Chapitre 50 : L’avènement des dieux

Spoiler :

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Au moment où le regard d’Atoum croisa le mien, je sentis une énergie nouvelle m’envahir. Le sceptre Héqa aussitôt répondit à l’appel de Marie. Mon pendentif s’illumina d’une vive lueur blanche qui me happa entièrement.

Lorsque je rouvris les yeux, tout avait disparu. Il n’y avait autour de moi que les ténèbres, ainsi qu’une silhouette, celle d’une femme tout droit sortie de l’époque médiévale. Je la reconnus immédiatement. C’était elle qui avait interrompu le combat entre Hélios et Shadow !

Derrière le masque qu’elle portait, je pouvais distinguer deux pupilles rouge-écarlate qui me fixaient intensément. À l’intérieur, un symbole étrange s’y reflétait, comme des aiguilles d’horloge tordues.

Peu à peu, la silhouette s’estompa, de même que l’obscurité faisait place à une intense clarté. Dans cet immense espace lumineux et vide qui s’offrait à moi se tenait mon Spiritual, Ladd. Le dragon à l’allure humaine me dévisageait avec mécontentement.

— Cette ordure de Gariatron. Même privé de la plupart de ses pouvoirs, il reste bien plus fort que moi. Je vais devoir m’entrainer dur si je veux atteindre mon but, grogna-t-il. Enfin, heureusement que Marie était là pour vous sauver la peau, sinon j’aurais dû recourir à des stratagèmes peu orthodoxes.

— Tu… Tu pouvais le vaincre ? m’étranglai-je. Mais pourquoi tu n’as…

— Je ne suis pas comme lui, Drago. Tous les pouvoirs ne doivent pas être utilisés, rétorqua Ladd en détournant le regard. Bref, je ne suis ici que parce que quelqu’un désire te parler.

Mon Spiritual se décala légèrement sur le côté. Je poussai un cri de surprise. Derrière se trouvait Gariatron… Non. À mieux y regarder, ce n’était qu’Hélios.

J’étais partagé entre la joie de revoir notre allié, et l’appréhension de la signification de son retour.

— Bien le bonjour, Drago, déclara joyeusement le roi déchu. Je vois que vous avez résisté jusqu’ici à Gariatron. Je dois vous avouer que je suis plutôt impressionné, mais pas surpris. Après tout, je n’en attendais pas moins du seigneur Soleil d’Héliopolis.

— Vous pouvez répéter ce que vous venez de dire ? m’exclamai-je interloqué.

— Je peux oui. Mais je n’aime ça…

Ladd lui lança alors un regard noir. Hélios frissonna, puis reprit la parole en se raclant la gorge :

— En fait, j’avais un présent à te remettre.

L’homme enleva la couronne d’or qui trônait sur son crâne pour me la tendre. Comme je ne réagissais pas, il m’attrapa une main et la posa au creux de ma paume :

— À quoi cela va-t-il me servir ?

— Qui sait ?

Sans ajouter un mot, il tourna les talons avant de repartir après avoir salué Ladd.

— Bonne chance pour ce combat, me lança-t-il sans se retourner. Tu peux le faire, je te fais confiance. Après tout, tu es le digne fils de mon vieil ami, Solaris. Nous nous reverrons bientôt, d’ici là, tache de rester en vie.

Les deux silhouettes se dissipèrent lentement, comme deux ombres. Juste après, je me réveillai en plein milieu de la bataille. Le temps semblait s’être arrêté durant mon rêve. Gariatron n’avait pas bougé d’un pouce. Cependant, j’avais désormais en main un petit joyau scintillant. Je le reconnus immédiatement, il se trouvait sur la couronne d’Hélios. Et mystérieusement, une des pierres incrustées dans celle de Gariatron avait disparu.

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À la vue de cette pierre, Gariatron fulmina de rage. Le démon cracha une salve de flammes violettes dans l’espoir de me brûler vif. Toutefois, son attaque se heurta à un bouclier invisible.

Je tournai aussitôt mon regard vers Angéla pour constater avec soulagement que la blonde s’était relevée. Puisant certainement dans ses ultimes forces, elle maintenait sa protection pour dévier le brasier ardent pendant que les lumières qui s’échappaient d’Ethon et Atoum continuaient à luire comme deux phares dans la nuit.

— À toi, Drago ! s’écria mon amie. Finis-en en un seul coup !

Revigoré par ces encouragements, je défiai Gariatron en face à face, déterminé à le vaincre. Je ne pouvais pas échouer. Asuna, ainsi que des milliers de gens, comptaient sur moi. Malgré moi, j’étais leur dernier espoir. Je n’avais peut-être pas l’étoffe d’un héros, mais je possédais le pouvoir de rendre justice.

Soudain, les lumières qui enveloppaient les deux Spirituals divins convergèrent vers le sceptre Héqa qui rayonna de plus belle, sous le regard abasourdi de Gariatron.

— Oh non, misérable humain, je ne te laisserai pas interrompre mes plans maintenant ! hurla-t-il.

Une puissante aura mauve entoura la peau du serpent ailé. Dans sa gueule se forma une sphère d’énergie noire, un trou noir miniature. Il grossissait à vue d’œil, attirant à lui et dévorant tous les débris de notre bataille. Angéla fut obligée de s’agripper fermement au sol pour ne pas être emportée tandis qu’Atoum protégeait du mieux qu’il pouvait le corps inconscient de Laura.

— J’ai assez perdu de temps avec vous, humains ! À présent, subissez la fureur du seigneur de Lithemba : fotiá trygías

En un instant, le trou noir atteignit une taille colossale, aussi grande que la tour Eiffel. Gariatron projeta son météore sombre sur la Terre, l’œil brillant d’une joie malsaine. Alors que l’étoile morte se rapprochait, ce qu’il restait du sol s’émietta, aspiré par cette sphère des ténèbres, tandis que les rares murs qui avaient subsisté étaient purement et simplement réduits à néant au moindre contact.

— Dieu haï de son frère, tué injustement, il est temps pour toi de renaitre une nouvelle fois pour apporter la victoire dans ce combat. Moi, Drago, souverain d’Héliopolis, t’ordonne de te montrer, Osiris !

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Le sceptre Héqa sembla entrer en résonnance avec la pierre que m’avait léguée Hélios. Cette dernière, comme mue par une force invisible, s’envola. Elle traversa le bouclier d’Angéla pour fuser vers le trou noir, enveloppée d’une lumière éclatante.

Alors qu’elle n’était plus qu’à quelques millimètres, un majestueux dragon d’or et d’émeraude se matérialisa tandis que le cristal prit place sur son torse.

Il poussa un rugissement aigu qui emplit l’espace. À cet appel, Atoum et Ethon se changèrent en deux formes lumineuses qui vinrent se loger dans chacune des pattes de la créature. Osiris, avec la puissance des deux Spirituals divins, arrêta net l’ultime attaque de Gariatron, sous les yeux exorbités du démon. Pire, il la repoussait lentement pour la renvoyer à son propriétaire. Fou de rage, notre ennemi cracha nouvelle salve de feu noir dans l’espoir d’éloigner sa propre création, en vain.

— Osiris ! rugit Gariatron. Tu sais aussi bien que moi ce qu’il va se passer si tu me vaincs ici et maintenant ! Aurais-tu oublié que nous, démons originels, sommes les seuls à pouvoir surpasser le destin funeste que Chronos a entrevu ?

— Non. Il y a une autre personne qui le peut, lui répondit le roi des Spirituals d’une voix remplie d’une sagesse infinie.

— Misérable… Tu ne comptes quand même pas sur…

— Il saura nous préserver de cela. C’est ce qu’il a toujours fait. Mais pour l’heure, Izrath a décidé… que l’humanité avait le droit de vivre.

Le démon rugit une nouvelle fois, intensifiant davantage le flot de flammes qui s’échappait de sa gueule. Mais il n’y avait rien à faire. Il continuait à perdre du terrain.

— Finissons-en : Animi Sententia

Osiris joignit ses deux mains afin de tirer un rayon de lumière éclatante qui perça à travers la sphère des ténèbres, remonta le torrent sombre, pour finalement happer notre ennemi. Gariatron poussa un hurlement qui déchira les cieux alors que sa peau brûlait dans un brasier lumineux. Pourtant, il refusait d’abandonner le combat. Dans son œil rouge sang brillait toujours une haine indescriptible envers le roi des Spirituals.

— Je n’en ai pas terminé avec vous, articula difficilement Gariatron en proie aux flammes. J’ai peut-être échoué, mais l’avènement des démons originels est proche ! Ce ne sont pas vos dieux qui vous sauveront face à mes frères et sœurs ! Nous renverserons ce destin injuste qui a été écrit pour nous et nous rétablirons l’équilibre, que vous le vouliez ou non !

L’enveloppe corporelle du démon explosa dans un millier d’étoiles noires, laissant le corps inconscient d’Hélios retomber mollement à terre. Pendant une seconde, une forme sombre s’éleva au-dessus de l’ancien souverain, puis s’évapora dans les airs, dissipant avec elle les nuages et la brume des ténèbres qui s’étaient emparés de la citadelle. Pour la première fois, je pus voir le Soleil d’Izrath baigner les ruines de notre affrontement de ses rayons d’espoir.

Épilogue

Spoiler :

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Deux mois s’étaient écoulés depuis la fin du second mouvement du Purple Requiem. Tout s’était passé si vite. La citadelle mirage, comme Édouard l’avait appelée, s’était volatilisée purement et simplement sans laisser aucune trace de son passage à l’exception de ce profond cratère. À la place du Sphinx de Gizeh, détruit dans la bataille, trônait désormais un mémorial pour les victimes de ce conflit. C’était le moins que je pouvais offrir à mes hommes pour s’être sacrifiés dans ce combat. Et malgré nos pertes, les exploits de la fédération pour repousser les assauts de Purple Revolution — qui n’étaient autres que les membres de l’ex Mafia ESPer démantelée le même jour que la chute de Romain Sawyer et dirigé par son neveu — permirent de redorer son blason après l’affaire du stade de France.

Dès notre retour, nous avions lancé des recherches afin de localiser Drago et les autres, mais également le professeur Ryoko. Même si nous avions réussi à ramener les jeunes sains et saufs dans notre dimension, mon mentor, lui, restait introuvable malgré nos efforts. Il en allait de même pour Éric Sawyer et Shadow, mieux connu sous le nom de Christopher Garden, l’un de nos anciens collègues du projet Hakaze. Hélios quant à lui, était parti en mission au Japon pour aider Masamune et Flore en guise d’excuses pour avoir été l’hôte du démon.

Les blessures du monde avaient beau commencer à cicatriser lentement, je n’étais pas sereine. Il y avait encore de nombreux points à éclaircir, autant sur les menaces de Gariatron que sur les visions de ma fille. Pour le premier, il ne s’agissait que de la continuité de ma promesse à Drago. Le jeune garçon arpentait d’ailleurs le globe en compagnie d’Elwood à la recherche de son amie disparue, dans l’attente de la finalisation de la machine inter dimensionnelle.

Alice, plus inquiète que quiconque au sujet de cette autre dimension, avait tenu à l’accompagner, mais je m’y étais opposé. J’avais besoin d’elle aux laboratoires afin de percer le secret de ses visions lors de la grande bataille.

C’était pour lever ce voile de mystère que j’avais investi des millions dans la construction d’une visionneuse de souvenirs. J’avais personnellement travaillé dessus aux côtés d’Édouard, Masamune et Flore, comme au bon vieux temps. Ces travaux longs et fastidieux me rappelaient beaucoup de choses, heureuses comme malheureuses. Cela n’avait fait que renforcer ma conviction de retrouver un jour Soichiro, non pas ce paria que la société avait fait de lui, mais l’éminent scientifique qu’il aurait dû devenir. Malheureusement, même une catastrophe de l’envergure du Purple Requiem n’avait pas été suffisante pour l’encourager à sortir de sa cachette.

Finalement, après plusieurs mois de dur labeur, nos efforts communs portèrent leurs fruits.

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Je descendis dans les laboratoires de la tour Éther au vingt-cinquième étage et débarquai dans une immense salle entièrement blanche. Là, derrière une vitre, une machine digne de Frankenstein trônait seule entre quatre murs tandis qu’au poste de contrôle se trouvait un écran de taille démesurée. À côté de moi, assis face à son ordinateur à l’arrière-plan rempli de théories complotistes, Édouard peaufinait les derniers réglages avant la mise en route définitive de la visionneuse de souvenirs.

Pendant des semaines, dans le plus grand des secrets, nous avions scanné les rêves d’Alice en les rendant les plus lucides possible avant d’envoyer toutes les informations récoltées à ce super calculateur quantique. Le reste n’était plus que du traitement informatique, un jeu d’enfant pour celui qui avait hacké le système de sécurité d’ESPer à l’époque.

— Oh, mais que vois-je ? Présidente Violet ! Alors comme ça, tu viens contempler les fruits de mon génie maléfique ? Grâce à mon invention, nous pouvons désormais contrôler le monde à distance et…

— Que donne la simulation ? l’interrompis-je.

Le visage d’Édouard s’assombrit aussitôt. Je savais que ce que j’allais visionner n’allait pas me plaire. Toutefois, il fallait que je découvre la vérité. Je devais comprendre ce qu’il s’était passé ce jour-là.

— Violet, déclara-t-il sérieusement. Tout ce que tu verras dans quelques instants… dis-toi que ce n’est pas la réalité. Pas notre réalité.

— Que veux-tu dire ?

Mon camarade de classe ne répondit rien. Il se contenta de cliquer sur un fichier vidéo nommé « Futur ».

Je reculai à la vue de la première image, abasourdie. Des ruines. Le chaos. La destruction. Je reconnus immédiatement le site de l’ancienne académie Rikoukei, dans un état encore plus délabré que je ne l’avais laissé jusque-là. Seul un unique bâtiment tenait toujours debout au milieu de ce chaos : un laboratoire, notre laboratoire, là où Éther avait vu le jour. Quelqu’un avait reconstruit le réacteur Kvantiki à l’intérieur !

Soudain, le décor changea brusquement, passant à l’intérieur des ruines. Ce que je vis me glaça le sang. Un portail était ouvert, semblable à ceux que nous avions imaginés avec Soichiro par le passé. Devant, deux jeunes filles, qui ne devaient pas avoir plus de dix-huit ans, s’avançaient lentement à travers le gouffre, suivies par Hélios. Mais, alors qu’elles s’apprêtaient à le franchir, une silhouette lumineuse illumina les ténèbres et balaya la pauvre infrastructure. Les adolescentes furent soufflées par l’explosion droit dans le vortex. Le roi, lui, tint bon face à la créature qui avait fait son apparition. Je ne pouvais affirmer qu’elle était humaine. La forme de son corps était celle d’un être humain, mais il irradiait une telle lumière qu’il ressemblait davantage à un concentré d’énergie pure.

Hélios se crispa et leva son épée devant lui, prêt à affronter cet ennemi inconnu. Cependant, lorsque l’ancien hôte de Gariatron ouvrit la bouche, je tombai à la renverse, littéralement.

— Ta course folle s’arrête ici, Amon. Ces deux jeunes filles changeront le destin !

Édouard me rattrapa de justesse puis un éclair lumineux passa à l’écran. La vidéo se coupa net.

Ma respiration était saccadée, je suais à grosses gouttes et mes mains tremblaient de façon incontrôlée. Ce n’était pas un rêve. Il s’agissait des souvenirs d’Alice.

— Édouard, dis-moi… dis-moi que ce n’est pas ce que je crois, murmurai-je d’une voix vacillante.

— Violet. As-tu déjà entendu parler du phénomène de déjà-vu ?

— Ce… Ce phénomène que certains interprètent comme des souvenirs d’autres lignes d’univers ? bégayai-je.

— Alice, ta fille… Tu m’as dit que tu l’avais vue être transpercée sous tes yeux, n’est-ce pas ?

— O… Oui.

— Et pourtant, elle est encore parmi nous, en pleine forme. Tu sais tout aussi bien que moi ce que cela signifie.

Chancelante, je me remis debout pour mettre pause sur la dernière image de la vidéo, en gros plan sur le visage de l’homme de lumière.

— L’histoire… L’histoire a été modifiée. Quelqu’un, ou quelque chose protège ce monde, quelqu’un qui connait ce futur, quelqu’un qui a vécu cet enfer, quelqu’un qui a un rapport avec Alice.

Les paroles de Romain Sawyer me revinrent en mémoire, en même temps que l’avertissement de Shadow. D’un seul coup, tout s’emboita dans mon esprit.

Tous deux avaient parlé de cet Amon, cet homme qui essayait désespérément de retourner dans notre dimension, mais dont les projets avaient été contrariés par la présence de Gariatron lors du Purple Requiem. Le leader de Purple Revolution disait-il vrai ? Le démon était-il le seul être capable de nous éviter un tel avenir ? Se pouvait-il que, depuis le début, nous combattions le mauvais ennemi alors que nous avions été avertis de la véritable menace depuis la mort de Romain ?

Je posai à nouveau mon regard sur cette image figée tout droit tirée des souvenirs d’Alice. J’ignorais si tout cela allait se produire, mais une chose était certaine.

— Édouard. Ce n’est pas aujourd’hui que nous allons laver le nom de Soichiro. La fédération Éther a encore du pain sur la planche, déclarai-je solennellement.

— Je te reconnais bien là, Violet, s’amusa le savant fou autoproclamé. Quels sont tes plans donc ?

— Il ne s’agit plus seulement d’aider Drago à sauver son monde désormais. Nous allons mobiliser tous nos laboratoires dans la continuation des projets de Ryoko. Même s’il n’est plus avec nous, il nous a laissé suffisamment de travaux pour que nous les reprenions à grande échelle. Nous ouvrirons un portail vers ce monde qu’il essayait d’atteindre… et nous éliminerons la menace que représente Amon.

Mon ami de l’académie fit les yeux ronds, lui-même surpris par cette réaction.

— Attends… Si je te comprends bien, tu veux…

— Nous partons en guerre dimensionnelle.