une quinte que je parai aisément, puis enchaina avec une septième et une autre quinte avant de viser directement mon bras. Je fus obligée de me reculer pour éviter son attaque mais il ne me laissa même pas le temps de me remettre en position qu’il visa cette fois-ci ma tête.

Je déviai sa lame de justesse et titubai sous l’effet du choc. Voyant mon vacillement, Riki s’engouffra dans cette ouverture et tenta de m’attaquer sur le côté. Encore une fois, j’esquivai à la dernière seconde mais cette fois-ci, je profitai de notre proximité pour tenter une attaque à bout portant.

Cependant, il ne s’agissait pas d’un combat d’escrime classique et, utilisant ses pouvoirs, attira ma lame contre la sienne comme un aimant et m’empêcha de la décoller.

Je grimaçai et je vis un sourire amusé sur le visage du garçon derrière son casque tandis que, inversant la polarité du champ magnétique, mon arme fut soudainement violemment repoussée, et moi avec. Je glissai ainsi sur trois bons mètres et Riki se précipita sur moi, voyant déjà la victoire. Cependant, alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres de moi, je profitai de l’élan que j’avais pour faire un salto arrière, me permettant d’esquiver son coup et de le toucher directement à la tête sans que le pauvre garçon ne puisse riposter.

Le tableau afficha le résultat du match et j’enlevai mon casque, légèrement essoufflée par cet échauffement mais contente d’avoir gagnée.

« Ce qui nous fait 5-4 pour moi avec cette victoire ; lui lançai-je, triomphante.

-Tu es vraiment incroyable, Fuyuku, même avec mes pouvoirs, je suis incapable de te distancer ; me répondit-il avec un sourire.

-Que veux-tu, c’est le talent mon cher.

-Est-ce que tu pourrais me montrer ton talent une nouvelle fois alors ? Me demanda-t-il, un air de défi dans son regard.

-Comme tu voudras mais si tu perds, la prochaine fois, tu me paies le diner ! »


https://www.youtube.com/watch?v=Y_bQW5hVkMI


Sur ces belles paroles, nous reprîmes notre affrontement amical. Nous enchainâmes ainsi les duels pendant plus d’une heure sans qu’aucun d’entre nous ne réussisse à prendre clairement l’avantage sur l’autre et nous finîmes cette séance d’entrainement sur une autre égalité.

Lorsque le cours s’acheva, je fis comme toujours un bout de chemin avec Riki. Le garçon, contrairement à moi, était membre à part entière de la fondation et participait déjà à quelques missions de repérages. Il me racontait donc souvent ses journées, et chaque fois, cela me motivait un peu davantage pour maitriser au plus vite mes pouvoirs et partir sur le terrain pour vivre les mêmes aventures que mon ami.

Nous nous séparâmes comme toujours à un croisement près de chez moi et je rentrai immédiatement prendre une douche et me changer pour ma sortie avec Kazumi. Mes parents m’avaient laissé un mot dans la cuisine pour prévenir qu’ils étaient en mission, ce qui m’arrangeait pour une fois.

J’enfilai donc un jean sombre, un t-shirt uni ainsi qu’une veste longue et je m’attachai les cheveux avant de ressortir de chez moi et retrouver mon amie devant la gare…avec dix minute de retard, une fois de plus.


https://www.youtube.com/watch?v=C8CU46C7gnU


« Yuki, tu n’es vraiment jamais à l’heure ; me fit-elle remarquer d’un air faussement mécontent.

-Le quart d’heure de grâce comme on dit en France ; lui répondis-je avec un sourire malicieux.

-Peut-être mais la conférence, elle, commence à l’heure donc on ferait mieux de se dépêcher… »

Sans me laisser le temps de répondre, Kazumi me prit par le bras et nous fonçâmes jusqu’au bâtiment principal de Savior, un grand complexe futuriste abritant de nombreux bâtiments tous plus reluisants les uns que les autres et nous entrâmes dans l’un d’eux qui était un amphithéâtre immense.

Lorsque nous arrivâmes, la salle était déjà presque pleine ; à l’exception du premier rang, et la conférence avait déjà commencé, si bien que nous fûmes obligées de nous asseoir sur les marches pour ne pas nous faire remarquer.

Je jetai un rapide coup d’œil dans l’assistance mais, comme je le pensais, il n’y avait aucun invocateur, seulement des civils dans la salle. Même le maitre de conférences semblait être un simple scientifique mais je restai néanmoins sur mes gardes tant que j’étais en territoire ennemi.

La conférence débuta sur une introduction assez longue et ennuyeuse sur la cryptozoologie ainsi que sur les faux témoignages tournant un peu partout dans le monde avant de s’attaquer à plusieurs créatures comme le Yéti, le Dahu ou même des vouivres sans que je ne fus plus intéressée que cela mais mon attention remonta lorsque le scientifique aborda le cas de Nessie.

« Nous avons par conséquent traqué le monstre du Loch Ness pendant plusieurs jours mais rien ne semblait indiquer la présence de cette créature dans le lac. Cependant, nous avons fait une trouvaille intéressante : le canal reliant le lac à la mer semble s’être élargi et nous avons retrouvé plusieurs traces dans le sable qui sont bien trop grande pour appartenir à un autre animal. De plus, regardez cette photo ! »

A l’écran derrière le scientifique, nous vîmes apparaitre l’ombre de ce qui semblait être la tête d’un ancien reptile marin et deux yeux rouges luisant dans l’ombre et des cris de surprise et d’exclamation s’élevèrent dans toute la salle et même Kazumi fut surprise.

Je grimaçai en la voyant. A quoi jouait Savior ? Pourquoi divulguaient-ils des informations pareilles à des civils ? Essayaient-ils de collecter des fonds en recrutant des adhérents au mouvement ou bien cherchaient-ils simplement à se donner de la crédibilité pour ne pas être fermés par l’Etat ? Je l’ignorai mais dans les deux cas, qu’une organisation aussi importante dévoile de telles photos ne pouvaient certainement pas être bon pour ESP.

« Nous avons pris ce cliché dans la mer de Nord il y a quelques jours et nous pensons, à juste titre, qu’il s’agit de la fameuse créature.

-E…Excusez-moi ! M’exclamai-je soudain en me levant et en attirant tous les regards sur nous. »

Kazumi détourna les yeux, gênée et je déglutis en voyant que tout le monde avait les yeux rivés sur moi mais à cet instant, je m’étais sentie obligée de contrecarrer les plans de Savior, quels qu’ils fût.

« Un problème, mademoiselle ? Me demanda le scientifique, sceptique.

-J…Je ne vois pas du tout un monstre sur cette photo moi !

-Et que voyez-vous alors si ce n’est pas indiscret ?

-On dirait plus…une branche dans l’eau avec le reflet du flash sur la photo si vous voulez mon avis… »

Lorsque je dis cela, des murmures s’élevèrent dans la salle et je vis bien que je venais de rallier les plus sceptiques à ma cause. Cependant, le maitre de conférences ne se laissa pas démonter et, remontant ses lunettes sur son nez, reprit la parole d’un ton confiant :

« Je peux comprendre que vous soyez sceptique, mademoiselle, mais nos appareils n’ont pas de flash. De plus, nous avons enlevé tous les arbres avant de commencer l’exploration pour éviter ce genre de confusion.

-Mais il y a de nombreux animaux dans les parages ; rétorquai-je. Il pourrait très bien s’agir d’une loutre ou d’un chien qui se baigne. De toute façon, on ne voit rien sur votre cliché. Si vous vouliez vraiment prouver son existence, pourquoi est-ce que vous avez pris des caméras de 1980 et pas des appareils 4K ?

-Mademoiselle, nous répondrons à vos questions à la fin de cette conférence si vous le voulez bien, il faut…

-Je suis d’accord ! S’exclama soudain Kazumi en se levant comme une supporter de foot encourageant son équipe préférée. »

Ainsi, moins de cinq secondes plus tard, nous nous retrouvâmes à contempler les étoiles cachées par les lumières de la ville et par d’énormes nuages pleurant cette sortie déplorable et grondant leur mécontentement contre cette injustice.


https://www.youtube.com/watch?v=PPyNlaCVme0


« Dis…Yuki…Commença mon amie en grelotant à côté de moi. Est-ce qu’on était obligée d’insister comme ça ?

-Moi, je te dis, il y a quelque chose de pas net dans cette histoire ; grognai-je en éternuant alors que la pluie ruisselait sur mon visage.

-On parle de cryptozoologie, évidemment que tout est faux. Pas la peine d’en faire toute une histoire ; soupira la brune.

-Même en dehors de ça, ce n’est pas normal…Marmonnai-je en croisant les bras sur ma poitrine.

-Je ne vois pas ce qu’il y a d’étrange dans tout cela. C’est du spectacle comme on dit, de la mise en scène pour faire un peu parler d’eux, rien de plus ; me répondit Kazumi en haussant les épaules.

-Mouai…Je ne suis pas convaincue moi…

-Dans ce cas, tu n’auras qu’à retourner leur dire deux mots samedi prochain. Mais pour l’instant, je meurs de faim moi, alors on verra plus tard pour tes histoires ! »

Sans me laisser le temps de répondre, Kazumi m’attrapa par la manche et m’entraina à sa suite sous la pluie battante. Cependant, la dernière phrase de mon amie avait attisé ma curiosité et fait germer une idée stupide dans mon esprit d’aventurière.

Lorsque je rentrai chez moi, je me précipitai pour consulter le site officiel de Savior et, effectivement, ils organisaient une autre conférence la semaine suivante, portant sur le même thème. Et, mieux encore, une visite guidée des locaux avait lieu juste après.

Je me mis à tapoter frénétiquement mon bureau de mon index devant cette information.

En théorie, aucun Esper n’était assez fou pour s’introduire directement dans les quartiers de l’ennemi. La sécurité ne devait donc pas être spécialement élevée.

De plus, Savior était une organisation mondialement connue et assez mystérieuse pour les gens ordinaires. Il était certain que la presse allait participer à l’événement et ainsi canaliser toute l’attention des employés.

Les conditions semblaient optimales pour que je me perde pendant la visite et que j’aille découvrir ce qu’il se tramait derrière toutes ces histoires.


https://www.youtube.com/watch?v=W6h2tEQckHM


Pendant toute la semaine qui suivit, je préparai cette exploration avec minutie, étudiant les plans publics des locaux de Savior, me rendant souvent sur les lieux en tant que visiteuse pour repérer les entrées et les sorties, et m’entrainant plus dur que jamais à l’escrime pour être prête à me défendre en cas d’échec.

J’avais également demandé à mes parents de me parler de leurs missions sur le terrain pour avoir une idée de ce à quoi je pouvais faire face mais leur réponse ne m’aidait pas tellement.

« Tu le découvriras lorsque tu iras toi aussi sur le terrain, Yuki ! M’avait répondu mon père. Pour un Esper, la première mission est comme un baptême, c’est une expérience qui ne se décrit pas !

-Tu pourrais simplement me dire que vous n’avez croisé personne pendant votre mission au lieu de me faire de grands discours ; avais-je soupiré. »

Kazumi remarqua également mon petit manège puisque je ne passais plus énormément de temps avec elle après les cours et finit par se douter de quelque chose.

« Bon, quel coup tordu prépares-tu encore ? Me demanda-t-elle alors que nous mangions le vendredi précédent mon expédition.

-Qu’est-ce qui te fait dire que je prépare quelque chose ? Lui répondis-je d’une voix innocente.

-Rien que la lampe frontale qui dépasse de ton sac me donne la réponse. »

Je grimaçai lorsque je vis qu’effectivement, j’avais oublié d’enlever de mon sac certaines affaires prévues pour l’expédition. Je me résolus donc à lui dire la vérité. De toute façon, elle me connaissait suffisamment bien pour ne pas s’étonner ni me prendre pour une folle.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


« Demain, je vais infiltrer Savior après la conférence ; lui murmurai-je à l’oreille.

-Je savais que je n’aurais pas dû te parler de ça ; dit Kazumi en se frottant les yeux. Je vais encore devoir t’accompagner pour ne pas que tu te mettes dans de sales draps…

-Eh, je peux me débrouiller seule ! Rétorquai-je en gonflant les joues. Et puis, depuis quand, toi, l’élève modèle, tu vas jouer à la délinquante ?

-Depuis que ma meilleure amie le fait et que cette dernière a le talent d’une huitre pour inventer des excuses quand elle se fait prendre.

-Cite moi une seule fois où j’ai sorti une excuse bidon ! Répliquai-je, vexée.

-Ce matin même, tu as dit que tu n’avais pas fait tes devoirs à cause de la queue devant le magasin d’escalade…

-C’était la vérité je te signale ! Hier, j’ai attendu une heure pour acheter cette stupide lampe frontale parce que la caisse était en panne !

-C’est bien ce que je dis, tu ne sais pas inventer des excuses… »

A contrecœur, je finis par accepter la venue de Kazumi à mon exploration des locaux de Savior. A ce stade, j’aurai préféré tout annuler – ESP ne m’aurait pas pardonné si j’avais laissé une civile prendre connaissance de notre monde – mais c’était certainement ma seule chance de montrer mes capacités à la fondation en démasquant Savior.

« Au pire, il me suffit de semer Kazumi pendant la visite, me disais-je. »

Le soir même, au lieu d’aller à mon cours d’escrime, j’invitai mon amie chez moi afin de faire un bref briefing avant la mission du lendemain. Mes parents ne furent pas étonnés de la voir à la maison après sept-heures passées, elle qui avait l’habitude de dormir à la maison, et ils n’étaient d’ailleurs pas mécontents d’avoir quelqu’un à qui raconter leurs histoires que, moi, je connaissais par cœur.

« Alors là, j’ai sauté sur le crocodile, et je lui ai fermé sa mâchoire avec la seule force de mes bras ! S’exclama mon père en mimant le geste.

-Vraiment ? J’aurais adoré voir ça ! S’émerveilla Kazumi, comme à chaque fois qu’il lui racontait cette histoire.

-Tu aurais pu si une certaine personne ici n’avait pas utilisé sa caméra pour bloquer la mâchoire de ce-dit crocodile ; râla ma mère en frappant mon père sur la tête d’un air énervé.

-C’est bon, je t’ai déjà dit que j’étais désolé Sakura ! Se plaignit mon père en se massant son crâne endolori. Et tu aurais préféré que je le laisse me manger la main ?

-Oui, au moins tu aurais eu une excuse pour ne jamais ranger ton bureau, Natsu ! »

Cette fausse dispute quotidienne fit bien rire Kazumi qui avait l’habitude depuis le temps que mes parents se donnent en spectacle et, même si au départ j’avais honte de leur attitude, j’avais fini par m’y habituer…Même s’ils avaient totalement inventé cette stupide histoire de crocodile…

Nous ne nous attardâmes pas davantage à table et nous filâmes dans la chambre où je pris le soin de bien fermer la porte et de m’assurer que personne ne nous entendait de l’autre côté de mur puis je sortis de mon sac tout mon matériel d’exploration pour le lendemain, ainsi que la carte du bâtiment.

« Bon, je te préviens, c’est une mission d’infiltration difficile que nous allons effectuer ; commençai-je avant de me faire couper.

-Parce que tu connais des missions d’infiltration facile toi ? Rétorqua mon amie avec un sourire moqueur sur les lèvres.

-Oui ; me contentai-je de répondre sans développer davantage.

-Très bien, et en quoi est-elle « difficile » alors ? Continua Kazumi en haussant les épaules.

-Regarde cette carte, j’ai noté en rouge les endroits où se trouvaient potentiellement des gardes ou des caméras.

-Tu as fait tomber un pot de peinture rouge sur ton plan quoi ; soupira-t-elle.

-Je suis sérieuse ! J’ai fait des repérages cette semaine et c’est bourré de gardes ! Je suis sûre qu’ils cachent quelque chose !

-Et donc, comment tu comptes t’y prendre avec des gardes tous les centimètres grande génie ? Par les bouches d’aération ?

-Précisément ! M’exclamai-je en montrant tout mon attirail derrière moi. »

Kazumi poussa un nouveau soupir et se prit la tête dans les bras, d’un air désespéré. Cependant, avant que mon amie n’ait eu le temps de se lever et de quitter la pièce, je me saisis d’un second plan, et le lui collai sous le nez.

-Avant de critiquer, écoute-moi trente secondes : sur cette carte du deuxième étage, il n’y a que des bureaux d’employés et de consultants. En gros, les parties inintéressantes pour une visite.

-Merci de m’apprendre ce qui est marqué sur la plupart des écriteaux quand on entre dans le bâtiment ; railla-t-elle.

-La visite a lieu le soir, après la conférence. Cela veut donc dire que les bureaux, et par conséquent, les couloirs seront déserts dans cette partie. Avec tout ce monde qui se balade, les gardes ne devraient pas se soucier des zones en dehors du circuit touristique.

-Donc, si je résume, ton idée, c’est de s’infiltrer par les conduits d’aération pour atterrir au premier étage, n’est-ce pas ?

-Tout à fait ! M’exclamai-je, des étoiles dans les yeux. »

Kazumi se leva d’un air las et se dirigea vers la porte de ma chambre.

« Tâche simplement de ne pas être en retard à ton propre rendez-vous, Yuki ; déclara-t-elle. Et d’ici demain, j’essaierai de nous trouver une excuse pour nous éviter la prison à vie. »

Sur ces sages paroles, mon amie rentra chez elle et je passai le reste de la soirée à regrouper tous les éléments nécessaires pour mon infiltration avant de tomber de fatigue sur mon bureau en examinant encore et encore les plans pour être certaine de ne pas me faire surprendre.

Oui. Cela allait fonctionner. J’allais découvrir ce que tramait Savior en tentant de révéler l’existence des familiers au monde puis j’allais m’en servir contre eux pour les démentir et garder notre monde secret…Telle était la mission d’une héroïne de la justice protégeant un équilibre fragile entre deux univers incompatibles.






http://forum.duelingnetwork.com/index.php?/topic/157103-the-wrap-up-red-lust-circuit-series-miami-edition/#entry2134192
le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [29/03/2017] à 14:01

Fuyuku Yuki : La naissance d’un monstre



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=trT2hnnMyTw

Le lendemain, après les cours, je séchai une fois de plus l’entrainement à l’escrime et nous nous rendîmes, Kazumi et moi, directement au quartier général de Savior juste après les cours.

Nous nous arrêtâmes à quelques mètres de la haute tour de verre de Savior et Kazumi mit une main sur sa hanche, l’air soudain hésitante.

« Il n’est pas trop tard pour faire marche arrière, Yuki, tu sais ? déclara-t-elle.

-Tu rigoles ? C’est la chance rêvée pour moi de révéler que le monde qui nous entoure nous manipule et sauver l’humanité avant qu’elle ne soit dominée ! Rétorquai-je en serrant le poing, déterminée.

-Encore tes théories du complot ; soupira mon amie, dépitée. Et après tu m’étonnes que je sois la seule à trainer avec toi…

-Si les autres ne veulent pas ouvrir les yeux, tant pis pour eux, mais moi, je connais la vérité !

-Oui, oui, c’est cela. Qu’on en finisse vite, on a des devoirs pour demain je te rappelle… »

Je jetai un œil à notre environnement. Comme je l’avais prévu, la sécurité était massée autour de la foule rassemblée au pied du building et les couloirs annexes semblaient déserts. Les lumières des bureaux étaient éteintes dans les étages supérieurs, ce qui me confirmait que tout le personnel était bien mobilisé pour cette visite.

Nous assistâmes dans un premier temps à la conférence, encore une fois sur les dernières recherches de cryptides de Savior mais cette fois-ci, je m’abstins de tout commentaire…même si mes lèvres brûlaient d’envie de contredire toutes ces inepties.

Je pris mon mal en patience pendant plus de deux heures et finalement, mon attente fut récompensée lorsque le circuit touristique commença.

Alors que le groupe s’apprêtait à partir, Kazumi demanda au guide où se trouvaient les toilettes et ainsi, nous pûmes nous éclipser sans attirer l’attention sur nous. Une fois dans la pièce, je fermai la porte à clé et je sortis mon matériel d’exploration : une lampe, un grappin, et nous échangeâmes nos uniformes de collégiennes contre des combinaisons plus sombre, ainsi que des gants et des chaussons pour faire le moins de bruit possible.

« Sérieusement, on avait besoin de tout ça ? Me demanda Kazumi en grimaçant en voyant son reflet dans le miroir.

-Nous sommes des héroïnes de la justice oui ou non ? Il faut faire les choses bien ! Répliquai-je.

-On ressemble plus à des cambrioleuses qu’à des héroïnes si tu veux mon avis ; grimaça la brune.

-Nous sommes des cambrioleuses qui dérobent le mensonge dans ce cas ; affirmai-je avec un sourire malicieux sur les lèvres.

-Si tu le dis ; s’amusa mon amie en riant légèrement. »

Sans plus attendre, je demandai à Kazumi de me faire la courte échelle et, après avoir retiré la grille, nous nous faufilâmes dans les conduits d’aération. Cependant, à peine étions-nous rentrées qu’un problème de taille se présenta à nous : ce n’était pas comme dans les films ni comme dans les jeux vidéo. C’était à peine si nous passions et mes épaules étaient collées aux parois de chaque côté et, évidemment, il n’était pas question de faire demi-tour dans un espace aussi réduit. De plus, j’avais l’impression que chacun de nos mouvements provoquait un boucan d’enfer dans tout le bâtiment…

Ainsi, tentant de faire le moins de bruit possible, nous rampâmes dans ces conduits d’aération pendant de longues minutes et j’avais l’impression que nous n’avions pas d’un centimètre tant se déplacer était délicat…

« Finalement, ce n’était peut-être pas l’idée du siècle…Grommelai-je au bout d’un moment, me rendant compte de mon erreur.

-Non ? Vraiment ? Railla mon amie. Je ne sais pas à quel moment tu t’es dit que nous pourrions marcher debout dans un conduit d’aération mais tu ne devais pas être sobre.

-Tu n’as pas protesté je te signale ; rétorquai-je en serrant les dents.

-Parce que tu ne m’aurais pas écoutée, je me trompe ? »

Je ne répondis rien et continuai à avancer en silence, me maudissant moi-même d’avoir eu une idée aussi stupide mais à présent que nous étions là, notre seule option était d’avancer.

Nous nous perdîmes assez rapidement dans le dédale de galeries et je n’avais plus aucune idée de l’endroit où nous nous trouvions. Nous étions simplement allées toujours tout droit puisque, de toute façon, il nous était impossible de bifurquer, écrasées comme nous étions.

Finalement, après un temps passé dans ces conduits qui n’avaient plus de fin, je finis par voir une légère lumière au bout du tunnel et, commençant sérieusement à avoir des courbatures dans tout le corps, je ne cherchais même pas à savoir où nous allions atterrir et je défonçai la grille avant de sauter sans précaution du tunnel.


https://www.youtube.com/watch?v=c2lACcKfJw0


Lorsque j’atterris sur le sol, je pris une seconde pour examiner les lieux. Il ne s’agissait pas d’un bureau classique comme je l’avais prévu. On aurait plutôt dit une sorte de laboratoire, ou un cabinet médical avec ses nombreuses armoires et ses centaines de petites boites confinées à l’intérieur tandis que plusieurs appareils étranges et peu sympathiques étaient soigneusement rangés.

Kazumi me rejoignit rapidement et pencha légèrement la tête sur le côté devant ce spectacle inattendu.

« Tiens, un laboratoire ? Ce n’est pas ce qui était prévu, je me trompe ? Commença-t-elle, confuse.

-En effet mais c’est encore mieux ! M’exclamai-je, tentant d’être enthousiaste malgré un mauvais pressentiment. Ils doivent conduire toutes sortes d’expériences bizarres ici ! Tentons de trouver des indices ! »

Sans grande convictions, mon amie commença à examiner mollement la pièce, ne voyant là qu’un simple cabinet médical tout ce qu’il y avait de plus normal ; et pour cause, il l’était, mais je savais qu’il cachait quelque chose de bien plus sombre.

Ainsi, je fis plusieurs fois le tour de la pièce, analysant chaque objet, chaque recoin, chaque détail mais rien. Ce n’était qu’un vulgaire cabinet de vétérinaire…Exactement ce que nous aurions dû trouver à l’intérieur du bâtiment d’une organisation de protection de la planète…

Finissant par être lassée de ne rien trouver, Kazumi finit par s’adosser à l’un des murs et croisa les bras sur sa poitrine.

« Bon, tu vois bien qu’il n’y a rien ici ? Partons avant… »

Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que le mur derrière elle bougea légèrement et mon amie sursauta.

« Qu…Quoi ? S’écria-t-elle, blême.

-Oh ! Un passage secret ! Bien joué Kazumi ! La félicitai-je.

-Sérieusement ? Un passage secret ? S’étrangla la brune, comme si elle venait de se rendre compte que je ne racontais pas n’importe quoi. »

Je m’apprêtai à enclencher le reste du mécanisme pour découvrir ce qu’il se tramait réellement ici lorsque j’eus un moment d’hésitation. Ce passage secret devait certainement mener à la partie cachée de Savior, celle concernant les familiers…Je ne pouvais pas prendre le risque de dévoiler ce monde à mon amie…

Je serrai le poing, frustrée mais obligée d’accepter la réalité. Même si nous étions juste devant la vérité, il était hors de question de continuer cette aventure plus longtemps. Mieux valait-il mettre fin à l’exploration aujourd’hui et revenir un autre jour à présent que connaissais ce passage, mais sans Kazumi.

« Je pense qu’on ferait mieux d’en rester là pour ce soir ; commençai-je d’une voix peu assurée. Nous étions simplement venue chercher la preuve que Savior nous cachait des choses et ce passage secret nous le prouve. Inutile d’en savoir plus je pense…

-Mais tu rigoles, Yuki ? Rétorqua-t-elle, soudain animée d’une passion brûlante. Tu avais raison depuis le début et tu ne veux même pas le prouver aux autres en allant voir ce qu’il se trame dans notre dos ?

-Je…Certains secrets doivent le rester je pense…

-Allez, ne va pas me dire que tu as peur ! Me provoqua mon amie dans l’espoir de me faire bouger. Qu’est-ce que tu veux qu’ils cachent là-dedans ? Le monstre du loch Ness ? Le Yeti ? Un phénix ?

-E…Evidemment que non ! C’est juste que…

-On ne va quand même pas reculer si proches du but Yuki ! Nous sommes des héroïnes de la justice, oui ou non ? »

Je me mordis la lèvre, regrettant vraiment d’avoir accepté que mon amie vienne avec moi. Cependant, j’étais coincée. Je ne pouvais pas partir après avoir fait une telle découverte sans éveiller les soupçons de Kazumi…mais je ne pouvais pas non plus l’emmener au cœur de ce monde impitoyable…

Pourquoi les choses ne se passaient-elles jamais comme prévu ? Tout ce que je voulais, c’était trouver les dossiers de la conférence et savoir pourquoi ils tentaient de révéler l’existence des familiers, mais en aucun cas plonger dans la gueule du loup…

Finalement, je finis par céder et je tentai de reprendre cet air sûr de moi et arrogant que j’arborais en permanence lorsque je parlais de cryptides à l’école.

« Oui, tu as raison Kazumi, nous sommes des héroïnes de la justice et nous avons pour devoir de révéler la vérité au monde !

-Ah, je te retrouve, pendant un instant j’ai eu peur de t’avoir perdue ma pauvre ; s’amusa mon amie.

-Tu plaisantes ? J’étais simplement beaucoup tellement excitée que j’ai eu un moment d’absence mais tout va bien maintenant, reprenons notre chasse ! M’exclamai-je en me forçant à rire. »

Ainsi, sans discuter davantage, nous passâmes de l’autre côté du faux mur et nous nous retrouvâmes devant des escaliers de service tout ce qu’il y avait de plus banal.

Nous nous regardâmes un instant, légèrement déconcertées avant de nous décider à monter dans les étages supérieurs. Si j’avais été seule, j’aurais bien jeté un œil aux sous-sols mais avec Kazumi, je devais absolument me rendre là où les risques de découvertes de familiers étaient moindres.

Pendant notre ascension, Kazumi marchant légèrement devant moi, prit la parole d’une voix presque nostalgique.


https://www.youtube.com/watch?v=cvuNo02q0mY


« Tu ne trouves pas que c’est dans ce genre d’endroit que les héros se font attaquer et qu’il y a des courses poursuites ? Hasarda-t-elle pour entamer la conversation.

-Si, c’est typiquement ça ; ris-je en visualisant exactement le genre de scène dont mon amie parlait.

-Si on m’avait dit que je me retrouverai à infiltrer une organisation secrète quand on s’est rencontrées, je ne l’aurais jamais cru je pense…

-En même temps, ce n’était pas bien glorieux ; grimaçai-je.

-Tu trouves ? S’étonna Kazumi, sans se retourner. Moi j’en ai un bon souvenir pourtant.

-Tu parles…J’étais en train de sortir mes théories du complot afin d’éloigner les garçons un peu trop insistants…

-Justement, c’était amusant et, même si je ne te croyais pas à l’époque, tu t’es distinguée des autres filles à mes yeux, toi qui n’avais pas peur de dire ce que tu pensais vraiment.

-Et pourtant, tu me prends toujours pour une demi-cinglée, même aujourd’hui ; ricanai-je ironiquement.

-Une cinglée totale même !

-Merci, ça fait plaisir de se sentir soutenue par ses amies ; grommelai-je, vexée.

-Mais si tu ne l’avais pas été, ma vie de collégienne aurait été bien morne et triste…Après tout, seuls les fous peuvent devenir des héros… »

Je penchai la tête sur le côté, légèrement surprise par sa déclaration mais Kazumi n’ajouta rien et continua à avancer en silence, sans se retourner ne me lancer un seul regard.

Ainsi, nous montâmes un nombre interminable de marches avant de voir enfin une nouvelle porte, totalement normale. Sur le mur était marqué que nous nous trouvions désormais au vingt-cinquième étage, soit le dernier du bâtiment…Ainsi que le bureau du président de Savior au Japon si mes souvenirs étaient bons…


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Cela n’allait pas du tout. Même si j’étais une Esper, personne n’osait s’aventurer dans les quartiers privés du président de Savior. Tout le monde savait que, s’il y avait bien un invocateur dont il fallait se méfier, c’était de lui.

Il ne fallait pas que nous restions là. J’étais téméraire, pas suicidaire. Certaines limites ne devaient pas être franchies et j’en étais bien consciente.

Je m’approchai donc de la porte et fis semblant de ne pas être en mesure de l’ouvrir dans l’espoir que nous rebroussions chemin.

« Zut, je crois que c’est fermé à clé…Simulai-je en tirant mollement sur la poignée.

-Sérieusement ? Attends, laisse-moi essayer ; s’étonna Kazumi. »

La jeune fille prit ma place et se mit à tirer sur la poignée tandis que, discrètement, j’empêchai l’ouverture en plaçant mon pied devant.

Après cinq minutes à s’épuiser en tirant sur cette porte, Kazumi finit par abandonner, dépitée.

« Et moi qui pensais que nous allions découvrir quelque chose…C’est trop nul…Soupira-t-elle.

-Oui…C’est dommage, mais que veux-tu, on y peut rien ; lui répondis-je en haussant les épaules, soulagée. On reviendra une prochaine fois.

-Pour une fois que j’étais motivée par tes délires… »

La tête et les épaules basses, la brunette fit demi-tour et s’apprêtait à redescendre les marches lorsque, soudain, la porte derrière nous s’entrouvrit légèrement et je me mordis si fort la joue pour m’empêcher de jurer qu’un désagréable gout de sang m’envahit la bouche.

Aussitôt, mon amie s’arrêta et son regard s’éclaira à nouveau tandis que mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine à l’idée que les choses puissent dégénérer.

« Ah, ça s’est ouvert finalement ! Comme quoi il suffisait d’insister !

-Oui…Comme quoi, tout est question de patience…Marmonnai-je. »


https://www.youtube.com/watch?v=nu9t98K4AQM


La porte ouverte, nous franchîmes cette barrière symbolique et, dès que je pénétrai dans la pièce, un frisson me parcourut l’échine. Mes instincts d’Esper me hurlaient de faire demi-tour et de fuir cet endroit le plus vite possible mais Kazumi, elle, se baladait dans ce bureau, ne sentant pas qu’une présence maléfique rodait dans les alentours et avait les yeux rivés sur nous…

Et pour cause, au regard d’une personne ordinaire, ce bureau était également ordinaire et typique de l’image que l’on pouvait se faire du lieu de travail du PDG d’une grande entreprise avec ses sièges en cuir, ses quelques tableaux aux murs représentant les actions de l’entreprise, sa bibliothèque et ses quelques décorations de luxe. De plus, derrière le siège du président se trouvait une grande baie vitrée par laquelle j’avais un vue sur quasiment toute la ville.

Néanmoins, il n’y avait aucune cachette potentielle dans cette pièce. Nous étions seules. Toutes les lumières étaient éteintes, les papiers impeccablement rangés sur le bureau et l’ordinateur encore allumé.

Ce détail attira aussitôt mon attention et celle de Kazumi, si bien que nous nous précipitâmes dessus.

Mon cœur rata un battement quand je vis l’écran : Il était déverrouillé. Nous avions accès à tous les dossiers confidentiels de l’organisation…

Mon cerveau se divisa en deux à ce moment-là : ma raison me hurlait de partir tant que personne ne nous avait repérées, mais ma curiosité et mon esprit d’aventurière me poussaient à fouiller dans ces dossiers top secrets…

« Nous…Nous ne devrions peut-être pas faire ça tout compte fait…Kazumi…Bégayai-je. Si quelqu’un nous prend…Nous sommes bonnes pour la prison…

-Tu as raison mais…c’est peut-être ta seule chance de réaliser ton rêve de devenir une héroïne de la justice en mettant à jour les manigances de Savior…Tu serais prête à y renoncer ?

-Je… »

Je ne savais pas pour être franche. Une fois de plus, si j’avais été seule, je n’aurais eu aucun scrupule à ouvrir l’ordinateur et télécharger toutes les informations mais pouvais-je vraiment prendre le risque de mettre Kazumi au courant, elle, une civile tout ce qu’il y avait de plus ordinaire ?

« J…Juste un seul dossier…Alors…Finis-je par déclarer, vaincue. »

Lentement, je me saisis de la souris de l’ordinateur et cliquai sur l’onglet « fichiers » et immédiatement, ce que la jeune fille ne devait surtout pas voir s’afficha à l’écran : un dossier nommé « Projet X : Le familier Libre. » à côté d’autres documents tels que « Toungouska et Chaos » ou encore « Le familier perdu de la zone 51 ».

Je déglutis en voyant cela et Kazumi devint livide en comprenant que je ne fabulais pas depuis tout ce temps. Néanmoins, il était trop tard pour faire marche arrière. Je ne pouvais pas prétendre ne pas avoir vu ce projet et ma curiosité me brûlait de l’intérieur.

Sans hésiter, j’ouvris le document et le titre complet de l’article s’afficha : « Conception d’un nouveau type de Familiers : Les familiers libres, par le professeur Fujishima. »

« Yuki…Est…Est-ce que c’est sérieux ces histoires ? Balbutia Kazumi.

-Je…Visiblement oui…

-Mais c’est horrible ! S’exclama-t-elle en reculant d’un pas, tremblante et terrifiée. Tu avais raison, il y a bien un complot au sein de Savior !

-Attends, Kazumi, calme toi…La repris-je en tentant de modérer sa réaction. Ces dossiers sont peut-être inquiétants mais nous devons les prendre avec beaucoup de précautions. S’ils sont vrais, nous n’avons aucun moyen de lutter contre…

-Que proposes-tu donc, Yuki ? Que nous nous taisions et que nous les laissions faire comme bon leur chante ? Rétorqua mon amie, les yeux ronds de terreur. »

Je sortis mon téléphone portable et, d’un clic, je pris une photo de ces précieux documents.

« Pour le moment, nous ne pouvons rien faire car, si nous les dénonçons, ils n’hésiteront pas à se révéler au grand jour et ça en sera fini du monde tel que nous le connaissons. Ce qu’il faut, c’est garder notre sang froid.

-Tu…Tu as raison…Je me suis peut-être un peu emportée…Mais il faut que nous fassions quelque chose…n’importe quoi…Nous sommes les seules à posséder cette information…

-Oui…Nous sommes les seules…Répétai-je, me sentant mal de devoir cacher mon identité à Kazumi dans un moment pareil. Mais nous sommes également des héroïnes de la justice. Nous devons combattre l’ombre par l’ombre et… »


https://www.youtube.com/watch?v=lzqoDTDKFzA&t=


Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase que j’entendis comme un bruit de verre brisé derrière nous et nous nous retournâmes toutes les deux en sursaut. Mon sang se glaça à nouveau dans mes veines lorsque je vis que, ce que j’avais pris pour une vulgaire chouette décorative quelques secondes plus tôt, était en train de bouger seule et s’approchait de nous.

Kazumi poussa un cri de terreur mais je ne me laissai pas impressionnée et, sans perdre mon sang froid, je donnai un violent coup de pied dans le familier qui explosa en un millier de morceaux.

« Ne restons pas là, Kazumi ! Hurlai-je à mon amie en la prenant par le bras.

-Que…Que se passe-t-il Yuki ? Tu sais quelque chose ?

-Plus tard, pour l’instant, nous devons fuir ! »

Je fonçai vers la porte d’entrée par laquelle nous étions arrivées toutes les deux mais je n’avais même pas eu le temps de l’atteindre que la porte principale du bureau vola en éclat et l’onde de choc nous projeta toutes les deux à terre.

« Allons, allons, qu’avons-nous là mon cher Yukito ? Déclara un homme d’une voix grave, lente et cruelle.

-Des enfants ? Reprit une seconde voix d’homme, plus étonné qu’en colère. »

Toujours à terre, et serrant Kazumi dans mes bras pour la protéger des débris, je levai la tête et mon cœur s’arrêta de battre pendant quelques instants tandis que tout mon corps fut parcouru d’un spasme incontrôlable.

Devant nous, en chair et en os, se tenait le président de Savior, Anko Yukito, accompagné d’un homme à la peau sombre, au visage carré, et à la longue barbe rousse nous dévisageant comme un chasseur venant de repérer une proie. Tous deux portaient encore leurs costumes de travail, tels deux véritables chef d’entreprises, ce qu’ils n’étaient pas. Je pouvais sentir l’aura de leurs familiers émaner d’eux, telle une odeur pestilentielle et mortelle…

« Que faites-vous ici ? Nous demanda le président de Savior d’une voix calme mais néanmoins ferme. Vous faisiez partie de la visite, n’est-ce pas ?

-Je…Commençai-je avant de me faire interrompre.

-Yukito, tu es aveugle ou quoi ? Il s’agit d’une espionne ! Cracha le second homme. Je t’avais dit qu’ESP enverrait des agents pendant que tu organisais ta petite visite !

-E…S…P ? Répéta Kazumi, de plus en plus livide et tremblante. Une…Espionne…Yuki ? »

Mon amie me dévisagea, l’air plus perdue que jamais mais le moment n’était plus aux cachoteries et aux identités secrètes. Nous avions en face de nous le président de la branche Savior du Japon et il était hors de question de jouer aux ignorantes avec un tel personnage.

« Kazumi, je vais les occuper ; murmurai-je discrètement à l’oreille de la brune. Fuis et oublie ce que tu as vu ce soir, cela vaudra mieux.

-Mais…

-Ne discute pas…On se revoit tout à l’heure et je t’expliquerai tout, c’est promis…

-Yu…Ki… »

Rassemblant mon courage, je me relevai et tentai de faire face aux deux hommes. J’étais pétrifiée par la peur, totalement paralysée, incapable de faire le moindre mouvement mais…Kazumi devait s’échapper tant qu’il était encore temps.

« En…En effet ! Je suis bien une espionne ! Bégayai-je en essayant d’avoir l’air sûre de moi. Je…Je suis vraiment déçue de vos systèmes de sécurité…Savior ! A…Alors, qu’allez-vous faire ?

-Tu me parais bien arrogante pour une fille de ton âge ; ricana l’homme à la barbe rousse. J’ignorai qu’ESP était désespérée au point d’envoyer des enfants faire le sale boulot.

-Iskandar, n’oublie pas que l’âge n’influence que peu sur les pouvoirs d’un Esper ; déclara le président, méfiant. »

Discrètement, je fis signe à Kazumi de profiter de ma distraction pour filer en douce puis, après un instant d’hésitation, mon amie me lança un regard de culpabilité intense avant de courir vers la porte dérobée.

Cependant, même si les deux hommes l’avait clairement vue, aucun des deux ne leva le petit doigt et le dénommé Iskandar afficha soudain un sourire malsain tandis qu’une vive lueur illumina les escaliers par lesquels nous étions arrivés.

Mes yeux s’agrandirent lorsque je réalisai ce qui était en train de se passer et, sans réfléchir une seule seconde de plus, je me jetai sur Kazumi et la plaquai à terre avant qu’elle ne franchisse la porte.


https://www.youtube.com/watch?v=Mp6uzqMNTeU


Un instant plus tard, un torrent de flammes déferla à quelques centimètres de nos têtes et un cri strident retentit dans la cage d’escalier. Des milliers d’éclats de béton volèrent et me blessèrent au visage tandis que le mur et la cage d’escalier avaient disparus pour ne laisser qu’un précipice sans fond.

Je pensais ne pas pouvoir être plus terrifiée que je ne l’étais déjà mais la chose qui se présenta sous mes yeux repoussa mes propres limites et toutes mes forces m’abandonnèrent d’un seul coup.

Un oiseau de feu…Un condor géant aux plumes flamboyantes et bleutées comme la plus ardente des flammes…Le monstre devait bien mesurer plus de dix mètres d’envergure et me dévisageait de ses petits yeux rouges comme le sang. Il émanait une telle chaleur que je sentais mon corps se dessécher instantanément avec la transpiration. Kazumi poussa un cri de terreur à la vue de ce monstre et se blottit dans mes bras, fermant les yeux et tremblant comme une feuille morte.

« C’est un cauchemar…Je vais me réveiller…Dis-moi que je vais me réveiller…Yuki…Me supplia-t-elle. »

J’aurais vraiment voulu trouver les mots pour la rassurer à ce moment-là mais, même moi, je savais qu’il était vain de lutter contre le familier de Rang S+ : Phénix.

L’homme à la barbe rousse éclata de rire en voyant nos mines terrifiées et le président de Savior prit la parole.

« Iskandar, tu ne penses pas que tu vas un peu loin ? Ce ne sont que des gamines, elles ont l’âge de ma fille…

-Gamine ou non, ce sont des espionnes d’ESP ! Phénix, réduis-moi ces deux idiotes en cendres et ramène leurs cadavres à la fondation en guise d’avertissement ! »

L’oiseau de feu poussa un nouveau cri strident et la lueur qu’il émanait s’intensifia. Ma respiration s’accéléra, mon cœur battait à tout rompre, mon corps était en feu et aucun de mes membres ne réagissait, comme s’ils avaient eux-mêmes accepté ma mort imminente.

Quelle idiote avais-je été…Jamais je n’aurais dû embarquer Kazumi dans cette histoire. J’aurais dû ravaler ma fierté et accepter que je n’étais qu’une enfant incapable de contrôler ses pouvoirs au lieu de me jeter dans la gueule de l’ennemi…

« A…A l’aide…Quelqu’un…N’importe qui…Murmura soudain Kazumi, le visage trempé de sueur…et de larmes. »

Lorsque j’entendis ces mots, quelque chose se réveilla en moi. Mes tremblements cessèrent, mon cœur se calma et un vent violent émana de mon corps et fit reculer les deux hommes, interdits par ce qu’il se passait.

Lentement, je me relevai et fit face au familier divin, entourée d’une aura sombre tandis que mes yeux, eux, avaient viré au doré. Kazumi me dévisagea un instant, à la fois fascinée et terrifiée par ce qu’il m’arrivait.

« Yu…Ki ? Articula-t-elle.

-Désolée…Kazumi…Je ne suis pas une héroïne de la justice… »


https://www.youtube.com/watch?v=YcwdjuQ3UR4


Je marquai un temps d’arrêt et l’aura autour de moi s’intensifia à un tel point que je devins comme une torche humaine, illuminant la pièce d’une lueur sombre et inquiétante. L’air se mit à crépiter, le sol commença à se fendre sous mes pieds et la grande baie vitrée vola en éclats lorsque je sautai sur le phénix.

A peine l’eussé-je touché que son corps commença à tomber en cendres, sous le regard interdit de son invocateur et du président de Savior Japon. Puis, lentement je me tournai à nouveau vers les deux hommes et leur montrai ma main dans laquelle brillait une sphère noire comme la nuit qui les fit reculer d’un pas.

« Tu te crois maligne avec tes pouvoirs, petite Esper ? Ricana Iskandar, tentant de paraitre confiant tout en laissant transparaitre sa peur. Phénix ne se laissera pas vaincre aussi facilement ! »

A peine eut-il prononcé ces paroles que les cendres de l’oiseau de feu s’enflammèrent et le familier réapparut derrière moi, sans aucune blessure.

Ne me laissant pas le temps de réagir, le monstre m’asséna un violent coup d’aile qui m’envoya m’écraser contre un mur, laissant Kazumi totalement à découvert.

« Cours Kazumi ! Ne reste pas là ! M’égosillai-je, affolée. »

Mais il n’y avait rien à faire. Mon amie restait sur le sol, le regard vide, comme totalement déconnectée de la réalité…Attendant que son cauchemar se termine…

Iskandar éclata de rire en voyant que les serres de son familier s’apprêtaient à transpercer la chair de la jeune fille.

Mon amie tourna légèrement la tête vers moi et je pus y lire le désespoir le plus profond qui fût…Je vis ses lèvres desséchées par la chaleur bouger mais aucun son ne sortit de sa bouche.

Non…Cela ne pouvait pas se terminer de la sorte…Je m’étais promis…Je m’étais promis de ne pas la mettre en danger en acceptant sa venue…Je m’étais promis que cette exploration ne serait qu’une aventure parmi d’autres aux côtés de ma meilleure amie…

Perdue, je regardai ma main dans laquelle brillait cette sphère mortelle qui avait pris tant de vie par le passé, alors que je ne contrôlais pas mes pouvoirs…

« Meurs, agent d’ESP ! Hurla Iskandar, exultant de joie. »

Alors que les griffes du rapace enflammé n’étaient plus qu’à quelques millimètres du visage livide de mon amie, je me relevai et, poussant un cri de rage, je laissai exploser toute mon énergie, exactement comme je l’avais fait des années auparavant.

Un éclair noir nous aveugla tous pendant un instant puis un bruit sourd se fit entendre. La déferlante fut si puissante qu’elle pulvérisa ce qu’il restait de la baie vitrée et tous les meubles se fracassèrent sur le sol. Mais ce n’était rien face à ce que mon attaque avait engendré : Les murs, le plafond, et tout ce qui se trouvait au-dessus de mes mains avait été purement et simplement annihilé. Il ne restait même pas des débris. C’était comme si…Comme si un monstre avait dévoré le bâtiment d’une seule bouchée…

Kazumi était toujours à terre, contemplant ce spectacle, le regard plus vide que jamais tandis que les cendres du phénix commençaient à flamboyer pour redonner naissance au familier. Les deux hommes, quant à eux, avaient disparu mais je n’avais pas le temps de me préoccuper de ce détail.

Ne pensant qu’à notre survie, j’attrapai le bras de mon amie et, sans réfléchir aux conséquences, je me jetai dans le vide pour échapper à l’oiseau mortel.

Alors que nous tombions de plus de cents mètres, j’eus le temps de sortir le grappin que j’avais emporté avec moi et je le lançai contre l’une des fenêtres de la tour de verre. Malheureusement, même si je réussis à ralentir notre chute, la vitre céda sous notre poids et nous nous écrasâmes sous le béton dur et froid.

J’eus cependant le réflexe de poser ma main au sol avant le reste de mon corps, ce qui activa mes pouvoirs et provoqua une seconde explosion au contact du bitume qui nous propulsa dans la direction opposée.


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


Je rebondis plusieurs fois sur le sol puis roulai sur une longue distance avant de pouvoir enfin m’arrêter, tous mes membres endoloris et mes os craquant à chacun de mes mouvements. Mais je ne pouvais pas me reposer là.

Au cours de la seconde explosion, j’avais lâché la main de mon amie qui gisait à quelques mètres de moi, allongée sur le dos, regardant fixement le ciel, les bras étendus et ses jambes faisant un angle tout sauf normal avec son corps.

Au loin, j’entendis les sirènes des voitures de police et des pompiers, certainement alertés par la disparition d’une partie du building mais je m’en fichais. Je devais sortir Kazumi de là coûte que coûte.

Je voulus me mettre debout mais je m’écroulai aussitôt en hurlant de douleur. Le monde autour de moi se mit à tourner, les images devenaient floues, les sons indistincts et mes dernières forces m’abandonnèrent.

« Ka…Zumi…Articulai-je en crachant une gerbe de sang. »

Mon amie de toujours, entendant ces mots, tourna légèrement la tête vers moi et son regard vide se teinta soudain d’une peur indescriptible.

« Alors…T…Toi…Aussi…Yuki ? Tu es un monstre ?…Murmura-t-elle. »



Fuyuku Yuki : La naissance d’une terreur



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=XzDzY3Du5No

Je me réveillai dans un lit chaud et moelleux. Ma tête me faisait mal, ma respiration était saccadée, mon corps brulait de l’intérieur et tous mes sens étaient chamboulés.

Lentement, j’ouvris les yeux et découvris que je me trouvais dans une petite chambre entièrement blanche et lumineuse. Les murs étaient nus, le plafond uniquement vêtu de quelques néons et quant à moi, je portais un pyjama vert sous mes couvertures et des bandages couvraient mes mains.

A travers la fenêtre, je pouvais voir au loin la ville, ainsi que la haute tour de Savior dominant les toits…totalement détruite…

La mémoire me revint d’un seul coup et j’écarquillai les yeux, regardant frénétiquement de tous les côtés à la recherche de mon amie.

« Kazumi ? Tu es là ? Kazumi ! »

Pas de réponse.

Que s’était-il passé ? La dernière image dans mon esprit était celle de notre chute et…Plus rien. Le trou noir…

Cependant, je n’avais pas envie de me rappeler de davantage de choses. Les souvenirs horribles hantaient encore mon esprit et me faisaient trembler.

Terrifiée et honteuse, je me recroquevillai sur moi-même, serrant mon corps de mes propres bras, regardant le sol fixement en repensant aux dernières paroles de mon amie.

« Je…Je ne suis pas un monstre…Je ne suis pas une héroïne de la justice…Je suis une fille normale… Murmurai-je comme pour me voiler la vérité. »

Tremblante, je regardai mes mains bandées. Elles étaient humaines…aussi fragiles, aussi petites, aussi normales que celles de n’importe qui…et pourtant…Elles étaient capables de prendre bien plus de vies que la plus tranchante des griffes.

Je chassai mes pensées noires de ma tête et me levai d’un bond. Il fallait que je retrouve Kazumi, que je m’assure qu’elle allait bien elle aussi et que je dise la vérité comme je lui avais promis.

J’allais sortir de la pièce mais au même moment, mes parents entrèrent dans la chambre, l’air affolés. Lorsque mon père me vit debout, il se précipita sur moi et m’étreignit de toutes ses forces, à tel point que j’entendis mes os craquer.

« Yuki, tu vas bien, le ciel soit loué ! S’écria-t-il en pleurant de joie.

-Pa…pa…tu m’étouffes…Articulai-je avec difficulté. »

Ma mère l’empoigna par le col et l’obligea à me relâcher en le soulevant d’une seule main. Je retombai sur le sol en titubant et toussai un peu en reprenant ma respiration.

Une fois que les choses se furent calmées, ma mère prit la parole d’une voix inquiète et énervée en même temps.

« Bon, Yuki, tu vas nous expliquer ce qu’il s’est passé exactement. Comment cela se fait-il que nous t’ayons retrouvée à moitié morte devant le bâtiment de Savior juste après avoir entendu une explosion ?

-Où est Kazumi ? Lui demandai-je aussitôt en ignorant sa question. »


https://www.youtube.com/watch?v=okbvdbIu9VU


Ma mère regarda mon père avec une grimace et je déglutis, m’attendant déjà au pire. Finalement, après quelques secondes de silence, mon père soupira et plongea son regard dans le mien avec un sérieux que je ne lui connaissais pas.

« Il y a bien une raison pour laquelle certains secrets doivent le rester…

-Il lui est arrivé quelque chose ? M’affolai-je, les yeux ronds de peur.

-Je pense…que certaines choses ne peuvent pas être dites avec des mots… »

Baissant les épaules, mon père sortit de la pièce et m’invita à le suivre. Tandis que nous descendions les escaliers de l’hôpital de Savior, mon cœur battait à deux cents à l’heure. J’imaginais déjà dans ma tête les pires scénarios possibles. Je l’imaginais à moitié morte, dans le coma ou même en vie mais me détestant pour ce que je lui avais fait…mais rien ne m’avait préparé à ce que je vis.

Mon père s’arrêta au niveau -1, devant une partie de l’hôpital réservée exclusivement aux membres d’ESP, et entra. Je restai un instant bloquée devant la porte, incapable d’avancer, refusant d’affronter la réalité mais ma mère lança un sourire rassurant qui me donna le courage de franchir cette porte qui allait changer ma vie à tout jamais.

Devant moi, il n’y avait qu’un long couloir si blanc que je fus obligée de plisser les yeux pour ne pas être éblouie. L’atmosphère y était étrange. Il n’y avait pas une seule trace de poussière, les chambres inoccupées sentaient les produits d’entretien, chacun de nos pas résonnait longuement et pas un seul autre bruit de s’échappait de ce lieu.

Je regardai rapidement la première chambre mais elle était vide et banale, à l’exception qu’il n’y avait pas de fenêtre.

Nous avançâmes en silence jusqu’au bout de ce couloir interminable avant de nous arrêter devant une nouvelle porte fermée et mon cœur s’emballa lorsque je lus le nom de Kazumi sur une étiquette.

Mon père frappa à la porte et rentra sans attendre de réponse.


https://www.youtube.com/watch?v=8LZzKKNUT6Y


Prudemment, je mis un pied à l’intérieur et c’est là que je la vis. Kazumi était là, assise sur le lit d’hôpital, regardant sa couette fixement d’un œil vide tandis que deux médecins étaient avec elle et prenaient des notes de ce que mon amie disait sur un petit carnet.

« Et là…nous avons découvert les dossiers secret de Savior…Nous sommes en danger…Les théories du complot ne sont pas des affabulations, quelqu’un…ou quelque chose essaie réellement de prendre le pouvoir et… »

Elle s’interrompit dans son récit en entendant la porte de sa chambre s’ouvrir et son regard se posa aussitôt sur moi. Pendant un instant, mon cœur s’arrêta de battre, mais je me forçai néanmoins à sourire.

« S…salut…Kazumi…Lançai-je d’une voix amicale. »

Dès que j’ouvris la bouche, les yeux de mon amie s’agrandirent et la jeune fille tenta de prononcer quelques mots mais aucun son ne sortit. Son visage pâlit, ses membres se mirent à trembler et une peur incommensurable passa dans son regard.

Ne se contrôlant plus, mon amie de toujours se mit à reculer frénétiquement et tomba de son lit mais cela ne l’arrêta pas et elle continua à ramper jusqu’à être dos au mur, me pointant du doigt en suant à grosses gouttes.

« T…Toi…Bégaya-t-elle. Tu…Tu m’as menti…Yu…Yuki ! S’écria-t-elle.

-Je…

-Tu es l’un des leurs, n’est-ce pas ? Tu es un monstre toi aussi ! »

Ce fut à mon tour de reculer, apeurée. Lorsque j’entendis ces mots, quelque chose en moi se brisa et je sentis les larmes monter en moi tandis que je secouai la tête pour me persuader moi-même que ce n’était pas vrai.

« Non…Tu te trompes…Je voulais juste…te protéger…Murmurai-je en me maudissant moi-même. »

Alors que Kazumi commençait à être parcourue de spasmes incontrôlables, l’un des médecins se leva et regarda la jeune fille droit dans les yeux puis elle s’endormit sur le champ.

Néanmoins, ce que j’avais vu était bien trop pour moi et je sortis de la pièce en courant, ne pouvant plus retenir mes pleurs plus longtemps.


https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0


Je me mis à courir droit devant moi, sortant de l’hôpital et continuant dans la rue, ignorant la pluie battante, les passants et les voitures, voulant simplement fuir le plus loin possible d’ESP et de Savior, des pouvoirs, des monstres et des complots.

Je détestais mes pouvoirs. Jamais ils ne m’avaient apporté de bonheur. Tout le monde me disait que, grâce à eux, j’étais destinée à de grandes choses mais tout ce que je voyais, c’était une malédiction, fauchant toutes mes chances de trouver l’amitié dans ce monde. Ils ne faisaient que blesser ceux qui m’étaient proches, emportant avec eux à chaque fois une parcelle de mon espoir de m’intégrer un jour dans cette société…

Epuisée de courir, je finis par m’arrêter au beau milieu d’une avenue peu passante et me mis à fixer le ciel couvert d’énormes nuages de foudre, trempée jusqu’aux os, frigorifiée, abandonnée de tous.

« Je déteste…Savior et ESP…

-Vraiment, tu nous détestes ? Dit soudain une voix familière dans mon dos. »

Je me retournai lentement et je découvris le visage inquiet de Riki, lui aussi trempé par la pluie battante, me tendant un parapluie encore fermé.

« Je venais voir comment tu allais et je t’ai vue t’enfuir ; continua-t-il d’une voix douce.

-Riki…Murmurai-je, touchée par la gentillesse du garçon.

-Nous ne pouvons pas vivre parmi les autres humains, Yuki.

-Pourquoi ? Pourquoi ne pouvons-nous pas ? Le questionnai-je d’une voix faible. Nous sommes humains nous aussi, n’est-ce pas ? Nous…ne sommes pas des monstres… »

Mon ami ferma les yeux et secoua la tête négativement avec un sourire léger sur les lèvres.

« Nous sommes ce que nous sommes, Yuki. Peu importe comment les autres te voient. »

Je baissai les yeux vers mes mains couvertes de bandages et, levant la gauche devant moi, j’activai mes pouvoirs. Instantanément, l’adhésif se désintégra et il n’en resta rapidement plus rien, pas même des cendres pendant que ma paume, elle, scintillait d’une aura sombre. Riki sursauta légèrement en voyant cela mais n’en laissa rien paraitre.

« Ce pouvoir…celui de réduire à néant la matière…N’est-ce pas celui d’une créature maléfique ? Du méchant dans les mangas ? De l’antagoniste suprême ? Du monstre indestructible ? »

Pour toute réponse, Riki claqua des doigts et le poteau à côté de lui se mit à trembler avant de s’élever de quelques centimètres au-dessus du sol…puis un vélo fit de même…puis un lampadaire…puis une voiture…Bientôt, le garçon fut entouré de tout un bouclier métallique lévitant autour de lui.

« Et moi alors, n’ai-je pas l’air d’un boss final aussi ? Me demanda-t-il en souriant.

-Tu ressembles surtout au roi des égouts entouré de tes poubelles…Raillai-je en désactivant mes pouvoirs.

-Alors, tu as ta réponse. »

Mon ami désactiva les siens à son tour et tous les objets retombèrent doucement sur le sol et je ne pus m’empêcher d’être prise d’un léger fou rire.

« Je suis certain que ton amie comprendra cela un jour également ; reprit-il. Laisse-lui simplement le temps. Elle n’est pas de notre monde après tout…

-Et si…Elle ne le comprend jamais ? Murmurai-je, prise de remords.

-Alors tu le lui feras comprendre toi-même avec tes pouvoirs maitrisés ; termina Riki avec un large sourire. »


https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw


Les jours qui suivirent, je fus transférée au collège d’ESP. Mes parents me passèrent aussi un savon pour avoir tenté d’infiltrer Savior mais ma tentative fut tout de même saluée pour les informations que j’avais récoltées.

Cependant, je continuai à cacher mes pouvoirs, même aux entrainements. Les seuls moments où je pouvais les révéler étaient lors des rares séances dans des salles spécialisées pour les Espers un peu trop puissants, tels que moi. Là, je pouvais facilement déchainer ma puissance mais, même dans ces conditions, j’arrivai à détruire le matériel lorsque je m’emballai un peu trop…

Je tentai également de retourner voir Kazumi plusieurs fois mais les médecins m’interdisaient toujours de prendre contact avec elle, et ce, quel que fût le moyen de communication. C’est pourquoi, je me contentai de lui déposer de temps à autres les cours devant la porte de sa chambre puisque nous suivions le même programme scolaire.

Les mois passèrent tranquillement, et une nouvelle routine s’était installée dans ma vie. Le matin, je partais à l’école en compagnie de Riki, l’après-midi, je m’entrainai à l’escrime et le soir, je détruisais les installations d’ESP.

Peu à peu, je sentais que je commençai à maitriser vraiment mes pouvoirs. J’arrivai à doser la puissance que je voulais obtenir et même créer des sphères d’antimatière que je pouvais projeter comme des balles de fusil. Car oui, mes professeurs avaient bel et bien confirmé qu’il s’agissait d’antimatière et que j’étais la seule Esper à posséder un tel pouvoir à ma génération. Mais au lieu de me sentir flattée et spéciale, je me sentais un peu plus mise à l’écart, même parmi les miens…


Lorsqu’arriva le jour de mes treize ans, mon père m’offrit un cadeau pour le moins singulier : une longue épée dorée, au pommeau parcouru de rayures noires et protégé par une fine couche de cuir et à la lame longue et scintillante.

« Tiens Yuki, regarde un peu ça ! C’est la meilleure qu’on peut trouver sur le marché, j’ai demandé à l’expert d’ESP, elle ne te décevra jamais ! S’exclama-t-il, fier de lui.

-Quoi ? Une arme ? Tu es sérieux Natsu ? S’étrangla ma mère en voyant son cadeau. Mais tu as perdu la tête, Yuki n’aura jamais besoin d’une telle chose !

-Ma fille est la meilleure en escrime de la promo, je ne fais que récompenser ses efforts ; rétorqua mon père en se frappant fièrement le torse.

-Et bien je vais m’assurer qu’elle n’en ait jamais besoin moi ! »

Ma mère sortit sur ces mots un petit pendentif de sa poche et me le tendit. Dès que je le pris dans mes mains, je sentis comme une énergie nouvelle m’entourer et je poussai un cri de surprise en voyant dans la glace que mes yeux avaient changé de couleur pour passer au doré.

« C’est un cadeau fait main. Grâce à ce pendentif et à tes pouvoirs, aucun familier faible ne pourra t’approcher ! Avec ça, tu n’auras même pas besoin de te battre ! »

Mon père lança un regard noir à ma mère, qu’elle lui rendit aussitôt mais je m’efforçai de calmer le jeu en les remerciant tous les deux et, pour montrer ma motivation, je combinai l’épée de mon père, le médaillon de ma mère et mon pouvoir d’antimatière.

Aussitôt, la lame noircit et fut entourée de la même aura que moi et je sentis une énergie nouvelle me parcourir les veines…exactement comme lors de mes entrainements mais à la différence que je n’avais pas besoin de faire le moindre effort pour maintenir mes pouvoirs actifs.

Mes parents s’émerveillèrent devant cela et mon père, en bon gamin, me demanda d’essayer.

« Allez Yuki, montre à Papa ce dont tu es capable ! Explose-moi ce mur ! S’écria-t-il en levant le poing au ciel.

-Attends ! Quoi ? exploser le mur ? Il n’en est pas… »

Ma mère n’eut pas le temps de terminer sa phrase que, après avoir levé l’épée au-dessus de ma tête et concentré mon énergie, je l’abattis dans l’air et un immense rayon d’antimatière fusa et annihila le toit de la maison avant de se perdre dans les nuages.

Nous restâmes tous les trois bouche bée devant cette démonstration de force inattendu et mon père tomba même à la renverse.

« S…Sérieusement ?…Mais c’est génial Yuki ! Avec ça, tu pourrais même participer à l’élection des prochains présidents d’ESP ! S’exclama mon père.

-Il en est hors de question, Yuki fera ce dont elle a envie ! Rétorqua ma mère en tirant mon père par l’oreille. Mais tu pourrais trouver un nom à cette attaque cependant…C’est la tradition et ça permet de se démarquer des autres. »

Je réfléchis une seconde mais je n’avais aucune hésitation. Moi qui avais toujours été fascinée par les légendes arthuriennes et les chevaliers, je ne pouvais donner qu’un seul nom à cette épée noire.

« Anti Matter Sword…Dark Excallibur…Murmurai-je, fascinée.

-C’est un bon nom ; me sourit ma mère. J’espère juste que tu n’auras pas à le dire trop souvent. »


La vie aurait pu ainsi continuer son cours sans désagrément ni rebondissement pour l’éternité mais…Le monde dans lequel je vivais étais cruel et impitoyable et, à peine quelques mois plus tard, Savior et ESP entrèrent en guerre.

Toutes nos activités furent suspendues, les quartiers généraux furent désertés et tous les Espers ayant dépassé la majorité furent réquisitionnés par le président de la fondation pour partir en mission aux quatre coins du monde.

Evidemment, j’insistai pour accompagner mes parents dans leur périple, mais ceux-ci s’y opposèrent formellement.

« Ça va être du gâteau, Yuki ! Affirma mon père. Tu n’auras même pas le temps de te rendre compte que nous sommes partis que nous serons déjà revenus !

-Mais je veux me battre moi aussi ! Je veux prendre ma revanche sur ce phénix qui a détruit la vie de Kazumi ! Rétorquai-je en tapant du pied.

-Ma chérie, il faut que quelqu’un garde la maison en notre absence ; déclara ma mère d’une voix douce en s’agenouillant pour se mettre à ma hauteur. Fais confiance à ton père pour une fois. Il n’est pas souvent de bon conseil mais il a raison.

-Comment ça je ne suis pas de bon conseil ? S’offusqua-t-il en écarquillant les yeux. Est-ce que je dois te rappeler que si on est sorti vivant de notre dernière mission, c’est parce que j’étais là !

-Effectivement, si tu n’avais pas été là, je n’aurais même pas été en danger ; railla ma mère. »

Mon père grogna en serrant les dents, à court d’argument et je ne pus m’empêcher de sourire en voyant que, même à la veille d’une guerre, mes parents restaient eux-mêmes jusqu’au bout.

Je finis par m’avouer vaincue et acceptai de rester à la maison en compagnie de Riki qui, lui aussi, se retrouvait seul.

Ce fut là ma plus grande erreur…

A peine deux semaines plus tard, alors que Riki m’apportait mon déjeuner comme chaque jour puisque j’étais incapable de faire cuire un œuf, le facteur sonna à la porte et m’apporta une lettre. Je me précipitai pour l’ouvrir en voyant qu’elle m’était adressée, pensant qu’elle me venait de mes parents, mais, lorsque je vis le titre, je lâchai immédiatement le bout de papier et tombai à genoux sur le plancher.


https://www.youtube.com/watch?v=qSvpN72u9F8


Riki, entendant le bruit, se précipita dans l’entrée et me vit, sur le sol, regardant fixement la porte d’entrée fermée d’un regard vide.

« Yuki ! S’écria-t-il, affolé, il y a un problème ? Que se passe-t-il ? »

Je ne lui répondis rien. C’était comme si le temps s’était arrêté pour moi à la lecture de ces quelques mots.

Je ne ressentais rien. Ni peine, ni joie, ni colère, ni tristesse, ni haine, ni pleurs, ni rire, ni sourire, ni grimace. Il n’y avait plus rien. En l’espace d’une seconde, je m’étais transformée en coquille vide à l’annonce de la mort de mes parents.

Lorsque mon ami se saisit de la lettre, il ne put réprimer un cri de surprise et je vis sur ses joues quelques larmes couler.

« Im…impossible…Murmura-t-il, abasourdi. »

Lorsqu’il lâcha la lettre à son tour, le bout de papier vola jusqu’à mes pieds et je vis ce mot…cet unique mot qui avait gâché ma vie depuis toujours et qui venait de me voler ceux que je chérissais par-dessus tout : Les familiers.


https://www.youtube.com/watch?v=ad5TszNUVYI


Soudain, mon cœur se mit à battre plus vite, plus fort, je sentis une immense chaleur monter au fond de moi. Je bouillonnai de l’intérieur et tout mon corps fut entouré de cette sinistre aura d’antimatière qui s’échappait de moi comme le torrent de larmes que je n’arrivai pas à verser et qui s’était évaporé dans le brasier de la haine qui me consumait de l’intérieur.

Lentement, le parquet se mit craquer sous mes mains, le bois commença à disparaitre, les lattes se mirent à fumer et l’air crépita au contact de mon corps tandis que mes yeux virèrent au doré et qu’un sourire carnassier se dessina sur mes lèvres.

« Les familiers…hein ? Dis-je dans un soupir. »

Lentement, je me relevai et Riki recula prudemment en voyant mon visage, l’air terrifié.

« Yu…Yuki…Est-ce que tout va bien ? S’inquiéta-t-il.

-Est-ce que…Tout va bien ? Répétai-je d’une voix éteinte. Non. Rien ne va bien Riki…Du moins…Pas tant que je n’aurais pas exterminé ces ordures…

-Que…veux-tu dire, Yuki ?

-Je les détruirai…Jusqu’au dernier…Je les anéantirai tous s’il le faut…mais je trouverai ce monstre qui a pris la vie de mes parents…et j’annihilerai son invocateur avec ma lame noire…

-Tu…Tu as perdu l’esprit, Yuki ! S’étrangla Riki, blême. Tu veux t’attaquer directement à Savior ? C’est de la folie ! »

Au même moment, un rugissement se fit entendre à l’extérieur et notre porte d’entrée, ainsi qu’une partie de notre mur vola en éclat. Mon ami poussa un cri de terreur en voyant apparaitre un familier à deux têtes, une sorte d’hydre noire se tenant à quatre pattes et mesurant plus de cinq mètres de haut foncer sur nous, ses deux gueules ouvertes et dégoulinantes de sangs d’Espers vaincus mais moi, je ne bougeai pas d’un millimètre et me retournai même pour faire face à la bête.

A la vue de cette créature, je ne me contrôlai plus et, m’imaginant déjà qu’il s’agissait de ce monstre qui avait tué mes parents, je relâchai toute ma rage et ma colère dans un seul rayon d’antimatière deux fois plus large que moi.

La bête fut touchée de plein fouet et disparut de la surface de la terre dans un rugissement assourdissant, ne laissant aucune trace de son existence tandis que mon attaque se perdit dans le lointain, détruisant peut-être quelques structures ou habitations.

Cependant, renvoyer cette créature aux ténèbres venait de réveiller quelque chose en moi. J’avais pris du plaisir à annihiler ce familier…à le voir se tordre de douleur et à voir son corps être réduit en atomes qui, même-eux, ne pouvaient supporter mes attaques…

J’en voulais plus…Il fallait que je trouve d’autres familiers…et que je les tue…exactement comme ils avaient tué mes parents…

Avec un sourire digne d’une folle, je me tournai vers Riki qui avait chuté en reculant et qui me dévisageait désormais avec autant de peur que s’il avait vu un monstre.

« Détruire…Je les détruirai tous…

-Le…Détruire ? Répéta-t-il, perdu.

-Es-tu avec moi, Riki ? Veux-tu venger la mort de mes parents et sauver les tiens avant qu’il ne soit trop tard ?

-E…Evidemment ! Bégaya le garçon en se ressaisissant. Tes parents étaient des gens bien ! Je ne peux pas laisser leur mort impunie…

-Dans ce cas, tu seras aux premières loges pour assister à la disparition de cette espèce infâme qui est appelée familier et contempler une nouvelle ère : celle des chasseurs. »


https://www.youtube.com/watch?v=qft44yIJ6_M


Je mis tout en œuvre pour tenir ma promesse. Quelques jours à peine après le tragique incident, je m’engageai officiellement en tant que soldat dans les forces de combat d’ESP, celles que mes parents avaient toujours tenues loin de moi.

Les dirigeants de Savior avaient refusé d’ouvrir une enquête pour déterminer la cause de leur mort et faisaient passer la guerre avant tout et je compris alors que, si je voulais obtenir la justice, j’allais devoir la faire moi-même.

Evidemment, étant donné mon âge, beaucoup de vétérans s’opposèrent à mon intégration mais après leur avoir fait une démonstration de mes pouvoirs et les avoir terrifiés, ceux-ci finirent par accepter et engagèrent également Riki à ma demande.

Les vétérans ne furent d’ailleurs pas les seuls terrifiés par mon pouvoir et rapidement, je me retrouvai isolée et seul Riki continua à me tenir compagnie. Apparemment, même parmi les Espers, mes pouvoirs étaient bien trop destructeurs.

Un nouveau quotidien s’installa rapidement dans ma vie. Je n’avais plus d’école ni de contraintes. J’étais libre de faire ce que je voulais du haut de mes quatorze ans. Ainsi, je passai le plus clair de mes journées à perfectionner mon style de combat à l’épée, en alternant avec les recherches sur le meurtrier de mes parents et attendant avec impatience qu’on me donne l’ordre d’aller sur le terrain.

Cependant, les jours passèrent, puis les mois et finalement, la guerre contre Savior prit fin en apparence, se soldant par un cesser le feu d’un commun accord avec les deux camps.

Mais dans mon cœur, ma rage ne s’était toujours pas apaisée. Je n’avais aucune idée de pourquoi cette guerre avait été lancée mais la raison m’importait peu. Je ne voyais que les faits.

Finie ou pas, j’étais bien déterminée à la continuer contre les familiers et les exterminer tous jusqu’au dernier…Et si les forces de combat d’ESP ne me permettaient pas d’atteindre mes objectifs, alors j’étais prête à faire cavalière seule. Mes parents allaient être vengés, et ce n’était pas cette prétendue organisation de défense de l’humanité qui allait m’en empêcher !

Néanmoins, j’étais peut-être guidée uniquement par la vengeance, je gardais en moi une certaine raison. Je savais pertinemment qu’attaquer Savior de front était du suicide, surtout avec mon niveau actuel. Je pouvais certes annihiler la matière et faire plus de ravages qu’une bombe atomique en un claquement de doigts, je restais humaine et possédais toujours des points faibles. Alors je m’entrainais, encore et encore, jour et nuit, soir et matin, chaque jour de la semaine. Je n’avais aucun répit et en venais à négliger ma propre santé qui inquiéta rapidement Riki mais je m’en fichais.

Il fallait que je devienne plus forte, que je surpasse mes parents, les vétérans d’ESP et même le président Ilios Erbe. Et seulement ce jour-là, je pourrais attaquer ce monstre infernal qui avait pris la vie de deux innocents et me délecter de sa souffrance en le voyant disparaitre de la surface de la terre !


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


Un jour, alors que je me rendais à la salle d’entrainement comme d’habitude, je croisai une vieille connaissance que j’avais éclipsé de ma mémoire tant je lui accordais de l’importance : Shiro Kojiro, évidemment accompagné de sa bande de gorilles.

Je fis d’abord semblant de ne pas le voir et continuais à marcher vers le gymnase, les yeux fermés et les mains dans les poches mais la brute ne manqua pas de me provoquer, comme à son habitude, malgré mon nouveau statut au sein d’ESP.

« Tiens, tiens, si ça ne serait pas ma chère Yuki. Alors, il parait que tu as monté les échelons au sein de la fondation ? Ricana-t-il de son rire de hyène.

-Il parait oui ; lui répondis-je sans me retourner. »

Agacé de mon manque de réaction, le garçon voulut m’attraper par l’épaule mais par réflexe, je me saisis de sa main avant qu’il ne me touche et ce-dernier écarquilla les yeux, une légère goutte de sueur perlant de son front mais refusant de paraitre faible devant ses compagnons.

« Oh, tu as appris à te battre finalement ? Et tu nous avais caché que tu possédais des pouvoirs, gamine ; continua-t-il sans perdre son sourire confiant.

-Est-ce que tu as autre chose à me dire qu’énoncer des banalités, Shiro ? Je vais être en retard à mon cours. »

Je vis le garçon tiquer en voyant que je lui tenais tête sans flancher, contrairement à avant mais il ne se laissa toujours pas démonter et, retirant sa main, il fit un pas en arrière avant de me dévisager en penchant légèrement la tête sur le côté d’un air intrigué.

« Tu as pris de l’assurance depuis que tu as tes pouvoirs, Yuki…Mais ne te crois plus forte que tout le monde juste parce que les supérieurs t’ont remarquée !

-Je ne crois pas être la plus forte ; répondis-je d’une voix monocorde. Mais je le deviendrai bientôt. »

Ma phrase fit exploser de rire la brute et ses groupies mais je n’en tins pas compte et repris simplement mon chemin vers la salle d’entrainement.

Cependant, alors que je m’apprêtais à ouvrir la porte de la salle, une décharge électrique me parcourut de la tête aux pieds et je grimaçais avant de faire cesser cette sensation désagréable en activant mes pouvoirs puis me retournai d’un air lassé.

« La plus forte, hein ? C’est bien beau de rêver mais sache que je suis déjà ton supérieur. D’ici quelques années, je serais le nouveau directeur d’ESP au Japon et ce, grâce à mes parents qui, eux, ne m’ont pas laissé tomber ! »

A l’évocation de mes parents, toute la colère que m’inspirait ce type depuis que je le connaissais s’échappa de mon corps sous la forme d’une épaisse aura noire, mes yeux virèrent au doré et mon épée se matérialisa dans ma main sans que je ne l’aie appelée.

« Tu ne seras jamais la plus forte car je suis toujours loin devant toi, Yuki ! »

Shiro, dans un éclat de rire, frappa le sol du bâtiment de ses mains et des éclairs surgirent du macadam tels des serpents électriques et se jetèrent sur moi dans un crépitement assourdissant.

Sachant que j’étais bien trop lente pour échapper aux courants électriques, je décidai de ne pas bouger et me pris l’attaque de plein fouet.


https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU


Je grimaçai lorsque je sentis les charges pénétrer dans mon corps tandis que le garçon exultait de joie en voyant une goutte de sueur couler le long de ma joue mais il était loin de comprendre ce qu’il se passait réellement.

« Antiélectron ; pensai-je dans ma tête. »

Aussitôt, les picotements cessèrent et l’attaque de Shiro se volatilisa, comme si elle n’avait jamais existé, et moi, je me tenais toujours debout, sans aucune égratignure, sous ses yeux exorbités.

« Co…Comment ? S’étrangla-t-il en commençant à paniquer légèrement.

-L’électricité n’est qu’un déplacement de charge, et donc de matière ; répondis-je d’une voix glaciale. De toutes les particules existantes, l’antiélectron est l’un des plus faciles à générer pour moi.

-Anti…Electron, tu dis ? Répéta le garçon, soudain livide. »

Pour toute réponse, je plantai mon épée dans le sol qui s’y enfonça sans aucune difficulté et fis apparaitre une sphère d’antimatière de la taille d’un ballon de foot au creux de ma main.

« Cette attaque serait largement suffisante pour faire disparaitre ta sale tête de ce monde, Shiro ; continuai-je sans émotion. Si je faisais ça, je serais la plus puissante, n’est-ce pas ? »

La brute poussa un cri suraigu et tomba à la renverse tandis que je m’approchais lentement de lui et que ses amis partaient en courant.

Lorsque je ne fus plus qu’à quelques centimètres de lui, il tenta à nouveau de m’attaquer en tentant de faire tomber la foudre sur moi mais je l’arrêtai aisément grâce à mon épée qui attira son attaque et l’absorba, tel un paratonnerre d’antimatière.

Shiro ferma les yeux, pensant que j’allais l’achever mais je me contentais de poser ma main au sol et de faire s’effondrer la route sous le garçon qui tomba dans un trou profond de deux bons mètres.

Lorsqu’il leva le regard vers moi, je pus y lire une peur aussi grande que s’il avait vu la plus terrifiante des créatures sur terre.

« Tu…Tu n’es pas une des nôtres…Yuki…Bégaya-t-il, tremblant de tous ses membres. Tu n’es pas la plus puissante des Esper…Tu…Tu n’es un monstre ! »

Alors que je pensais que ces mots allaient m’atteindre, je ne ressentis rien à ce moment-là et un sourire léger passa sur mes lèvres. Je venais de comprendre quelque chose grâce à cet idiot.

« Seul un monstre peut en vaincre un autre après tout… »

Sur ces mots, j’abandonnais la brute électrique au fond de son trou et repris mon chemin vers la salle d’entrainement. Je n’avais que faire de devenir un monstre si cela me permettait de vaincre le meurtrier de mes parents et de rétablir la balance de la justice.






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le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [08/04/2017] à 15:53

Fuyuku Yuki : La naissance de la chasseuse



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=J6O3MnMPGIk&t=

Une héroïne de la justice se devait-elle forcément de faire le bien ? Devait-elle, comme dans les comics et les mangas, apporter le sourire à ceux qu’elle sauvait et être acclamée partout où elle passait ? Ou bien devait-elle suivre ce qui lui semblait juste, et ce, malgré les pleurs et les cris de ceux qu’elle balayait sur son passage ?

C’était la question que je me posais alors que je regardais droit dans les yeux l’invocateur dont je venais de terrasser le familier en forme de chien et qui me dévisageait, implorant ma pitié, le corps couverts de blessures et les habits en lambeaux. L’homme était à ma merci. Il me suffisait d’un claquement de doigts pour le faire disparaitre de ce monde à tout jamais et il le savait aussi bien que moi mais ne pouvait rien faire d’autre que de contempler la mort en face.

« Qu…Que me voulez-vous ? Bégaya-t-il d’une voix déformée par la douleur.

-Je suis à la recherche d’information ; répondis-je d’une voix glaciale. Avez-vous participé à la guerre entre Savior et ESP, invocateur ?

-O…Oui…

-Connaissez-vous un familier capable de changer ses victimes en pierre ?

-Changer…Ses victimes en pierre ? Répéta l’homme, abasourdi. »

Je soupirai et formait une sphère d’énergie noire dans le creux de ma main et la pointait vers l’homme qui tenta de reculer en rampant, tétanisé.

« Je vois. Vous ne me servez donc à rien. Disparaissez… »

La lueur produite par mon énergie s’intensifia et l’invocateur ferma les yeux, comprenant que sa dernière heure avait sonné mais je fus interrompue par un bruissement de feuilles derrière moi et je jurai.

« Vous ne m’avez pas entendu ? Dégagez ! Disparaissez de ma vue ! Lui ordonnai-je. »


https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE


L’homme ne se fit pas prier et, ignorant ses nombreuses blessures, s’enfuit dans la forêt tandis que Riki surgit de l’épais taillis de feuilles en pestant contre la nature et le climat chaud et humide de cette région du Kasaï, au Congo.

« Sérieusement, de toutes les régions possibles dans le monde, tu as choisi la seule qui en plus d’être une fournaise, grouille de bestioles bizarres ; grogna mon ami en retirant une sangsue qui s’était collée à sa cheville.

-Je ne choisis pas où les familiers apparaissent ; me contentai-je de répondre en annihilant l’une de ces bestioles agaçante qui tentait de s’attaquer à moi.

-J’espère au moins que ce n’est pas qu’une légende cette histoire de Kasaï Rex…

-Nous verrons bien. »

Sans ajouter un mot, je repris mon chemin, à l’affut du moindre signe d’activité de familier ou d’invocateurs…autre que celui que je venais de laisser filer et qui n’était nul autre qu’un pauvre garde forestier.

Cela faisait maintenant un an que je m’étais engagée dans les forces spéciales d’ESP et, depuis mon entrée, j’avais gravi bien des échelons et étais désormais en mesure de partir en mission aux quatre coins du monde afin de combattre Savior dans l’ombre. Car, depuis la fin de la guerre, la fondation s’était mise en tête de détruire les familiers trop peu discrets et avait confié cette tâche aux forces spéciales.

Ainsi, j’avais fini par me forger un nom à force d’éliminer tous les familiers que je rencontrais. On me surnommait la chasseuse au sein de Savior car, de toutes les unités de combat d’ESP, j’étais celle qui avait éliminé le plus de familiers ces derniers mois.

Mais tout ceci n’était qu’un prétexte pour moi. Au cours de mes quelques explorations, évidemment, j’accomplissais les missions que l’on me donnait, mais j’en profitai surtout pour récolter des informations sur le meurtrier de mes parents.

J’avais demandé à voir le rapport d’ESP concernant leur mort et les dossiers étaient clairs : ils avaient été pétrifiés et changés en pierre. Malheureusement, les seuls familiers capables d’une telle chose, à savoir le basilic, le cocatrix et les gorgones, avaient été rayés de la carte plusieurs années avant ma naissance. Ce qui signifiait qu’un familier encore inconnu des services de renseignement d’ESP se baladait en liberté.

De plus, j’avais appris à mes dépend que je ne pouvais pas créer d’antimatière indéfiniment. Il fallait que je fasse attention, sans quoi mes pouvoirs empiétaient sur mon propre corps et commençait à transformer mes propres cellules. C’était d’ailleurs en ça que mon épée devenait bien utile car elle me permettait d’éviter d’en arriver à ce point critique.


https://www.youtube.com/watch?v=_pv9kOEWIXY


Soudain, un rugissement me tira de mes pensées et je vis au loin tous les oiseaux s’envoler en piaillant, terrifiés alors que le sol se mit à trembler sous les pas d’une immense créature.

Riki serra les dents et instinctivement, je matérialisai mon épée dans ma main, prête à combattre.

Finalement, après deux jours de traque, le monstre daigna se montrer. Arrivant en abattant tous les arbres sur son passage, la créature s’arrêta à une dizaine de mètres de nous et nous dévisagea.

Il s’agissait d’un grand animal mesurant dans les dix mètres de long du museau à la queue, se tenant sur ses deux pattes arrières musclés et aux pattes avant quasi inexistantes. Il était entièrement rouge et sur son dos se dessinaient quelques rayures noires qui descendaient jusqu’à son ventre. Sa gueule, allongée et remplies de dents encore recouvertes de sang, était celle du roi des dinosaures : un tyrannosaure.

« Rang B, Kasaï Rex, ne possède pas d’aptitude particulières autre qu’une épaisse carapace et d’être un dinosaure…Murmura Riki, répétant mot pour mot la description du monstre dans les registres d’ESP.

-Finissons-en rapidement alors, j’ai pris une autre mission qui commence demain et je n’ai pas envie qu’un incapable me la vole.

-Quoi ? Encore une mission ? Gémit mon partenaire. Mais ça fait la quatrième en moins d’un mois ! »

Je ne répondis pas et m’élançai sur le monstre, l’épée pointée en avant, entourée de la protection procurée par le médaillon de ma mère.

Le dinosaure, voyant que je passais à l’attaque, fonça sur moi, la gueule grande ouverte, prêt à me déchirer la chair de ses crocs acérés mais je ne reculai pas et continuai ma course.

L’issue du combat se décida en un éclair. Comme si je coupais du papier, ma lame dorée traversa le corps du lézard de part en part et celui-ci s’écroula sur le sol. Son corps tomba rapidement en poussière pour ne laisser qu’un tas d’os fossilisés comme on pouvait en trouver partout dans le monde.


https://www.youtube.com/watch?v=UTis2_h3cJ4


« Encore une mission accomplie j’imagine ; déclarai-je en essuyant les traces de sang qui restaient sur mon arme.

-O…oui, on peut dire ça…Me répondit Riki, légèrement gêné pour le pauvre invocateur qui avait dû mettre des années à créer ce familier. Quelle est notre prochaine destination donc ?

-l’Ecosse.

-L’Ecosse ? Répéta mon ami, intrigué. Mais là-bas, il n’y a rien à part…

-Nessie. »

Ainsi, le soir-même, nous fûmes dans l’avion qui devait nous emmener à plus de deux mille kilomètres du Congo. Riki commençait sérieusement à être fatigué par toutes nos missions à répétitions et le décalage horaire n’arrangeait rien. Nous ne prenions jamais le temps de visiter les pays dans lesquels nous passions et encore moins de faire du tourisme. Nous venions, nous trouvions le familier à détruire, puis nous repartions.

Cependant, la mission que j’allais accomplir cette fois-ci était spéciale. Je ne m’étais toujours pas pardonné de ce qui était arrivé à Kazumi par ma faute.

Malgré les traitements d’ESP, mon ancienne amie ne s’était toujours pas remise du choc et était devenue totalement paranoïaque à en croire les médecins, à tel point qu’ils avaient été obligés de l’enfermer dans une salle spéciale et confinée sur sa propre demande.

Certains pensaient à lui effacer totalement la mémoire mais je m’y étais formellement opposée. Il était hors de question que Kazumi en oublie jusqu’à son propre nom par ma faute. Ainsi, j’espérai qu’en détruisant définitivement le monstre du loch Ness, monstre qui avait été le début de tout, j’allais pouvoir la faire revenir à la raison…

Je serrai mon pendentif autour de mon cou tout en pensant à cela. Il le fallait. Elle était mon seul autre objectif désormais avec la vengeance de mes parents et je comptais bien lui faire accepter ce monde, qu’elle me voit comme un monstre ou non.


https://www.youtube.com/watch?v=Td1D1jjvrdE


Le lendemain, à peine après être descendus de l’avion et avoir dormi dans une auberge près du lac, nous commençâmes nos investigations non loin des ruines du château d’Urquhart, site très prisé des touristes et donc propice à d’éventuels témoignages.

A vrai dire, il ne restait plus grand-chose de cette citadelle à part quelques murs en mauvais état, des marches, un pont pour y accéder, et évidemment, une tour bien connue des visiteurs.

Le château en lui-même ne présentait pas beaucoup d’intérêt pour quelqu’un comme moi qui ne m’intéressait pas à l’histoire mais je devais avouer que le cadre était digne des plus beaux paysages de films fantastiques.

Le lac s’étendait à perte de vue et finissait par se confondre avec le ciel azuré à l’horizon. L’eau cristalline, presque transparente laissait voir de nombreux poissons nager près de la surface réfléchissant les rayons du soleil de midi. De temps à autres, quelques bateaux de promenades glissaient lentement sur le Loch Ness, me rappelant que nous n’étions qu’à quelques kilomètres de la ville malgré l’aspect sauvage des environs.

Les montagnes qui l’entouraient étaient entièrement recouvertes d’herbe qui semblait avoir été coupée la veille tant elle était régulière, à croire que nous nous trouvions dans un parc immense. Il y avait également de nombreuses fleurs en cette saison et les feuilles des arbres bruissaient et dansaient lentement au gré de la brise fraiche qui soufflait depuis le nord.

Tout cela était bien différent des paysages que l’on pouvait trouver au Japon et en même temps assez familier. Ce n’était pas la première fois que je voyais un lac entouré de montagnes, mais l’atmosphère, le climat et même les végétaux étaient différents.

Riki, contrairement à moi, courait dans tous les sens, émerveillé par le cadre et ces ruines qui, pour un passionné d’histoire, devaient être magnifique.

Par réflexe, je sortis mon téléphone et pris une photo du lieu puis l’envoyai sans réfléchir à Kazumi, comme j’avais l’habitude de le faire par le passé quand je partais en voyage avec mes parents avant de me souvenir de la raison qui m’avait amenée ici…


https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU


Soudain, un vieil homme portant un badge de guide touristique surgit derrière moi et me fit sursauter en prenant la parole dans un Anglais difficilement compréhensible pour moi qui n’avait fait que peu d’études de langue et qui avais encore du mal avec les accents.

Il devait avoir dans les soixante-dix ans à en juger par ses rides peu nombreuses. Son crâne était cependant déjà bien dégarni et il marchait à l’aide d’une canne. Son regard était doux mais ses yeux pétillaient encore de malice et d’amusement à la vue de tous ces touristes venus voir le fameux monstre du Loch Ness.

« Alors les jeunes, vous aussi vous êtes à la recherche du monstre ? Déclara-t-il en regardant le lac avec un large sourire.

-En quelque sorte, oui ; lui répondis-je d’un ton neutre. Vous possédez des informations peut-être ?

-Si j’en possède. Mon nom est Brandon Mills, je suis le président actuel du « Loch Ness Phenomena Investigation Bureau ». Cela fait plus de cinquante ans que je suis également à la recherche de ce monstre.

-Enchantée, monsieur. Mon nom est Fuyuku Yuki, étudiante japonaise en cryptozoologie. »

A ce moment-là, j’étudiai attentivement le visage de l’homme. Je lui avais volontairement donné mon nom car je savais qu’il était connu désormais parmi les forces de Savior mais le président de l’association n’eut aucune réaction et me salua comme l’aurait fait n’importe quel guide touristique.

« Oh, vous êtes une passionnée tout comme moi alors ? Dans ce cas, que diriez-vous de passer dans notre bureau d’étude ? Nous avons collecté de nombreuses preuves au fil des années. Peut-être vous seront-elles utiles dans vos recherches.

-Avec plaisir. »

J’appelai Riki pour qu’il arrête de jouer les touristes et, ensemble, nous suivîmes l’homme dans ce qui semblait être une sorte de musée au bord de l’eau, à quelques pas à peine du château.

Enfin, musée était un bien grand mot…Il s’agissait plus d’une cabane de pêcheur réaménagée que d’un véritable bâtiment.

Tout était fait en bois, y compris les murs et les parquets. A l’intérieur, quelques visiteurs admiraient les équipements utilisés par le passé dans le but de capturer Nessie : des filets de pêche gigantesques, des hameçons de plus d’un mètre, des sonars et même un mini sous-marin, le tout étant exposé à côté de photos d’époque du monstre et des textes relatant les explorations telles que Yellow Submarine ou Deepscan, deux missions s’étant soldées en échec.

Alors que Riki, ne prenant pas du tout notre mission au sérieux, continuait à jouer les touristes et parler longuement avec le président de l’association, des détails sur certaines photos m’interpellèrent.

En effet, ces photos étaient différentes de celles que l’on pouvait trouver sur internet. Elles semblaient même authentiques pour la plupart. Mais, chose étrange, j’avais l’impression que le jaunissement du papier n’était pas naturel…Comme si quelqu’un avait vieilli artificiellement ces photos…

« Excusez-moi, monsieur Mills, est-ce que je pourrais vous poser une question sur ce lac ? Demandai-je à l’homme, interrompant les discussions sans intérêt de Riki sur l’histoire du lac.

-Je suis là pour ça, mademoiselle.

-De quand datent ces photos exactement ? Je ne me rappelle pas les avoir déjà vues ailleurs…

-Evidemment, puisque ce sont des collègues à moi qui les ont prises à l’époque où nous avons commencé notre projet ; me répondit fièrement l’homme.

-Et, vous n’en possédez pas de plus récentes ? Je veux dire, depuis tout ce temps et avec les moyens modernes, vous auriez dû être capable d’en prendre de nouvelles et de meilleure qualité, non ?

-Il faut croire que toute l’agitation autour de sa légende fait fuir le monstre ; hasarda le président de l’association en riant légèrement.

-Mais vous n’avez pas pensé à sonder le lac entièrement ou à laisser des caméras tourner pendant plusieurs jours ? Intervint Riki qui avait enfin fini par s’y mettre.

-Evidemment que nous y avons pensé, nous ne sommes pas des amateurs ; s’offusqua l’homme. Mais rien. C’est comme si le monstre avait des périodes d’hibernation et que nous étions en plein de dedans… »

Sans le savoir, notre interlocuteur venait de nous donner une information précieuse. Si le monstre ne se montrait que pendant un certain temps, cela signifiait soit que son invocateur n’était pas assez puissant pour le maintenir dans notre monde en permanence, soit qu’il possédait un puissant pouvoir de camouflage.

« Si vous voulez, je peux vous emmener sur les lieux de ma dernière rencontre avec le monstre ; continua Brandon Mills avec un large sourire.

-Vraiment ? Vous feriez ça pour nous ? S’étonna Riki.

-Evidemment ! Les étudiants en cryptozoologie sont toujours d’une grande aide dans notre enquête !

-Et bien…Merci beaucoup dans ce cas… »


https://www.youtube.com/watch?v=h197QB5r_Cc


C’est ainsi que, le soir même, alors que la nuit était déjà bien tombée et qu’une brume épaisse s’était levée sur le lac, nous sortîmes tous les trois sur un petit bateau de pêche aux allures de vieux rafiot rafistolé et flottant à peine.

On n’y voyait pas à plus de deux mètres tant le brouillard était épais. Même la rive, qui pourtant n’était jamais très éloignée, avait disparu de mon champ de vision. Le ciel, quant à lui, avait totalement été noyé dans cette purée de pois de vapeur et aucune étoile ne brillait au-dessus de nos têtes.

La seule chose qui me confirmait que nous nous enfoncions bel et bien dans le lac était le clapotis lent et régulier de l’eau sur la coque du bateau, ainsi que le vent frais de la nuit.

J’étais sur le pont arrière, en compagnie de Riki, tandis que Brandon Mills était au poste de pilotage, à la proue du « navire » et barrait en silence, l’air concentré, surveillant le moindre mouvement suspect dans le brouillard. Quant à moi, je n’arrivais pas à me détendre et parcourait frénétiquement les photos que nous avions prises, Kazumi et moi, pendant ces années de collège, avant que Savior et ESP ne détruisent cette amitié.

Nos sorties au café, nos soirées passées à regarder des films d’horreur au lieu de réviser, nos week-end au parc d’attraction…Tout cela me paraissait bien loin désormais.

« Encore à t’en vouloir pour ça, Yuki ? Déclara soudain mon partenaire en s’accoudant à la rambarde.

-Pourquoi demander alors que l’endroit où nous nous trouvons te donne la réponse ? Lui répondis-je en souriant légèrement.

-Je le sais bien ; s’amusa Riki. Mais je suis content de voir que tu es restée toi-même malgré tout.

-Que veux-tu dire ? M’étonnai-je.

-Je ne sais pas trop comment l’expliquer…Mais depuis ce jour…J’avais l’impression de ne plus te connaitre…Que tu étais une autre…

-Les gens ne peuvent rester éternellement les mêmes, Riki.

-Ce n’est pas ce que je veux dire…Continua mon ami en serrant les dents. Tu n’avais pas changé en tant que personne…Mais en tant qu’humaine…Ton comportement n’était pas celui de l’héroïne de la justice que tu aspirais à devenir mais…

-Celui d’un monstre ? Le coupai-je sans sourciller en prononçant ces mots.

-N…Non, ce n’est pas ce que je veux dire ! S’exclama le jeune garçon, tentant de se corriger. »

Mais il était trop tard. J’avais bien compris ce qu’il pensait réellement. Toutefois, je ne lui en voulais pas. Cela me rassurait presque qu’il pense cela de moi et je lui répondis donc d’un sourire à peine forcé.

« Je me fiche d’apparaitre comme un monstre ou non aux yeux des autres. Je ne fais que suivre ce qui me semble être juste…Et la mort de mes parents était une injustice que je me dois de corriger. Tout comme Kazumi. Elle n’aurait jamais dû être mêlée à ce monde mais il est trop tard pour faire marche arrière. Je lui montrerai qu’elle n’a rien à craindre des familiers car je suis là pour les exterminer.

-Et…Que feras-tu une fois que cela sera terminé ?

-Je n’y ai jamais réfléchi je dois t’avouer…Mais peut-être que j’ouvrirai réellement une agence de cryptozoologie. Après tout, ce n’est pas les preuves qui manquent quand on est une Esper ; lui répondis-je en souriant sincèrement cette fois-ci. »

Nous éclatâmes de rire tous les deux en même temps et je me rendis alors compte que, depuis la mort de mes parents, c’était la première fois que, l’espace d’un instant, j’oubliai ma rancœur et ma rage.

« Et toi, Riki ? Tu ne vas pas m’accompagner éternellement dans mes missions stupides, n’est-ce pas ?

-En effet. De toute façon, je ne tiendrais jamais ta cadence ; déclara mon ami, gêné. Mais je pensais m’engager dans les services d’histoire d’ESP, ceux qui retracent les légendes en y incluant les pouvoirs des Espers et des familiers qui les peuplent.

-Cela ne m’étonne pas. Je suis certaine que tu y arriveras. Tu en es largement capable.

-Je l’espère aussi. Les examens d’entrée sont dans moins d’un mois…

-Et bien, une fois que nous aurons retrouvé Nessie, nous retournerons tous les deux au Japon dans ce cas ! »

Le garçon hocha la tête, l’air heureux que je ne lui demande pas de m’accompagner davantage, autant pour sa santé physique que pour son avenir. Il était vrai qu’il m’avait promis de me venger de Savior et de retrouver leur meurtrier mais l’eau avait coulé sous les ponts depuis. Lui, comme moi, avions compris que je me débrouillai très bien seule. Ses pouvoirs, bien que puissants, étaient totalement inutiles dans les forêts ou dans les déserts que nous explorions. C’est pourquoi, je ne lui en voulais pas de tracer sa propre voie désormais.

Cependant, cette simple conversation aux allures banales m’avait ouvert les yeux sur un point : ma rage était tombée depuis bien longtemps à présent. Je détestais toujours les familiers, Savior et Esp pour ce qu’ils avaient faits à ma vie, mais ce n’était plus un désir de destruction sauvage et meurtrier. En y repensant, l’homme que j’avais épargné la veille en était la preuve vivante.

Soudain, notre bateau coupa ses moteurs et le président de l’association passa la tête par la fenêtre de sa cabine.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


« Désolé les jeunes, mais avec ce brouillard, je ne peux pas me permettre d’aller plus loin. Tous les appareils commencent à s’emballer dans la zone. »

Au même moment, je ressentis une nouvelle présence tout proche de nous et je me mis aussitôt sur mes gardes. C’était ténu, presque indiscernable, mais mes sens m’indiquaient la présence d’un familier dans les environs…

Non, ce n’était pas un familier…mais un invocateur…

« Riki…Murmurai-je en matérialisant mon épée.

-Toi aussi, tu la sens, Yuki ? Grogna le garçon, tous les muscles de son corps tendus. »

J’hochais la tête en guise de réponse et tirait un infime rayon d’antimatière dans le brouillard pour le dissiper un peu. Là, je vis que nous nous trouvions au beau milieu du lac, loin de toute terre émergée…Ce qui ne laissait qu’une seule possibilité.

« Tout va bien les jeunes ? Vous avez aperçu quelque chose ? »

Laissant mon intuition me guider, je sautai d’un bond jusqu’à la cabine de Brandon Mills et pointait mon épée juste sous sa gorge. Ce dernier déglutit, soudain pâle comme un linge.

« Finis la comédie, où est-ce familier ? Lançai-je d’une voix glaciale.

-Attends Yuki…Qu’est-ce tu fais ? Tu as perdu la tête ? S’étrangla Riki.

-Je sais très bien ce que je fais. Monsieur Mills, vous êtes un parent de Bertram Mills, celui qui aurait soi-disant aperçu Nessie pour la première fois, n’est-ce pas ? »

Le visage de l’homme se détendit soudain et ce-dernier haussa les épaules d’un air nonchalant.

« Je ne peux rien cacher à la chasseuse je vois ; soupira-t-il.

-Alors vous saviez depuis le début…

-Evidemment. Votre tête est mise à prix à Savior.

-Vous êtes donc membre de cette organisation ? Continuai-je en rapprochant un peu plus la pointe de ma lame de la gorge de l’homme qui ne se laissa pas démonter.


https://www.youtube.com/watch?v=c1g2cbhuesQ


-J’étais ; rectifia-t-il. J’ai été viré il y a bien longtemps de cela.

-Viré ? Répétai-je, méfiante.

-Qu’est-ce que Savior ferait d’un invocateur qui n’est même pas capable de maintenir son familier plus de quelques secondes dans ce monde ? »

Ignorant mon arme, l’homme claqua des doigts et la brume qui nous entourait se condensa en une immense créature au long cou de serpent sortant de l’eau, ressemblant à un plésiosaure géant. Riki, en voyant cela, sursauta mais moins de deux secondes plus tard, le monstre se dissipa et la brume reprit sa place autour du navire tandis qu’une goutte de sueur avait perlé du front de Brandon Mills sous l’effort.

Comprenant qu’il n’était pas une menace, je baissai mon arme et il reprit la parole plus sereinement.

« Vous voyez ? Les apparitions de Nessie ces dernières années ne sont dues qu’à mon incompétence en tant qu’invocateur.

-Et vous profitez de cela pour vous faire de l’argent avec votre association qui ne trouvera jamais ce monstre ? C’est plutôt malin ; déclara Riki, impressionné.

-Tous les membres de mon association sont des amis de longue date. Ils savent pertinemment que Nessie n’existe pas…Ou du moins, ne peut plus exister dans ce monde depuis que j’ai repris le flambeau.

-J’imagine que son créateur était ce fameux Bertram Mills, je me trompe ?

-Vous pensez bien, mademoiselle la chasseuse ; rit le vieil homme. Au départ, il a créé ce familier à partir d’un ossement fossile de plésiosaure trouvé au fond du lac pour faire parler un peu de son cirque, mais au fil des années, Nessie est devenu une légende urbaine et a attiré bien plus de clients qu’il ne l’avait prévu, alors il l’a fait disparaitre puis l’a transmis aux générations futures au cas où les finances de la familles viendraient à manquer.

-Et bah…Si on m’avait dit qu’être invocateur rapportait autant, je me serais engagé chez Savior ; ironisa Riki.

-Mais qu’allez-vous faire de moi maintenant ? Vous allez me tuer, comme vous avez tué nombre d’invocateurs ? Vous êtes ici pour détruire le familier de mon grand-père, n’est-ce pas ? Alors allez-y, faites votre travail.»

Pour toute réponse, je fis disparaitre mon épée et tournai le dos au vieil homme en croisant mes bras sur ma poitrine, regardant au loin dans le brouillard deux minuscules yeux rouges luisant dans l’obscurité à dix mètres au-dessus du sol.

« Tenez-vous vraiment à votre familier, monsieur Mills ? Le lac a-t-il réellement besoin de Nessie pour que sa légende subsiste ?

-Cela fait plusieurs années que je n’ai pas réussi à invoquer correctement ce familier, et pourtant, les cryptozoologues continuent à se masser ici en espérant le voir, donc j’imagine que non…

-Vous n’y êtes pas attaché ? M’étonnai-je.

-Nessie ne fait pas partie de ces familiers possédant une réelle conscience. Ce n’est que la coquille vide d’un animal ayant vécu il y a des millions d’années, une sorte de marionnette utilisée par mon grand-père il y a quatre-vingts ans.

-Je vois…C’est tout ce que j’avais besoin de savoir. »

Sans ajouter un mot de plus, je déployai mes pouvoirs tout autour du bateau et libérait des milliers de particules d’antimatière sur la brume sombre qui disparut instantanément dans une explosion de lueurs semblables à de la poussière d’étoile, de même que les deux yeux rouges de Nessie, tels deux petites flammes mourantes, qui s’éteignirent dans un silence absolu,

Sur notre bateau tomba alors un os fossilisé immense, passant presque à travers la coque du rafiot, dernière preuve tangible de l’existence de Nessie.

L’ex propriétaire de la légende disparue le ramassa avec un sourire tout en poussant un sourire de soulagement.

« C’est une belle aventure qui se termine aujourd’hui. J’imagine que les gens admettront que le monstre du Loch Ness a fini par mourir de vieillesse…

-Pourquoi mettre fin à ce mythe ? Rétorquai-je. Même si je déteste les familiers, celui-ci n’a apparemment jamais causé de tort à quiconque et est la principale attraction du coin. Il serait dommage de démystifier une telle créature.

-Vous avez sans doute raison, mademoiselle la chasseuse…Ou devrais-je dire, mademoiselle Fuyuku. Finalement, vous n’êtes pas ce monstre décrit par les rapports de Savior…

-Ca, c’est vous qui le dites…Murmurai-je.

-Et vous avez raison ; intervint Riki avec un large sourire. »

Je levai la tête vers le ciel désormais dégagé et parsemé d’une infinité d’étoiles et de constellations illuminant le lac tels des milliers de minuscules bougies se reflétant dans l’eau pure et limpide.

« Je l’ai fait, Yuki…J’ai vaincu le monstre du Loch Ness…Lançai-je dans le vent, espérant que mon amie de toujours entende ces paroles. »


https://www.youtube.com/watch?v=zuIp-vaD7MI


Sur ces sages paroles, nous revînmes à la rive et j’envoyai aussitôt un message à ESP pour leur confirmer l’accomplissement de notre mission et leur annoncer que je prenais une pause d’une durée indéterminée, ainsi que leur demander un moyen de rapatriement.

Ces derniers, même à une heure du matin, semblaient au taquet lorsqu’il s’agissait de récupérer leurs agents car moins de dix minutes après notre retour, un Jet silencieux piloté par un Esper possédant le pouvoir de lévitation, atterrit sur les bords du lac.

Brandon Mills, après avoir déposé l’os fossilisé à l’intérieur de son musée en tant que nouvelle pièce maitresse de sa collection, revint pour nous dire au revoir.

« J’ai quand même une question que je me pose depuis plus d’une heure maintenant ; déclara alors Riki, l’air sceptique, mais si vous saviez depuis le début que Yuki en avait après vous et qu’elle était capable de vous tuer, pourquoi avoir fait tout ce cinéma ?

-Tout simplement parce que les rapports de Savior sont formels : nul n’échappe à la chasseuse ; lui répondit le vieil homme en haussant les épaules. Alors je me suis dit, autant ne pas fuir et dépenser mon énergie pour rien. Vous savez, à mon âge, on en a assez de courir dans tous les sens…

-J’aimerais bien voir ce que les rapports de Savior racontent comme bêtise sur moi tiens ; grommelai-je, imaginant les pires descriptions possibles.

-Je peux vous assurer que vous ne voudriez pas savoir ; s’amusa l’ex invocateur. »

Sur ces belles paroles, nous nous saluâmes une dernière fois et nous montâmes dans le jet d’ESP devant nous ramener au Japon.

Alors que nous volions haut au-dessus des nuages, là où la plupart des avions de ligne ne pouvaient pas monter, et que Riki s’était une fois de plus endormi, je repensais aux événements récents.

Qu’est-ce qui m’avait pris de me montrer amicale envers cet invocateur ? Je croyais m’être jurée d’exterminer Savior pour venger mes parents et voilà que je me retrouvais à éprouver de la sympathie pour l’un d’entre eux…

Jusque-là, jamais je n’avais eu de pitié ou de remords au moment de détruire les familiers…Mais pour la première fois, j’avais senti ma gorge se nouer en voyant ce monstre qui avait fait rêvé plusieurs générations, périr de ma main…

Je secouai la tête pour chasser ces idées absurdes de mon esprit. J’étais la chasseuse d’ESP. Je n’avais que faire des sentiments des gens liés de près ou de loin aux monstres que j’exterminais. Je ne faisais que rendre la justice de la mort de mes parents.


https://www.youtube.com/watch?v=ajiyhH68Hm0


Lorsque l’avion nous déposa devant le QG d’ESP plus de dix heures plus tard, je pris une grande inspiration et levai la tête vers l’hôpital se trouvant juste à côté tout en serrant mon médaillon contre mon cœur.

Le soleil n’était pas encore totalement levé à l’horizon et seuls quelques timides rayons bas embrasaient le ciel et l’air frais et humide de l’aurore. Toutes les lumières des bâtiments étaient encore éteintes et la ville s’éveillait lentement sous nos yeux.

« Bien, Riki, je crois que nos chemins vont se séparer ici ; déclarai-je en me retournant vers le jeune garçon encore à moitié endormi.

-Tu es certaine que tu ne veux pas faire un bout de chemin avec moi ?

-Désolée, mais je suis attendue…Enfin, en quelque sorte ; lui répondis-je avec un sourire. »

Riki baissa la tête en haussant les épaules avant de me tendre la main chaleureusement.

« Bon, préviens-moi si tu as besoin d’aide dans l’une de tes missions. Même si je suis en examens, je répondrai à ta demande, tu peux compter sur moi.

-Concentre-toi sur ton avenir au lieu de me coller pour cette promesse espèce d’idiot ; rétorquai-je en riant.

-Tu as sans doute raison…Mais alors, promets-moi de ne rien faire d’imprudent…

-Tu t’inquiètes pour la plus puissante Esper de la fondation ? Raillai-je pour le rassurer. Inquiète-toi plutôt du sort de ces familiers que je vais détruire !

-Evite simplement d’attirer l’attention en te mettant dans des situations pas possible ; soupira le garçon.

-Je ne peux rien te promettre… »

Nous éclatâmes tous les deux de rire en chœur puis, ne souhaitant pas prolonger ces au-revoir davantage que nécessaire, je tournai les talons et lui adressai un dernier signe de la main

« Allez, Riki, à la prochaine et préviens-moi quand tes examens seront terminés qu’on se fasse un truc ! »

Puis je me précipitai vers l’hôpital où Kazumi se trouvait dans l’espoir de tout régler enfin entre nous.




Fuyuku Yuki : La naissance d’une héroïne



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzs


Toujours, j’avais rêvé d’être une héroïne de la justice. Sauver des vies, poursuivre des idéaux de paix, voir les sourires des gens, poursuivre le crime et détruire les ennemis du bien, tels étaient mes rêves en apprenant que je possédais des pouvoirs extraordinaires.

Pourtant, lorsque je me retournais, il n’y avait rien d’autre que du sang, des larmes, de la haine, de la destruction et un vide absolu.

Ces pouvoirs, au lieu de me donner, m’avaient pris. Je n’étais pas une héroïne aimée et acclamée des foules. J’étais une chasseuse impitoyable, crainte et détestée. Et la personne qui me détestait le plus dans ce monde était en face de moi.

Autrefois, nous étions amies, presque comme des sœurs mais, parce que j’avais eu la possibilité de réaliser mes rêves, j’avais perdu la seule personne qui me motivait encore à accomplir.

Là, derrière une paroi en verre de plusieurs centimètres d’épaisseur, les bras immobilisés par une camisole, la coiffure d’ordinaire si soignée, ce jour-là si négligée, et le regard dans lequel pouvait se lire une profonde haine et un profond mépris, se trouvait l’ombre de celle qui fut jadis ma complice et ma seule amie.


https://www.youtube.com/watch?v=8zj0eWxRYU4


« Oh, voilà que le monstre vient me rendre visite, je suis flattée ; ironisa-t-elle avec un faux sourire.

-Salut, Kazumi ; lui répondis-je en baissant les yeux, incapable de soutenir son regard. Ca faisait longtemps…

-A peu près aussi longtemps que la dernière fois que j’ai posé un pied dehors, ça fait longtemps, en effet ; continua-t-elle d’une voix tranchante.

-J’ai demandé à la fondation de te laisser sortir en leur promettant que tu ne dirais rien…Ils sont en train d’examiner ton dossier ; continuai-je sans oser la regarder dans les yeux.

-C’est inutile. Ils savent pertinemment que je ne me tairai pas. Quelque chose se trame dans notre dos et tu le sais aussi bien que moi, Yuki ; cracha mon ancienne amie. Mais que me vaut la visite de la chasseuse d’ESP ? Tu n’es pas venue pour parler de cela j’imagine, sinon, tu viendrais plus souvent me rendre visite si tu voulais simplement bavarder. »

Je déglutis, peu certaine de vouloir lui révéler une telle information à présent, voyant qu’elle n’était pas disposée à m’écouter mais il était trop tard pour faire marche arrière.

« J…J’ai élucidé l’affaire de Nessie ; m’exclamai-je en souriant. Ce n’était qu’un vieil invocateur qui voulait faire un peu de pub pour relancer son organisation ! »

Je me forçai à rire à ce moment-là mais Kazumi n’eut aucune réaction. Pas même le moindre sourire ne se dessina au coin de sa bouche.

« Et donc ?

-Je…Je pensais que tu aurais voulu savoir le fin mot de l’histoire depuis le temps, rien de plus ; gloussai-je nerveusement.

-Tu l’as détruit, n’est-ce pas ? »

Je me raidis immédiatement et, sans le vouloir, je croisai le regard de mon ancienne meilleure amie qui me glaça aussitôt le sang. Il n’y avait aucune admiration ni aucune joie dans ses yeux, simplement du mépris.

« C’est donc ça que tu appelles « être une héroïne de la justice » ? Poursuivit la brune d’une voix glaciale. Détruire des légendes urbaines qui ont fait rêver des millions de personnes simplement…à cause d’un seul familier ?

-L…Les familiers sont dangereux ; rétorquai-je timidement.

-Parce que tu ne l’es pas peut-être ? Toi, l’Esper de l’antimatière ? La chasseuse ? Le monstre de la fondation ?

-Je…

-Regarde-toi dans un miroir Yuki. Tu n’es pas plus humaine que ces créatures. Ni à l’extérieur, ni à l’intérieur. »

Mon cœur se serra dans ma poitrine. J’avais l’habitude de me faire traiter de monstre par les invocateurs que je combattais et même par certains membres de la fondation. Je l’avais moi-même accepté…Cependant, l’entendre de la bouche de mon ancienne meilleure amie était beaucoup plus dur à admettre que je ne l’avais pensé…

« Je ne fais que suivre ce qui me semble juste…Murmurai-je. Mes parents n’avaient jamais rien fait de mal…Je dois les venger…

-Je vois…tu es en train de me dire que je dois exterminer tous les Espers si un jour un membre de ma famille est tué, même par accident ? C’est ça ta morale ? Ta justice ?! J’appelle ça un caprice d’enfant moi ! »

Je grimaçai. Je n’avais rien à répondre à cela parce que je savais au fond de moi qu’elle avait raison mais je refusais de l’admettre maintenant. J’avais accompli trop de choses pour changer simplement de vision d’un claquement de doigts.

« Enfin bon, j’imagine qu’un monstre ne peut pas comprendre cela ; reprit Kazumi en soupirant.

-Je…Je ne suis pas un monstre…Bégayai-je, autant pour elle que pour moi.

-Vraiment ? Pourtant tu te comportes comme tel et tu leurs ressembles quand tu utilises tes pouvoirs ; objecta la jeune fille en haussant les sourcils.

-Je peux combattre sans mes pouvoirs…Et je peux délivrer la justice en détruisant en priorité des familiers ayant déjà fait des victimes si c’est cela que tu veux…Marmonnai-je en serrant les dents, regrettant déjà d’avoir dit cela.

-Vraiment ? Tu penses qu’avec une simple épée et tes talents de combattantes, tu serais capable de mettre au tapis des légendes comme Dracula ou Slender Man ? Ricana mon ancienne amie qui n’y croyait pas une seconde. Tu arriverais à délivrer une véritable justice au lieu de passer tes nerfs comme une gamine de dix ans sur le premier familier que tu rencontres ?

-T…Tout à fait !

-Très bien, j’attends de voir cela. Montre-moi que, derrière cette fille qui prônait la justice au lycée n’était pas qu’une façade, Yuki ; me lança-t-elle d’une voix de défi.

-Je te prouverai que je suis aussi humaine que toi, Kazumi ! M’exclamai-je en me levant brusquement, déterminée. »

Notre entretien se termina sur ces paroles et, le soir-même, je passai en revue tous les dossiers que je possédais chez moi concernant mes futures missions puis en jetai plus de la moitié à la poubelle, soit parce que je n’étais pas assez forte pour gagner sans pouvoir, soit parce que ces familiers n’étaient pas connus pour avoir causé des problèmes et n’étaient que de simples apparitions tels que le Yéti ou le Dahu.

Ainsi, je me fis une pile de cinq ou six dossiers sur mon bureau concernant les monstres qui méritaient réellement d’être arrêtés.

Cela m’était difficile de l’admettre mais Kazumi avait raison indirectement sur un point. Mes parents n’étaient certainement pas les seules victimes du familier qui avait pris leur vie. Il m’était donc inutile de chercher du côté des simples cryptides qui n’étaient connus que pour avoir été vus et rien d’autres.


https://www.youtube.com/watch?v=C8CU46C7gnU


C’est ainsi que, quelques mois plus tard, après la fin de ma pause et avoir repris un entrainement intensif d’escrime, j’étais de retour à l’autre bout du monde, cette fois-ci dans l’extrême sud de la Floride, sur une petite île du nom de Key West, afin d’enquêter sur un familier ayant étrangement échappé aux autorités d’ESP pendant plusieurs dizaines d’années, une poupée soi-disant maudite du nom de Robert, entreposée dans le musée local.

Personnellement, je ne croyais que très peu aux histoires de fantômes, du moins, pas aux histoires traditionnelles. Les fantômes existaient, je le savais. Mais pas en tant qu’âme de défunts. Il ne s’agissait souvent que de familiers pouvant se dématérialiser et pour la plupart inoffensifs.

Je n’avais d’ailleurs jamais compris comment les gens pouvaient s’arranger pour se faire tuer par une poupée…Mais bon, j’allais certainement trouver la réponse très bientôt.

Pour l’heure, j’attendais simplement la fermeture du musée dans un café du coin, à l’ombre d’une terrasse, patientant tranquillement en relisant une fois de plus les rapports d’ESP au sujet de cette poupée maudite et sirotant un jus d’oranges pressées de Floride.

Apparemment, ce bout de chiffon avait été offert par un serviteur pratiquant le vaudou à son maitre et depuis, elle avait tenté de tuer plusieurs de ses propriétaires avant d’être enfermée dans ce musée et surveillée en permanence.

Je ne voyais vraiment pas pourquoi tout le monde faisait un foin de ce familier. Ce n’était pas comme si des milliers d’invocateurs avaient raté la conception de leur familier.

Cependant, il y avait tout de même quelque chose de surprenant dans ces rapports car la poupée semblait, non seulement capable de télékinésie mais en plus, ne s’était manifestée qu’à la mort dudit serviteur et était toujours en activité.

Je croisai mes bras sur ma poitrine, sceptique. Normalement, un familier devait disparaitre avec la mort de son invocateur s’il n’était pas transmis à quelqu’un d’autre…Se pouvait-il que ce Robert Eugène Otto, l’homme ayant hérité de la poupée, fût également un invocateur ? Dans ce cas, que penser des attaques étant survenues après sa mort ?

Plus je cherchais et plus j’avais l’impression de m’éloigner de la réponse. Mais après tout, je m’en fichais un peu. J’avais juste à couper cette horreur en deux avec mon épée et le tour serait joué. Le seul point négatif de cette mission était ma tenue…Vraiment peu adaptée à une infiltration : Jupe courte, débardeur blanc, sandales, lunettes de soleil coups de soleils sur tout le corps…

C’était dans ces moments-là que je regrettais d’être seule. Riki, lui, aurait pu me rappeler d’emporter une tenue de rechange…

Alors que le soleil commençait à décliner à l’horizon et embrasait une mer scintillante et projetait son ombre immense sur une plage de sable blanc et fin comme du sel, je vis un homme aux allures louches entrer à l’intérieur du café auquel j’étais.

Il portait évidemment des lunettes de soleil et un chapeau mais également un énorme manteau noir et des gants en cuir…Ce qui, par les trente-cinq degrés à l’ombre, était tout sauf normal.

Je pris tout de même le temps de finir mon jus d’orange puis rentrai à l’intérieur du café pour payer. Cependant, la porte ne s’était même pas refermée entièrement que je sentis un embout métallique contre ma tempe et une voix grave me parvint aux oreilles.


https://www.youtube.com/watch?v=yR70cGJ09pM


« A terre Jeune fille, ceci est une prise d’otage. »

Je baladai rapidement mon regard à l’intérieur et je vis qu’effectivement, tout le monde, clients, staff et même passants, était roulé en boule sur le sol, les mains derrière la nuque, leurs visages contre le plancher.

L’homme que j’avais vu entrer un peu plus tôt était accompagné à présent de deux complices, certainement déjà présent dans le bar et tous pointaient un révolver dans ma direction.

« Tu es sourde ? Je t’ai dit à terre ! Répéta l’homme à ma gauche en appuyant un peu plus fort. »

Je levai les yeux à l’horloge murale : 16h10. Il ne me restait plus que vingt petites minutes avant la fermeture…Je n’avais vraiment pas le temps de jouer avec ces guignols…

Lâchant un soupir, je retirai ce canon désagréable de mon visage comme on chasse une mouche agaçante et m’adressai à l’homme qui possédait cette arme sans même le regarder.

« Désolée, je suis pressée, j’ai une poupée démoniaque à détruire. »

En entendant ces mots, l’homme au manteau se leva et vint se placer juste devant moi, l’air amusé par ma résistance.

Il devait faire au moins deux têtes de plus que mois et était aussi large qu’une cheminée. Son visage était carré et un grand sourire stupide était dessiné sur ses lèvres…Exactement le genre de type que je détestais…

Cependant, je fus bien obligée de reculer en me bouchant le nez tellement il empestait le vieux cigare.

« Tu as du cran pour une gamine de douze ans ; déclara-t-il avec un fort accent italien.

-J’en ai eu quinze il y a trois semaines ; rétorquai-je, vexée d’être prise pour une gamine.

-Peu importe ton âge. Il nous fallait justement une victime pour montrer aux autorités que nous sommes déterminés et… »

Je soupirai une nouvelle fois et je me contentai de contourner le gros homme sans l’écouter davantage puis déposai mon argent sur le comptoir, ainsi que mon verre, sous les yeux exorbités des trois hommes et de certains clients.

« Mademoiselle…Vous devriez vous partir tant que vous le pouvez et…Commença l’une des serveuses avant que je ne l’interrompe en baillant.

-Ah bah ça, oui, je ne compte pas rester ici. Je n’ai plus que vingt minutes et le musée est à dix minutes de marche.

-Je crois qu’on ne s’est pas très bien compris tous les deux ; reprit l’homme à l’accent italien. Mon nom est Bernito Berlu…

-Peu importe votre nom. Il me fallait justement une cible pour m’échauffer et vous tomber à pic tous les trois.

-Sale petite… »


https://www.youtube.com/watch?v=SaeXN-MByjU


Une fois de plus, il n’eut pas le temps de terminer sa phrase car l’un de ses acolytes, exaspéré, tira sur moi. La serveuse qui se trouvait à côté de moi poussa un cri de terreur mais je ne bougeai, me perdue dans mes pensées en essayant de trouver comment rentrer dans le musée avec ces idiots qui me bloquaient le passage.

Je ne pouvais quand même pas forcer le passage et ensuite détruire la vitrine, j’allais être repérée bien trop facilement…

Lorsque la balle en fer entra en contact avec ma peau, au lieu de la traverser et de me tuer sur le champ, elle se désintégra purement et simplement sous les yeux exorbités des trois hommes tandis qu’un picotement aussi désagréable qu’une piqure de moustique se propagea le long de mon bras.

Pensant qu’ils m’avaient simplement raté, les hommes se remirent à tirer sur moi jusqu’à vider leurs chargeurs mais, comme la première, toutes les balles se désagrégèrent sans me faire plus de mal que si on me jetait des balles de ping-pong.

Lorsque les terroristes furent à court de munitions, ces derniers commencèrent enfin à paniquer tandis que je me rapprochai d’eux pour sortir de ce café où je n’avais perdu que trop de temps.

Cependant, alors que je n’étais plus qu’à quelques mètres de la porte d’entrée, le chef des attaquants se saisit de l’un des clients du café et braqua une seconde arme contre sa tempe.

« Je ne sais pas qui tu es mais je te préviens, reste en dehors de tout ça ou… »

Sans lui laisser le temps de finir, avec une vitesse surhumaine, je dégainai mon épée et tranchai le canon de l’arme à feu.

« Vous me faites vraiment perdre mon temps, bande de guignol ; lançai-je d’une voix glaciale. »

Je lançai un regard assassin aux deux acolytes qui, comprenant que leurs vies étaient menacées, se rendirent aussitôt tandis que le chef tomba à la renverse, lâchant son otage et c’est à ce moment-là qu’une idée folle me passa par la tête.

Je m’approchai un peu plus de l’homme corpulent avec un sourire digne d’un prédateur ayant repéré une proie puis l’attrapai par le col de sa chemise.

« Que diriez-vous de me rendre un petit service en dédommagement ? Lui demandai-je d’une voix doucereuse.

-Un…Un dédommagement ? Répéta l’homme, pâle comme un linge.

-Vous ferez un très bel otage pour Robert je pense… »

J’entendis le chef des terroristes déglutir de terreur à l’évocation de ce nom.


https://www.youtube.com/watch?v=x0n5yObwyDE


Ainsi, après avoir fermement ligoté les deux autres hommes et les avoir laissés aux bons soins des clients du magasin, je sortis par l’arrière de la boutique avec mon prisonnier alors que les sirènes de police se rapprochaient rapidement et m’arrêtai à quelques pas de ma destination finale, tapie derrière deux arbres.

Je regardai l’heure et, évidemment, il était bien trop tard pour rentrer dans le musée en tant que simple visiteuse…

Musée qui, d’ailleurs, ne donnait vraiment pas envie. Il s’agissait d’une sorte de gros bloc de briques rouges, à la façon d’une prison – ce qu’il devait être, une prison pour le familier de la poupée – et devant, la décoration ne se composait que d’une grosse ancre rouillée et d’une statue de l’attraction principale.

Je me tournai vers l’homme et enlevai son bâillon.

« Vous…Vous allez regretter d’avoir tenu tête à la plus grande famille de…

-Dites, est-ce que vous courez vite ? L’interrompis-je.

-Je ne vous permets pas de…

-Ecoutez-moi bien : vous allez vous introduire à l’intérieur de ce musée et vous allez éteindre toutes les caméras de surveillance, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

-Pourquoi, moi, Bernito Ber… »

Une fois de plus, je ne le laissai pas terminer et, l’agrippant par le col de sa chemise, je lui fis faire un vol plané de plusieurs mètres. Le gros homme tomba lourdement sur les pavés et commença à m’insulter dans une langue que je ne comprenais pas. Pour toute réponse, je lui lançai un regard noir et il cessa aussitôt ses jurons puis rentra à l’intérieur du musée.

Il ne fallut que quelques secondes avant que des cris ne se fassent entendre et que trois membres du personnel ne s’enfuient en courant. Visiblement, cet homme était plutôt connu dans le coin et tant mieux pour moi.

Une fois que le silence fut revenu, je m’introduisis à mon tour à l’intérieur du musée mais je ne vis personne. Mon prisonnier s’était volatilisé.

Après tout, tant pis s’il avait pris la fuite par une porte arrière. Il avait fait son travail, c’était tout ce qui m’importait.

Je pénétrai donc dans le musée, seule, à la recherche de la poupée maléfique. Au début, j’enchainai les pièces sans grande conviction, n’étant absolument pas intéressée par les pièces exposées ici mais, plus je m’enfonçai dans le musée et plus je sentais que je n’étais pas seule.

Par prudence, j’activai la protection du médaillon de ma mère et matérialisai mon épée, juste au cas où.

Finalement, un panneau immense m’indiqua que j’allais enfin m’engouffrer dans la pièce consacrée à Robert.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Je poussai la porte qui était légèrement entrouverte. Dès que j’eus posé un pied à l’intérieur, je ne pus m’empêcher de grimacer. Au sol, une énorme marre de sang recouvrait la pierre blanche tandis que le présentoir où aurait dû être enfermé la poupée…avait été ouvert et la vitre brisée.

Je soupirai en découvrant le corps sans vie du terroriste à quelques mètres de là. Son ventre était déchiqueté, ses yeux crevés et un trou béant se logeait à la place de son cœur.

Ce n’était vraiment pas beau à voir. Même moi, je ne m’amusais pas à jouer de la sorte avec les cadavres de mes ennemis.

Au moins, cela prouvait qu’il existait plus monstrueux que moi dans ce monde et que les familiers étaient de réels dangers…

Je pris une seconde pour observer les environs. Hormis le présentoir, la pièce était entièrement vide et aucune trace de la poupée. La seule issue possible était une autre pièce du musée, certainement la dernière et un cul de sac également.

Je ne savais pas à quoi jouait ce familier mais il ne me semblait pas être spécialement intelligent pour un rang A. Sans possibilité de fuite, il était à ma merci.


https://www.youtube.com/watch?v=6VtewUF9yJU


Lorsque j’entrai dans la dernière sale du musée, il faisait entièrement noir. Pas une fenêtre, pas une lampe, pas une veilleuse, aucune lumière. Il y faisait froid également, très froid en comparaison avec les trente degrés de l’extérieur, comme si quelqu’un avait réglé la climatisation sur le mode Sibérie.

Prudemment, je fis quelques pas à l’intérieur et ceux-ci résonnèrent longuement, comme si cette pièce était immense, spacieuse…Et vide…

Soudain, la porte d’entrée se referma violement derrière moi et un bruit de clés tournant dans une serrure se fit entendre, rapidement suivit de petits bruits de pas tout autour de moi, ainsi que des grattements contre les murs, comme si un prisonnier essayait de s’échapper de sa cellule.

« Qu’est-ce que c’est encore que cette attraction pour touristes…Grommelai-je. »

Commençant à en avoir assez, je créai une petite sphère d’énergie au creux de ma main, faisant office de bougie suffisamment puissante pour éclairer la pièce qui, finalement n’était pas si grande que ça…

En réalité, elle était même minuscule, à peine plus grande qu’une cellule de prison. Et évidemment, toujours aucune trace de la poupée.

Les grattements se rapprochaient lentement de moi mais j’avais beau regarder, j’étais seule ici, et il n’y avait aucun mobilier où l’on aurait pu se cacher.

Je fronçai les sourcils et me mis à réfléchir un instant. Si j’avais réellement à faire à une poupée maléfique, alors cette pièce devait être bourrée de pièges mortels, comme dans les films.

Voulant m’en assurer, je fis un pas et un déclic se fit entendre au loin. J’activai mes pouvoirs comme un bouclier, juste à temps pour me protéger d’une hache sortant directement d’un mur et assez aiguisée pour trancher n’importe quelle armure.

Prudemment, je fis un autre pas et cette fois-ci des piques tentèrent de jaillir du sol mais se désagrégèrent au contact de mon bouclier.

Finalement, ce familier n’était pas aussi stupide qu’il ne le laissait croire. N’importe qui, y compris certains Esper, serait déjà mort face à ces pièges. Je comprenais mieux pourquoi personne n’avait jamais tenté d’affronter cette poupée depuis sa capture qui avait certainement dû la rendre très agressive…

Ainsi, j’avançai au milieu de ces pièges, protégée par mon bouclier et finis par arriver au mur d’en face. Il n’y avait aucune issue possible dans cette pièce et pourtant, elle semblait immense et Robert ne s’y trouvait pas…

Il n’y avait pas des dizaines d’explications possibles. Soit ce monstre était invisible, ce dont je doutais fort, soit…J’étais trompée par une illusion.

Partant plutôt sur la deuxième option, je touchai le mur du bout de mes doigts et ceux-ci passèrent à travers comme s’il n’y avait rien.

Je souris et traversai le mur illusoire pour me retrouver enfin dans la véritable dernière salle de ce musée des horreurs.


https://www.youtube.com/watch?v=Fl0c9wApUeg&t


Elle était là, devant moi, sagement assise sur une chaise, dans un uniforme entièrement blanc comme celui porté par les enfants dans le temps, une paire de chaussure rouge et un bonnet trop grand pour lui. Dans ses bras, la poupée tenait une sorte de petit chiot en peluche d’un côté, et le cœur encore dégoulinant de sang de sa victime…

Robert devait mesurer près d’un mètre, et son visage avait été à moitié effacé par les années. Seuls deux boutons en guise d’yeux lui restaient et me fixaient.

Le reste de la pièce était la reconstitution fidèle de ce qu’avait dû être la chambre de Robert dans sa première demeure : quatre murs sans fenêtre, un lit dur, quelques jouets, une commode, un cheval à bascule, un tapis, et rien d’autre.

Je m’arrêtai et lançai un regard de mépris à ce familier bien moins impressionnant que tous ceux que j’avais pu combattre jusque-là.

« Tu es venu nous tuer, n’est-ce pas ? Déclara soudain le familier par télépathie, d’une voix à la fois adulte et enfantine.

-Tu as bonne intuition, vieux bout de chiffon ; raillai-je.

-Pourquoi ? Pourquoi veux-tu nous tuer ? Nous voulons simplement vivre en paix ; continua la voix double.

-Comment un familier peut-il encore être en vie plusieurs années après la mort de son invocateur ? Enchainai-je, en ignorant sa question.

-Nous ne sommes plus un familier. Nous sommes Robert. Nous avons notre propre conscience. Nous sommes vivants.

-Soit, vous n’êtes pas un familier, vous êtes juste totalement schizo… Cependant…»

A ce moment-là, je perdis mon attitude décontracté et bandai tous les muscles de mon corps pour me mettre en position de combat.


https://www.youtube.com/watch?v=Y8sQu1N406c


« Je suis Fuyuku Yuki. Ma mission est de t’éliminer, toi, le familier se faisant passer pour un fantôme et ayant déjà fait bien trop parler de toi pour un morceau de chiffon. »

Sans autre sommation, je me jetai sur la poupée, bien décidée à l’embrocher de la pointe de ma lame. Le familier brilla faiblement et du plafond sorti un immense pendulier suffisamment aiguisé pour trancher même la pierre du sol. Cependant, je ne ralentis pas et réactivai mon bouclier qui ne fit qu’une bouchée de l’arme d’acier.

Le bras du bout de chiffon se leva légèrement et soudain la pierre du sol se fissura. Un torrent de lave en jailli et déferla sur moi mais je n’en tins pas compte et passai au travers comme s’il ne s’agissait que d’une simple vaguelette.

Devant ma persévérance, le familier leva son autre bras et je sentis comme des griffes se heurter à mes pouvoirs. Comme je le pensais, une partie du corps de ce monstre était invisible mais je n’en avais que faire. Il me suffit d’augmenter un peu le niveau de mon bouclier pour repousser l’attaque de ce monstre.

J’avais peut-être promis à Kazumi de ne pas me servir de mes pouvoirs pour détruire les familiers mais rien ne m’empêchait de les utiliser de manière défensive.

Enfin, lorsque je ne fus plus qu’à quelques centimètres de la créature, d’un coup du tranchant de ma lame, je décapitai la poupée maudite.

Celle-ci perdit immédiatement de son éclat et tomba au sol, comme le vulgaire jouet qu’elle était. Mais j’étais loin d’être au bout de ma peine et je le savais. Ce combat était trop simple. Même sans mes pouvoirs j’aurais pu me débrouiller en étant excessivement prudente.

J’avais raison de me méfier car, de la tête coupée de la poupée s’éleva une épaisse fumée noire. Ne sachant pas à quelle sorte d’ennemi j’avais réellement à faire, je reculai d’un pas, toujours sur mes gardes.

Dans un crissement infernal, la masse informe se précipita vers le cheval à bascule et pénétra à l’intérieur du jouet pour enfant. Celui-ci ne tarda pas à se métamorphoser, passant de l’innocent jouet en bois à un effrayant cheval aux dents pointues et aux pattes dotées de griffes acérées.

Le cheval démoniaque se jeta sur moi et tenta de m’asséner un coup de patte au visage mais mon bouclier était toujours actif. Tout ce qu’il réussit à faire fut de perdre l’un de ses membres.

Je le repoussai donc sans trop de difficulté avant de lui planter l’épée directement dans le cœur.

Une fois de plus, la brume sombre s’échappa du corps du jouet délabré pour se précipiter dans un autre objet, l’armoire qui prit vie sous mes yeux.

Ce spectacle était tellement grotesque que j’avais l’impression de me retrouver dans le cauchemar d’un enfant de quatre ans…

Pendant que le meuble se jetait sur moi, un nouveau déclic se fit dans ma tête. Je venais de comprendre quelle était l’origine de la longévité de ce familier.

Après avoir fracassé le bois de l’armoire d’un coup de pied retourné, la brume sombre refit surface mais je profitai de ce court laps de temps pour détruire tous les objets présents dans cette pièce d’une seule attaque, ne lui laissant aucune cachette possible.

« C’est terminé, Robert. Il est temps de te réveiller, Eugène Otto.

-Eugène n’est plus ! Nous sommes Robert ! Hurla la voix mi enfantine, mi adulte dans mon esprit. »

Alors que je pensais que le familier allait finir par périr sans hôte, comme tous les familiers spectraux, la brume sombre se précipita vers moi et passa à travers les mailles de mon bouclier avant de me rentrer dans le corps par la bouche.


https://www.youtube.com/watch?v=z9_RD-iRQW0


Je tombai immédiatement à genoux et me mit à tousser du sang tandis que je sentais l’esprit s’engouffrer droit vers mon cœur. Je n’arrivais plus à respirer. Tous mes membres étaient paralysés et mes sens devenaient flous.

« Tu ne peux pas nous résister, chasseuse, nous allons prendre ton corps comme nous avons pris celui d’Eugène et nous n’allons faire qu’un ! »

Lentement, je sentais ma main bouger toute seule et pointer mon épée vers mon cœur. Cette saleté devait avoir pris possession de mon système nerveux et je la sentais prendre la direction de mon cerveau désormais…

« Désolée…Kazumi…Je ne vais pas pouvoir tenir ma promesse…Pensai-je.

-Tu te rends face à nous ? Murmura l’entité.

-Cours toujours, monstre. »

Je fermai les yeux et abandonnai le contrôle de mon corps à la créature qui s’y répandit à grande vitesse. Je l’entendais triompher dans mon esprit qui luttait encore pour garder le contrôle pendant que mes jambes, mes bras et ma têtes bougeaient sans que je ne leurs aie donné d’ordre.

« Nous avons pris possession de ton corps, Esper, nous allons maintenant…

-Meurs, familier. »

D’un seul coup, je cédai les dernières parties de mon esprit à la créature qui s’y précipita. Cependant, puisque je n’étais plus aux commandes, les particules d’antimatières me servant encore de bouclier retournèrent immédiatement à l’intérieur de moi et l’infime partie de mon cerveau encore active entendit le monstre hurler à l’intérieur de moi avant de s’en échapper le plus vite possible.

Lorsque je repris le contrôle, tous mes membres étaient déchiquetés par ma propre attaque mais j’étais en vie alors que la chose en face de moi n’était plus qu’un minuscule nuage noir, pas plus grand qu’un rond de fumée de cigarette.

Heureusement pour moi, les dégâts de l’antimatière n’avaient touché aucun point vital et je me régénérai rapidement grâce à cette même antimatière coulant dans mes veines.

Mais le familier se régénérait rapidement aussi et le temps jouait contre moi. Il fallait que j’en finisse en une seule attaque.


https://www.youtube.com/watch?v=IngdqLS16DQ


Prenant mon épée à deux mains, je concentrai mon énergie dans sa lame. Celle-ci fut entourée d’un halo de lumière noire tandis que mes yeux virèrent au doré.

« Désolée, Kazumi…Mais seul un monstre…Peut vaincre un monstre… »

L’air se mit à tourbillonner autour de moi et la brume sombre fit de son mieux pour rester en un seul morceau, utilisant les parties invisibles de son corps pour se cramponner aux murs.

« Ce…Cette lumière…Cette épée…Ca ne peut pas être ! Rugit l’entité, terrifiée. »

« Anti-Matter Sword…Dark…Excalibur ! »

Un immense rayon de lumière noire s’échappa de la lame de mon épée et fusa droit sur le nuage sombre, traversant les murs et le plafond du musée comme du papier et se perdant au loin dans les cieux. Le familier fut happé dans la lumière et hurla de douleur alors que, lentement, toutes les particules qui composaient son corps de fumée disparaissaient dans la vague d’énergie noire.

Lentement, mon attaque se dissipa et je me retrouvais seule au milieu d’un immense cratère encore fumant. Il ne restait plus rien de la pièce créée par le familier…et plus grand-chose non plus du musée en lui-même…


https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I


Et pourtant, au milieu de ses ruines, flottant devant moi tel un fantôme, se tenait la silhouette translucide d’un petit garçon brun, aux cheveux coupés courts et aux grands yeux verts, portant les mêmes habits que Robert et tenant la poupée dans ses bras en me souriant.

« Merci, mademoiselle Yuki, de m’avoir délivré de ce long cauchemar ; déclara joyeusement l’enfant.

-Mais, de rien, je ne faisais que remplir ma mission ; répondis-je, gênée.

-Je pensais rester prisonnier pour l’éternité mais vous l’avez fait. Merci pour tout ! Vous êtes une véritable héroïne ! »

Dans une nuée de poussière scintillante, la silhouette du garçon se dissipa lentement et je m’écroulai sur le sol en riant légèrement.

C’était la première fois que quelqu’un me remerciait d’avoir détruit un familier…et ce n’était vraiment pas désagréable.

A ce moment-là, je me rappelai de ces héros qui m’avaient inspirée quand j’étais plus jeune. J’étais comme Robert, prisonnière de la peur de mes pouvoirs mais ces membres d’ESP faisant régner la justice m’avaient sortie de là…Alors j’avais voulu être comme eux et aider les autres.

Kazumi avait raison, j’étais devenue un monstre sans m’en rendre compte…Mais pas à cause de mes pouvoirs, mais à cause de ma haine…


Quelques jours plus tard, alors que j’étais de retour au Japon et que j’avais invité Riki pour l’aider à se détendre après ses nouveaux examens, la télévision passa en revue l’arrestation mystérieuse d’une mafia Italienne sévissant aux Etats Unis depuis des années, ainsi que le mystérieux « bombardement » du musée de Key West et la disparition de Robert.

« Alors, Yuki, quel était le fin mot de l’histoire avec cette poupée Hantée ? Un démon ? Un fantôme ?

-Il n’y avait pas de de démon ni de fantôme. Ce n’était qu’un familier ayant été créé pour emprisonner un gamin dans un cauchemar.

-Hein ? Quoi ? J’ai raté quelque chose je crois…Grimaça Riki.

-Le serviteur ayant créé cette poupée lui avait conféré les pouvoirs de faire faire des cauchemars, ainsi que de prendre possession des objets qui l’entouraient. C’est pourquoi l’esprit de Robert Eugène Otto a été copié par le familier. Visiblement, ce serviteur n’y connaissait rien en conception de familiers et a mélangé deux pouvoirs incompatibles. C’est comme ça que « Robert » a survécu aussi longtemps. Il n’était plus un simple familier, il était un enfant enfermé dans un cauchemar éternel. Tant que le véritable Robert était en vie, cela ne devait pas poser de problème mais à sa mort, le familier a dû perdre le peu de raison qu’il possédait…

-Ca fait froid dans le dos quand même ; frissonna mon ami. Mais ça n’explique pas pourquoi il a attaqué tous ces gens…

-J’imagine que, piégé dans son cauchemar, nous étions des sortes de monstres pour lui et qu’il essayait simplement de s’en sortir en détruisant ce qu’il prenait pour des abominations.

-C’est quand même assez triste pour ce pauvre petit en y repensant…Murmura le futur historien en regardant son verre.

-Oui, mais c’est bien pour le sauver qu’il y a des héros non ? »


Peu importe ce si j’étais vue comme un monstre. Peu importe si mes pouvoirs effrayaient. Peu importe si Kazumi me détestait pour cela. Mais j’allais continuer à chasser les familiers, autant pour retrouver le meurtrier de mes parents que pour redonner le sourire à des gens terrifiés.

Tel était le devoir d’une héroïne de la just…Non, tel était mon devoir en tant qu’Esper.


C’est ainsi que, deux ans durant, j’enchainais les missions de destructions de familiers dangereux comme Robert : Kamaitachi, Cupacabra, et bien d’autre périrent sous la lame de mon épée. Parfois, les habitants des régions étaient effrayés qu’un monstre ait réussi à détruire un monstre les terrifiant déjà, mais la plupart du temps, tous étaient soulagés d’être débarrassés de ces fléaux.

J’avais également quitté les forces spéciales de Savior. Celles-ci ne correspondaient pas à l’idée que je me faisais d’elles et aucun des héros que j’admirais n’en faisait partie. Ce n’était qu’un ramassis de soldats inexpérimentés et tout juste bons à utiliser leurs pouvoirs. La fondation prétendait que nous allions répandre le bien en suivant leurs instructions mais la seule chose que j’avais répandue était l sang. Je ne voulais pas qu’on m’associe davantage à eux.

Plus généralement, je m’étais beaucoup éloignée de la fondation au fil du temps. Je ne croyais plus en leur politique de protection de l’humanité et d’évolution de l’homme grâce à nos pouvoirs et mon seul lien qu’il me restait avec eux était Riki à qui je rendais visite de temps en temps.

C’est pourquoi, je traçais ma propre voie, dénichant moi-même les informations et me rendant sur les lieux par mes propres moyens tout en continuant à percevoir de l’argent via les quelques missions payées que j’effectuais pour le compte de particuliers ou même de certains gouvernements.

Quant à Kazumi, après lui avoir confirmé que je n’allais pas cesser d’utiliser mes pouvoirs si cela me permettait de sauver des vies, elle avait refusé de me voir davantage et restait enfermée dans sa chambre d’hôpital, délirant un peu plus chaque jour selon les médecins…Mais je ne pouvais rien faire d’autre que d’œuvrer auprès des vétérans pour obtenir leur accord afin de faire sortir mon amie de cette situation…

Cependant, plus le temps passait et plus j’avais l’impression que ce familier que je recherchais avec tant d’ardeur avait tout simplement péri durant la guerre, comme bien d’autres…

Mais, un jour, peu de temps avant la rentrée scolaire, alors que je passais en revue tous les nouveaux dossiers de chasse, l’un d’entre eux attira particulièrement mon attention.

Il s’agissait d’une mission assez banale de la banale destruction du familier nommé Lindorm mais la localisation réveilla en moi des souvenirs enfouis depuis longtemps : Viridian, la ville où mes parents s’étaient rencontrés et où nous avions passé énormément de temps ensemble lorsque je n’étais qu’une enfant…Une ville si paisible que je me devais de préserver cette paix si elle était menacée…



Fuyuku Yuki : La renaissance de Yuki



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=5KMzDVf2Bx4


J’avais aimé Viridian et même maintenant, cette ville gardait une place particulière dans mon cœur. Elle était pleine de souvenirs que je ne voulais pas oublier, de moments agréables passés avec mes parents. Arriver en voiture au début des vacances d’été, jouer avec les enfants de l’orphelinat désormais fermé et profiter de l’air pur de la montagne et de la mer du Japon, c’était les vacances parfaites pour une enfant.

Si on m’en avait donné l’occasion, je ne serais jamais revenue à Tokyo et j’aurais fini ma vie ici, dans cette bourgade perdue entre mer et montagne, loin de toute l’agitation de la ville et des complots de Savior et ESP…

Je n’avais jamais parlé de cet endroit ni à Riki, ni à Kazumi. C’était mon trésor, mon jardin secret, là où personne ne pouvait venir me déranger et où je me sentais réellement libérée de toutes mes obligations.

Cependant, nous avions arrêté de venir ici peu de temps lorsque mes pouvoirs s’étaient manifestés et après la fermeture de l’orphelinat. J’avais toujours trouvé cet événement étrange. La police disait que la dame qui s’en occupait était tombée malade et que personne n’avait voulu le reprendre mais, pour une fois, je pensais réellement que Savior ou ESP étaient derrière toute cette histoire. Malheureusement, je n’avais jamais eu le temps de poursuivre mes recherches puisque nous ne venions plus…

Voir le nom de cette ville dans les dossiers de la fondation avait réveillé quelque chose en moi. Je ne voulais plus vivre à Tokyo où ESP et Savior se faisaient la guerre. Je ne voulais plus vivre dans cet appartement où j’avais appris la mort de mes parents. Je ne voulais plus passer chaque jour devant une chambre d’hôpital qui ne m’ouvrirait plus ses portes. Je ne voulais plus courir à travers le monde.

Je voulais vivre comme une lycéenne, rire avec mes camarades de classe, me disputer avec eux, intégrer un club, suivre des cours ennuyeux, et angoisser à l’approche d’examens, et ce, je voulais le vivre dans cette ville où mes parents avaient vécu heureux avant moi, loin de tout et des problèmes.

C’est pourquoi, j’avais finalement fais le pas et déchiré ma carte de membre d’ESP puis je m’étais inscrite en tant que Fuyuku Yuki dans le lycée de la ville, laissant derrière moi complots, risques, et aventure l’espace de quelques semaines, voire de quelques mois.

J’étais un peu comme ces héros abandonnant temporairement leur masque pour vivre la vie de monsieur tout le monde somme toute…si je pouvais réellement me considérer comme une héroïne…


https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I


Je marchai lentement dans les rues de la ville, perdue dans mes pensées, me remémorant chaque bâtiment, chaque commerce, chaque nom de rue que j’avais pu connaitre par le passé.

Peu de choses avaient changé, un peu comme si Viridian avait été piégée dans le temps au cours de ces dix dernières années.

Finalement, j’arrivais devant une petite maison un peu à l’écart du quartier résidentiel et je m’arrêtai. La bâtisse, s’inscrivant parfaitement dans le style traditionnel de la ville, était restée intacte elle aussi. Seules quelques mauvaises herbes avaient poussé sur le chemin autrefois si bien entretenu et les vitres étaient recouvertes d’une épaisse couche de poussière. A part cela, tout était exactement comme le jour où nous l’avions laissée.

Je passai rapidement dans le minuscule jardin entourant notre maison et, avec difficulté, je fis coulisser la porte d’entrée. Celle-ci s’ouvrit en grinçant et la poussière qu’elle souleva me fit tousser longuement.

Mais, une fois la surprise passée, je redécouvris, non sans nostalgie, l’intérieur de cet endroit dans lequel j’avais passé de si bon moments par le passé.

« Je suis rentrée, papa, maman ; déclarai-je dans le vide. »

Seul le bruissement du vent dans les arbres du jardin me répondit tandis que je restai là, figée sur le pas de la porte, comprenant soudainement à quel point j’étais seule désormais.


https://www.youtube.com/watch?v=rIwl2cDwStw


Les jours et les semaines qui suivirent, je m’attelai à remettre tout en état dans ma nouvelle demeure. Faire le ménage, débroussailler le jardin, réparer les fissures dans le bois, acheter de nouveaux appareils ménagers, redécorer l’intérieur, toutes ces choses me prirent tellement de temps que je ne pensai pas une seule seconde aux familiers ni à ma mission.

Je profitai de cette occasion pour aménager à ma façon puisque cette maison m’appartenait dorénavant. Ainsi, je jetai la plupart des meubles ayant mal vieilli et les remplaçai par du neuf tout en conservant précieusement ce qui avait de la valeur aux yeux de mes parents. De plus, à force de voyager, j’avais fini par prendre gout à la mode occidentale et installai des tables hautes, des chaises et plusieurs fauteuils européens.

J’aménageai également un petit autel près de l’entrée, non loin de la fenêtre où mes parents aimaient passer du temps le soir à observer les étoiles en écoutant le bruit des cigales l’été tout en se chamaillant.

Les travaux prirent bien plus de temps que prévu et ainsi, je manquai la rentrée scolaire ainsi que tout le premier mois de cours. Heureusement, en tant qu’élève transférée, je bénéficiais d’un statut spécial me permettant de rentrer, en théorie, n’importe quand dans l’année en fonction de la date de mon supposé déménagement.

Ainsi, la première fois que j’enfilai mon uniforme de lycéenne fut en Mai. Je n’aimais pas particulièrement la couleur, une veste noire au-dessus d’une chemise blanche et d’une jupe rouge, mais je n’allais pas me plaindre pour si peu.


https://www.youtube.com/watch?v=83nhbdl00V8


Lorsque je rencontrai mon professeur principal pour la première fois, mon cœur accéléra dans ma poitrine. Je me réalisai que cela faisait maintenant plus de cinq ans que je n’avais pas mis les pieds à l’école et que la dernière fois…je me faisais passer pour une cinglée obsédée par les OVNIS…Peut-être allais-je adopter une autre attitude cette fois-ci pour éviter de reproduire le même incident qu’avec Kazumi…

Le professeur, après une longue série de papiers administratifs à remplir, m’invita à le suivre. Plus je me rapprochais de ma salle de classe et plus mon cœur battait fort. Ces dernières années, je n’avais côtoyé que des Espers, des monstres et des fous…Allais-je réellement être capable de m’intégrer au milieu d’une foule de gens normaux ? Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir.

Lorsque nous rentrâmes dans la salle de classe, des murmures s’élevèrent en me voyant mais je tentai tant bien que mal de cacher ma gêne devant cette trentaine de personne me regardant fixement.

Soudain, alors que je me présentai à la classe, mes instincts de chasseuse s’éveillèrent d’un seul coup. Je parcourus la salle du regard et m’arrêtai sur un garçon au fond de la classe puis fronçai les sourcils.


https://www.youtube.com/watch?v=-6GtvPzCZv0


Mes sens ne pouvaient pas se tromper. Il dégageait la même aura que ces monstres que j’avais affrontés au cours de mes explorations. Pourtant, son apparence était totalement humaine : un visage plutôt quelconque, des cheveux coupés plutôt court et tombant en une frange irrégulière sur son œil gauche ainsi qu’une carrure assez peu imposante…

Cependant, je n’avais aucun doute : ce garçon se faisant passer pour un élève était un familier…et donc un potentiel danger au milieu de tous ces innocents.

Voyant que je le fixai, il tressaillit et détourna le regard mais il était trop tard. Toute la journée durant, au lieu d’aller sociabiliser avec mes nouveaux camarades de classe, je suivis de près ce familier pour tenter de déceler les intentions de son invocateur mais aucun de ses gestes ne le trahit.

C’était étrange. Aucun rapport d’ESP ne mentionnait qu’un familier humain existait encore. Le dernier à ma connaissance, ainsi que le plus puissant d’entre eux, avait été tué lors de la guerre contre Savior…Etait-ce parce que ce familier était vraiment faible qu’il n’était même pas répertorié ou bien était-il une nouvelle créature ?

Dans tous les cas, je ne pouvais pas le prendre à la légère…Pas en considérant la puissance du dernier familier humain qui avait à lui seul, exterminé un bataillon entier d’Espers…Et de familiers…

En fin de journée, je crus que ce monstre allait m’échapper après la fin des cours puisque je ne pouvais pas agir au grand jour mais, heureusement pour moi, ce dernier fit tomber ses affaire entre les marches des escaliers et entra dans une pièce isolée, loin de tout regard et de tout témoin.


https://www.youtube.com/watch?v=e_C2DqC4kR8


Je ne pus m’empêcher de sourire en arrivant devant la pièce qui allait être le tombeau de ce familier. Peu importe les intentions de son maitre, il ne devait pas être très malin pour agir aussi imprudemment.

Au bout de dix minutes à l’observer chercher ses affaire, le familier se retourna enfin et sursauta en me voyant, comprenant certainement que sa dernière heure était venue.

Toutefois, alors que je pensais qu’il allait m’attaquer pour se défendre, comme le monstre sauvage qu’il était, celui-ci engagea la conversation, tremblant.

« Salut ! Lança-t-il d’un ton se voulant amical et naturel mais trahissant sa peur. Tu es Fuyuku Yuki n’est-ce pas ? Que fais-tu dans un endroit aussi insolite que celui-ci ? Tu t’es perdue ? »

Je fronçai les sourcils, de plus en plus perplexe. J’étais vraiment tombée sur un cas particulier apparemment…Mais cela n’allait pas m’empêcher de me débarrasser de lui, peu importait son apparence d’étudiant.

« Tu…Tu n’es pas humain, n’est-ce pas ? Rétorquai-je froidement. »

Le monstre humanoïde tressaillit en entendant. J’avais visé juste. Néanmoins, alors que tous les autres invocateurs ou familiers que j’avais démasqués m’avaient attaquée, celui-là restait immobile, cherchant regard un moyen de s’enfuir et cela m’interpella. Quelque chose n’allait vraiment pas avec lui…

« Pas…pas humain ? Qu…Qu’est-ce que tu racontes ? Bafouilla-t-il en tremblant comme une feuille. »


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Je ne savais pas à quoi il jouait mais je commençai à en avoir assez des formalités. Je sortis sur le champ mon médaillon afin de canaliser mes pouvoirs. Le vent se mit à souffler, les feuilles volantes tourbillonnèrent autour de moi tandis que mon corps absorbait lentement l’énergie de ce lieu pour créer mon antimatière.

Le monstre

« A nous deux, Familier ; murmurai-je.».

Je m’élançai aussitôt sur le familier, visant son visage avec mes poings. Mon champ d’action était vraiment limité à cause de tous ces cartons trainant au sol et les meubles m’empêchaient d’utiliser mon épée sans laisser de traces suspectes. J’étais obligée d’y aller au corps à corps.

Le monstre réussit à esquiver mon coup malgré mes capacités physiques décuplées, ce qui eut le don de m’énerver et je sortis un petit canif de ma poche que je réservais pour les missions de ce genre.

Mon ennemi se saisit d’un pauvre couvercle de poubelle en guise de bouclier et je le tranchai aisément avant de repasser à l’attaque.

Mais je n’avais pas prévu que ce soit-disant élève aux allures de gringalet fût capable de se saisir d’un fauteuil et de me l’envoyer.

Je ne pus esquiver le projectile qui m’écraser pendant que le familier en profita pour prendre la fuite.

C’en était trop. J’étais maintenant réellement hors de moi ! Si tout ce que ce monstre était capable, c’était de me lancer des gros objets, alors j’allais en finir en un seul coup !

Dans un cri de rage, et oubliant où je me trouvai, je matérialisai mon épée et tranchai le meuble qui m’écrasai puis, puisant dans l’énergie de mon médaillon, je sortis de ce sous-sol crasseux en un seul bond, brisant au passage le plafond pour ré atterrir lourdement sur le sol de la cour.

Heureusement, il n’y avait plus personne pour me voir, à l’exception de ce familier qui courait en tapotant frénétiquement sur son téléphone.

Je fis un autre bond et, pendant que j’étais en vol, tirai un rayon d’antimatière directement sur l’écran du monstre qui vola en éclat avant de me poser légèrement sur un muret, juste derrière le familier, terrifié.

C’était terminé…Du moins, je le croyais.

Le garçon, un instant plus tôt tremblant de peur comme une brindille, semblait avoir repris ses esprits et me faisait désormais face, le visage serein, fronçant les sourcils…et entouré d’une puissante aura bleutée.


https://www.youtube.com/watch?v=lX-iQi5qudU


Je reculai d’un pas, surprise par ce changement radical. Je pouvais le sentir…Le pouvoir de ce familier était bien supérieur à celui de toutes les créatures que j’avais pu affronter jusque-là…

Pour la première fois depuis que j’avais commencé ma chasse, j’avais l’impression que mon adversaire était réellement dangereux…

Le garçon prit une pose typique des sports de combats et je repris mes esprits, bien décidée à ne pas me laisser impressionner.

J’abattis ma lame sur le familier mais, avant même que je n’aie pu l’atteindre, celui-ci avait sauté en arrière pour esquiver aisément cette attaque qui avait toujours touché sa cible par le passé…

Je fronçai les sourcils, déconcertée par sa vélocité. Si ce familier avait pu esquiver ce coup, alors il devait au moins être de rang A, voire bien plus haut…Comment cela se faisait-il qu’il ne fût dans aucun rapport connu à ce jour ?…

Alors que j’étais perdue dans mes pensées, le familier repassa à l’attaque et voulu me frapper dans le dos. A la dernière seconde, je me retournai et réussi à parer son poing de ma lame et il fut obligé de reculer vivement.

A ce moment-là, je me mis vraiment à prendre au sérieux ce combat et à craindre pour ma vie. Ce n’était pas normal. Tout être normalement constitué aurait dû, au moins, perdre sa peau au contact de mon antimatière…Mais lui, rien, pas même une égratignure…

« Qu’est-ce que tu me veux à la fin ? S’exclama-t-il en reprenant son souffle. »

Furieuse qu’un monstre tienne tête à mes pouvoirs, je me jetai sur lui, optant sur les capacités physique de ma lame plus que sur mes pouvoirs afin de le découper en rondelles.

Mais j’avais beau attaquer, aucun de mes coups ne fut à bout portant. Et plus j’échouai et plus ma rage prenait le dessus sur ma réflexion, jusqu’à me faire attaquer au hasard, cherchant simplement à le toucher par n’importe quel moyen.

Tout à coup, le familier fit un bond pour esquiver mon arme et tenta d’atterrir dessus comme dans les films. Néanmoins, cette action me surprit et je n’eus pas la force de maintenir ma prise.

Le garçon perdit l’équilibre et s’écrasa sur le sol, la respiration coupée.

Je profitai de cette occasion pour l’immobiliser avec mon pied et pointai le bout de mon épée sur sa gorge.

Je n’avais aucune idée de qui était ce familier mais je m’en fichais à présent. Il était bien trop puissant pour être laissé en liberté.

« C’est terminé Familier. »

Alors que j’allais le terminer, le garçon se saisit de ma lame entre ses deux mains et arrêta mon attaque sous mes yeux d’incompréhension.

C…Ce n’était pas possible…Personne ne pouvait rester en contact avec de l’antimatière aussi longtemps sans se désintégrer…

« Non, ce n’est pas terminé ; déclara le familier en me repoussant. »

Je bandai tous les muscles de mon corps afin de le faire céder mais il n’y avait rien à faire, ma lame était bel et bien coincée…

Soudain, alors que je ne m’y attendais pas, le familier desserra légèrement sa prise et le métal glissa le long de ses bras sans réussir à atteindre sa gorge. Celui-ci attrapa mon poignet au dernier moment et m’arrêta net dans mes mouvements.

Non…Ce n’était vraiment pas possible…En plus de mes pouvoirs, je possédais le sort de protection du médaillon de ma mère…Et ce monstre ne semblait même pas ressentir la douleur…

J’avais…Peur…Pour la première fois, j’avais réellement peur dans un combat et je sentais que ma vie pouvait m’échapper à tout moment alors que je n’avais même pas vengé mes parents…

« Co…Comment ? Bafouillai-je, interdite.

-Tu l’as dit toi-même, je ne suis pas humain ; répliqua-t-il d’une voix ironique.

-Non…Tu n’es pas humain…mais tu n’es pas non plus un familier ; continuai-je, tremblante.

-Aux dernières nouvelles, j’en suis un…

-Non, tu n’en es pas un, aucun familier ne devrait pouvoir me toucher avec mon sort de protection ! Qu’es-tu réellement ?

-Si seulement…j’avais la réponse moi-même…Murmura-t-il.

Tout à coup, je sentis mes forces s’envoler. C’était comme si mon énergie était drainée par quelque chose. Mes pouvoirs disparurent, mon cœur ralentit et je sombrai dans l’inconscience avant même de comprendre ce qui m’arrivait…


https://www.youtube.com/watch?v=Pv4_DTAn03U


Lorsque je repris mes esprits, je n’étais plus dans la cour de l’école mais dans un lit assez dur. Tout mon corps me faisait mal, je ne sentais même plus mes jambes et c’était à peine si je pouvais lever mon bras tant j’étais épuisée.

Que s’était-il passé ? Je me souvenais d’avoir affronté ce familier…et puis plus rien, le trou noir…

« Où…où suis-je ? Murmurai-je, sans m’attendre à une réponse.

-A l’infirmerie ; Déclara soudain une voix près de la fenêtre. Tu t’en évanouie après m’avoir attaqué, je t’ai donc amenée ici. »

Lorsque je tournai la tête, mon cœur rata un battement. J’en oubliai aussitôt mon état lamentable et voulus bondir hors de mon lit pour combattre le monstre qui se tenait à quelques pas de moi, mais tout ce que je réussis à faire fut de m’écrouler au sol, incapable de faire un pas.

« Doucement ; continua-t-il sans animosité, tu viens à peine de te remettre, c’est un peu trop tôt pour essayer de me tuer tu ne penses pas ?

-Attends un peu…que je sois rétablie…et tu regretteras d’avoir eu ce ton avec moi…Grimaçai-je, toujours furieuse d’avoir été vaincue. »

Je tentai de frapper le familier mais celui-ci m’esquiva facilement.

« C’est comme ça que tu me remercies ? J’aurais pu te laisser au milieu de la cour, tu aurais eu l’air maligne ; rétorqua-t-il en fronçant les sourcils.

-Je n’ai pas besoin de ton aide, familier, je peux me débrouiller seule ! Crachai-je, refusant de m’abaisser à cela. »

Je rejetai la main tendu par le garçon et voulus me remettre debout pour partir et oublier cette histoire mais c’était inutile, je n’avais vraiment plus aucune force…Mais je ne comprenais pas…Pourquoi ce familier ne m’avait-il pas tué ? Pourquoi ne s’était-il pas enfui en me laissant pour morte au milieu de la cour ? Pourquoi avait-il des réactions si…Humaines ?…

« Franchement, dans quelle situation je me suis mise encore moi ? Soupirai-je en regardant fixement le carrelage de l’infirmerie.

-Tu as besoin d’aide peut-être ?

-Ne t’approche pas de moi, monstre…je peux…je peux me débrouiller seule…

-Tu es têtue, soupira le familier, dans ton état, tu n’iras pas plus loin que la porte de l’infirmerie. Pourquoi refuses-tu mon aide ?

-Tu n’es pas humain, comment pourrais-je te faire confiance ? Rétorquai-je violemment.

-Je ne vois pas quelle différence tu fais entre l’infirmière et moi, excepté mes compétences en médecine peut-être. Je suis peut-être un familier, et alors ? Cela fait-il forcément de moi quelqu’un de mauvais ? »

Je me mordis la lèvre. Je ne devais pas me laisser embobiner par les paroles de ce monstre. Il en avait peut-être l’apparence à l’extérieur…mais il n’était pas humain…Il était un familier, il faisait partie de ceux qui avaient tué mes parents, je ne pouvais pas lui faire confiance…

Alors pourquoi agissait-il avec plus d’humanité que je ne l’avais jamais fait ? Qu’est-ce qui ne tournait pas rond avec moi ?…

Je détournai le regard, refusant de voir ce monstre comme un être humain. Ce n’était forcément qu’une apparence, une coquille vide, une illusion créée par les ordres de son maitre afin qu’il se fonde dans la masse, il n’y avait pas d’autre explication possible.

Cependant, même en essayant de me persuader de cela, je me sentis obligée de lui répondre, comme à une véritable personne se posant la question.

« Un familier n’est pas mauvais en lui-même, mais on ne peut pas lui faire confiance, il n’a aucune volonté propre une fois que son maitre lui a donné un ordre, un peu comme un chien à qui on ordonnerait d’attaquer un intrus, c’est ainsi, on ne peut rien y faire…

-Pas de chance pour toi, mais je n’ai pas de maitre ! Je suis Hikaru Hinata, premier familier libre ; Rétorqua-t-il fièrement en bombant le torse. »

Je faillis m’étrangler en entendant cela.

« Qu’est-ce que tu me chantes là ? C’est impossible, un familier a besoin soit d’une source d’énergie, soit d’un maître pour maintenir sa présence dans ce monde, et dans les deux cas, il n’agit pas de lui-même !

-Je crois bien que je suis l’exception qui confirme la règle ; rit-il légèrement. »

J’étais tellement interloquée par sa déclaration que je ne trouvai rien d’autre à faire que de le fixer bêtement. Et c’est alors que l’article que j’avais trouvé lors de cette fameuse infiltration avec Kazumi me revint en mémoire et je ne pus m’empêcher de sourire bêtement.

« Un familier libre tu dis ? Cela semble tellement fou ; dis-je d’une voix presque inaudible.

-Je suis pourtant devant toi, cela ne suffit-il pas à te convaincre ?

-Et qui me dit que ce n’est pas ton maître qui te demande de dire ça pour m’embobiner pour mieux m’attaquer quand j’aurais le dos tourné ? Ripostai-je, toujours sceptique.

-En effet, cela pourrait être vrai, et je ne peux pas te prouver le contraire. Mais je peux te jurer que ce que je viens de te dire est la stricte vérité. S’il te plait, crois-moi ! »

Le familier s’inclina alors devant moi, l’air réellement sincère et je me sentis gênée par autant de formalités…

« Tu…tu n’as pas besoin d’être aussi solennel, je te crois ; bégayai-je, déconcertée.

-Vraiment ? Me demanda-t-il avec espoir.

-Non, mais j’aimerais y croire…Terminai-je, nostalgique. »

Savior…Pouvaient-ils avoir finalement réussi leurs expériences ? Avaient-ils dépassé cette barrière emprisonnant les familiers afin d’en faire des créatures vivantes à part entière ? Se pouvait-il qu’ils aient enfin décidé d’œuvrer pour la paix ?

Je passai mon regard par la fenêtre, perdue dans mes pensées, toute ma colère ayant soudainement disparue pour laisser place à un infime espoir. Si ce familier disait vrai, cela signifiait que peut-être, pour la première fois de ma vie, je pouvais considérer une de ces créatures autrement que comme une machine à tuer et une simple arme pour son invocateur…

« J’aimerais y croire, c’est pourquoi, je vais te faire confiance, familier. Montre -moi que ce monde n’est pas fait de noir et de blanc, donne-moi l’espoir que tous les familiers ne sont pas du mauvais côté.

-Cela veut-il dire que tu ne vas pas essayer de me tuer à nouveau ? Me demanda-t-il avec soulagement. »

Je ne pus m’empêcher de rire légèrement en entendant cela. Décidemment, ses réactions étaient, en plus d’être humaines, bien naïves et innocentes, exactement comme celles de n’importe quel lycéen.

« Pour l’instant, je vais garder un œil sur toi, au cas où tu me raconterais des histoires. Mais tant que tu ne représentes pas une menace potentielle, je ne brandirai plus mon épée contre toi.

-Je suis heureux de l’entendre ! Et maintenant, acceptes-tu enfin mon aide, à moins que tu ne comptes passer la nuit sur le sol de l’infirmerie. »


https://www.youtube.com/watch?v=ajiyhH68Hm0


Me rendant compte que j’étais toujours allongée sur le sol, je ne pus m’empêcher de rougir de honte et le familier me tendit une main chaleureuse pour m’aider à me relever, main que je pris sans arrière-pensée.

Pendant qu’il m’aidait à traverser la cour, j’en profitai pour l’examiner de plus près. A part ses yeux rouges, tout était humain chez lui : son corps, ses réactions, ses émotions, il était exactement le lycéen typique…mais c’était un familier.

Ses paroles et ses actes étaient plus humaines et remplies de plus d’humanité que celles de nombreux Espers et invocateurs…mais c’était un familier.

Il montrait plus de gentillesse et de compassion pour une totale inconnue ayant essayé de le tuer que je n’en avais jamais montré pour Kazumi ou Riki…Mais il était un familier.

Il était certainement bien plus humain que moi sur tous les plans…Mais il restait un familier…


Lorsque nous arrivâmes à la grille, mes forces semblaient être finalement revenues. Je le lâchai et fis quelque pas avant de me retourner vers lui, souriant bêtement à l’idée d’avoir été aidée par l’un de ceux que j’avais toujours pourchassés sans relâche.

« -Je crois que ça ira à partir de maintenant, merci…euh…

-Hinata, Hikaru Hinata.

-Oui, c’est ça, merci Hikaru… Même si en fait, je ne sais pas si je devrais vraiment te remercier puisque c’est toi qui m’a mise dans cet état là…Murmurai-je en gonflant les joues, me rendant compte que c’était vraiment de sa faute.

-Ah, mais je n’ai pas demandé à ce que tu m’attaques aussi ! Rétorqua-t-il en montrant les grosses entailles dans son uniforme.

Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Je ne pouvais pas le nier…ce familier était humain, peu importe de quelle façon je le regardais.

Je le saluai rapidement et commençai à m’éloigner lentement, riant encore intérieurement de l’ironie du destin.

« Attends un peu toi, et mon portable alors ! Je l’ai payé une fortune ! Me cria-t-il soudain au loin. »

Je m’arrêtai et, l’espace d’un instant, la petite collégienne innocente et moqueuse que j’étais par le passé reprit le dessus.

« Ah oui, je suis désolée pour ça, j’espère que tu ne m’en veux pas ! »

Puis je repris le chemin de la maison, me sentant légère, comme libérée d’un poids qui me pesait sur le cœur depuis cinq ans.


https://www.youtube.com/watch?v=Tqf6CTvQMI8


Les jours qui suivirent, je ne lâchai pas ce soit disant familier libre d’une semelle, d’abord pour m’assurer qu’il n’était réellement pas une menace, puis j’en vins rapidement à oublier ce détail, finissant par le considérer comme un simple camarade de classe. J’aimais néanmoins le taquiner ou l’énerver, ne cessant de m’amuser de voir à quel point ses réactions étaient bien plus humaines que celles de n’importe qui.

Même si le courant ne passait pas toujours très bien entre nous…voire même pas du tout, et que j’avais l’impression qu’il faisait tout pour m’énerver parfois, j’aimais bien passer du temps avec lui et ses deux autres amis, Sora Daichi, un bon boulet bien collant, ainsi que Hoshino Miki, une fille encore plus insupportable que moi quand elle s’y mettait.

Je n’oubliais toutefois pas ma mission et le Lindorm rôdant dans les environs, c’est pourquoi, je décidai de monter un club de résolution de mystères comme couverture avec Hinata. Celui-ci insista pour que son boulet l’intègre également, ce qui ne me plaisait pas plus que cela, me souvenant de l’erreur que j’avais commise avec Kazumi mais je me disais que je n’étais plus une débutante désormais et je finis par accepter.

Quant à Miki sur qui j’avais des soupçons, elle révéla rapidement sa nature d’invocatrice et pourtant, une fois de plus, je fus incapable de ressentir de la haine ou de la colère contre la jeune fille. J’acceptai son ancienne appartenance à Savior, et même sa parenté avec l’homme qui avait participé au vol de la raison de Kazumi comme un fait…Et puis, elle était dans la même situation que moi en quelque sorte.

La folie meurtrière dont j’avais fait preuve en chassant frénétiquement les familiers ne semblait être désormais plus qu’un lointain souvenir…

Les jours passèrent sans se ressembler, puis les semaines et même après avoir retrouvé le Lindorm, je continuai à vivre ma vie de lycéenne en compagnie d’Hinata, le familier, Miki l’invocatrice et Daichi, le garçon normal.

Notre groupe comportait tous les éléments qui, autrefois m’avaient fait tant de mal mais qui désormais faisaient partie de mon quotidien.

Finalement, Hinata était devenu en quelque sorte mon nouveau partenaire d’exploration, celui qui m’accompagnait dans mes aventures stupides et dangereuses, ce que ni Kazumi, ni Riki n’avaient supportés par le passé.

C’est pourquoi, je décidai de ne pas rentrer à Tokyo même après la fin de ma mission. Ici, je pouvais enfin vivre la vie que j’avais toujours rêvé de vivre : présidente d’un club, lycéenne, loin des complots, vue comme une humaine y compris par ceux qui connaissaient mes pouvoirs…Enfin, en partie du moins. Même si je m’étais confié au monstre quant à mon passé, je redoutais toujours d’être crainte par lui, Miki ou même Daichi. C’est pourquoi, je n’insistai jamais et essayai de m’en servir le moins possible.

Cependant, de nombreuses questions me taraudaient au sujet d’Hinata, questions auxquelles lui-même n’avait pas de réponse : comment faisait-il pour résister à l’antimatière ? Quel était son rôle dans le projet de familier libre du professeur ? Quelle était son affiliation avec Savior ? Comment était-il devenu familier ?

Lorsque Sasaki Ryuga réapparut, je pensais pouvoir enfin comprendre qui il était réellement mais cela ne fit qu’amplifier le mystère qui planait autour de ce « roi » des familiers.

Cependant, lorsque Miki se fit enlever par son père, je repris conscience que tout ce que je faisais était loin d’être un simple jeu de piste et je fus obligée de réactiver mes pouvoirs à leur pleine puissance pour la première fois depuis mon retour à Viridian.


https://www.youtube.com/watch?v=HVPZ-KZNlrQ


« Hinata…Daichi…Eloignez-vous s’il vous plait ; demandai-je aux garçons en gardant mon sang froid. »

Ceux-ci, prudent, s’exécutèrent tandis que je pris mon épée à deux main. Une sinistre aura noire et dorée entoura tout mon corps tandis que la lame de mon épée noircit.

Le monstre à tentacules, ne se souvenant certainement pas que j’avais causé la destruction du bureau principal de Savior, repassa à l’attaque. D’un geste ample, je tranchai son membre qui se désintégra sur le champ.

« Co…Comment ? Hurla le père de Miki, fou de rage. »

Lentement, je levai mon arme au-dessus de ma tête et fermai les yeux. Le monstre repassa plusieurs fois à l’attaque mais, à peine entrait-il en contact avec mon bouclier d’antimatière que ses membres se désagrégeaient sans pouvoir repousser.

C’était étrange…ce sentiment que je ressentais au fond de moi…Cette fois-ci, je n’utilisai pas mes pouvoirs en tant que chasseuse, mais bien en tant que protectrice. Je ne m’en servais pas pour détruire et me venger mais pour préserver quelque chose que je chérissais plus que tout…Je ne recourais pas à eux comme un monstre aveuglé par la rage, mais comme cette justicière que j’avais toujours rêvée d’être.

« Je ne comptais pas me servir de mon pouvoir une nouvelle fois…Mais il n’y a aucun autre moyen…Murmurai-je tandis que le vent tourbillonnai autour de moi.

-C’est une feinte ! Je ne peux pas perdre ce combat ! Hurla Slender Man, redoublant de violence dans ses attaques.

-Anti-Mater Sword…Dark Excalibur !! »

Un rayon de lumière noire fusa s’échappa de mon épée et fusa droit sur le familier qui disparut en une fraction de seconde en hurlant de douleur, ne laissant rien de son passage, pas même des cendres.

Cependant, cela faisait une éternité que je ne m’avais pas libéré toute ma puissance et mon manque d’entrainement se fit aussitôt ressentir.

Vidée de mes forces, le monde se mit à tourner autour de moi, ma vision se brouillai et mes jambes cédèrent sous mon poids. Je lâchai mon arme et tombai à terre, rattrapée de justesse par Daichi.

« F…Fuyuku…Balbutia Hinata. Qu’est-ce que c’était que…

-Mon…Mon joker…On va dire…Articulai-je.

-Mais alors, ton pouvoir…ce n’est pas cette épée…

-Bien vu…Le monstre…Je peux créer…De l’antimatière… »

Je n’ajoutai rien et me laissai happer par le sommeil de l’inconscience.



Fuyuku Yuki, Epilogue



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=n01q7X16uzs


Un jour, je me suis posé cette question : que signifie réellement « être humain », et j’ai réalisé que j’étais tout, sauf humaine.

J’ai exposé ma meilleure amie au danger, je l’ai faite pleurer, je lui ai tout pris sans jamais rien lui rendre et j’ai même fini par l’abandonner à son sort pour accomplir une vengeance peut être vide de sens.

Et pourtant, je continuai à chasser ceux que j’appelais « monstres » sans même me rendre compte que j’étais désormais l’une des leur…Non, que j’étais bien pire qu’eux. Moi qui possédais les capacités de réfléchir à mes actions, je n’en faisais rien et agissais, non pas comme une héroïne de la justice, mais comme une simple tueuse à gages, ne vivant que pour exterminer ces monstres qui avaient pris la vie de mes parents…

Cette pensée était la dernière émotion humaine qu’il me restait.

Cependant, alors que je pensais avoir atteint le point de non-retour et avoir renoncé à mon humanité, je me rendis compte de ce que j’étais devenue rencontrant mon exact opposé, mon image en négatif.

Si j’étais l’antimatière, alors Hinata était la matière. Je détruisais les liens avec mes amis et lui les construisait. Je faisais partie d’ESP et lui de Savior. J’étais devenue un monstre dans mon cœur tout en conservant mon apparence humaine…et lui était un monstre au cœur d’humain.

Je voulais le comprendre…Apprendre à le connaitre, l’aider à se souvenir de qui il était. Je voulais qu’il devienne ce héros de la justice que j’avais échoué à être. Je voulais qu’il me montre à quel point j’étais dans l’erreur et tue définitivement le monstre qui avait pris racine en moi. Je voulais…redevenir humaine grâce à lui…Mais j’étais bien trop fière pour le lui avouer…


https://www.youtube.com/watch?v=FTWusN3Q1qw


Lorsque j’ouvris les yeux, je me retrouvais dans un lit moelleux et tiède, sous deux couvertures qui me maintenaient au chaud. Mon corps souffrait encore de mon combat contre le père de Miki et en portait toujours les traces…Encore des marques qui allaient être difficiles à faire partir, soupirai-je intérieurement.

Je tournai légèrement la tête vers l’origine d’une douce brise me caressant doucement le visage. Non loin du lit, un faible rayon de lumière passait à travers une fenêtre entrouverte éclairant faiblement le visage endormi d’Hinata, assoupi sur son bureau à quelques mètres de moi.

Il n’y avait pas à dire…J’avais beau le lui répéter en boucle, j’étais désormais incapable de le voir comme un monstre.

Après un rapide coup d’œil, je compris que je me trouvais dans sa chambre, au dortoir.

Je bougeai légèrement pour m’asseoir sans faire de bruit mais le bruissement des couvertures fut suffisant pour réveiller le jeune garçon. Celui-ci entrouvrit timidement un œil et me sourit en me voyant.

« Bonjour Fuyuku. Bien dormi ? Me demanda-t-il d’une voix tendre.

-As-tu vraiment besoin de poser la question ? Raillai-je en montrant les blessures infligées par le Slender Man sur mes bras.

-Question stupide j’imagine, oui ; rit-il légèrement. »

Je détournai le regard, gênée par sa sympathie puis je repensai soudain à ma dernière action avant de sombrer dans l’inconscience et baissai les yeux, craignant la réaction de mon ami.

« Dis…Hinata…Pour ce qu’il s’est passé sur la montagne avec Slender Man…

-L’antimatière…hein ? S’amusa-t-il en se relevant lentement.

-Toi aussi tu vas me dire que c’est un pouvoir de méchant et que je suis dangereuse ? Murmurai-je avec un sourire triste.

-Ca, je ne vais pas dire le contraire ; lança-t-il en haussant les épaules. »

Alors que je soupirai déjà, pensant qu’il me prenait lui aussi pour un monstre, mon ami reprit la parole.

« Mais c’est un beau pouvoir ; termina le monstre d’une voix confiante.

-Un beau pouvoir ? Celui de détruire tout et n’importe quoi ? M’étranglai-je, interdite. Il n’y a rien de beau dans la destruction !

-Tu maitrises une énergie que même les plus grands savants de ce monde ne comprennent pas, qui sait tout ce que tu peux faire avec ! Continua-t-il, émerveillé.

-C’est vrai mais…

-Si les gens te prenaient pour un monstre à cause de cela, alors ils n’en avaient jamais vu un. Demande à Daichi ou Miki, ils seront d’accord avec moi. »

Au même moment, la porte de la chambre s’ouvrit avec fracas et laissa rentrer Miki qui se précipita sur moi pour m’enlacer, tandis que Daichi la suivait, légèrement déconcerté.

« Yuki, tu es vivante ! Ne me refais plus jamais ça tu m’entends ! Sanglota la blonde.

-Et toi alors…quelle idée de te faire enlever par ton père…Murmurai-je en lui rendant son étreinte. »

A côté de moi, Daichi se dandinait d’une jambe sur l’autre, pensant visiblement qu’il n’était pas à sa place ici…alors que c’était sa chambre également…

« Je…Je ne sais pas trop comment dire…Mais Miki m’a tout expliqué…désolé de m’être mêlé de ce qui ne me regardait pas…S’excusa le blondinet en se grattant la joue.

-Tu…Tu n’as pas à t’excuser, nous sommes aussi fautifs pour ne pas t’avoir parlé de tout ça avant ; bégayai-je, ne sachant pas comment réagir non plus.

-Du coup…si vous ne voulez plus de moi dans le club, je comprendrai très bien et je saurai tenir ma langue…Je sais que tu n’avais pas très envie de m’avoir dans vos pattes de toute façon…

-Puisque tu es au courant maintenant, à toi de voir si tu veux continuer à risquer ta vie ; lui répondis-je en haussant les épaules. Je ne voulais juste pas t’exposer au danger comme je l’avais fait par le passé.

-Et dis, Fuyuku ; nous interrompit Miki. Mon père m’avait parlé d’une Esper aux pouvoirs hallucinants il y a quatre ans…C’était toi, n’est-ce pas ?

-O…Oui…Pourquoi ?

-Mais c’est génial ! S’exclama la jeune fille, des étoiles dans les yeux. Tu as remis à sa place ce prétentieux d’Iskandar ! Depuis le temps que j’attendais ça, tu es mon héroïne, vraiment !

-C’est ironique de penser que ce même jour, je me suis faite traiter de monstre…Grimaçai-je, mi amusée, mi contrariée.

-De monstre ? Sérieusement ? Répéta la blonde en écarquillant les yeux. Comment on pourrait te traiter de monstre alors que tu m’as sauvée ? C’est ridicule !

-C…C’est ridicule…Oui…Me forçai-je à rire.

-Ca fait plus super vilain de Comics que monstre si tu veux mon av… »

Daichi n’eut pas le temps de terminer sa phrase car Hinata écrasa violemment son pied et le blondinet se mit à sautiller sur place en jurant.

« Qu’est-ce qu’il y a encore Hinata ? C’était en quel honneur ça ? Gémit-il.

-Je vais te montrer qui est le vrai vilain de Comics, moi si tu n’apprends pas à tenir ta langue ; riposta Hinata, ses yeux lançant des éclairs au pauvre garçon dans l’incompréhension. »

Je ne pus m’empêcher de pouffer devant cette scène ridicule et banale du quotidien et tous les regards se tournèrent vers moi.

« Bon, sinon Fuyuku, tu n’as pas quelque chose à dire en tant que présidente du club ? Reprit le monstre en se raclant la gorge. »

J’hésitai un instant mais je me résolus bien vite en voyant les trois regards de mes amis braqués sur moi et me dévisageant, attendant que je prenne la parole. Ainsi, ne voulant pas paraitre pitoyable et faible devant eux, je me levai du lit et fit quelques pas dans la chambre avant de me retourner vers eux d’un air déterminé.

« Nous avons échoué à prouver l’existence de ce Ropen, c’est pourquoi, demain, je vous attends tous en salle pour une nouvelle réunion stratégique ! Soyez à l’heure !

-Hein ? Quoi ? Mais ce n’était pas du tout ce que tu étais censé dire ! Riposta Hinata en se prenant le visage dans les mains, désespéré.

-Ah, vraiment ? Tu t’attendais à quoi ? Lui demandai-je en penchant légèrement la tête sur le côté.

-J’imagine…qu’il attendait un « mission accomplie » ; Hasarda Miki en riant. »


https://www.youtube.com/watch?v=bbss_iQEX9I


Tout le monde éclata de rire, sauf moi qui me mis à bouder dans mon coin et nous passâmes le reste de la soirée à discuter de Savior et Esp pour apprendre les bases à notre boulet de club.

C’était étrange…ce sentiments que je ressentais à ce moment-là. C’était comme si…je revivais mon passé tel que j’aurais voulu qu’il fût ce jour où tout avait basculé.

J’aurais voulu que mes pouvoirs nous sauvent de ce phénix…et ils nous avaient sauvés de Slender Man. J’aurais voulu que Kazumi m’accepte telle que j’étais…Et Daichi l’avait fait. J’aurais voulu trouver des alliés dans Savior et comprendre leur façon de penser…et Miki et Hinata y parvenaient.

Cependant, mon passé continuait à me hanter et je craignais que ce présent idyllique ne bascule à son tour en un futur cauchemardesque…Daichi n’avait vu qu’un seul familier pour le moment mais rien ne m’assurait qu’il n’allait pas sombrer comme Kazumi au fur et à mesure des expéditions…Il fallait que je réfléchisse à son cas plus tard.

Les heures défilèrent sans que nous nous en rendions compte et rapidement, la nuit tomba. Alors que Daichi raccompagnait Miki chez elle et qu’Hinata allait faire de même, je le retins par la manche avant qu’il ne sorte de la chambre.

« Un problème Fuyuku ? S’étonna-t-il.

-Oui, déjà, arrête de m’appeler comme ça. Appelle-moi Yuki, comme tout le monde, je voulais te le dire depuis un bout de temps déjà. Et deuxièmement, j’ai une question d’ordre philosophique pour toi le monstre.

-Ca ne peut pas attendre ? Dit-il en fronçant les sourcils.

-Réponds sincèrement, Hinata : Pour toi, je suis quoi ? Une humaine aux pouvoirs de monstres, ou un monstre aux apparences humaines ? »

Le garçon me dévisagea un instant, comme si j’étais devenue folle mais je ne reculai pas et je soutins son regard.

« Qu’est-ce tu veux que je te réponde exactement ? Tu es toi et…

-N’esquive pas la question. Dis-moi, quelle est ta définition de l’être humain et si je rentre dedans. »

Mon ami, comprenant qu’il ne s’en tirerait pas si facilement, croisa les bras sur son torse et réfléchit quelques secondes avant de me répondre.

« Je n’ai aucun souvenir de ma vie humaine et je suis un familier, donc ma réponse sera surement faussée…mais d’après ce que j’ai pu voir autour de moi, un être humain est celui qui est capable de se demander s’il en est toujours un.

-Que veux-tu dire ?

-La nature humaine est faite de telle sorte à ce que l’on se pose des questions…C’est ce que m’a dit le professeur lorsque je lui ai demandé qui j’étais réellement…Et on ne trouve malheureusement pas toujours, voire jamais de réponse. C’est pourquoi, je pense que, tant que l’on continue à se questionner, on est humain. Mais ceux qui affirment être dans le vrai sans se remettre en cause ne font pas mieux que les animaux suivant leur instinct…Enfin, c’est ce que je pense… »

Il y eu un moment de silence après sa déclaration pendant lequel ni Hinata ni moi, nous ne trouvâmes comment enchainer. Cependant, j’étais d’accord avec lui. Le monstre en moi était né alors que je poursuivais aveuglément mes idéaux de vengeance…

« Et pour répondre à ta première question : tu es une humaine aux pouvoirs d’Esper ; finit-il par dire avec un sourire. Peu importe ce que tu fais, si tu as peur de perdre ton humanité, alors c’est que tu ne la perdras pas.

-Tu as sans doute raison ; concédai-je finalement en soupirant. Je ne pensais pas qu’un monstre était capable d’autant de réflexion.

-Il faut croire que si, comme quoi, les croyances ne sont jamais absolues ; rétorqua-t-il en haussant les épaules. »

Nous éclatâmes de rire une nouvelle fois puis nous rejoignîmes Miki et Daichi à l’extérieur, profitant de la fraicheur du soir avant de partir chacun de notre côté.


https://www.youtube.com/watch?v=vlgwgEVBRUk


« Et voilà, Papa, Maman. Vous savez tout maintenant. Qu’est-ce que vous diriez si vous étiez encore là ? Est-ce que vous me blâmeriez d’avoir cherché à vous venger alors que vous ne vouliez que la paix ? Ou bien auriez-vous été fiers de moi ? Je suis prête à parier sur la première option moi…

Mais vous savez, je n’ai pas renoncé. Je trouverai votre meurtrier et vous serez vengés. Mais pas parce que je suis aveuglée par la haine…Mais parce que la haine est humaine elle aussi.

Je me demande aussi…Est-ce que vous êtes heureux à présent ? Est-ce que le monde dans lequel vous vivez est en paix comme vous le désiriez ? Est-ce que les pouvoirs servent enfin à autre chose que se battre ? En tout cas, je l’espère du plus profond de mon cœur…J’aimerais dire que je vous rejoindrai bientôt…mais c’est la dernière chose dont vous avez envie. Et puis, comme vous le voyez, j’ai fini par trouver mes racines moi aussi. Tout comme vous, j’ai pu refaire ma vie ici, à Viridian, loin de l’agitation de Savior et ESP. Je comprends à présent quand vous me disiez que vous rêviez de revenir ici…

Si je le pouvais, je passerais le restant de ma vie en sécurité, dans cette bourgade perdue entre mer et montagne… »

Je rouvris les yeux et me relevai lentement pour raviver la petite flamme de la bougie éclairant faiblement l’autel de mes parents puis passait mon regard à travers la fenêtre. Au loin, le soleil se levait et il allait bientôt être l’heure de partir à l’école.

Je souris et rassemblai mes affaires puis je pris le chemin désormais familier pour me rendre au lycée. Comme d’habitude, je me postai à un endroit stratégique près de l’entrée et y attendit Hinata.

Celui-ci arriva avec son boulet cinq minutes avant la sonnerie comme toujours et, pour me venger, je ne manquai pas de l’afficher.

« Alors le monstre, prêt à partir chasser ce Ropen ? Cette fois on l’aura ! M’exclamai-je suffisamment fort pour que tous les regards se braquent sur nous. »

Mon ami grimaça et protesta vigoureusement jusqu’à ce que la cloche sonne puis nous rentrâmes en classe et dès la pause de midi, nous nous retrouvâmes tous les quatre en salle de club pour une réunion inutile mais désormais habituelle pour nous.

Telle était ma nouvelle vie à Viridian, dans mon club de résolution de mystère, avec Hinata, le familier libre, Miki, la fille du président de Savior, Daichi le boulet normal et moi, Yuki, l’ancienne chasseuse d’ESP.

J’ignorai combien de temps j’allais pouvoir profiter de ma vie paisible à Viridian en compagnie de tout le monde mais une chose était sûre : je n’étais plus ce monstre craint par la fondation et Savior. J’étais redevenue Fuyuku Yuki, la fille bizarre du lycée ne parlant que de cryptides. Enfin, je pouvais faire tomber le masque de la justice derrière lequel je me cachais depuis cinq longues années et j’espérais ne jamais avoir à le remettre autrement que pour plaisanter avec tout le monde au sein de notre club.





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le bon temps…

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[Fic]Le Dernier Esper posté le [08/04/2017] à 19:50

Chapitre 10 : Le poids des souvenirs



Spoiler :



https://www.youtube.com/watch?v=UQqgMs6g5tY

Les yeux bleus glacés de Yuki me fixaient intensément. La jeune fille refusait de céder. Mais je n’étais pas prêt à renoncer non plus. Je refusais de plier à une demande aussi stupide que la sienne.

C’était une bataille d’endurance que nous nous livrions ce jour-là à la cantine, devant Hoshino et Daichi qui savouraient tranquillement leur déjeuner pendant que la rouquine tenait en otage le mien tout en essayant de me refiler le sien.

Cependant, je tenais à la vie et pour rien au monde, je n’étais prêt à gouter une seule bouchée de l’étrange mixture verte qui me piquait les narines.

La jeune fille, commençant à perdre patience, serra les dents et ses yeux virèrent au doré, comme lorsqu’elle s’apprêtait à se battre mais ce n’était pas suffisant pour me convaincre. Je préférais encore prendre une décharge d’antimatière que de me risquer à manger…ça.

Finalement, après deux longues minutes à nous dévisager, Daichi prit la relève et s’empara du plat cuisiné par la jeune fille et n’en fit qu’une bouchée.


https://www.youtube.com/watch?v=Ov1U1JLi8SU


Une seconde plus tard, le pauvre garçon se tordait de douleur sur le sol tandis que la blonde ne put s’empêcher d’émettre un gloussement amusé devant la déception de Yuki qui s’affala sur sa chaise, l’air dépitée.

« Encore raté on dirait ; m’exclamai-je, triomphant.

-Je ne comprends pas…J’ai pourtant suivi la recette cette fois…Se lamenta mon amie.

-Je préfère ne pas savoir où tu as trouvé cette recette…Yuki ; ricana Hoshino en essayant les larmes qui commençaient à couler de ses yeux tant elle se retenait d’éclater de rire.

-Si tu pouvais maintenant me rendre mon déjeuner, je t’en serais reconnaissant. »

En lâchant un soupir, la jeune fille me donna mon plateau et le déjeuner se termina sur ce nouvel échec de la rouquine.

Cela faisait maintenant deux semaines que nous avions sauvé Miki des griffes de son père, et également deux semaines que Yuki essayait de me refiler ses plats rendant malade chaque jour ce pauvre Daichi. A croire qu’elle le faisait presque exprès.

La cloche retentit et nous retournâmes tous en classe, à l’exception de mon colocataire qui resta à se tortiller de douleur sur le sol jusqu’au soir puisque nous ne le vîmes pas de l’après-midi.

Beaucoup de choses avaient changé depuis notre dernière expédition en montagne, en particulier du côté de Daichi. Tout comme elle m’avait expliqué cela quelques semaines auparavant, Yuki avait révélé à contrecœur tous les secrets du monde des Familiers et des Espers au boulet qui l’avait acceptée étonnamment facilement.

Désormais, le blondinet en savait autant que moi sur ce monde caché du regard des humains ordinaires mais cela ne semblait pas l’affecter plus que cela. Il continuait à nous fréquenter comme avant, sans nous juger ni nous craindre.

Au contraire, il faisait de son mieux pour s’intégrer à ce secret et nous aider dans nos activités de club, bien qu’il fût dépourvu de tout pouvoir.

Cependant, je voyais bien que, même si Yuki faisait tout son possible pour le cacher, elle n’était pas à l’aise lorsqu’elle évoquait les familiers devant lui et se forçait à accepter le quatrième membre.

Souvent, je la voyais hésiter avant de révéler certaines informations en présence de Daichi et ce phénomène se reproduisit ce soir-là, alors que nous épluchions les derniers gros titres des journaux locaux qui évoquaient l’incendie créé par les Lindorms dans la forêt.

« Fuyuku, ces Lindorms que vous avez combattus, tu penses qu’ils pourraient revenir dans le coin ?

-Nous n’avons pas combattus de Lindorms ; répondit machinalement la rouquine sans lever les yeux de son article. »

Un court silence s’installa et, se rendant compte de son erreur, la jeune fille se reprit rapidement.

« Euh…Je veux dire, on ne les a pas combattus, on les a explosés ! S’exclama-t-elle avec un rire forcé. Du coup, ils ne reviendront pas puisqu’ils sont morts !

-Ah…je vois…Déclara Daichi, la tête basse. »

Yuki serra les dents, mal à l’aise avant de prétexter aller aux toilettes pour pouvoir s’éclipser. Ayant repéré son mensonge, je la suivis et je la retrouvai dans le couloir à quelques mètres de notre salle, regardant fixement le sol et serrant son poing si fort qu’elle en tremblait.

M’entendant arriver, la rouquine leva les yeux et grimaça.


https://www.youtube.com/watch?v=okbvdbIu9VU


« Ça t’arrive souvent de suivre les filles quand elles disent qu’elles vont aux toilettes le monstre ? Railla-t-elle.

-Tu ne sais vraiment pas mentir ; m’amusai-je.

-Désolée…C’est sorti tout seul…Reprit-t-elle d’une voix plus calme. »

Je m’adossai au mur à côté de mon ami et nous restâmes tous les deux en silence pendant une longue minute sans dire un mot.

« Dis, Hinata…Tu es sûr que c’est une bonne idée ce que nous faisons actuellement ? Me demanda-t-elle soudain.

-Je pense que chasser les monstres dans la forêt est une idée stupide mais ça, je te l’ai toujours dit ; répondis-je en faisant mine de ne rien savoir.

-Non, je ne parle pas de ça…Mais révéler autant d’informations à un civil et l’exposer ainsi au danger…Je sais que j’étais d’accord au départ…mais plus j’y réfléchis et plus je pense que nous le menons simplement à sa perte…

-Qu’est-ce que tu veux faire d’autre de toute façon ? Daichi nous a vus combattre. Il est plus prudent pour nous de le garder à nos côtés que de l’expulser au risque qu’il révèle tout, non ?

-Justement. S’il reste avec nous, il risque sa vie sans pouvoir, et si nous l’expulsons, nos secrets risquent d’être révélés ; dit Yuki sans desserrer les dents.

-Qu’est-ce que tu proposes alors ? De lui effacer la mémoire ? Hasardai-je.

-Je ne vois pas d’autre solution. »

Un nouveau silence s’installa entre nous tandis que je dévisageai la jeune fille avec des yeux ronds. Celle-ci détourna le regard et se mit à faire les cents pas dans le couloir désert.

« A la fondation, il existe un Esper capable d’effacer une partie de la mémoire des gens. Souvent, nous faisons appel à lui dans cette situation précise…Déclara-t-elle sans conviction.

-Si c’était aussi simple que ça, tu l’aurais fait depuis le début ; rétorquai-je en fronçant les sourcils. »

Le regard de la rouquine se voila et elle s’arrêta devant la fenêtre, fixant un point au loin qui n’existait pas.

« Je pensais pouvoir surmonter ça…Mais en fait, je ne peux pas…Murmura-t-elle d’une voix presque éteinte. »

Je penchai la tête sur le côté, dubitatif.

« Désolée, Hinata, mais c’est au-dessus de mes forces ! Je refuse que Daichi finisse comme elle ! Il vaut mieux qu’il oublie tout de nous et reparte de zéro plutôt que de devenir fou à lier ou pire! S’écria alors Yuki, me révélant enfin ce qu’elle avait sur le cœur. »

Au même moment, la porte de la salle de club s’ouvrit et Daichi en sortit, la tête basse. Le visage de notre présidente se décomposa lorsqu’elle se rendit compte qu’elle avait été entendue et elle se mit à trembler.

« Je…Je ne vais pas devenir fou…Fuyuku…Tenta le blondinet d’une petite voix. Je vous promets de…

-Il n’y a pas de volonté qui tienne ! Répliqua la rouquine d’une voix tranchante. Je ne me le pardonnerais jamais si quelqu’un d’autre voit sa vie gâchée par ma faute ! Je refuse de faire deux fois la même erreur… »

Alors que mon colocataire allait répondre quelque chose, je vis une larme perler au coin de l’œil gauche de mon amie. Je n’étais toujours pas expert en émotion humaines, mais je pouvais deviner sans difficulté que Yuki était actuellement déchirée entre la peur et les remords.

Je lançai alors un regard vers Daichi qui comprit immédiatement d’où venait le problème et reprit la parole d’un ton plus assuré.

« Fuyuku-san. Si c’est parce que tu penses que je suis trop faible pour vous accompagner, laisse-moi te prouver le contraire. Je te défie dans un duel d’escrime. »

Interloquée, la jeune fille écarquilla ses yeux encore rougeoyants et ouvrit la bouche sans qu’aucun son n’en sorte.

« Laisse-moi te prouver ce que je vaux. Je sais que jamais je n’égalerai ton niveau mais si tu estimes que vraiment, je suis sans espoir et que je serai un boulet pour vous, alors efface-moi mes souvenirs, cela vaudra mieux.

-Daichi…Tu te rends compte de ce que tu avances ? M’étranglai-je, sachant très bien que ce type ne savait pas plus se battre que Yuki ne savait cuisiner.

-J’en suis conscient, oui, c’est justement pour ça que je dois m’évaluer moi-même. Je ne tiens pas à mourir bêtement en vous suivant alors que je suis trop faible ; me répondit-il en se frottant le cou, gêné.

-Allez, Yuki, laisse-lui cette chance ! S’exclama Hoshino en sortant à son tour avec un large sourire. Je suis certaine qu’il est moins nul qu’il n’en a l’air !

-Merci du soutien…gémit le blondinet. »

Tous les regards se tournèrent vers notre présidente qui ne sut plus où se mettre pendant quelques instants mais finit par se reprendre.

« Tu…Tu es prêt à oublier tout de nous…Vraiment ?

-Non…mais je suis encore moins prêt à mourir. Je suis peut être un bon à rien mais je ne suis pas suicidaire pour autant !

-Je savais que je n’aurais jamais dû accepter ta venue dans ce club, tu me causes bien trop de soucis ; soupira Yuki. Mais soit, demain, je te donne rendez-vous au gymnase après les cours. Tâche d’être à l’heure. «

Sur ces belles paroles, la rouquine tourna les talons et clôtura nos activités pour la journée. Lorsqu’elle fut enfin hors de vue, Daichi tomba à genoux, livide et tremblant de tous ses membres.

« Dans quoi je me suis embarqué moi…je vais me faire embrocher…Je suis totalement suicidaire…

-Bonne chance pour demain mon pote ! M’exclamai-je en lui donnant une grande tape dans le dos pour détendre l’atmosphère. Je ramènerai le kit de premier secours !

-Les techniques de Yuki sont pourtant assez basiques. Tu pourrais les reproduire facilement tu sais ; lança soudain Hoshino en haussant les épaules. »

Cette phrase capta l’attention du blondinet qui se remit aussitôt debout et attrapa la jeune fille par les épaules.

« Vraiment ? Apprends-moi s’il te plait ! Je ne veux pas me faire effacer la mémoire, pitié !

-Ça te coutera une nuit avec Tetsu pour que je puisse squatter ta chambre !

-Tout ce que tu veux ! »

Je baillai et tournai les talons à mon tour, laissant ces deux boules d’énergie régler leurs comptes tandis que je me mis en tête de trouver un moyen de faire changer Yuki d’avis sur le chemin du retour.

Cependant, plus je cherchais et plus je trouvais que la rouquine avait raison dans son raisonnement. Le monde des Espers et des familiers n’était pas un simple mythe ou un jeu. C’était un fait bien réel et on ne pouvait pas laisser de simples sentiments prendre le dessus sur la prudence. Si Daichi risquait réellement sa vie, alors j’étais prêt à sacrifier quelques mois de souvenirs avec lui afin de lui laisser la possibilité d’en faire de nouveaux à l’avenir.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes le lendemain à dix-sept heures pile dans le gymnase de l’école pour assister au duel entre Yuki et Daichi. Evidemment, personne à part nous n’était venu voir un combat aussi stupide et nous n’étions donc que deux dans les gradins : Hoshino et moi.

« Alors, est-ce qu’il est prêt ? Demandai-je à la blonde.

-Absolument pas ; me répondit-elle avec un sourire.

-Et…tu t’en réjouis ? Tu le détestes à ce point ?…

-Pas vraiment…C’est juste que ce type n’est pas un aussi gros boulet que Yuki le pense…même s’il n’est pas très dégourdi non plus question combat !

-Tu peux préciser ta pensée ?

-Regarde plutôt par toi-même. »


https://www.youtube.com/watch?v=hJk78L53JA4


Hoshino pointa du doigt le terrain et les deux combattants apparurent au même moment. A gauche, Yuki n’avait même pas pris la peine de se changer et avait gardé son uniforme scolaire. Dans sa main brillait une fine épée utilisée par le club d’escrime à la place de sa lame habituelle. Certainement ne voulait-elle pas prendre le risque de transpercer Daichi…

Celui-ci entra par l’autre porte, les jambes tremblantes et le corps entièrement recouvert de protections normalement réservées aux débutants, ainsi qu’un casque et…Une épée en bois…Une épée de Kendo…

En voyant cela, je lâchai un soupir et me pris la tête dans les bras, dépité. Il n’avait aucune chance de l’emporter…

Cependant, même devant une erreur aussi grossière, Hoshino continuait à sourire d’un air confiant. Yuki, quant à elle, ne releva même pas et se plaça devant son adversaire sans dire un mot, le visage impassible.

Gauchement, le garçon fit de même et tenta de se mettre en position, prenant son épée à deux mains et en la brandissant devant lui…Il n’avait décidément pas l’air d’avoir compris que le Kendo était différent de l’escrime…

La rouquine se plaça de trois-quarts, plaçant son épée à la verticale devant son visage, le pied droit en avant.

Les deux adversaires allaient visiblement s’affronter dans deux styles totalement différents mais, même si l’arme de Daichi semblait plus puissante, je savais aussi que Yuki maniait l’épée comme personne.

« Ne m’en veux pas, Daichi ; déclara la jeune fille d’une voix glaciale.

-Ne…ne crie pas victoire trop v… »


https://www.youtube.com/watch?v=4Dy_EsPsOoM


Le blondinet n’eut même pas le temps de terminer sa phrase que la rouquine s’élança vers lui sans crier gare. Mon colocataire esquiva de justesse la lame en tombant à la renverse sous l’effet de surprise mais la chasseuse n’en resta pas là et changea de trajectoire pour viser directement la tête.

Avec un cri de terreur, Daichi roula sur le côté mais se heurta rapidement aux limites du terrain.

Il ne pouvait plus reculer et Yuki, toujours impassible, avançait lentement vers lui sans dire un mot…Exactement comme l’aurait fait un familier…

« A…Attends, Fuyuku, pouce ! Je n’ai pas encore… »

Le garçon poussa un nouveau cri lorsque la jeune fille bondit pour fendre en piqué sur lui. Cependant, contre toute attente, Daichi para le coup avec son bras et la lame de Yuki rebondit sur ses protections, la déstabilisant dans son attaque.

La chasseuse, d’un salto arrière, reprit ses distances pour se remettre en position tandis que le jeune garçon peinait à réaliser qu’il venait de repousser son adversaire.

« Qu’est-ce que tu attends espèce de boulet, contre-attaque ! M’exclamai-je machinalement en me levant. »

Mon ami, comme réveillé par ma voix, se leva d’un bond et fonça sur Yuki. Sans aucune difficulté, l’Esper para le coup de Daichi mais ce-dernier ne se laissa pas démonter. Retourna son arme et la faisant pivoter tout autour de la lame de la jeune fille, Daichi réussit à passer sous la défense de la jeune fille et l’obligea à reculer pour ne pas se faire toucher.

A côté de moi, Hoshino émit un petit rire amusé tandis que l’expression de Yuki changea enfin et un léger sourire se dessina sur son visage.

« Je vois. Tu possèdes un niveau suffisant pour affronter une humaine ; déclara-t-elle en fermant les yeux.

-O…On dirait bien que moi ! répondit fièrement le garçon en se tapant le torse.

-Cependant…Nous n’affrontons pas des humains…Mais des monstres ! »


https://www.youtube.com/watch?v=qIEk0U782rM


Une violente bourrasque souffla dans le gymnase alors que toutes les portes étaient fermées et il ne m’en fallut pas plus pour comprendre. Mon cœur rata un battement, mes yeux s’écarquillèrent de stupeur et je serrai les dents en réalisant que ce que Yuki allait faire lorsque ses pupilles virèrent au doré.

Le sourire d’Hoshino avait également disparu et la jeune fille fronçait les sourcils, perplexe.

En une fraction de seconde, Yuki franchit la distance qui la séparait de son adversaire et lui asséna un violent coup de pied. Le pauvre garçon vola à l’autre bout de la salle et heurta violemment les gradins.

Puis, sans même lui laisser le temps de se relever, la rouquine sauta pour réatterrir sur le torse de Daichi. Un craquement se fit entendre, suivit d’un gémissement de douleur alors que Yuki saisit son adversaire par le cou pour le soulever quelques centimètres au-dessus du sol.

Le blondinet tenta tant bien que mal de se libérer mais sa prise était bien trop forte. Il ne pouvait que gigoter et agiter les pieds, impuissant. Une goutte de sueur perla du front de mon colocataire et lentement, son visage virait au bleu…

Par réflexe, je me levai d’un bond, prêt à aller l’aider mais Hoshino me retint et m’ordonna de rester tranquille.

A contrecœur, je m’exécutai et me rassis. Je savais bien que Yuki savait ce qu’elle faisait mais je ne supportais pas de voir mon ami se faire maltraiter ainsi sans agir…

« Nous, Espers, combattons des monstres à longueur de journée et sommes considérés comme tel par les humains. Tel est notre quotidien. Si j’avais été un de ces monstres sanguinaires, je t’aurais déjà tué au moins neuf fois. Comprends-tu à quel point ce monde t’est inaccessible si tu peines déjà à me tenir tête sans mes pouvoirs ? Déclara la chasseuse d’une voix lente et grave.

-Inaccessible…tu dis…Murmura-t-il en baissant les yeux. J’ai entendu cela tellement de fois…Mais ce n’est pas parce que les gens le pensent que je ne peux pas y arriver ! »

Comme mu par une force nouvelle, Daichi se débattit de plus belle et frappa le ventre de son adversaire de son pied.

Yuki grimaça et lâcha prise, interloquée par ce retournement de situation. Vif comme l’éclair, le garçon ramassa son arme et attaqua la jeune fille à la tête. Celle-ci tenta de parer mais tomba dans le piège.

Alors que l’épée de la rouquine était levée, mon ami se baissa et la frappa de toutes ses forces dans les côtes. Yuki tituba en grimaçant mais ne fut pas assez rapide pour esquiver le croche-pied de son adversaire et elle tomba à la renverse.

Pensant sa victoire déjà assurée, mon colocataire abattit son arme sur le visage de la chasseuse. L’espace d’un instant, je crus également à sa victoire et me levai de mon siège, plein d’espoir.

Néanmoins, c’était sans compter sur tous les atouts que possédait notre présidente. Profitant de l’assaut à l’aveugle de Daichi, elle en avait profité pour matérialiser sa véritable épée d’or.

Au contact de cette lame maudite, l’épée de bois du garçon fut purement tranchée en deux comme une vulgaire brindille devant ses yeux ébahis.

D’un bond, Yuki se releva et remit Daichi à terre d’un coup de pied dans l’estomac. Puis, d’un coup fulgurant et silencieux, elle trancha le casque protégeant le visage du garçon, signant ainsi sa défaite cuisante.

« Et de dix. Dix fois tu as échappé à la mort en cinq minutes, Daichi. Tu tiens vraiment à continuer ou alors tu en as eu assez ? »


https://www.youtube.com/watch?v=4TTzGc6rCa0


Le jeune garçon ne répondit rien et se contenta de baisser les yeux au sol pour contempler les restes de son équipement.

Me sentant mal pour mon ami, j’allai les rejoindre rapidement tandis que Yuki désactiva ses pouvoirs et que ses yeux redevinrent bleu azur.

« Je suis désolée, Daichi, mais avec ton niveau, tu ne seras qu’un danger autant pour nous que pour toi ; déclara-t-elle avec une pointe de regrets dans la voix.

-Non…C’est moi qui suis désolé de ne pas pouvoir vous être plus utile ; soupira mon ami en souriant malgré sa défaite.

-Daichi…Murmurai-je, réalisant qu’il s’agissait peut-être de notre dernière conversation.

-Vous savez, vous êtes les premiers à m’avoir accepté parmi vous dans un club. Personne ne m’avait encore jamais proposé auparavant. Surement parce que je suis beaucoup trop empoté pour pouvoir suivre ou que je n’étais qu’un boulet tout juste bon à amuser la galerie ; rit-il légèrement en se frottant la nuque d’un air gêné. »

Yuki détourna le regard, gênée elle aussi en se rappelant qu’elle l’avait d’abord refusé exactement pour cette raison.

« Mais c’est pour cela que j’avais réellement envie de me joindre à vous et de m’impliquer dans vos histoires de détective. Peut-être me suis-je un peu trop emporté en fin de compte…

-Je…Non, c’est moi qui ai été stupide ; lui répondis notre présidente en bégayant. Je savais que je prenais un risque et maintenant, je suis incapable d’assumer…

-Précisément ; déclara soudain Hoshino d’une voix enjouée en nous rejoignant. Yuki, si je me rappelle bien, quand tu as rendu visite à mon père, tu étais accompagnée, n’est-ce pas ?

-O…Oui…Mais…

-Même cinq ans plus tard, tu continues à t’en vouloir, je me trompe ? Continua la blonde en croisant les bras dans son dos. Tu crains réellement que Daichi suive le même chemin que ton amie ?

-E…évidemment ! Kazumi aurait pu mourir dans cette expédition et cela aurait été entièrement ma faute !

-Sauf que cette personne, tu ne l’avais jamais prévenue du Danger qui l’attendait, me trompé-je ?

-Jamais…non… »

A ces mots, le visage de la cadette s’illumina et elle vint se placer à côté du blondinet, encore sonné par les coups de Yuki.

« A l’époque, tu étais responsable d’elle car tu l’emmenais contre son gré à la mort. Mais aujourd’hui, pourquoi te sentirais-tu responsable s’il arrivait malheur à Daichi ? Parce que tu possèdes des pouvoirs et lui non ? Cela me semble assez présomptueux comme raisonnement ; poursuivit Hoshino sans cesser de sourire.

-Mais je suis responsable de lui, de toi et même d’Hinata ! La seule différence est que vos chances de survie sont bien plus élevées alors je ne m’inquiète pas ! »

Hoshino, pour toute réponse, secoua la tête négativement et ferma les yeux.

« Yuki. Sois honnête avec toi-même. Les familiers et les Espers représentent presque un dixième de la population mondiale. Crois-tu réellement que, sans toi, Daichi ne serait jamais tombé face à l’un d’entre eux ?

-Les chances auraient été moindres qu’en allant chasser dans la forêt ! Rétorqua la rouquine.

-De même que ses chances de survie ; conclut enfin Hoshino. Daichi a une chance que de nombreux humains ne possèdent pas : il connait l’existence de ces créatures et il est prêt à y faire face, là où ton amie ne l’a jamais été et ne le sera jamais et ton intervention n’y change rien.

-Où veux-tu en venir…Miki ? Demanda l’Esper d’une petite voix.

-Si nous effaçons la mémoire de Daichi, la prochaine fois qu’il tombera nez à nez avec un familier – car il finira bien par en rencontrer- il mourra à coup sûr. Alors, au lieu de prendre ce risque, entrainons-le comme vous, Espers, êtes entrainés.

-Je…Je suis un boulet je te rappelle ; objecta l’intéressé, aussi interdit que Yuki.

-J’ai connu des boulets bien pire que toi chez Savior et malheureusement, ils sont encore en vie ; gloussa la blonde. »

Une longue minute de silence suivit l’argumentaire d’Hoshino, minute pendant laquelle Yuki croisa les bras sur sa poitrine et se mit à faire les cents pas, comme à chaque fois qu’elle se plongeait dans ses pensées.

Pendant ce temps-là, j’aidais mon colocataire à se remettre debout. Il possédait de nombreux bleus sur le corps mais aucune blessure, même superficielle malgré la violence des coups de la rouquine. Ses protections avaient été drôlement efficaces.

Finalement, notre présidente lâcha un soupir et se planta devant Daichi pour le fixer droit dans les yeux.

« Je te préviens, à la moindre faiblesse, je te fais effacer la mémoire, c’est bien compris ?

-Est-ce que ça veut dire…

-Tu es un boulet mais Miki a raison. Tu n’es pas Kazumi. Je vais donc te donner une chance, tâche d’être à la hauteur.

-Compris, Fuyuku-san ! Je ne vous décevrai pas ! S’exclama le blondinet en se mettant au garde à vous. »

Malgré la situation, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire devant le ridicule de mon ami et l’expression déconcertée de l’Esper.

« Ne…ne crois pas que ça sera facile, j’ai failli y rester moi-même ! Rétorqua la rouquine, refusant de perdre la face.

-Pourtant, au vu de certains boulets que mon père a affronté pendant la guerre, j’ai de sérieux doutes…ou alors tu étais une sacrée mauvaise élève ; railla Hoshino d’un air moqueur.

-Je…je ne t’ai pas demandé ton avis Miki !

-Je suis persuadée que si Daichi voulait devenir invocateur, il aurait plus de chances d’y rester qu’avec votre entrainement. Après tout, quand un Esper retourne ses propres pouvoirs contre lui…

-Et vous alors ! L’interrompit Yuki avant de se faire ridiculiser. Je me souviens de votre Kasaï Rex, c’était un des plus mauvais familiers que j’ai jamais vus !

-Que veux-tu, les familiers, c’est comme la cuisine, on ne réussit pas leur confection à chaque fois mais il faut savoir distinguer ce qui est utilisable du reste ; se contenta de répondre la blonde en haussant les épaules. »

Daichi tenta tant bien que mal de calmer les deux filles mais finit par être la cible de tous les reproches pendant que je m’étouffais dans mon fou rire en le regardant de loin.

A ce moment-là, je me dis que, sans le jeune garçon, notre club aurait sans doute été bien vide et que j’étais vraiment content de l’avoir à mes côtés finalement.

Néanmoins…à l’intérieur de moi, je sentais comme un poids sur mon cœur. J’avais l’impression d’avoir déjà vécu une situation similaire, longtemps auparavant, durant ma vie humaine…mais j’étais incapable de m’en souvenir précisément et aucun vertige ne vint me déconnecter de la réalité…

J’étais vraiment impatient que Ryuga revinsse pour qu’il m’explique enfin le fin mot de l’histoire…


Finalement, après dix minutes de chamailleries stériles, Hoshino abandonna la bataille et donna raison à Yuki avant de lâcher une nouvelle qui nouvelle qui nous fit totalement oublier le problème de Daichi.

« Sinon, maintenant que ce problème est réglé, je crois que mon père est revenu à la charge. J’ai vu un de ses hommes en venant ce matin.

-Sérieusement ? S’étrangla notre présidente. Tu aurais pu nous le dire avant !

-J’avais envie de mettre au clair cette histoire avant. Surtout que ce n’est pas si grave. Sans Slender Man, ses sbires ne sont pas très dangereux.

-Dis ça au Lindorm…grommelai-je en me souvenant de la raclée qu’il m’avait mise.

-Peut-être…Qu’il faudrait que tu vives avec quelqu’un ; hasarda notre boulet.

-Chez quelqu’un…Pas dans votre dortoir puant j’espère ; rétorqua Yuki.

-Pourquoi pas chez toi alors ? Proposai-je.

-Je…je t’ai déjà dit que je n’avais pas la place, le monstre ! Bégaya-t-elle en rougissant.

-Parfait, je savais que tu accepterais !

-Tu sais, je ne prends pas beaucoup de place, je pourrais même dormir sur un canapé ; rajouta Miki qui, voyant clairement qu’il s’agissait simplement d’une excuse, décida de jouer dessus.

-Je…je n’ai pas de canapé ! Et puis…Ce n’est pas le problème !

-Tu préfères donc laisser cette pauvre Hoshino prendre le risque de se faire enlever chaque matin ? Lançai-je d’une voix peinée.

-Ce n’est pas ce que j’ai dit !

-Parfait, Hoshino, demain tu emménages chez Yuki !

-Q…Quoi ? Demain ?! S’étrangla la rouquine en écarquillant les yeux.

-Oui, il faut bien la mettre à l’abri le plus vite possible, non ?

-On pourrait installer notre base chez toi aussi ! Suggéra Daichi qui ne se rendait pas compte que Yuki était sur le point d’exploser.

-Bonne idée, j’approuve ! Renchérit Hoshino.»

Notre présidente serra les dents mais, devant l’enthousiasme général à cette idée, celle-ci céda, les épaules basses.

« J’abandonne, je pourrais vous dire qu’il y a un rat de deux mètre devant l’entrée, vous viendriez quand même, je me trompe ? »

Nous hochâmes tous les trois la tête comme un seul et Yuki soupira, lassée.

C’est ainsi que nos activités de club se déplacèrent du lycée à la résidence de Yuki sous prétexte de protéger Hoshino pour une durée indéterminée.






http://forum.duelingnetwork.com/index.php?/topic/157103-the-wrap-up-red-lust-circuit-series-miami-edition/#entry2134192
le bon temps…

dobble T
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[Fic]Le Dernier Esper posté le [08/04/2017] à 21:40

Citation de heart earth Le [23/02/2017] à 12:18

Je sais pas ce qu'est une fic fleuve mais pour que tu la finissez faudrait déjà que je la finisse moi même et ça risque d'être très long vu la vitesse à laquelle j'avance :3


Pour ça


 »être ou ne pas être, tels est la question »

Je suis indisponible pour le moment, veuillez me laissez un message. Merci.

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