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Nous avions gagné. Enfin. Malheureusement, notre calvaire était loin d’être terminé. La destruction du trou noir avait relâché tous les débris arrachés de la citadelle qui retombaient sur Terre telle une pluie de météores. Pire, tout le palais était en train de s’effondrer sur lui-même.
Je me tournai vers mes compagnons de route pour leur crier de dégager au plus vite. Laura, comme libérée d’une malédiction, avait retrouvé ses esprits, et Angéla se maintenait debout grâce à l’aide de Marie.
Nous ne perdîmes pas une seconde et tout le monde déguerpit sans demander son reste. Quant à moi, j’agrippai le bras d’Hélios qui reprenait peu à peu connaissance. Après tout ce qu’il avait fait pour nous, je ne pouvais pas l’abandonner.
— Tout ça me rappelle bien des souvenirs, murmura le roi d’une voix inaudible alors que nous nous trainions dans les longs dédales de la forteresse.
— Des souvenirs ? répétai-je, essoufflé à force de courir avec un tel poids sur les épaules.
— Tu es bien le fils de Solaris, rien de plus. Je commence à accumuler les dettes envers votre famille…
Je ne saisis pas le sens de ses paroles, mais je n’y prêtai pas attention. Ma priorité était de nous faire sortir d’ici sains et saufs. Ainsi, grâce aux quelques pouvoirs d’Osiris qu’il me restait, slalomant entre les projectiles de glaces et enjambant des crevasses aussi larges que la Seine, je parvins à nous extirper de ce piège mortel.
Lorsqu’enfin le bout du tunnel fut en vue, je pus rattraper les autres. Tous s’étaient arrêtés à quelques mètres de la sortie. Ils avaient l’air tendus, prêts à se battre.
— Qu’est-ce que vous attendez ? La sortie est…
Mon cœur bondit dans ma poitrine en comprenant la raison de cet arrêt. Shadow se tenait là et nous bloquait le passage. Il était serein. Toute haine avait quitté son regard.
— Quel dommage, cette citadelle va tomber en ruine, c’était pourtant un chef-d’œuvre, une merveille montrant l’entraide entre les hommes et les Spirituals.
— Que veux-tu encore ? demanda furieusement Laura.
— Rien du tout. Je ne désire plus rien, répondit-il tristement. Alors comme ça vous avez vaincu Gariatron ? Mais cela ne signifie pas la fin de votre combat. Lui et ses frères combattaient autrefois une menace bien plus grande.
Shadow tourna les talons et commença à marcher dans la direction opposée à la nôtre. Il retournait à l’intérieur de la citadelle !
— On peut savoir où vous allez comme ça ? lui lançai-je, suspicieux.
— Je vais dire pardon à un vieil ami pour l’avoir embarqué avec moi dans un conflit qui n’était pas le sien. Et au passage, Drago, n’aie crainte pour ton monde. J’ai demandé le retrait de mes troupes. Normalement, ils ne devraient plus causer de problèmes.
— Shadow, vous…
— Je vous fais confiance, à vous et à Éther, pour arrêter Amon à ma place. Ne me faites pas regretter d’avoir fait ce choix. Mais vous devriez en être capables. Après tout, vous avez vaincu l’un des plus puissants Spirituals.
— Attends un peu Shadow, dit Hélios qui s’était soudainement réveillé. Pourquoi… tu ne nous aiderais pas, toi aussi ? Tu connais Violet, tu sais qu’elle te pardonnera si tu lui expliques la situation. Et puis, tu as du temps à rattraper avec ta fille, tu ne crois pas ?
— Le monde se portera bien mieux sans moi. À présent, ad…
— S’il te plait… papa !
Shadow s’arrêta net. Un silence pesant s’installa dans la pièce, uniquement brisé par le fracas des projectiles et le grondement de la Terre.
— Ne m’appelle plus comme ça, Laura, lâcha l’homme, la tête basse. Je ne suis plus celui que tu aimais.
Pour toute réponse, l’amie de Darksky se jeta dans ses bras en pleurs. Shadow ne la repoussa pas, au contraire, il lui rendit son étreinte.
— Je suis désolé, Laura, tout est de ma faute. Si j’avais été un bon père, jamais Arthur et ta mère…
— Non, ce qui est passé est passé, alors s’il te plait, reste avec nous ! Éther a besoin de toi ! J’ai besoin de toi !
Shadow secoua la tête tristement.
— Plus à présent. Tu as des compagnons qui te soutiennent désormais, je suis sûr que tu t’en sortiras sans moi.
— Je t’en prie, ne pars pas maintenant ! Depuis que tu as sombré, j’ai attendu chaque jour le moment où tu redeviendrais toi-même, ce n’est pas pour te perdre aussitôt !
— Je reviendrai, je t’en fais le serment. Mais pour l’heure, j’ai besoin de prendre mes distances. Ne rends pas cela plus difficile que ça ne l’est.
Sans prévenir, Shadow repoussa violemment Laura, qui s’écroula, interdite.
— Tu…
— Adieu, Laura, je regrette sincèrement. Adieu Hélios, j’espère que tu ne t’ennuieras pas trop sans moi. Et enfin, Drago, termine ce que j’ai commencé… et sauve ton monde de la menace qui pèse sur lui. Rassurez-vous, Violet et la fédération Éther sont en sécurité. Érèbe me l’a assuré.
Cette fois-ci, il tourna définitivement les talons. Malgré les supplications de sa fille, il ne se retourna pas et s’engouffra dans le long labyrinthe. Laura se précipita à sa suite, mais l’entrée fut soudainement obstruée par la chute d’énormes blocs de glace.
— Il faut aller le chercher immédiatement ! cria-t-elle. Il ne pourra pas s’échapper de là tout seul !
Darksky posa la main sur son épaule. La jeune fille ferma les yeux puis se jeta dans ses bras, tout en continuant de pleurer.
— Sortons d’ici ensemble, Laura, lui chuchota le garçon d’une voix douce.
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Depuis une colline proche, nous observions la majestueuse citadelle s’effondrer sur elle-même dans un épais nuage de poussière. Il ne restait d’elle qu’un escalier sans fin et d’étranges lumières semblables à des aurores boréales dans le ciel.
Tout était si calme. Qui aurait cru qu’une des pires batailles de l’histoire venait de se tenir ici même ?
Le néant avait disparu pour faire place à une vaste prairie parsemée de fleurs aux senteurs divines. L’herbe se balançait lentement au gré du vent léger qui soufflait désormais à la place du mistral.
Le lever de soleil était magnifique par-delà les hautes montagnes, comme enflammées par les rayons pourpres qui brûlaient leurs sommets immaculés. Une paix infinie planait dans ce recoin perdu entre Izrath et la Terre, éloigné de toute civilisation.
June nous rejoignit bientôt, l’air affolé. Quoi de plus normal après le spectacle auquel elle avait dû assister depuis l’extérieur. Deux autres filles l’accompagnaient, certainement les amies d’Angéla. Cette dernière encore faible se précipita dans leur bras en pleurant et riant à moitié.
Hélios regardait au loin, les bras croisés sur son armure d’or, pensif.
— Je vais devoir retourner sur Izrath pour prévenir Astaris de ce qu’il se trame, marmonna-t-il dans sa barbe, plus pour lui-même que pour nous. Ça va de nouveau être pour moi, je sens.
— Un problème ? lui demandai-je en le sortant de ses pensées.
— Pour moi, oui. Pour vous, non, se contenta-t-il de répondre en me souriant bêtement. Ne te préoccupe pas de moi, j’ai des dettes qui datent de plus de cinq mille ans qui attendent d’être réglées, rien de plus. Mais toi, tu as le droit de profiter de ta victoire.
Je n’ajoutai rien. Ce type, malgré tout ce que nous avions vécu, restait un mystère pour moi. Je ne l’embêtai néanmoins pas plus longtemps et rejoignis mes compagnons. Marie tentait de réconforter Laura en lançant sans cesse des piques à son frère tandis que June, Angéla et ses deux amies fêtaient leurs retrouvailles comme il se devait.
En me voyant approcher, celle qui avait été la première à m’accueillir dans ce monde me fit un signe de la main. Un sourire éclatant illuminait sa figure et dissipait toute la fatigue du combat
. Elle laissa les filles entre elles pour venir à ma rencontre.
— Et bah alors, Drago, tu ne célèbres pas notre victoire ? J’ai proposé à Darksky, Laura et Marie de passer chez moi et d’organiser une soirée une fois qu’on sera de retour, tu seras de la partie, j’espère ?
— Chez toi ? Ton père ne t’a pas mise à la porte ? m’étonnai-je.
Angéla déglutit. Elle détourna le regard et commença à rire nerveusement.
— S… Sans problème, tu verras ! Il joue aux durs, mais il sera ravi de me revoir ! Au pire, on demandera à Violet le château !
— Je ne sais pas si c’est vraiment prudent de…
La blonde me donna une grande tape dans le dos qui expulsa l’air de mes poumons et me coupa la respiration.
— Tu te tracasses pour rien, un souci à la fois ! Profitons de notre répit, on l’a bien mérité, non ?
Oui, Angéla avait raison, je ne devais pas me préoccuper de détails et vivre le moment présent. Gariatron n’était plus qu’un lointain souvenir, les hommes de Shadow ne représentaient plus un danger, Angéla avait pu retrouver ses amies, Violet et les autres étaient sains et saufs selon Shadow et Darksky avait sauvé Laura. Même si toute menace n’était pas écartée, dans l’immédiat, je n’avais plus à m’inquiéter pour mon monde, ou pour Asuna, où qu’elle ait pu se trouver.
La blonde me prit par le bras et m’entraîna à sa suite. Elle s’arrêta néanmoins à quelques pas du groupe et se retourna. Elle était si proche de moi… Je reculai, gêné par tant de proximité.
Malgré ses nombreuses blessures, elle ressemblait toujours à un magnifique ange. Les mèches de chaque côté de son visage se balançaient lentement au gré du vent, cachant ses yeux bleus comme des saphirs par moment.
Je dus rougir, mais elle n’en tint pas compte. Elle passa simplement sa main dans sa chevelure de blé pour remettre sa mèche derrière son oreille et lança un sourire resplendissant rempli de fossettes.
— Merci, Drago. Grâce à toi, tout est enfin terminé. Jamais je ne pourrais te rendre la pareille.
— Non, vraiment, tu n’as pas besoin de…
Angéla ne me laissa pas finir et déposa un doux baiser sur ma joue tandis que le Soleil au loin, désormais totalement levé, faisait briller ses cheveux d’or comme des joyaux.