– Alors ça y est ?
– Oui. La Résistance va passer à l'action.
C'était une petite pièce isolée, coupée du reste du foyer de la Résistance. Elle avait été aménagée pour accueillir une seule personne, et non une demi-douzaine comme le faisaient les chambres de soldats ordinaires. Le Samouraï Shiranui avait voulu rendre visite une dernière fois à son mentor avant de partir en guerre. Celui qui l'avait emmené loin du château lors du coup d'état il y a 10 ans, l'homme qui avait veillé sur lui et garanti sa sécurité pendant tout ce temps. Le Maître Esprit Shiranui.
– Lorsque je reviendrai ici, ce sera en tant que Shogun, annonça t-il au vieil homme, qui
méditait calmement sur le tatami de la pièce comme à son habitude.
– Le Sage est-il revenu ? demanda ce dernier d'une voix douce.
– Non, nous ne l'avons toujours pas trouvé….Il est vrai qu'à lui seul le Sage représenterait un support conséquent pour la cause Shiranui. Mais nous ne pouvons plus attendre. Et puis, nous venons de recevoir une autre aide tout aussi précieuse.
– Les Six samouraïs ?
Le prince acquiesça. Son maître soupira.
– Comme nous l'avait prédit cette envoyée. Alors, si tu penses être prêt….Je pense que l'heure est venue.
Le Maître Esprit poussa la dalle de tatami la plus proche, laissant apparaître une petite cavité dont le Samouraï lui même ignorait l'existence. Le vieil homme en sortit une lame, délicatement rangée dans une boîte de velours.
– Mais c'est ?!
– Oui….L'Epée Spectre Shiranui, celle qui a appartenu à ton père, le Saga-Shogun. Je veillais sur elle depuis ce tragique jour d'il y a dix ans, attendant le moment opportun pour te la remettre.
– Maître….
En saisissant l'arme, il ne put s'empêcher de penser à son père, à la vie qu'il avait mené jusqu'à ses 9 ans à ses côtés. La vie que les Shien lui avaient volé. Et qu'il allait récupérer. Il rangea l'épée dans un second fourreau, au côté de son arme de feu personnelle. Il ne pouvait se résoudre à l'abandonner tant il avait combattu avec. Or il n'avait pas le luxe d'y songer plus longtemps, on l'attendait ailleurs. Le jeune homme salua alors une dernière fois son maître. Dès qu'il aurait quitté la pièce, la guerre commencerait. Finalement, il s'exécuta.
Les troupes se rassemblaient. Les rebelles, qui avaient économisé leur forces durant la journée, s'étaient réunis dans la plus grande pièce des souterrains. Il devait y avoir environ 150 hommes prêts à se battre. Le Samouraï Shiranui et ses trois commandants montèrent sur une petite estrade. Les hommes se turent, sentant que leur seigneur allait s'exprimer de manière imminente :
– Le grand soir est venu ! Cette nuit, nous allons reprendre nos terres aux Régime ! Ceux qui pillent nos cultures, qui oppressent nos femmes et nos enfants, qui nous humilient depuis des années doivent payer pour leurs crimes ! Aujourd'hui, nous avons de véritables guerriers à nos côtés. L'heure de la Révolution Globale est arrivée !
Le chef de la Résistance fit alors signe aux Six samouraïs de le rejoindre sur le devant de la scène. Ils s'avancèrent, un peu intimidés par la foule qui les scrutait.
– Alors c'est eux ?
– C'est des jeunots, non ?
– Ce sont les vrais Six samouraïs ?
Le prince Shiranui demanda le silence une nouvelle fois. Il fit signe à l'un des guerriers de prendre la parole. Mais aucun des garçons n'avait jamais vécu une telle expérience : pas un des Six n'osa se désigner volontaire. Après quelques secondes d'hésitation, se fut finalement Zanji, le plus proche de la foule, que les autres poussèrent discrètement vers l'avant.
Ce dernier déglutit. Les paysans le regardaient avec passion, prêts à boire chacune de ses paroles. Il pouvait percevoir la détermination dans leur regard, cette lueur de l'homme qui veut se battre jusqu'au bout pour défendre sa cause. Il ferma les yeux, inspira un grand coup, et se résolut à dire ce qu'il avait sur le cœur depuis si longtemps :
– Si vous saviez depuis combien de temps j'en rêve, déclara le lancier. J'étais seul dans mon village, impuissant face à l'oppression de ce Régime maudit. Je ne voulais qu'une chose : venger la mort de mon père, tué par ces traitres il y a 10 ans, leur faire payer au centuple la douleur qu'ils m'ont infligé. Puis, je me suis rendu compte que je n'étais pas tout seul. Maintenant que nous sommes tous réunis, nous avons assez de poids pour y parvenir.
Enfin, nous allons pouvoir nous battre. Pour le peuple. Pour la paix.
Il y eut des applaudissements, des hurlements. La foule était galvanisée. Le samouraï n'avait pas fait un grand discours, mais sa sincérité avait su séduire le peuple qui se reconnaissait dans son histoire. Les Six avaient sa confiance. Ensemble, ils se battraient dignement sur le champ de bataille.
– Voici comment, concrètement, nous allons procéder, ajouta l'Envoyée Des Six Samouraïs, décidée à amorcer une discussion plus stratégique. Ecoutez bien car je ne le répèterai pas. Ce soir, notre cible est la ville principale de la région, la Cité aux rizières. C'est là que se trouvent la majorité des troupes Shien. Si nous prenons la ville, la Résistance gagnera le contrôle de la région entière. Mais si nous perdons, ils découvriront notre existence, et s'en sera fini de notre association.
– Vous pensez vraiment qu'une centaine de pov'gars comme nous fra le poids cont' les Shien ? interrompit quelqu'un au loin.
D'autres murmurèrent entre eux, inquiets. Il s'agissait en effet d'un enjeu de taille. L'inquiétude montait dans la salle. Les expériences de combat réel n'étaient déjà pas nombreuses pour ces paysans, alors attaquer la Cité leur paraissait une épreuve insurmontable.
– Ayez confiance en vous ! rétorqua Ben Kei. Nous les commandants, on ne vous a pas appris à vous battre pour rien. Et puis, nous avons les Six samouraïs avec nous !
Les chuchotements se firent moins nombreux. Moyenement convaincus, les hommes attendaient d'en savoir plus. L'Envoyée en profita pour continuer :
– La Cité est protégée par une muraille circulaire qui la recouvre entièrement. Seules quatre portes, situées au Nord, au Sud, à l'Est et à l'Ouest permettent d'y pénétrer.
Elle marqua une pause. Tous attendaient les détails suivants avec impatience. La femme sourit :
– Nous allons les attaquer de partout à la fois, fit elle. Par un assaut synchronisé des quatre portes.
Un brouhaha de contestation résonna presque immédiatement dans la salle, suite à cette annonce qui semblait absurde.
– On est d'ja pas beaucoup, pis en pus faudrait encore se diviser ! cria t-on.
– On court à not' perte ! fit-on remarquer ailleurs.
D'un geste de bras le Samouraï Shiranui tenta d'apaiser ses hommes :
– Peut être trouvez vous cela ridicule, mais cette stratégie a été murement réfléchie par le quartier général. Nous alons les forcer à se disperser sur quatre fronts différents, puis nous faufiler par petits groupes dans les entrailles de la ville. Nous nous retrouverons enfin au centre de la Cité pour libérer la ville, et tuer l'homme qui représente les Shien dans les rizières. Celui que vous haissez tous, qui est responsble de toutes les atrocités qui ont lieu dans la région. Le Bushi Immortel. Ne voulez vous donc pas voir scélérat disparaître ?
L'armée Shien disposait de 1200 soldats chargés de maintenir l'ordre dans la région de manière permanente, dont 500 dans la Cité. Cela faisait plus de 100 hommes par porte, tandis que les résistants ne seraient que 40 environ à chaque point cardinal. La bataille s'annonçait difficile, mais les officiers se montraient confiants.
– On a l'effet de surprise, rassura Ben Kei. On attaque de nuit, vous pensez vraiment que les 500 font leur tour de garde en même temps ?
– Ce n'est pas seulement la taille de l'armée qui compte, ajouta Mataza le Zappeur. Eux ne sont que des pantins du Régime. Vous, vous battez pour vos familles, pour le bonheur de tous. Et lorsque l'on se bat pour les siens, on fait preuve d'une vivacité que l'on aurait même pas soupçonné jusqu'ici.
– Vous…forts ! bégueya la Dame Guerrière des Terres Désolées, qui ne connaissait que quelques mots de japonais.
Grace aux arguments mobilisateurs de leurs chefs, les paysans reprirent confiance. Les inquiétudes avaient été balayées par l'espoir de voir la paix revenir sur les terres qu'ils peuplaient. Le flot de résistant quitta alors progressivement la pièce pour aller s'équiper. Dans une heure, l'assaut serait donné. Il s'y jouerait peut être le premier acte de la chute du Régime.
Il ne restait alors plus que le prince et les Six samouraïs dans la salle. Zanji regarda les officiers quitter la pièce, puis fit discrètement signe au Shiranui.
– Votre majesté, concernant la possibilité qu'il y ait un traitre dans les rangs…
– Je sais. J'en ai informé les Six guerriers ici présent, ainsi que la femme qui vous accompagne. Mais nous ne pouvons rien faire tant qu'il ne s'est pas manifesté. J'ai surveillé les trois officiers susceptibles de l'être : aucun d'entre eux n'a pu communiquer avec l'extérieur pour prévenir les Shien de notre plan, je m'en suis assuré. C'est le plus important. Pour le reste, il faudra être vigilant. Très vigilent.
Il se tourna alors vers les cinq autres guerriers :
– Vous allez devoir vous disperser entre les portes pour diriger nos unités de soldats. Sachez que Mataza est affecté à la porte Sud, Ben Kei à la porte Sud, et la Dame Guerrière à l'Ouest. Il faut qu'au moins un de vous les accompagne à chaque fois, pour justement vérifier que tout se passe conformément au plan. Personnellement, j'irai à l'Est. Quelle porte choisissez vous ?
– J'accompagnerai Mataza, fit Nisashi d'un air déterminé. En tant qu'ainé parmi les Six samouraïs, je suis prêt à m'en occuper seul.
– Dans ce cas, je pense que je vais suivre la Dame Guerrière, laissa entendre un Kamon étrangement souriant. Je pourrai ainsi passer un peu plus de temps avec elle….
– Ce n'est pas un jeu, Kamon ! répliqua immédiatement Yaichi. Je viendrai avec toi, pour éviter que tu fasses n'importe quoi à cette pauvre jeune femme.
– Quant à moi et mon fils, nous serons à vos côtés, votre altesse, précisa l'Envoyée. Nous veillerons à vous assister sur le champ de bataille.
Tous les regards se tournèrent alors vers Yariza, à la recherche d'un signe d'approbation. Celui ci se contenta de fermer les yeux et de hocher la tête vers sa mère. Satisfait de voir que les choses avançaient bien, le Samouraï Shiranui prit les devants pour le reste :
– Ce sera donc la porte Nord pour vous deux, en compagnie de Ben Kei ! Annonça t-il à Zanji et Irou.
Le lancier écarquilla les yeux. Son camarade soupira une énième fois.
– Quoi ? Je vais devoir faire équipe avec ce type ??
– Pff….
– Oh, tu ne vas pas commencer hein ??
– Tu es pathétique….
Visiblement, l'envie de coopérer était aussi faible chez l'un que chez l'autre. Mais le chef de la Résistance, pour qui les affectations étaient arrêtées, n'y prêta pas attention.
Après quelques derniers échanges, on se prépara. Les samouraïs étaient déjà en armure, ils ne leur restait plus qu'à récupérer leurs armes et montures. La Résistance avait à sa disposition les animaux utilisés dans les fermes à proximité, mais aussi des chevaux importés clandestinement depuis tout le pays. On en dénombrait 94 au total, soit un peu plus d'un cheval pour deux combattants. Pendant leur petite discussion les autres avaient pris de l'avance, et ce fut assez rapidement que la petite armée quitta silencieusement le repère souterrain.
Deux simples veilleurs Shien rôdaient dans le village pour y maintenir l'ordre la nuit. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque 150 hommes armés foncèrent vers eux avec colère et hargne ! Ils ne purent rien faire : balayés par le groupe, les hommes se heurtèrent aux lames successives de dizaines de combattants à la suite, avant de finalement s'écrouler au sol, raides morts. La contestation de l'autorité avait commencé.
La petite centaine de chevaux s'élança au galop sur la petite route de gravier au milieu de la nuit.
Les portes de la ville se dessinaient déjà, au loin. C'était bel et bien une forteresse circulaire, protégée par des murailles que l'ennemi surveillait. A l'intérieur s'entassaient les maisonnettes des travailleurs, tandis que les cultures de riz s'étendaient au dehors. Au centre culminait le point le plus haut de la Cité : la demeure du Bushi Immortel.
Sous ses ordres, les troupes se divisèrent en quatre comme convenu, et foncèrent vers les portes. Les hommes saisirent leurs haches, et enfoncèrent les palissades de bois de toutes leurs forces. Alertés par ce fracas, des hommes apparurent aux remparts. On siffla, courut, s'alerta. Mais c'était déjà trop tard. Au 4 points cardinaux, à quelques minutes près, toutes les portes cédèrent.
Enfin, l'assaut allait commencer. Les portes s'étaient écroulées. Les troupes entrèrent en hurlant. Tous coururent en direction de la tour centrale. Au milieu des maisonnées, une grand allée pavée facilitait leur déplacement. Mais rapidement, des gardes vinrent à leur rencontre.
C'est du moins ce qui se passait à la porte Sud. C'était Mataza qui dirigeait les Résistants de l'aile méridionale, avec à ses côtés Nisashi, le plus ancien des Six Samourais. Leur progression avait été bloquée par des Fantassin De Shien. Mais les petits singes n'étaient pas seuls. A leurs côtés se drssait non pas un, mais une dizaine de Légionnaires, reconnaissables à leur armure pourpre aux couleurs du Régime. Ils étaient armés jusqu'au dents.
– Comment ont-ils pu réagir si vite… ? s'interrogea le Zappeur.
– Toi, avec l'armure verte….tu es le chef de ces hommes ?
– …..
– Battons nous.
Cinq des Shien se jetèrent sur lui, sabre en avant. Le bretteur dégaina également, bien décidé à se défendre. Mataza esquiva un dangereux coup vertical, pour mieux pousser son assaillant d'un coup de coude. Quelque soit les techniques utilisées, il fallait à tout prix éviter de se faire encercler.
– Nisashi, viens m'aider ! hurla t-il. Je peux en attaquer deux à la fois, mais là c'est trop pour moi.
Le samouraï accourut immédiatement, malgré sa peur. Il para ainsi une attaque de l'un des cinq assaillants, dans le dos du Résistant. Et dire que les Six samouraïs avaient peiné pour battre un seul de ces officiers écarlates lorsqu'ils avaient été cherché Irou dans les
Montagnes ! Là, c'étaient dix des ces bourreaux que la faible armée de la porte Sud devait affronter. Les cinq autres faisaient bloc pour empêcher les paysans de traverser la grande allée. Les Résistants affrontaient tant bien que mal les petits singes armés de lance, mais il paraissait évident qu'ils n'auraient aucune chance face aux Légionnaires.
– Dispersez vous dans les ruelles ! ordonna leur chef.
Ils s'exécutèrent. C'était bien là le plan de départ. L'adversaire aurait du mal à retrouver les petits groupes armés qui se faufilaient dans la nuit, de maisons en maisons. Pourtant, les Shien suivirent. Torche à la main, les guerriers se séparèrent à leur tour pour traquer l'envahisseur. On entendait par endroits des bruits d'affrontements, des hurlements, des hommes des deux camps qui s'écroulaient au sol. Pas de doute, la bataille avait bien débuté. Sous peu, la Cité serait à feu et à sang.
Dans ce chaos inouï, des habitants effrayés commençaient à sortir de chez eux. Ils fuyaient la violence des Shien, qui avaient entrepris de saccager les maisons à la recherche de Résistants cachés. Un flot humain se forma rapidement, à contresens des guerriers. En plein combat, Nisashi trouva le temps de tourner la tête pour voir où son unité en était. Ce fut pour lui l'occasion de constater les ravages de leurs assauts, à travers ces familles qui couraient vers la sortie de la ville. Une foule de visages terrorisés, de femmes et d'enfants en pleurs. C'est alors que dans la masse, il les vit.
Le regard de Nisashi se décomposa. A tel point qu'il faillit finir transpercé par un ennemi de front. Au loin, parmi les habitants de la ville en fuite, il avait reconnu des silhouettes familières.
– Mais que pourraient-ils faire ici ?
– Nisashi, on a pas le temps de rêvasser !
Les Shien se multipliaient. De nouveaux Fantassins venaient de surgir d'une ruelle, prêts à fondre sur eux. Les silhouettes, elles, s'éloignaient de plus en plus de lui.
– Je ne peux pas me permettre de les perdre de nouveau !
Sans réfléchir plus longtemps, il entreprit de courir à leur rencontre. Il fallait qu'il sache. Il le fallait. C'était plus important que tout. Peut être avait il retrouvé sa famille, qu'il avait quitté pour venir s'entraîner au Temple des Six il y a plusieurs années de ça.
– Tu fuis ? Je croyais que tu avais le sens du devoir !
Nisashi s'arrêta. Derrière lui, il laissait le commandant d'unité seul face à cinq ennemis de taille. Mais en même temps, cette chance de retrouver sa famille était peut être unique. Et celle ci s'éloignait encore….Que devait il faire ?
– Maître….qu'auriez vous fait à ma place ?
– Qu'attends tu ? Reviens m'aider !
– Je….je suis désolé. Je ne peux pas.
Tout pale, le samouraï se jeta dans les ruelles à la poursuite des siens. Des gouttes de sueur froides ruisselaient sous son armure depuis sa nuque, et son cœur battait à la chamade. Lui qui avait toujours eu un code strict de valeurs, qui se devait de représenter un modèle pour ses camarades, avait fini par désobéir à un ordre. Peut être même qu'à cause de son égoïsme, les hommes de la porte Sud n'accompliraient pas leur mission. Désorienté, il ne pouvait plus que courir droit devant, toujours plus loin, pour ne pas se retourner vers son erreur.
Le flot humain se tarissait progressivement. Les habitants apeurés se dispersaient en effet au coin des rues pour ne pas former un troupeau trop facilement repérable. A cause de cela, Nisashi devait rester extrêmement vigilent pour ne pas perdre de vue ceux qu'il poursuivait. Il avait repéré trois personnes qu'il connaissait : sa mère, aux longs cheveux blanchis par le temps, sa petite sœur , vêtue d'un tissu sombre déchiré, et un enfant d'environ six ans. Lorsque Nisashi avait quitté l'exploitation familiale, ce n'était encore qu'un nourrisson.
– MERE ! hurla le guerrier en vert alors qu'un tournant le séparait de nouveau d'eux.
Il traversa à son tour le pâté de maison adjacent. Face à lui, au milieux des autres personnes qui couraient, le petit groupe s'était arrêté.
– Ni….Nisashi ?
– Oui, c'est moi ! Mais que faites vous ici ?
Il voulut courir à leur rencontre, franchir la vingtaine de mètres qui les séparait. Mais quelqu'un le frappa brusquement dans le dos, projetant le jeune homme au sol. Un homme à l'armure rouge, un des fameux officiers.
– On ne laisse pas s'échapper un parasite de cette taille….lâcha le Légionnaire.
– Merde, il m'a suivi….
Cela s'apparentait à un duel. Les deux hommes se faisaient face dans un chemin pavé mais étroit. Derrière le Shien, les citadins paniqués rebroussaient chemin en le voyant. Derrière le samouraï, sa famille attendait, hésitant à son tour entre fuir et lui parler. Tout dépendrait de l'issue du combat.
Il pouvait y parvenir. Le moment était venu de faire ses preuves. Oui, mais la dernière fois, à six, ils n'avaient réussi que de justesse. Et là, il était seul, et sa famille attendait derrière, et… Stop. Le combattant se ressaisit. Non, il ne fallait pas se poser de question. Il fonça, tout simplement. Comme il l'avait toujours fait.
Arrivé devant le Shien, il fit un bon de quelques mètres. Ses deux armes se plantèrent alors dans les épaules de l'ennemi sans qu'il ne puisse réagir. Toutefois, au lieu de s'écrouler, celui ci regardait béatement Nisashi :
– Tu croyais vraiment que ça suffirait ?!
D'un coup de boule, il le repoussa. Il arracha les deux épées de ses articulations, mais les garda en main, tout en plaçant son sabre dans la bouche.
– Un entrainement à toute épreuve…C'est là la force des Shien.
– Nisashi, cours ! cria sa sœur. Tu vas te faire tuer !
– Je…ne fuirai pas….
Il était sans arme, face à un soldat qu'il n'aurait même pas été sur de battre avec. Pourtant une puissante force en lui l'incitait à ne pas partir, à protéger les siens au péril de sa vie.
– Vous m'avez manqué, fit il en souriant.
A main nues, il se jeta sur l'adversaire de toute ses forces. Avec un sourire, ce dernier se prépara à utiliser ses propres armes contre lui. Mais Nisashi étaiit plus rapide. Il se rappela alors des paroles que Mataza avait prononcé plus tôt dans la soirée :
« Ce n'est pas seulement la taille de l'armée qui conte. Eux ne sont que des pantins du Régime. Vous, vous battez pour vos familles, pour le bonheur de tous. Et lorsque l'on se bat pour les siens, on fait preuve d'une vivacité que l'on aurait même pas soupçonné jusqu'ici.»
C'était exactement ça.
D'un coup de poing, il allongea son bras vers la tête de l'ennemi qui tituba, un filet de sang à la bouche. Mais ce n'était pas fini : il profita de son déséquilibre pour le pousser en avant, en plaquant ses deux mains contre son torse. L'autre ne put résister et s'écroula à son tour sur le sol pavé. Il voulut se relever, mais le samouraï lui arracha des main ses épées et les récupéra. A ce moment précis il se sentait invincible, capable de n'importe quel exploit pour voire sourire ceux qui attendaient dans son dos. Cette fois ci, ce ne serait pas dans les épaule qu'il enfoncerait ses lames. Nisashi visa le cœur. L'armure écarlate ne résista pas à la force de ses bras, et le sang du soldat vint bientôt se confondre avec elle. Il l'avait fait.
– Nisashiiiii !
Sa petite sœur courut en sa direction, dans une ruelle devenue silencieuse. Tous les autres avaient fuit, il ne restait plus que la petite famille au milieu du champ de bataille.
– Vous m'avez tellement manqué, répéta le samouraï.
Sa mère tomba dans ses bras, si surprise de voir ce fils qui avait disparu il y a six ans de cela. En pleur, elle prit son visage entre ces bras :
-Tu as changé, mais je te reconnaitrais entre mille. Comme je suis heureuse de t'avoir retrouvé, mon fils !
– Je ne voulais pas partir…exliqua t-il en serrant lui aussi celle qui l'avait vu naître. Nous étions heureux, tous ensemble, à cultiver le riz dans la ferme familiale…Mais quand le Régime a commencé à réquisitionner les récoltes, quand mon frère est mort de faim, j'ai pensé être un fardeau pour la famille. J'ai préféré partir, laisser ma part à mes frères et sœur, moi qui avait 14 ans et pouvait subvenir à mes besoins seul.
– Tu n'a jamais été un fardeau pour nous, lança sa sœur. Tu as toujours été mon héros, grand frère. Je ne voulais pas que tu partes.
Elle se blottit à son tour contre lui, et se mit à pleurnicher comme une enfant. Elle avait maintenant le même âge que lui à son départ, et pourtant elle était restée la même qu'avant son départ, la gamine de 8 ans qu'il avait connu.
– Que faites vous dans cette ville ? Et où sont Père et mes frères ?!
– On s'est réfugié ici dans l'urgence comme beaucoup. La porte Sud ressemble un peu à un bidonville, où ceux qui sont trop pauvres pour vivre s'entassent à la recherche d'un vie meilleure. L'impôt Shien est devenu trop élevé Nous ne pouvions plus leur fournir ce qu'ils demandaient. Alors, nous avons du abandonner nos champs. Je suis désolée, mon fils.
Elle regarda son garçon de six ans, le dernier né de la famille. Il restait étonnamment silencieux devant ce frère qu'il n'avait jamais connu. C'était en partie pour qu'il ne connaisse pas le manque que la famille s'était installée ici. Nisashi le prit dans ses bras. Quel avenir connaîtrait donc cet enfant ?
– J'ai rejoint l'ordre des Six samouraï, déclara t-il. Je suis venu me battre pour libérer la ville. Je voudrais rester avec vous, mais je dois y retourner. Les autres m'attendent…
– Alors la Résistance s'est vraiment formée, sourit elle en relâchant son étreinte. Avec tous les gens qui haïssent les Shien ici, vous allez recevoir du support !
– Vraiment ?!
– Où crois-tu que ton père et tes frères soient ? Presque tous les hommes se sont dressé contre les Shien ce soir pour vous porter leur aide !
Si c'était vrai, alors tout n'était peut être pas perdu. Ils n'étaient plus 30, mais tout un peuple à se dresser contre la tyrannie. Ni les fantassins de Shien, ni les 9 Légionaires restants ne pourraient faire bloc face à un tel engouement.
– Je vais les rejoindre, sourit le samouraï. Mettez vous à l'abri ! Il embrassa les siens, et courut retourner à son poste. Il savait maintenant qu'il avait bien agi et qu'avec sa nouvelle force rejoindre le centre de la Cité ne serait qu'une question de temps.